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NOTICE

l’heure en sera venue, c’est-à-dire après un millénaire et une nouvelle existence ici-bas, elles recouvreront toute la vertu de leurs ailes, à la condition sans doute de s’être cette fois mieux comportées en amour (cf. 249 ab). Voilà la destinée promise à ceux qui ont connu une amitié dont le fondement, à vrai dire mal assuré et non philosophique, fut pourtant encore un délire d’amour.

La punition des faux amants.

Quant à ceux (256 e 4 sqq.) dont l’amour est vide de tout délire, les prétendus amants du discours de Lysias et du premier discours de Socrate, ce sont seulement de sages calculateurs et, chez le jeune garçon dont ils se sont faits les poursuivants, ils encouragent la même arithmétique misérable. Comment des âmes de cette sorte pourraient-elles s’élever vers le divin ? Elles s’attachent à ce qui est mortel, elles s’accrochent à la terre et n’obtiennent le suffrage que de la foule. Leur punition naturelle sera donc, après la mort, d’être plongées dans un état d’égarement et de rouler ainsi pendant neuf mille années autour de la terre[1] ou sous la terre.

Le discours s’achève (257 a 3 sqq.) comme s’achèvent ceux du Banquet par des paroles d’offrande à l’Amour. Mais ici l’offrande est en même temps expiation : si le Dieu daigne accueillir avec faveur l’une et l’autre, il le témoignera à Socrate en lui conservant la science des choses d’amour et en ne détachant pas de lui la jeunesse[2]. Les derniers mots sont un encouragement à la philosophie, un conseil à Lysias de s’y adonner sans partage, selon l’exemple de Polémarque son

  1. Le Phédon 81 cd parle d’âmes qui, incapables au moment de la mort de se détacher de leur corps, sont retenues du côté du lieu visible et errent à l’entour des tombes. L’eschatologie de 248 e sqq. n’envisage que la destinée souterraine, vers laquelle l’état dont il s’agit ici n’est peut-être qu’un acheminement. — Quant à la substitution du nombre neuf au nombre dix pour les milliers d’années que doit durer l’exil de ces âmes (cf. 248 e fin), elle s’explique sans doute, comme le veut Hermias (205, 23-25), par l’exemption d’épreuve, accordée à toute âme, pour le premier millénaire qui a suivi la révolution céleste au cours de laquelle elle a eu part à la contemplation des réalités absolues (cf. 248 c et p. lxxxvii sq.).
  2. Sur ces deux points, voir les textes rassemblés Banquet p. 72 n. 1 et la Notice p. cvii.