Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle d’un cône dont la pointe est tournée en-devant, & dont la base échancrée répond aux deux talons. C’est à ce corps spongieux que la fourchette adhere par de petites fibres & des vaisseaux de communication. Que si elle est d’une consistance moindre que le sabot, & même que la sole, c’est que les fibres & les vaisseaux qui la composent sont plus lâches. Que si elle acquiert enfin plus de solidité à sa partie extérieure que dans le reste de son étendue, ce ne sera que parce que le liquide n’y affluera pas, & que ces mêmes fibres & ces mêmes vaisseaux se resserreront toûjours de plus en plus.

Venons à l’application de ces principes ; eux seuls peuvent mettre le maréchal ferrant en état de donner à chaque portion du pié la configuration qu’elle doit avoir, & de remplir par conséquent les deux intentions qu’il doit se proposer dans cette opération.

La premiere de ces intentions est, ainsi que je l’ai dit, d’entretenir le pié dans l’état où il est quand il est régulierement beau ; & la seconde consiste à en réparer les défectuosités lorsqu’il peche dans sa forme, & dans quelques-unes de ses parties.

Un pié qui n’est ni trop gros, ni trop grand, ni trop large, ni trop petit, dont la corne est douce, unie, liante, haute, épaisse & ferme sans être cassante, voyez Pied ; dont les quartiers sont parfaitement égaux, voyez Quartiers ; dont les talons ne seront ni trop hauts ni trop bas, & seront égaux, larges, & ouverts, voyez Talon ; dont la sole sera d’une consistance solide, & laissera au-dessus du pié une cavité proportionnée, voyez Sole ; dont la fourchette enfin ne sera ni trop grasse, ni trop maigre, voyez Fourchette ; & qui d’ailleurs aura la forme de cet ovale tronqué dont j’ai parlé, sera toûjours envisagé comme un beau pié.

Ceux dans lesquels on observera un quartier plus haut que l’autre, voyez Quartier, & qui seront conséquemment de travers, ou dans lesquels un des quartiers se jettera en-dehors ou en-dedans ; ceux dans lesquels les talons seront bas, voyez Talon, seront flexibles, seront hauts, non sujets ou sujets à l’encastelure, voyez ibid. Pied ; qui seront encastelés, qui seront plats, voyez Pied, Sole, Talon ; qui auront acquis cette difformité à la suite d’une fourbure, & dans lesquels on entreverra des croissans, voyez Fourbure, Sole ; qui auront un ou deux oignons, voyez Sole ; qui seront comblés, affectés par des bleymes, voyez ibid. Pied ; qui seront gras ou foibles, voyez Pied ; qui auront des soies, des seymes, voyez Quartiers, Seymes, Soies ; qui seront trop petits, trop longs en pince & en talon, voyez Pied, seront des piés défectueux : ils demanderont toute l’attention du maréchal, qui travaillant avec succès d’après les connoissances que nous avons développées, en corrigera inévitablement les vices, & qui pourra encore remédier aux défauts qu’entraînent celui d’être argué, brassicourt, droit sur ses membres, voyez Bouté, Rampin, Jambes, & ceux de se couper, de forger, voyez Forger, &c.

Ferrure d’un pié naturellement beau. Blanchissez simplement la sole, c’est-à-dire, n’en coupez que ce qu’il en faut pour découvrir la blancheur naturelle ; enlevez le superflu des quartiers, observant d’y laisser dequoi brocher ; ouvrez les talons en penchant le boutoir en-dehors, & non en creusant ; abattez-les de maniere que le pié étant en terre, l’animal soit dans une juste position ; coupez le superflu de la fourchette ; ouvrez la bifurcation jusqu’à l’épanchement d’une espece de sérosité, & non jusqu’au sang, & maintenez par le fer comme par la parure le sabot dans la configuration qu’il avoit.

Ajustez à ce pié un fer qui l’accompagne dans

toute sa forme, qui ne soit ni trop ni trop peu couvert, ni trop leger ni trop pesant, qui ait la même épaisseur aux éponges qu’à la pince, voyez Fer, & qui en ait quelques lignes de plus à la voûte qu’à cette derniere partie. Etampez un peu plus gras en-dehors qu’en-dedans ; qu’il y ait quatre étampures de chaque côté avec une distance marquée à la pince pour séparer celles de chaque branche ; que ces étampures ne soient ni trop grasses ni trop maigres. Voyez Forger un fer ; que le fer au talon ne soit point trop séparé du pié ; que les éponges ne débordent que proportionnément à sa forme ; & que l’on apperçoive enfin pour la grace du contour & de l’ajusture une simple élévation tout-autour de ce fer depuis la premiere étampure jusqu’à la derniere, en passant sur la pince.

L’action de pancher le boutoir en-dehors pour ouvrir les talons ou de les parer à plat, est totalement contraire à la pratique ordinaire de presque tous les maréchaux. Toûjours guidés par une fausse routine, & jamais par le raisonnement, ils ne cessent de creuser au lieu d’abattre, c’est-à-dire qu’ils coupent continuellement la portion de l’ongle qui se trouve entre la fourchette & le talon, ensorte qu’au moment où ils croyent ouvrir cette partie, ils la resserrent de plus en plus : dès qu’ils enlevent en effet l’appui qui étaye & qui sépare le talon & la fourchette, les parois extérieures de l’ongle n’étant plus gênées, contenues, & n’ayant plus de soûtien, se jettent & se portent en-dedans d’autant plus aisément, que le tissu de la corne est tel qu’il tend toûjours à se contracter ; de-là une des causes fréquentes de l’encastelure, & c’est ainsi que le plus beau pié devient difforme quand il est livré à des mains ignorantes. Mais voyons si la méthode que nous prescrivons est réellement établie sur les fondemens inébranlables que nous avons jettés, on en sera toûjours de plus en plus convaincu ; car nous expliquerons dans tous les différens genres de ferrure les raisons qui nous inspirent & qui nous déterminent.

Ici, c’est-à-dire, dans le cas où il s’agit d’un beau pié, nous ne changeons rien à la configuration de l’ongle ; les retranchemens que nous faisons à chaque partie sont tels que chacune d’elle subsiste dans le même état où elle étoit auparavant ; tout l’effet qui en résulte se borne à en diminuer le volume & l’étendue.

Le fer que nous y plaçons accompagne le pié dans toute sa forme, parce que si l’on ne faisoit pas cette attention, il en résulteroit une difformité lors de l’accroissement selon le défaut du fer même. D’ailleurs, si le fer débordoit trop, l’animal se déferreroit ; & s’il ne débordoit pas ou ne couvroit pas assez, les mammelles croîtroient beaucoup plus que ce qui porteroit sur le fer, qui n’appuyant que sur la sole feroit incontestablement boiter le cheval.

Ce même fer ne sera ni trop leger ni trop pesant : dans le premier cas il ne résisteroit pas ; dans le second il ruineroit les jambes de l’animal, & par son propre poids dériveroit & entraineroit les lames. Voyez Fer.

Il y aura même épaisseur aux éponges qu’à la pince, afin que le pié soit toûjours égal par-tout, & qu’une de ses parties n’étant pas plus contrainte que l’autre, les liqueurs ne trouvent pas une résistance plus forte, ce qui les détermineroit à se jetter & à refluer sur les parties moins gênées.

La force de la voûte excédera celle de la pince, parce que l’animal use toûjours plûtôt le fer sur les extrémités de cette portion, & que si la voûte étoit aussi foible, le fer plieroit & porteroit sur la sole.

Il sera étampé plus gras en-dehors qu’en-dedans, parce qu’il doit toûjours plus garnir de ce côté que de l’autre. S’il étoit aussi garni en-dedans, l’animal