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ge, & de certains droits aux mutations. On dit quelquefois mouvance féodale, quelquefois mouvance simplement.

Il y a des fiefs qui ont beaucoup de mouvances, c’est-à-dire un grand nombre de fiefs qui en relevent.

Il y a mouvance active & passive. Un fief releve d’un autre fief supérieur, c’est la mouvance passive. Ce même fief en a d’autres qui relevent de lui, c’est la mouvance active.

Tous les fiefs sont mouvans du roi médiatement ou immédiatement ; ils peuvent relever du roi médiatement, ou de quelque autre seigneur.

Deux seigneurs différens ne peuvent avoir la mouvance d’un même fief ; mais l’un peut avoir la mouvance immédiate, & l’autre la mouvance médiate.

La mouvance médiate ou immédiate d’un fief peut appartenir à plusieurs seigneurs dominans d’un même fief.

Quand plusieurs seigneurs prétendent avoir chacun la mouvance d’un fief, le propriétaire du fief doit se faire recevoir par main souveraine, & consigner les droits en justice, pour être donnés à celui qui obtiendra gain de cause.

Dans ce même cas où la mouvance est contestée entre plusieurs seigneurs, il faut la prouver. Cette preuve doit être faite par le titre primitif d’inféodation, si on le peut rapporter, ou, au défaut de ce titre, par des actes de foi & hommage, par des dénombremens, des contrats de vente ou d’échange. Celui qui a les plus anciens titres, doit être préféré.

Le seigneur n’est point obligé de prouver contre son vassal la mouvance du fief par lui saisi, parce que le vassal est présumé en avoir connoissance ; c’est au vassal à instruire le premier son seigneur.

Si le vassal veut obliger le seigneur à prouver sa mouvance, il faut, avant toutes choses, qu’il avoue ou desavoue le seigneur.

Si le seigneur ne prouve pas sa mouvance, & qu’il ait saisi féodalement, il doit être condamné aux dommages & intérêts de celui qu’il a prétendu être son vassal.

Quand le seigneur prouve sa mouvance par des titres au-dessus de cent ans, il n’y a pas lieu à la commise, parce que le vassal peut n’en avoir pas eu connoissance.

Celui qui vend un fief, doit déclarer de quel seigneur il est mouvant, ou, s’il ne le sait pas, il doit en faire mention.

La mouvance d’un fief est imprescriptible de la part du vassal contre son seigneur dominant ; mais elle se prescrit par trente ans, de la part d’un seigneur contre un autre seigneur ; & par quarante ans, contre l’église.

Pour acquérir cette prescription, il faut que dans les trente années il y ait eu au-moins deux mutations du même fief, & des saisies féodales dûement signifiées.

Le seigneur suzerain peut aussi prescrire contre son vassal la mouvance de l’arriere-fief, & par ce moyen cet arriere-fief devient mouvant de lui en plein fief.

La prescription des mouvances ne court point contre les mineurs.

Les mouvances d’un fief ne peuvent être vendues, sans aliéner en même tems le corps du fief ; on peut les retirer féodalement, de même que le fief, lorsqu’elles sont vendues au propriétaire du fief servant ou à d’autres.

Le seigneur dominant, qui a commis félonie contre son vassal, ne perd pas son fief dominant ; mais il perd la mouvance du fief servant, & les droits qui en peuvent résulter.

Voyez les Coutumes au titre des fiefs, & leurs Commentateurs. Voyez aussi Fief, Foi, Hommage. La mouvance d’une justice est la dépendance où elle est d’un seigneur dont elle est tenue en fief ou arriere-fief ; on entend aussi par là la supériorité qu’une justice a sur une autre qui y releve par appel. Voyez Justice & Ressort. (A)

Mouvant, adj. en terme de Blason, se dit des pieces qui semblent sortir du chef, des angles, des flancs ou de la pointe de l’écu où elles sont attenantes. Alberti à Florence, d’azur à quatre chaînes d’or, mouvantes de quatre angles de l’écu, & liées au cœur à un anneau de même.

MOUVEMENT, s. m. (Méchan.) qu’on appelle aussi mouvement local ; c’est un changement continuel & successif de place de la part d’un corps, c’est-à-dire un état d’un corps par lequel il correspond successivement à différens lieux, ou par lequel il est successivement présent à différentes parties de l’espace. Voyez Lieu. La théorie & les lois du mouvement sont le principal sujet de la méchanique. Voyez Méchanique.

Les anciens philosophes ont considéré le mouvement dans un sens plus général & plus étendu, ils l’ont défini le passage d’un corps d’un état en un autre, & ils ont de cette sorte reconnu six especes de mouvement, la création, la génération, la corruption, l’augmentation, la diminution & le transport ou mouvement local.

Mais les philosophes modernes n’admettent que le mouvement local, & réduisent la plûpart des autres especes dont nous venons de faire mention, à celui-là seulement. Voyez Génération, Corruption, &c. De sorte que nous n’avons à parler ici que du transport ou mouvement local, dont toutes les autres especes de mouvement ne sont qu’autant de modification ou d’effets. Voyez Altération, &c.

On a contesté l’existence & même la possibilité du mouvement, mais par de purs sophismes. Il y a eu de tout tems des hommes qui se sont fait un honneur de contredire ce qu’il y a de plus évident, pour faire parade de leur prétendue force d’esprit, & il ne se trouve encore aujourd’hui que trop de gens de ce caractere. Voici un échantillon des difficultés que ces sortes de gens ont fait contre l’existence du mouvement. S’il y a du mouvement, il est dans la cause qui le produit, ou dans le corps mobile, ou dans l’une & dans l’autre. Il n’est pas dans la cause qui l’excite, car quand on jette une pierre, on ne peut pas dire que le mouvement résiste dans la cause qui le produit, mais il est dans la pierre que l’on a jettée. Cependant on ne sauroit guere établir non plus le mouvement dans le corps mobile, car le mouvement est l’effet de la cause qui agit, & le corps mobile est sans effet : donc il n’y a point de mouvement, puisqu’il ne se trouve ni dans la cause qui l’excite, ni dans le corps mobile. La réponse est que dans un certain tems le mouvement réside dans la cause qui le produit, & que dans un autre tems il se trouve dans le corps mobile. Ainsi lorsqu’on met une pierre dans une fronde, & qu’on vient à tourner la fronde, la main au-tour de laquelle est la corde, doit alors être regardée comme la cause qui produit le mouvement, & elle est même en mouvement ; de-là il passe dans la fronde qui tourne, & enfin dès que la fronde vient à se lâcher, la pierre est le siége du mouvement. Le défaut du sophisme est donc de ne pas faire attention aux différens tems dans lesquels tout ceci se passe. Diodore Cronus faisoit un autre raisonnement que voici. Le corps est mû dans la place où il est, ou dans celle où il n’est pas. L’un & l’autre est impossible, car s’il étoit mû dans la place où il est, il ne sortiroit jamais de cette place. Il n’est pas mû non plus dans la place où il n’est pas, & par consé-