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par les marchands à qui la coupe a été adjugée.

Vuidange de terre, c’est le transport des terres fouillées, qui se marchande par toises cubes, & dont le prix se regle selon la qualité des terres & la distance qu’il y a de la fouille au lieu où elles doivent être portées.

On dit aussi vuidange de fosse d’aisance. Daviler. (D. J.)

VUIDE, s. m. (Phys. & Métaph.) espace destitué de toute matiere. Voyez Espace & Matiere.

Les philosophes ont beaucoup disputé dans tous les tems sur l’existance du vuide, les uns voulant que tout l’univers fût entierement plein, les autres soutenant qu’il y avoit du vuide. Voyez Plein.

Les anciens distinguoient le vuide en deux especes : vacuum coacervatum & vacuum disseminatum ; ils entendoient par le premier un espace privé de toute matiere, tel que seroit l’epace renfermé par les murailles d’une chambre, si Dieu annihiloit l’air & tous les autres corps qui y sont. L’existence de ce vuide a été soutenue par les Pythagoriciens, par les Epicuriens & par les atomistes ou corpusculaires, dont la plûpart ont soutenu que le vuide existoit actuellement & indépendamment des limites du monde sensible ; mais les philosophes corpusculaires de ces derniers tems, lesquels admettent le vacuum coacervatum, nient cette assertion, entant que ce vuide devroit être infini, éternel & non créé. Voyez Univers.

Suivant ces derniers, le vacuum coacervatum, indépendamment des limites du monde sensible, & le vuide que Dieu feroit en annihilant les corps contigus, ne seroit qu’une pure privation ou néant. Les dimensions de l’espace qui, selon les premiers, étoient quelque chose de réel, ne sont plus, dans le sentiment des derniers, que de pures privations, que la négation de la longueur, de la largeur & de la profondeur qu’auroit le corps qui rempliroit cet espace. Dire qu’une chambre dont toute la matiere seroit annihilée, conserveroit des dimensions réelles, c’est, suivant ces philosophes, dire cette absurdité, que ce qui n’est pas corps, peut avoir des dimensions corporelles.

Quant aux Cartésiens, ils nient toute espece de vacuum coacervatum, & ils soutiennent que si Dieu annihiloit toute la matiere d’une chambre, & qu’il empêchât l’introduction d’aucune autre matiere, il s’ensuivroit que les murailles deviendroient contiguës, & ne renfermeroient plus aucun espace entr’elles ; ils prétendent que des corps qui ne renferment rien entr’eux, sont la même chose que des corps contigus ; que dès qu’il n’y a point de matiere entre deux corps, il n’y a point d’étendue qui les sépare. Etendue & corps, disent-ils, signifient la même chose. Or s’il n’y a point d’étendue entre deux corps, ils sont donc contigus, & le vuide n’est qu’une chimere ; mais tout ce raisonnement porte sur une méprise, en ce que ces philosophes confondent la matiere avec l’étendue. Voyez Etendue & Espace.

Le vuide disséminé est celui qu’on suppose être naturellement placé entre les corps & dans leurs interstices. Voyez Pore.

C’est sur cette espece de vuide que disputent principalement les philosophes modernes. Les corpusculaires le soutiennent, & les Péripatéticiens & les Cartésiens le rejettent. Voyez Corpusculaires, Cartésianisme, &c.

Le grand argument des Péripatéticiens contre le vuide disséminé, c’est qu’on voit différentes sortes de corps qui se meuvent dans certains cas, d’une maniere contraire à leur direction & inclination naturelle, sans autre raison apparente que pour éviter le vuide ; ils concluent de-là que la nature l’abhorre, & ils font une classe de mouvemens qu’ils attribuent tous à cette cause. Telle est, par exemple, l’ascen-

sion de l’eau dans les seringues & dans les pompes.

Mais comme le poids & l’élasticité de l’air ont été prouvés par des expériences incontestables, tous ces mouvemens sont attribués avec raison à la pression causée par le poids de l’air. Voyez Seringue, Air, Pompe, Ventouse, &c.

Les Cartésiens ne nient pas seulement l’existence actuelle du vuide, mais sa possibilité, & cela sur ce principe que l’étendue étant l’essence de la matiere ou des corps, tout ce qui est étendu, est matiere, l’espace pur & vuide qu’on suppose étendu, doit être matériel, selon eux. Quiconque, disent-ils, admet un espace vuide, conçoit des dimensions dans cet espace, c’est à-dire une substance étendue, & par conséquent il nie le vuide en même tems qu’il l’admet.

D’un autre côté, les physiciens corpusculaires prouvent par plusieurs considérations, non-seulement la possibilité, mais l’existence actuelle du vuide ; ils la déduisent du mouvement en général, & en particulier du mouvement des planetes, des cometes, de la chûte des corps, de la raréfaction & de la condensation, des différentes gravités spécifiques des corps, & de la divisibilité de la matiere.

I. On prouve d’abord que le mouvement ne sauroit être effectué sans vuide. Voyez Mouvement. C’est ce que Lucrece a si bien rendu dans son poëme.

Principium quoniam cedendi nulla daret res ;
Undique materies quondam stipata fuisset.

La force de cet argument est augmentée par les considérations suivantes.

1°. Que tout mouvement doit se faire en ligne droite ou dans une courbe qui rentre en elle-même, comme le cercle & l’ellipse, ou dans une courbe qui s’étende à l’infini, comme la parabole, &c.

2°. Que la force mouvante doit toujours être plus grande que la résistance.

Car de-là il suit qu’aucune force même infinie ne sauroit produire un mouvement dont la résistance est infinie, & par conséquent que le mouvement en ligne droite ou dans une courbe qui ne rentre point en elle-même, seroit impossible dans le cas où il n’y auroit point de vuide, à cause que dans ces deux cas la masse à mouvoir & par conséquent la résistance doit être infinie. De plus, de tous les mouvemens curvilignes, les seuls qui puissent se perpétuer dans le plein, sont ou le mouvement circulaire autour d’un point fixe, & non le mouvement elliptique, ou d’une autre courbure, ou le mouvement de rotation d’un corps autour de son axe, pourvû encore que le corps qui fait sa révolution, soit un globe parfait ou un sphéroïde ou autre figure de cette espece ; or de tels corps ni de telles courbes n’existent point dans la nature : donc dans le plein absolu il n’y a point de mouvement : donc il y a du vuide.

II. Les mouvemens des planetes & des cometes démontrent le vuide. « Les cieux, dit M. Newton, ne sont point remplis de milieux fluides, à moins que ces milieux ne soient extrèmement rares : c’est ce qui est prouvé par les mouvemens réguliers & constans des planetes & des cometes qui vont en tout sens au-travers des cieux. Il s’ensuit évidemment de-là que les espaces célestes sont privés de toute résistance sensible & par conséquent de toute matiere sensible ; car la résistance des milieux fluides vient en partie de l’attrition des parties du milieu, & en partie de la force de la matiere qu’on nomme sa force d’inertie. Or cette partie de la résistance d’un milieu quelconque, laquelle provient de la ténacité, du frottement ou de l’attrition des parties du milieu, peut être diminuée en divisant la matiere en des plus petites parcelles, & en rendant ces parcelles plus polies & plus glissantes.