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che-aumône, la tenure en franc-aleu, la tenure en fief par hommage, la tenure par parage, la tenure par bourgage, la tenure en censive. Voyez l’article 103. de la coutume de Normandie, & les mots Aleu, Aumone, Bourgage, Censive, Fief, Foi, Franc-Aleu, Hommage, Parage. (A)

Tenure, (Rubanier.) se dit de quelques superfluités qui se trouvent dans les soies de la chaîne, qui occasionnent des filanderies qui, par le continuel frottement du travail, se confondant ensemble, empêchent entr’elles la levée des brins qu’elles occupent, & les font casser quelquefois l’un & l’autre, si l’on n’y remédie de bonne heure ; ce qui se fait en arrachant ces filanderies avant qu’elles ayent acquis plus de tenuité.

TENZEGZET, (Géog. mod.) ville d’Afrique, au royaume de Trémeçen, sur le haut d’un rocher, entre Frez & Trémeçen, proche la riviere de Tefma. Les Turcs en sont les maîtres, & y tiennent garnison. (D. J.)

TÉORREGU, (Géog. mod.) contrée d’Afrique, dans la Barbarie, entre Tripoli & le désert de Barca. C’est une contrée presque déserte, & qui ne porte que des palmiers. Long. 36. 5. latit. 26. 57. (D. J.)

TÉOS, (Géog. anc.) ville de l’Asie mineure, dans l’Ionie, sur la côte méridionale d’une péninsule, vis-à-vis de l’île de Samos, entre Chalcis & Lebedus. Strabon, l. XIV. p. 644. lui donne un port ; mais du tems d’Anacréon, les habitans de Téos ne pouvant souffrir les insultes des Perses, abandonnerent leur ville, & se retirerent à Abdere ville de Thrace, ce qui donna lieu au proverbe :

Ἄβδηρα καλὴ Τηίων ἀποικία.
Abdera pulchra Teiorum colonia.

Cependant dans la suite quelques-uns d’entr’eux y retournerent. Hérodote, l. I. c. clxviij. loue ces peuples d’avoir mieux aimé abandonner leur ville, que de vivre dans l’esclavage. Ils furent traités plus doucement par les Romains que par les Perses. On en cite pour preuve le grand nombre de médailles que cette ville fit frapper à l’honneur de divers empereurs. Il nous en reste d’Auguste, de Néron, de Domitien, de Commode & de Valerion, sur lesquelles on lit ces mots ΤΗΙΩΝ, Teiorum.

Dans une de ces médailles, Auguste est dit fondateur de la ville de Téos, parce qu’il l’avoit fait réparer, ou parce qu’il l’avoit embellie Cellarius, Géogr. ant. l. III. c. iij. prétend qu’on ne doit avoir aucun égard à ce que dit Pline, lorsqu’il fait entendre que la ville de Téos étoit dans une île de même nom. Le P. Hardouin n’est pas de ce sentiment : il dit à la vérité avec Strabon & avec divers autres anciens, que la ville de Téos étoit dans une péninsule, mais de façon que cette péninsule devenoit une île, lorsque la mer étoit haute & agitée. C’est un tempérament que l’envie de sauver l’honneur de Pline lui a fait imaginer.

2°. Téos, ville de Scythie. Etienne le géographe la donne aux Dyrbœi.

C’est Téos de l’Ionie qui est la patrie d’Anacréon. Horace l’a peint en deux mots, Ode IX. l. IV. « Le tems n’a rien ôté de son prix à l’élégant badinage d’Anacréon ».

Nec, si quid olim lusit Anacreon
Delevit ætas.

C’est tout Anacréon peint d’un seul trait. Personne n’a su mieux que lui badiner avec légereté, avec délicatesse, avec naïveté. Ses poésies ne sont que des chansonnetes produites par sentiment plutôt que par réflexion. On voudroit seulement qu’il eût plus respecté la pudeur dans la peinture qu’il nous fait des plaisirs. Il fleurissoit, selon M. le Fevre, dans la

lxxij. olympiade, vers l’année 263 de Rome, 489 avant Jesus-Christ ; mais c’est s’exprimer trop vaguement. Je ne saurois marquer d’olympiade précise pour un homme qui a vécu 85 ans, d’autant mieux qu’Eusebe a choisi la lxij. olympiade, & Suidas la lij. ce qu’il y a de sûr, c’est qu’Anacréon fleurissoit au tems que Polycrate regnoit à Samos, & qu’Hypparchus jouissoit à Athènes de la domination que son pere Pisistrate y avoit usurpée. Cambyses étoit alors roi de Perse ; & c’est ce qu’il est bon de remarquer, afin que les lecteurs puissent se représenter avec plus de facilité le tems auquel Anacréon a vécu.

On trouve dans ses poésies la passion dont il brûloit pour Bathyllus, & ce seul exemple refute l’excessive charité d’Elien, & celle de M. Lefevre pour le poëte de Téos. Valere Maxime, l. IX. c. xij. attribue sa mort à un pépin qui l’étrangla ; & il ajoute, qu’une fin si douce n’étoit dûe qu’à une faveur particuliere des dieux.

On connoit les éditions d’Anacréon données par Henri Etienne, Tannegui Lefevre, Barnes, Baxter, & Corneille de Pauw. L’édition de ce dernier littératteur a paru à Utrecht en 1732, in-4°. Non-seulement il y parle avec le dernier mépris de tous les commentateurs d’Anacréon qui l’ont précédé, mais même des poésies qu’il publie, déclarant nettement qu’il ne pense pas qu’il y en ait aucune qui soit d’Anacréon. Il prétend que comme il s’en trouve de mauvaises dans le recueil d’Henri Etienne, faussement attribuées à Anacréon, il pourroit en être autant de celles qui sont bonnes. Il remarque enfin, que Suidas avoit dit qu’Anacréon écrit en dialecte ionienne, très-différente de celle dans laquelle sont la plûpart des odes qui portent le nom d’Anacréon.

Le système de ce littérateur est aussi singulier que ridicule ; rien de plus aisé que de le détruire. Ce n’est pas uniquement parce que les odes dont il s’agit sont bonnes qu’on les a attribuées à Anacréon, mais sur le consentement des manuscrits, qui est décisif en ces sortes de matieres ; & s’il se rencontre quelques pieces, sur la legitimité desquelles les savans aient quelque doute, cela ne fait rien pour le corps même du recueil, qui, suivant toutes les regles d’une saine critique, restent toujours à celui que les manuscrits en désignent comme l’auteur.

On répond au raisonnement de M. Pauw, fondé sur le témoignage de Suidas, qu’indépendamment de la quantité de vers qu’on peut citer, qui sont remplis de mots uniquement employés par les auteurs qui on écrit en dialecte ionienne ; l’exemple d’Hérodote prouve que la conséquence de l’éditeur n’est pas juste. Le petit nombre d’ionismes qui se voyent dans cet historien, n’empêche pas qu’on ne le laisse dans une possession paisible de son histoire ; le petit nombre de ceux qu’on rencontre dans les odes d’Anacréon, ne doit pas non plus empêcher qu’on ne l’en reconnoisse l’auteur, d’autant plus que les poëtes se sont moins astreints que les écrivains en prose, à se servir de la même dialecte.

Mais voici trois raisons tranchantes contre M. Pauw ; on lui oppose, 1°. que les ouvrages d’Anacréon subsistoient du tems d’Horace & du tems d’Ovide : est-il difficile de concevoir que dans la haute réputation où ils étoient ils ont pu se conserver jusqu’à Aulugelle qui les cite ? 2°. Il se trouve dans l’anthologie & sous le nom d’Anacréon quelques-unes de ces mêmes odes qu’on retrouve dans le recueil qui nous reste. 3°. Alcyonius dans son premier livre de exilio, dit avoir entendu raconter dans sa jeunesse à Démétrius Chalcondyle, que les prêtres avoient si bien fait auprès des empereurs de Constantinople, qu’ils avoient obtenu d’eux qu’on brûleroit les exemplaires des anciens lyriques grecs,