Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/579

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un tems ordinaire : il est sûr encore que l’acte vénérien assurément très-déplacé pendant cette opération, a été suivi plus d’une fois des accidens les plus funestes, & même de la mort, & qu’un exercice trop considérable est aussi très-pernicieux. Mais la foiblesse, l’abattement, la flaccidité qui accompagnent ordinairement l’opération des purgatifs, même chez les sujets les plus vigoureux, met bon ordre à ce qu’on ne tombe pas bien communément dans ces deux derniers excès.

On peut sous un certain point de vûe, placer dans la classe des objets qui occupent le médecin, après l’opération d’un purgatif, le soin d’arrêter son action lorsqu’elle va trop loin, qu’elle est excessive, qu’elle produit la superpurgation. Les remedes généraux contre cet accident, sont les délayans & les adoucissans ; par exemple, la boisson abondante d’eau tiéde, soit pure, soit chargée de quelque mucilage leger, tel que celui de guimauve, de graine de lin, ou bien de quelques-uns des corps doux ci-dessus indiqués ; d’eau de poulet ; de petit-lait ; d’émulsion ; d’huile d’olive ou d’amandes-douces ; & en particulier pour les purgatifs résineux qui sont éminemment sujets à cet accident. L’eau chargée de sucre presqu’à consistance sirupeuse, & les jaunes d’œuf battus, sans addition ; car ces corps sont des moyens d’union entre les humeurs intestinales, aqueuses, & les corps résineux, & une résine âcre, dissoute, ou au moins mouillée par un dissolvant approprié, ne produit plus l’effet qu’elle produisoit sous la forme de molécules, appliquées intérieurement au velouté des intestins. Voyez Sucre, Œuf, & la fin de l’article Emulsion, Scammonée, Jalap.

L’usage assez généralement suivi de prendre un ou plusieurs lavemens après l’opération d’une médecine, ne peut qu’être approuvé : ces lavemens qui sont ordinairement simplement délayans & adoucissans, & qui ne sont composés que d’eau simple & d’une cuillerée d’huile d’amande-douce, servent au moins à rincer les gros intestins, à les baigner, les humecter, & remédient par-là à la sécheresse & à l’augmentation de sensibilité que le purgatif y a nécessairement causé. (b)

PURGATION, (Jurisprud.) on entend par ce terme, les différentes formes dont on usoit anciennement pour se justifier de quelque fait dont on étoit prévenu.

Il y avoit deux sortes de purgation, celle qu’on appelloit purgation vulgaire & la purgation canonique.

La purgation vulgaire consistoit en des épreuves superstitieuses, par l’eau froide, par l’eau bouillante, par le feu, par le fer ardent, par le combat en champ clos, par la croix, l’eucharistie, & par le pain d’orge & le fromage de brebis ; l’ignorance & la crédulité des peuples fit introduire ces preuves, & les juges peu éclairés eux-mêmes les adopterent ; elles acquirent tant d’autorité, qu’on les appella jugemens de Dieu. Voyez ci-devant Combat en champ clos, Duel & Epreuve.

La purgation canonique fut ainsi appellée, parce qu’elle étoit autorisée par les canons. Voyez l’article suivant.

Purgation canonique, (Hist. mod.) cérémonie très-usitée depuis le huitieme jusqu’au douzieme siecle, pour se justifier, par serment, de quelqu’accusation en présence d’un nombre de personnes dignes de foi, qui affirmoient de leur côté, qu’ils croyoient le serment véritable.

On l’appelloit purgation canonique, parce qu’elle se faisoit suivant le droit canonique, & pour la distinguer de la purgation qui se faisoit par le combat, ou par les épreuves de l’eau & du feu. Voyez Combat & Epreuve.

« Le serment, dit M. Duclos, dans une disserta-

tion sur ce sujet, se faisoit de plusieurs manieres.

L’accusé, qu’on appelloit jurator ou sacramentalis, prenant une poignée d’épis, les jettoit en l’air, en attestant le ciel de son innocence. Quelquefois, une lance à la main, il déclaroit qu’il étoit prêt à soutenir, par le fer, ce qu’il affirmoit par serment ; mais l’usage le plus ordinaire, & celui qui seul subsista dans la suite, étoit celui de jurer sur un tombeau, sur des reliques, sur l’autel ou sur les évangiles.

« Quand il s’agissoit d’une accusation grave, formée par plusieurs témoins, mais dont le nombre étoit moindre que celui que la loi exigeoit, ils ne pouvoient former qu’une présomption plus ou moins grande, suivant le nombre des accusateurs. Ce cas étoit d’autant plus fréquent, que la loi, pour convaincre un accusé, exigeoit beaucoup de témoins. Il en falloit 72 contre un évêque, 40 contre un prêtre, plus ou moins contre un laïque, suivant la qualité de l’accusé, ou la gravité de l’accusation. Lorsque ce nombre n’étoit pas complet, l’accusé ne pouvoit être condamné, mais il étoit obligé de présenter plusieurs personnes, où le juge les nommoit d’office, & en fixoit le nombre suivant celui des accusateurs, mais ordinairement à 12. Cum duodecim juret, dit une loi des anciens Bourguignons, chap. viij. ces témoins attestoient l’innocence de l’accusé, ou, ce qu’il est plus raisonnable de penser, certifioient qu’ils le croyoient incapable du crime dont on l’accusoit, & par-là formoient en sa faveur une présomption d’innocence, capable de détruire ou de balancer l’accusation intentée contre lui. On trouve dans l’histoire un exemple bien singulier d’un pareil serment.

« Gontran, roi de Bourgogne, faisant difficulté de reconnoître Clotaire II. pour fils de Chilperic, son frere, Frédégonde, mere de Clotaire, non-seulement jura que son fils étoit légitime, mais fit jurer la même chose par trois évêques, & trois cens autres témoins : Gontran n’hésita plus à reconnoître Clotaire pour son neveu.

« Quelques loix exigeoient que dans une accusation d’adultere, l’accusée fît jurer avec elle des témoins de son sexe. On trouve aussi plusieurs occasions où l’accusateur pouvoit présenter une partie des témoins qui devoient jurer avec l’accusé ; de façon cependant que celui-ci pût en recuser deux de trois. Il paroît d’abord contradictoire, qu’un accusé puisse fournir à son accusateur les témoins de son innocence. Pour résoudre cette difficulté, il suffit d’observer que les témoins qui s’unissoient au serment de l’accusé, juroient simplement qu’ils le croyoient innocent, & fortifioient leur affirmation de motifs plus ou moins forts, suivant la confiance qu’ils avoient en sa probité. Ainsi l’accusateur exigeoit que tels & tels qui étoient à portée de connoître les mœurs & le caractere de l’accusé fussent interrogés ; ou bien l’accusé étant sûr de son innocence & de sa réputation, & dans des cas où son accusateur n’avoit point de témoins, il le défioit d’en trouver, en se réservant toujours le droit de récusation.

« Il est certain que la religion du serment étoit alors en grande vénération : on avoit peine à supposer qu’on osât être parjure ; mais en louant ce sentiment, on ne sauroit assez admirer, par quelles ridicules & basses pratiques on croyoit pouvoir en éluder l’effet.

Le roi Robert voulant exiger un serment de ses sujets, & craignant aussi de les exposer au châtiment du parjure, les fit jurer sur une châsse sans reliques ; comme si le témoignage de la conscience n’étoit pas le véritable serment dont le reste n’est que l’appareil.

Quelquefois, malgré le serment, l’accusateur