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tions qui s’en dérivent, comme la traction. Voyez ces deux mots. En effet, lorsqu’un corps en pousse un autre, cela vient de ce que l’un & l’autre corps sont impénétrables ; il en est de même lorsqu’un corps en tire un autre : car la traction, comme celle d’un cheval attaché à une voiture, n’est proprement qu’une impulsion. Le cheval pousse la courroie attachée à son poitrail ; & cette courroie étant attachée au char, le char doit suivre.

On peut donc regarder l’impénétrabilité des corps, comme une des causes principales des effets que nous observons dans la nature ; mais il est d’autres effets dont nous ne voyons pas aussi clairement que l’impénétrabilité soit la cause : parce que nous ne pouvons démontrer par quelle impulsion méchanique ces effets sont produits ; & que toutes les explications qu’on en a données par l’impulsion, sont contraires aux lois de la méchanique, ou démenties par les phénomenes. Tels sont la pesanteur des corps, la force qui retient les planetes dans leurs orbites, &c. Voy. Pesanteur, Gravitation, Attraction, &c.

C’est pourquoi, si on ne veut pas décider absolument que ces phénomenes ayent une autre cause que l’impulsion, il faut au moins se garder de croire & de soûtenir qu’ils ayent l’impulsion pour cause ; il est donc nécessaire de reconnoître une classe d’effets, & par conséquent de causes dans lesquelles l’impulsion ou n’agit point, ou ne se manifeste pas.

Les causes de la premiere espece, savoir celles qui viennent de l’impulsion, ont des lois très-connues ; & c’est sur ces lois que sont fondées celles de la percussion, celles de la dynamique, &c. Voyez ces mots.

Il n’en est pas de même des causes de la seconde espece. Nous ne les connoissons pas ; nous ne savons donc ce qu’elles sont que par leurs effets : leur effet seul nous est connu, & la loi de cet effet ne peut être donnée que par l’expérience, puisqu’elle ne sauroit l’être à priori, la cause étant inconnue. Nous voyons l’effet, nous concluons qu’il a une cause : mais voilà jusqu’où il nous est permis d’aller. C’est ainsi qu’on a découvert par l’expérience la loi que suivent les corps pesans dans leur chûte, sans connoître la cause de la pesanteur.

C’est un principe communément reçû en Méchanique, & très-usité, que les effets sont proportionnels à leurs causes. Ce principe pourtant n’est guere plus utile & plus fécond que les axiomes. Voy. Axiome. En effet je voudrois bien savoir de quel avantage il peut être.

1°. S’il s’agit des causes de la seconde espece, qui ne sont connues que par leurs effets, il ne peut jamais servir de rien. Car si on ne connoît pas l’effet, on ne connoîtra rien du tout ; & si on connoît l’effet, on n’a plus besoin du principe ; puisque deux effets différens étant donnés, on n’a qu’à les comparer immédiatement sans s’embarrasser s’ils sont proportionnés ou non à leurs causes.

2°. S’il s’agit des causes de la premiere espece, c’est-à-dire des causes qui viennent de l’impulsion, ces causes ne peuvent jamais être autre chose qu’un corps qui est en mouvement, & qui en pousse un autre. Or, non-seulement on a les lois de l’impulsion & de la percussion indépendamment de ce principe : mais il seroit même possible, si on s’en servoit, de tomber dans l’erreur. Je l’ai fait voir, article 119 de mon traité de dynamique, & je vais le répéter ici en peu de mots.

Soit un corps M qui choque avec la vîtesse u un autre corps en repos m ; il est démontré (voyez Percussion) que la vîtesse commune aux deux corps après le choc sera . Voilà, si l’on veut, l’effet ; la cause est dans la masse M ; animée de la vîtesse u. Mais quelle fonction de M & de u prendra-t-on pour

exprimer cette cause ? sera-ce Mu, ou Muu, ou , ou , &c. & ainsi à l’infini ? D’ailleurs, laquelle de ces fonctions qu’on prenne pour exprimer la cause, la vîtesse produite dans le corps m variera à mesure que m variera, & ne sera point par conséquent proportionnelle à la cause, puisque M & u restant constans, la cause reste la même. On dira peut-être que je ne prends ici qu’une partie de l’effet, savoir la vîtesse produite dans le corps m, & que l’effet total est , c’est-à-dire la somme des deux quantités de mouvement, laquelle est égale & proportionnelle à la cause Mu. A la bonne-heure. Mais l’effet total dont il s’agit, est composé de deux quantités de mouvement, qu’il faut que je connoisse séparément ; & comment les connoîtrai-je avec ce principe, que l’effet est proportionnel à sa cause ? Il faudroit donc diviser la cause en deux parties pour chacun de deux effets partiels : comment se tirer de cet embarras ?

Il seroit à souhaiter que les Méchaniciens reconnussent enfin bien distinctement que nous ne connoissons rien dans le mouvement que le mouvement même, c’est-à-dire l’espace parcouru & le tems employé à le parcourir, & que les causes métaphysiques nous sont inconnues ; que ce que nous appellons causes, même de la premiere espece, n’est tel qu’improprement ; ce sont des effets desquels il résulte d’autres effets. Un corps en pousse un autre, c’est-à-dire ce corps est en mouvement, il en rencontre un autre, il doit nécessairement arriver du changement à cette occasion dans l’état des deux corps, à cause de leur impénétrabilité ; l’on détermine les lois de ce changement par des principes certains, & l’on regarde en conséquence le corps choquant comme la cause du mouvement du corps choqué. Mais cette façon de parler est impropre. La cause métaphysique, la vraie cause nous est inconnue. Voyez Impulsion.

D’ailleurs quand on dit que les effets sont proportionnels à leurs causes, ou on n’a point d’idée claire de ce qu’on dit, ou on veut dire que deux causes, par exemple, sont entr’elles comme leurs effets. Or, si ce sont deux causes métaphysiques dont on veut parler, comment peut-on avancer une telle assertion ? Les effets peuvent se comparer, parce qu’on peut trouver qu’un espace est double ou triple, &c. d’un autre parcouru dans le même tems : mais peut-on dire qu’une cause métaphysique, c’est-à-dire qui n’est pas elle-même un effet matériel, & pour ainsi dire palpable, soit double d’une autre cause métaphysique. C’est comme si on disoit, qu’une sensation est double d’une autre ; que le blanc est double du rouge, &c. Je vois deux objets dont l’un est double de l’autre : peut-on dire que mes deux sensations sont proportionnelles à leurs objets ?

Un autre inconvénient du principe dont il s’agit, c’est le grand nombre de paralogismes dans lequel il peut entraîner, lorsqu’on sait mal démêler les causes qui se compliquent quelquefois plusieurs ensemble, pour produire un effet qui paroît unique. Rien n’est si commun que cette mauvaise maniere de raisonner. Concluons donc que le principe dont nous parlons est inutile, & même dangereux. Il y a beaucoup d’apparence que si on ne s’étoit jamais avisé de dire que les effets sont proportionnels à leurs causes, on n’eût jamais disputé sur les forces vives. Voy. Force. Car tout le monde convient des effets. Que n’en restoit-on là ? Mais on a voulu subtiliser, & on a tout brouillé au lieu d’éclaircir tout. (O)

Cause procatarctique, en Medecine, signifie la cause ou l’occasion originale, primitive, ou préexistante d’un effet.

Ce mot vient du Grec, προκαταρκτικὸς, qui est formé du verbe προκατάρχω, je préexiste, je vais devant.

Telle est, par exemple, une maladie qui s’unit &