L’Encyclopédie/1re édition/JALAP

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 437-438).
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JALAP, jalapa, s. m. (Hist. nat. Botan.) plante à fleur monopétale en forme d’entonnoir, découpée, pour l’ordinaire, très-légerement ; elle a deux calices ; l’un l’enveloppe, l’autre la soutient ; celui-ci devient dans la suite un fruit arrondi qui renferme une semence de même forme. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

M. de Tournefort compte onze especes de ce genre de plante, & nomme jalapa officinarum fructu rugoso, celle dont on emploie les racines sous le nom de jalap dans les boutiques. Voici la description de cette espece. Elle porte au Pérou de grosses racines noirâtres en dehors, blanchâtres en dedans, d’où sort une tige haute de deux coudées, ferme, noueuse & fort branchue : les feuilles naissent opposées, & se terminent en pointe d’un verd obscur, sans odeur. Les fleurs sont monopétales en forme d’entonnoir, jaunes ou panachées de blanc, de pourpre & de jaune, ayant un double calice, l’un qui les enveloppe, & l’autre qui les soutient. Le dernier devient un fruit ou une capsule à cinq angles, arrondie, noirâtre, longue de trois lignes, un peu raboteuse & chagrinée, obtuse d’un côté, & terminée de l’autre par un bord saillant en forme d’anneau. Cette capsule renferme une semence ovoïde, roussâtre : toute cette plante ne différe presque du solanum mexicanum magno flore C. B. P. que l’on a coutume d’appeller en françois belle-de-nuit, qu’en ce qu’elle a le fruit plus ridé ; ou plutôt c’est un liseron d’Amérique, convolvulus americanus, comme le prétend M. William Houston.

On cultive en Angleterre, dans les jardins des curieux, la plûpart des especes de jalap, soit par le moyen des racines qui réussissent très bien, soit par les graines ; on seme d’abord les graines au commencement du printems dans une couche modérée pour la chaleur, & quand elles ont levé, on les transplante dans une autre couche, à six pouces de distance, pour leur faire prendre racine ; on les couvre avec des verres pendant la nuit, & on les ôte dans le jour. Dès qu’elles se sont élevées à la hauteur d’un pié, on les met dans des pots pleins de bonne terre, qu’on place dans des couches qui ne donnent point trop de chaleur, pour faciliter leur enracinement. On transporte ces pots à la fin de Mai dans des lieux à demeure, ayant soin de soutenir la tige de la plante par un petit bâton, & de l’arroser au besoin.

Les jalaps, par cette culture, montent à la hauteur de trois ou quatre piés, s’étendent au large, & donnent constamment des fleurs différentes sur un même pié, depuis le mois de Juin jusqu’à l’hiver, ce qui produit le double plaisir de la variété des fleurs & de leur durée.

Il est vrai cependant que les fleurs de jalap se ferment pendant le jour à la chaleur du soleil ; mais le soir à son coucher, elles s’épanouissent de nouveau & continuent dans cet état jusqu’à ce que le lendemain le soleil vienne les refermer ; c’est pourquoi, sans doute, on appelle cette plante belle-de-nuit, ou merveille du Pérou. Ainsi, toutes les fois que le ciel est couvert, ou qu’on arrive au milieu de l’autonne, les fleurs de jalap restent épanouies presque tout le jour.

Comme elles naissent successivement & se succedent promptement, leurs graines qui mûrissent peu de tems après, tombent à terre. C’est-là qu’il faut les ramasser soigneusement une ou deux fois par semaine, pour les resemer ensuite. On choisit celles qui viennent de la plante qui a donné la plus grande variété de fleurs, parce qu’elles produisent toujours cette même variété, & ne changent jamais du rouge ou du jaune au pourpre & au blanc, quoiqu’elles dégénerent quelquefois en fleurs simples, jaunes, rouges, pourpres, blanches ; mais elles retiennent constamment une ou deux de leurs couleurs primordiales.

De toutes les especes de jalap, il n’y a que le jalap à fruit ridé, fructu rugoso, espece de liseron du nouveau monde, qui donne la racine médicinale, dont on fait un si grand débit. Elle tire son nom de Xalappa, ville de la nouvelle Espagne, située à seize lieues de la Vera-Crux, d’où elle est venue pour la premiere fois en Europe.

On compte que presque tous les deux ans, il arrive d’Amérique à Cadix environ six mille livres de cette racine. (D. J.)

Jalap, (Mat. méd.) le jalap est une racine qu’on nous apporte de l’Amérique, dans un état très-sec, & coupée en tranches. L’extérieur en est noir ou très brun, & le dedans d’un gris foncé, & même un peu noirâtre, parsemé de petites veines blanches, ou d’un jaune très-pâle.

Il faut choisir le jalap en gros morceaux brillans ou résineux, qu’on ne puisse rompre avec les mains, mais qui se brisent facilement sous le marteau, qui s’enflament dès qu’on les expose à la flame, ou au charbon embrasé, & qui soient d’un goût vif & nauséeux. Il faut toujours le demander en morceaux entiers, & non pas brisé, ou en poudre ; parce que celui qu’on trouve chez les marchands dans ce dernier état, est communément vieux, carié, sans vertu.

Le jalap contient une résine & un extrait, qu’on peut en retirer séparément par les menstrues respectives de ces substances, c’est-à-dire, par le moyen de l’esprit-de-vin, & par celui de l’eau. Selon Geoffroy, douze onces de jalap donnent trois onces de résine, & quatre onces d’extrait. Cartleuser a retiré d’un once de jalap bien choisi, environ demi-once d’extrait, & deux scrupules de résine ; ce qui donne une proportion bien différente de celle de Geoffroy. Il est vraisemblable que cette variété de résultats, est plûtôt dûe dans les expériences de ces deux auteurs, à des différences dans la maniere de procéder, qu’à la diversité des sujets sur lesquels chacun a opéré : car, quoiqu’on trouve des jalaps plus ou moins résineux, il n’est pas permis de supposer qu’ils puissent tant varier à cet égard, étant observé d’ailleurs que tout bon jalap possede un degré d’activité, à peu près constant & uniforme.

La vertu propre du jalap entier, ou donné en substance, est de purger puissamment, & pourtant sans violence. C’est le plus doux des hydragogues, & cependant un des plus sûrs. Les expériences que Wepfer a faites avec le magistere, c’est-à-dire, la resine de jalap sur des chiens, & dont le résultat a été que cette drogue causoit sur l’estomac & les intestins de ces animaux les effets des poisons corrosifs ; ces expériences, dis je, ne prouvent rien, même contre la résine de jalap, attendu que Wepfer a employé des doses excessives, & que tous les remedes actifs, vraiment efficaces, deviennent nuisibles, mortels, lorsqu’on force leur dose jusqu’à un certain point. Elles prouvent encore moins contre les vertus de jalap entier ou en substance ; car nous observerons, tout-à-l’heure, que l’action de ces deux remedes est bien différente. Nous disons donc que l’observation constante prouve, malgré les expériences de Wepfer, que le jalap en substance est un excellent, & un très-sain, très-fidel purgatif, que les Médecins abandonnent très-mal-à-propos aux gens du peuple, ou du moins qu’ils réservent dans leur pratique ordinaire, pour les cas où les plus forts hydragogues sont indiqués. Le jalap entier est, encore un coup, un purgatif qui n’est point violent, & qui ajoûté à la dose de douze, quinze & vingt grains aux médecines ordinaires, avec la manne, & au lieu du senné & de la rhubarbe, purgeroit efficacement & sans violence, le plus grand nombre des adultes. De bons auteurs le recommandent même pour les enfans ; mais il n’est pas assez démontré par l’expérience que cette derniere pratique soit louable.

Le jalap entier est, à la dose de demi-gros & d’un gros donné seul dans de l’eau ou dans du vin blanc, un excellent hydragogue, qu’on emploie utilement dans les hydropisies, les œdèmes, les queues des fievres intermittentes, certaines maladies de la peau, &c. Voyez Hydragogue.

L’extrait aqueux, ou l’extrait proprement dit de jalap ne purge presque point, & pousse seulement par les urines : ce remede n’est point d’usage.

La résine de jalap donnée seule ou nue dans de l’eau, du vin, ou du bouillon, purge quelquefois très-puissamment, mais ce n’est jamais sans exciter de tranchées cruelles ; l’irritation qu’elle cause s’oppose même assez souvent à son effet purgatif, & alors le malade est violemment tourmenté, & est peu purgé, beaucoup moins que par le jalap entier. Ce vice est commun aux résines purgatives ; voyez Purgatif. Mais on le corrige efficacement en combinant ces substances avec le jaune d’œuf, ou avec le sucre ; voyez Correctif. C’est principalement avec la résine de jalap & le sucre qu’on prépare les émulsions purgatives, qui sont des remedes très-doux. Voyez à l’article Emulsion. (b)