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leurs maîtres, & les électuaires ne cesserent de se multiplier jusqu’au tems où la Chimie s’empara heureusement de la Pharmacie, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on sût en état de découvrir & de démontrer que la plûpart des électuaires étoient des préparations monstrueuses, souvent inutiles, quelquefois dangereuses, toûjours très-dégoûtantes pour les malades.

En effet, l’électuaire a d’abord tous les inconvéniens des compositions comme telles : le plus grand de ces inconvéniens est celui qui dépend de l’action chimique ou menstruelle de certains ingrédiens les uns sur les autres ; action qui détruit leurs vertus respectives. (Voyez Composition, Mêlange, Formule.) Or ce défaut doit d’autant plus décréditer tous les électuaires anciens, que leurs auteurs n’avoient aucun secours pour l’éviter. Secondement, la consistance de quelques-uns est telle que ces remedes sont exposés à un mouvement de fermentation qui dénature tous leurs ingrédiens. Cet inconvénient a passé pour un bien dans quelques têtes, nous lui devons en effet la vertu de la thériaque vieille : mais si le hasard nous a bien servi à cet égard, car un produit utile de la fermentation de cent drogues est un vrai présent du hasard, il nous a nui dans tous les autres cas : un électuaire qui a fermenté, est regardé par les connoisseurs comme un électuaire perdu ; & voilà pourquoi la confection hamech, par exemple, telle qu’elle est décrite dans la pharmacopée de Paris, qui, par sa consistance, doit nécessairement fermenter, est une préparation défectueuse. Troisiemement, la difficulté de faire avaler à des malades une once d’un remede aussi dégoûtant qu’un électuaire, doit être comptée pour beaucoup : or c’est-là la dose ordinaire de ce remede ; & ne sût-elle que de deux gros, comme c’est en effet celle de quelques-uns, le tourment d’avaler deux gros d’électuaire doit être épargné à un malade, s’il est possible.

Non seulement les Pharmaciens devenus Chimistes, arrêterent le débordement des électuaires, mais même ils entreprirent de réformer ceux qui étoient le plus en usage. Zwelfer chez les Allemands, le Fevre, Charas, Lémery, chez les François, se sont sur-tout distingués par ce projet. Je n’appelle le travail de ces auteurs que projet ou tentative ; parce que soit qu’ils n’ayent pas assez osé contre l’autorité de la vénérable antiquité, & l’opinion unanime des Medecins de leur tems, soit que les lumieres de leur siecle ne fussent pas encore suffisantes pour produire une réforme complete, soit qu’il fût en effet impossible de faire un bon remede d’un électuaire, on peut avancer que les électuaires corrigés de ces auteurs sont encore des remedes assez imparfaits.

Il me semble donc que tout considéré, on peut proposer de supprimer tous les électuaires, au moins de n’en retenir que le petit nombre qui sont le moins imparfaits, tels que le diascordium, le diaprum, le lénitif, & le catholicon double, &c. Voyez les articles particuliers.

Quand on veut faire un électuaire, on commence par préparer la poudre selon l’art (Voy. Poudre.) ; ensuite si elle ne doit être unie qu’à du miel ou à un syrop, on n’a qu’à la mêler avec soin au miel écumé(Voyez Miel.), ou au syrop qu’on a préparé d’autre part. (Voyez Sirop.) Pour cela, on la répand à diverses reprises & peu-à-peu avec un tamis, & on l’introduit dans le miel ou dans le sirop, on brassant avec un bistortier. S’il doit entrer dans la composition de l’électuaire des pulpes, des extraits, des robs, &c. on délaye ces matieres avec une partie du sirop ou du miel encore chaud, on incorpore les poudres de la maniere que nous venons de dire, & on ajoûte enfin le reste du sirop ou du miel. Les vins s’employent à peu-près de la même façon que

les sirops & le miel, & quelquefois mêlés ensemble. On peut s’en servir aussi pour dissoudre certaines matieres peu propres à être réduites en poudre, comme les sucres épaissis qui entrent dans la thériaque. Voyez Thériaque.

Tous ces mêlanges se font à froid, ou sur un feu très-leger dans quelques cas. Voyez les exemples particuliers.

Il n’y a qu’une seule loi pour la perfection de l’électuaire, c’est que les poudres doivent être répandues très-uniformément, ensorte que l’électuaire ne soit pas grainé ou grumelé ; on voit de quelle conséquence il est qu’on ne trouve pas dans une certaine portion d’un électuaire purgatif de petits amas de poudre composée ordinairement des purgatifs les plus violens.

Nous n’avons parlé jusqu’à présent que des électuaires officinaux ; on en prépare aussi de magistraux, mais qui sont plus connus sous le nom d’opiate. Voy. Opiate. (b)

* ELÉEN, adj. (Mythol.) surnom de Jupiter. Il fut ainsi appellé du temple & de la statue d’or massif qu’il avoit dans la ville d’Elide sur le Pénée.

ELÉGANCE, s. f. (Belles-Lettr.) ce mot vient, selon quelques-uns, d’electus, choisi ; on ne voit pas qu’aucun autre mot latin puisse être son étymologie : en effet, il y a du choix dans tout ce qui est élégant. L’élégance est un résultat de la justesse & de l’agrément. On employe ce mot dans la Sculpture & dans la Peinture. On opposoit elegans signum à signum rigens ; une figure proportionnée, dont les contours arrondis étoient exprimés avec mollesse, à une figure trop roide & mal terminée. Mais la sévérité des premiers Romains donna à ce mot, elegantia, un sens odieux. Ils regardoient l’élégance en tout genre, comme une afféterie, comme une politesse recherchée, indigne de la gravité des premiers tems : vitii, non laudis fuit, dit Aulu-Gelle. Ils appelloient un homme élégant, à-peu-près ce que nous appellons aujourd’hui un petit-maître, bellus homuncio, & ce que les Anglois appellent un beau. Mais vers le tems de Cicéron, quand les mœurs eurent reçû le dernier degré de politesse, elegans étoit toûjours une loüange. Cicéron se sert en cent endroits de ce mot pour exprimer un homme, un discours poli ; on disoit même alors un repas élégant, ce qui ne se diroit guere parmi nous. Ce terme est consacré en françois, comme chez les anciens Romains, à la Sculpture, à la Peinture, à l’Eloquence, & principalement à la Poésie. Il ne signifie pas en Peinture & en Sculpture précisément la même chose que grace. Ce terme grace se dit particulierement du visage, & on ne dit pas un visage élégant, comme des contours élégans : la raison en est que la grace a toujours quelque chose d’animé, & c’est dans le visage que paroit l’ame ; ainsi on ne dit pas une démarche élégante, parce que la démarche est animée.

L’élégance d’un discours n’est pas l’éloquence, c’en est une partie ; ce n’est pas la seule harmonie, le seul nombre, c’est la clarté, le nombre & le choix des paroles. Il y a des langues en Europe dans lesquelles rien n’est si rare qu’un discours élégant. Des terminaisons rudes, des consonnes fréquentes, des verbes auxiliaires nécessairement redoublés dans une même phrase, offensent l’oreille, même des naturels du pays.

Un discours peut être élégant sans être un bon discours, l’élégance n’étant en effet que le mérite des paroles ; mais un discours ne peut être absolument bon sans être élégant.

L’élégance est encore plus nécessaire à la Poésie que l’éloquence, parce qu’elle est une partie principale de cette harmonie si nécessaire aux vers. Un orateur peut convaincre, émouvoir même sans élé-