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Nombres cardinaux

b Nombre 1 : masc. : abs. אֶחָד, cst. אַחַ֫ד ; fém. abs. et cst. אַחַ֫ת. La forme primitive est ʾaḥad (comp. arabe ʾaḥad أَحَد). Au sing. il y a redoublement spontané du ח § 20 c. Pour le ◌ֶ de אֶחָד cf. ח § 29 f. La forme primitive du féminin ʾaḥadt est devenue par assimilation de d à t : ʾaḥatt > אַחַ֫ת (§ 17 g), avec ◌ַ final préservé par l’ancien redoublement ; en pause אֶחָ֑ת. — Pluriel : אֲחָדִים quelques, etc., sans féminin dans la Bible. La forme de l’état cst. אַחַד s’emploie aussi en fonction d’état abs. comme forme légère, p. ex. dans le nombre 11 אַחַד עָשָׂר (cf. § 129 m)[1].

c Nombre 2 : masc. : abs. שְׁנַ֫יִם (forme légère contractée שְׁנֵים[2] dans le nombre 12 שְׁנֵים עָשָׂר), cst. שְׁנֵי ; fém. שְׁתַּ֫יִם (forme légère שְׁתֵּים dans שְׁתֵּיםאעֶשְׂרֵה), cst. שְׁתֵּי. Le nombre 2 a la forme d’un duel, comme il est naturel. La forme primitive du masc. est probablement šinai̯im. Le fém. שְׁתַּ֫יִם doit se prononcer šeta̦i̯im avec תּ explosif malgré le shewa mobile qui précède (§ 19 f). La forme primitive *šintai̯im est devenue *šittai̯im ; puis, à l’analogie de שְׁנַ֫יִם (avec simple shewa initial) on a dit שְׁתַּ֫יִם avec shewa, mais en gardant au t le son explosif qu’il avait dans la forme *šittai̯im. La forme anormale est donc une forme hybride : de *šittai̯im elle a gardé le caractère explosif du t (mais non sa longueur), de שְׁנַ֫יִם elle a pris le shewa. Naturellement le תּ reste explosif quand le shewa de mobile devient moyen, p. ex. dans בִּשְׁתַּ֫יִם, בִּשְׁתֵּי.

d Nombres 3-10. Les noms pour 3-10 sont des substantifs collectifs. Chaque nombre a une double forme, masculine et féminine, qu’on peut comparer aux collectifs français un sixain, une dizaine. Une particularité très remarquable des nombres 3-10, remontant au sémitique commun, est que le collectif féminin s’emploie avec les noms masculins et le collectif masculin avec les noms féminins[3].

  1. La forme aphérétique חַד d’Éz 33, 30 † est suspecte.
  2. Comp. אַ֫יִן et la forme légère אֵין § 160 h. — En syriaque on différencie ܠܥܰܝܢܰܘܗܺܝ à ses yeux et ܠܥܹܝܢܰܘܗܺܝ devant lui.
  3. On imiterait en français l’usage sémitique en disant p. ex. : une dizaine d’hommes, et un dizain de femmes. Cet usage curieux n’a pas encore été expliqué d’une façon satisfaisante. Le phénomène semble relever surtout de la psychologie linguistique, et peut-être faut-il y voir principalement une recherche esthétique de dissymétrie. C’est au fond la raison alléguée par le