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l’ennemi. Ii lance donc, à l’endroit où la lutte est la plus vive, une divine chanson qui reproduit dans tout leur éclat, le génie, le brillant, le beau style de Bartolomé Leonardo de Argensola ; elle tomba comme un pétard au milieu des combattants. La chanson qu’Apollon place au rang le plus élevé, commence ainsi : « Quand je m’applique à contempler mon état. »

Le Dieu voit tout, il veille à tout, avec des yeux d’Argus, il commande, défend, modifie ses ordres, et fait face à toutes les surprises de l’ennemi.

La mêlée est si confuse, qu’il est impossible de distinguer les bons et les méchants poëtes, les adeptes de Garsilaso et ceux de Timoneda.

Sur ces entrefaites arriva un jeune homme, étranger à l’ignorance, grand fureteur de toutes les histoires, un foudre par la plume, un tonnerre par la voix, l’âme si bien pourvue de mémoire, de saine volonté et d’intelligence, qu’il fut la gloire de Phœbus et des Muses. Grâce à lui, la victoire ne se fit pas longtemps attendre, car il sut dire : « Celui-ci est digne de louange, et celui-là mérite un châtiment. »

Bientôt on distingue clairement les champions des deux causes, la bonne et la mauvaise ; et la satisfaction est proportionnée au châtiment. Ô Pedro Mantuano, c’est toi, esprit excellent qui sus démêler au milieu de la confusion générale, le vaillant du couard.

Quoique venu un peu tard, Julian de Al-