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sa volatilité même l’action dissociante du feu, tel que l’esprit-de-vin très-rectifié, &c. ou enfin des mixtes ou des composés absolument fixes, tels que l’or, le charbon parfait, le tartre vitriolé, &c. Voyez Volatilité, Fixité, Principe, Feu.

Les diverses matieres que les Chimistes soûmettent à la distillation, éprouvent des changemens essentiellement différens, qui dépendent de la constitution spécifique de chacune de ces matieres. Je divise à cet égard les sujets de la distillation en trois classes, & je pense que cette division est nécessaire pour se procurer des notions précises, distinctes & raisonnées, une théorie exacte de cette opération, que j’ai déjà appellée un moyen chimique fondamental.

La premiere classe des sujets de la distillation renfermera les simples mêlanges, les corps, ou plûtôt les amas formés par confusion (voyez Confusion & Chimie), tels qu’une eau troublée par un vrai précipité ; ou toute autre poudre subtile & insoluble ; une résine précipitée de l’esprit-de-vin par l’eau, & suspendue encore dans le nouveau liquide résultant de l’union de ces deux liqueurs ; une mine de mercure non minéralisé, & simplement répandu dans une terre ou dans une pierre ; du mercure éteint ; les végétaux aromatiques considérés comme contenant des huiles essentielles : car ces huiles ne sont pas avec les principes de la composition du végétal, une union réelle ; elles y sont contenues en masses souvent sensibles dans de petites vésicules particulieres (voyez Huile essentielle). La distillation d’une huile essentielle doit donc être regardée comme démélant des substances confuses, & point du tout comme détruisant une combinaison chimique. On peut grossir cette classe, qui est peu nombreuse, des différens corps dont la mixtion est si aisément dissoluble par l’action du feu, que l’union de leurs principes, quoique réelle ou chimique, peut être reputée nulle, aussi-bien que la résistance qu’ils opposent à leur séparation : telle est l’union de l’esprit-de-vin, & d’une certaine portion d’eau du même esprit, & des résines ; celle de l’eau surabondante à la dissolution des sels, avec la dissolution de ces mêmes sels ; celle de l’esprit recteur des végétaux à leur huile essentielle, &c.

La distillation des substances de cette espece est donc une simple séparation de diverses substances mêlées par confusion ; séparation fondée sur les différens degrés de volatilité spécifique de chacune des substances à séparer : ensorte qu’une condition particuliere essentielle aux amas séparables par la distillation, c’est cette diversité de volatilité spécifique. Les produits, tant volatils que fixes des sujets de notre premiere classe, ne souffrant aucune décomposition, ils restent intérieurement immués ; ils préexistoient dans leur sujet commun, tels qu’ils sont après leur séparation : cette derniere propriété leur est commune avec les sujets de la classe suivante.

Cette seconde classe s’étend à tous les composés formés immédiatement par l’union chimique & la combinaison d’un petit nombre de principes étroitement liés, mais qui peuvent être séparés par la violence du feu, sans réagir que foiblement les uns sur les autres, & assez immués pour qu’on puisse le plus souvent, en les réunissant immédiatement, reproduire le même composé : tels sont la plûpart des sels métalliques fixes, les vitriols, le verdet, le sel de Saturne, quelques autres sels neutres ; savoir le nitre, la terre foliée, &c. Les anciens chimistes ont appellé la distillation de ces substances, édulcoration philosophique. Les amalgames sont encore des sujets de cette seconde classe, qui est peu étendue, parce que les vrais composés ne sont communs ni dans

la nature ni parmi les ouvrages de l’art, & qu’encore faut-il abandonner tous les composés volatils ou absolument fixes, comme nous l’avons déjà observé ; & que ce n’est cependant que dans cet ordre de corps que l’action du feu peut opérer une diacrese vraie & simple (voyez Feu, Diacrese, & ce que nous allons dire tout-à-l’heure des sujets de la troisieme classe.) Or c’est-là précisément l’effet de la distillation sur les substances distillables dont je compose ma seconde classe ; c’est-là aussi son essence, sa propriété distinctive.

La troisieme classe renferme, 1o les tissus ou les corps organisés, c’est-à-dire les végétaux & les animaux entiers, & leurs parties solides ; 2o tous les surcomposés, decomposita (voyez Surcomposé) ; 3o les composés que la distillation ne resout pas seulement en leurs principes, mais qu’elle altere jusque dans la constitution intérieure de ces principes. Ces deux dernieres divisions renferment le plus grand nombre de substances végétales & animales non organisées ; les extraits, les résines, les baumes, les gommes, les gommes-résines, les matieres colorantes, les muqueux, les beurres, les huiles par expression, le sang, la lymphe, la gelée, le lait, &c. (voyez ces articles) : 4o enfin ces corps que l’on peut appeller, quoiqu’avec quelqu’inexactitude, composés & surcomposés artificiels, c’est-à-dire les mixtes ou les composés naturels traités avec des intermedes vrais (voyez Intermedes : voyez analyse menstruelle, sous le mot Menstruelle, & analyse végétale, au mot Végétal.) Au reste il faut observer que la plûpart de ces corps pouvent être regardés comme sujets de la premiere classe dans un certain cas ; savoir lorsqu’on n’en sépare par la distillation que des principes très-peu adhérans, une partie aromatique, les huiles essentielles dont nous avons déjà parlé, une certaine portion d’eau, & c. & qu’on épargne leur composition intime, par la maniere dont on leur applique le feu. Voyez Feu.

Ce qui fait différer essentiellement la distillation de ce genre de matieres de celle des deux autres, c’est que les différens principes de ces corps étant mis en jeu par le feu, s’attaquent diversement, & que quelques-uns d’entr’eux contractent de nouvelles combinaisons, tandis que d’autres qui auroient résisté à l’action du feu seul, ne sont dégagés qu’à la faveur de ces combinaisons nouvelles. Une propriété particuliere à la distillation des substances de cette classe, c’est d’échauffer les substances combustibles à un point plus que suffisant pour les enflammer, sans qu’elles s’enflamment en effet. On a comparé les produits de cette distillation à la fumée, il falloit dire à la fumée sans flamme. La distillation dont nous parlons, differe essentiellement par ce phénomene, de la combustion à l’air libre, ou inflammation, qui est un autre moyen d’analyse très efficace. Voyez Inflammation, Combustion, Analyse végétale, au mot Végétal.

On exécute la distillation des substances des trois classes, dans une vûe philosophique ou dans une vûe œconomique.

La distillation des substances purement confondues, est d’une utilité fort bornée au premier égard, parce qu’il est des moyens plus simples de reconoître dans les sujets de cette classe, les corps qu’on pourroit aussi en séparer par la distillation, & que les sens suffisent pour les y discerner. Son utilité est plus étendue au second égard, elle fournit un moyen prompt & commode de retirer, abstrahere, certaines liqueurs employées à divers travaux chimiques, & qui sont d’un prix assez considérable pour qu’on les retienne avec profit par ce moyen ; tels sont les corps suivans : l’esprit de vin superflu à la dissolution de certaines matieres végétales, dans la concentration des