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en lui disant : Portez ici votre doigt et votre main, et voyez qu’un esprit n’a point, de chair et d’os (Jn. 20,27) : ainsi, dans les derniers jours, il présentera aux Juifs ses plaies et sa croix, afin de leur apprendre que c’est lui-même qu’ils ont crucifié.
La croix est donc un grand, bien, c’est un objet utile et salutaire, un témoignage évident de la bonté divine.
5. Mais non seulement la croix, les paroles mêmes que le Sauveur du monde prononce sur la croix, manifestent sa miséricorde infinie. Voici ces paroles : environné de ceux qui le crucifiaient, en butte à tous les outrages d’une multitude furieuse : Mon Père, disait-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. (Luc. 13,34) Vous voyez la bonté du Seigneur, c’est lorsqu’il était crucifié, qu’il priait pour ceux mêmes qui le crucifiaient. Cependant ils lui adressaient alors leurs railleries insolentes : Si tu es le Fils de Dieu, lui disaient-ils d’un ton moqueur, descends de la croix. (Mat. 17,40-42) Mais c’est parce qu’il était le Fils de Dieu qu’il n’est pas descendu de la croix, lui qui était venu afin d’être crucifié pour nous. Qu’il descende de la croix, disaient les Juifs, afin que nous puissions croire en lui. Entendez-vous le langage de l’endurcissement, et les prétextes de l’incrédulité ! Il a fait quelque chose de plus que de descendre de la croix, sans qu’ils aient cru en lui ; et ils disent maintenant : Qu’il descende de la croix, et nous croirons en lui. N’était-ce pas quelque chose de plus que de descendre de la croix, de faire sortir un mort de son tombeau, dont une pierre fermait l’entrée ? n’était-ce pas quelque chose de plus que de descendre de la croix, de tirer de son sépulcre, avec le linceul dont il était enveloppé, Lazare mort depuis quatre jours ? vous entendez le langage de l’extravagance, vous voyez l’excès de la folie ! Mais écoutez avec la plus grande attention, afin de connaître la bonté infinie de Dieu, et comment Jésus se sert de leur folie même, comme d’un motif pour leur pardonner : Mon Père, dit-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. C’est comme s’il disait : C’est parce qu’ils sont insensés, qu’ils ignorent ce qu’ils font. Les Juifs disaient à Jésus-Christ : Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même. Et Jésus-Christ s’empressait de sauver les Juifs, qui l’accablaient de reproches, de railleries et d’injures : Pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Quoi donc ! leur a-t-il pardonné ? oui, il a pardonné à tous ceux qui ont voulu se repentir. S’il ne leur eût pas pardonné, Paul ne serait pas devenu apôtre ; s’il ne leur eût pas pardonné, trois mille, cinq mille Juifs n’auraient pas cru en lui sur-le-champ, et tant de milliers par la suite. Écoutez ce que saint Jacques dit à saint Paul dans Jérusalem : Vous voyez, mon frère, combien de milliers de Juifs croient en Jésus-Christ. (Act. 21,20)
Imitez donc, je vous en conjure, imitez le Seigneur, et priez pour vos ennemis. Je vous y exhortais hier, je vous y exhorte encore aujourd’hui, parce que je sens toute l’importance de cette vertu. Imitez votre Maître. Il était crucifié, et il priait pour ceux qui le crucifiaient. Et comment, direz-vous, puis-je imiter le Seigneur : vous le pouvez, si vous le voulez. Si chose n’était pas possible, il n’aurait pas dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. (Mat. 2,29) S’il n’était pas possible à l’homme d’imiter un Dieu, saint Paul n’aurait pas dit aux fidèles : Soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ. (1Co. 2,1) Mais si vous ne voulez pas imiter le Seigneur, imitez au moins son disciple ; je parle d’Étienne, qui, le premier, a ouvert les portes du martyre, et qui a marché sur les pas de son Maître. Le Maître, suspendu à la croix, au milieu des Juifs qui l’avaient crucifié, priait pour eux ; le disciple, au milieu des Juifs qui le lapidaient, accablé d’une grêle de pierres qu’ils faisaient pleuvoir sur lui, sans penser aux douleurs de son supplice, s’écriait : Seigneur, ne leur imputez pas cette faute. (Act. 7,59) Vous entendez les paroles que prononcent le Maître et le disciple : l’un dit : Mon père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font; l’autre dit : Seigneur, ne leur imputez pas cette faute. Et afin que vous sachiez quel zèle animait Étienne, c’est qu’il ne priait pas froidement, avec indifférence, ni debout, mais les genoux en terre, avec l’intérêt le plus vif et la charité la plus ardente. Voulez-vous que je vous montre un autre disciple du Fils de Dieu, qui fait pour ses ennemis une prière encore plus généreuse ? écoutez le bienheureux Paul. Après avoir rapporté tout ce qu’il a souffert, après avoir dit qu’il a reçu des Juifs mille mauvais traitements (2Co. 2,23), qu’il a été trois fois battu de verges, une fois lapidé, qu’il a fait trois fois naufrage, après avoir détaillé toutes les persécutions qu’il éprouvait chaque jour de