Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/612

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Géometres, parce qu’on ne pouvoit abuser que de la méthode. Plusieurs ouvrages métaphysiques, qui ne contiennent souvent rien moins que des vérités certaines, ont été exécutés à la maniere des Géometres ; & on y voit à toutes les pages les grands mots d’axiome, de théorème, de corollaire, &c.

Les auteurs de ces ouvrages se sont apparemment imaginés que de tels mots faisoient par quelque vertu secrete l’essence d’une démonstration, & qu’en écrivant à la fin d’une proposition, ce qu’il falloit démontrer, ils rendroient démontré ce qui ne l’étoit pas. Mais ce n’est point à cette méthode que la Géométrie doit sa certitude, c’est à l’évidence & à la simplicité de son objet ; & comme un livre de Géométrie pourroit être très-bon en s’écartant de la forme ordinaire, un livre de Métaphysique ou de Morale peut souvent être mauvais en suivant la méthode des Géometres. Il faut même se défier de ces sortes d’ouvrages ; car la plûpart des prétendues démonstrations n’y sont fondées que sur l’abus des mots. Ceux qui ont réfléchi sur cette matiere, savent combien l’abus des mots est facile & ordinaire, sur-tout dans les matieres métaphysiques. C’est en quoi on peut dire que les Scholastiques ont excellé ; & on ne sauroit trop regretter qu’il n’ayent pas fait de leur sagacité un meilleur usage.

Application de la Métaphysique à la Géométrie. On abuse quelquefois de la Métaphysique en Géométrie, comme on abuse de la méthode des Géometres en Métaphysique. Ce n’est pas que la Géométrie n’ait, comme toutes les autres Sciences, une métaphysique qui lui est propre ; cette métaphysique est même certaine & incontestable, puisque les propositions géométriques qui en résultent, sont d’une évidence à laquelle on ne sauroit se refuser. Mais comme la certitude des Mathématiques vient de la simplicité de son objet, la Métaphysique n’en sauroit être trop simple & trop lumineuse : elle doit toûjours se réduire à des notions claires, précises & sans aucune obscurité. En effet, comment les conséquences pourroient-elles être certaines & évidentes, si les principes ne l’étoient pas ? Cependant quelques Auteurs ont crû pouvoir introduire dans la Géometrie une métaphysique souvent assez obscure, & qui pis est, démontrer par cette métaphysique des vérités dont on étoit déjà certain par d’autres principes. C’étoit le moyen de rendre ces vérités douteuses, si elles avoient pû le devenir. La Géométrie nouvelle a principalement donné occasion à cette mauvaise méthode. On a cru que les infiniment petits qu’elle considere, étoient des quantités réelles ; on a voulu admettre des infinis plus grands les uns que les autres ; on a reconnu des infiniment petits de différens ordres, en regardant tout cela comme des réalités ; au lieu de chercher à réduire ces suppositions & ces calculs à des notions simples. Voyez Differentiel, Infini & Infiniment petit.

Un autre abus de la Métaphysique en Géométrie, consiste à vouloir se borner dans certains cas à la Métaphysique pour des démonstrations géométriques. En supposant même que les principes métaphysiques dont on part, soient certains & évidens, il n’y a guere de propositions géométriques qu’on puisse démontrer rigoureusement avec ce seul secours ; presque toutes demandent, pour ainsi dire, la toise & le calcul. Cette maniere de démontrer est bien matérielle, si l’on veut : mais enfin c’est presque toûjours la seule qui soit sûre. C’est la plume à la main, & non pas avec des raisonnemens métaphysiques, qu’on peut faire des combinaisons & des calculs exacts.

Au reste, cette derniere métaphysique dont nous parlons, est bonne jusqu’à un certain point, pourvû qu’on ne s’y borne pas : elle fait entrevoir les principes des découvertes ; elle nous fournit des vûes ;

elle nous met dans le chemin : mais nous ne sommes bien sûrs d’y être, si on peut s’exprimer de la sorte, qu’après nous être aidés du bâton du calcul, pour connoitre les objets que nous n’entrevoyions auparavant que confusément.

Il semble que les grands Géometres devroient être toûjours excellens Métaphysiciens, au moins sur les objets de leur science : cela n’est pourtant pas toûjours. Quelques Géometres ressemblent à des personnes qui auroient le sens de la vûe contraire à celui du toucher : mais cela ne prouve que mieux combien le calcul est nécessaire pour les vérités géométriques. Au reste je crois qu’on peut du moins assûrer qu’un Géometre qui est mauvais Métaphysicien sur les objets dont il s’occupe, sera à coup sur Métaphysicien détestable sur le reste. Ainsi la Géométrie qui mesure les corps, peut servir en certains cas à mesurer les esprits même.

Application d’une chose à une autre, en général se dit, en matiere de Science ou d’Art, pour désigner l’usage dont la premiere est, pour connoître ou perfectionner la seconde. Ainsi l’application de la cycloïde aux pendules, signifie l’usage qu’on a fait de la cycloïde pour perfectionner les pendules, Voyez Pendule, Cycloïde, &c. & ainsi d’une infinité d’autres exemples. (O)

Application, se dit particulierement, en Théologie, de l’action par laquelle notre Sauveur nous transfere ce qu’il a mérité par sa vie & par sa mort. Voyez Imputation.

C’est par cette application des mérites de Jesus-Christ que nous devons être justifiés, & que nous pouvons prétendre à la grace & à la gloire éternelle. Les Sacremens sont les voies ou les instrumens ordinaires par lesquels se fait cette application, pourvû qu’on les recoive avec les dispositions qu’exige le saint concile de Trente dans la vj. session. (G)

APPLIQUÉE, s. f. en Geométrie, c’est en général une ligne droite terminée par une courbe dont elle coupe le diametre ; ou en géneral c’est une ligne droite qui se termine par une de ses extrémités à une courbe, & par qui l’autre extrémité se termine encore à la courbe même, ou à une ligne droite tracée sur le plan de cette courbe. Ainsi (fig. 26. Sect. con.) EM, MM, sont des appliquées à la courbe MAM. Voyez Courbe, Diametre, &c.

Le terme appliquée est synonyme à ordonnée. V. Ordonnée. (O)

APPLIQUER, signifie, en Mathématique, transporter une ligne donnée, soit dans un cercle, soit dans une autre figure curviligne ou rectiligne, ensorte que les deux extrémités de cette ligne soient dans le périmetre de la figure.

Appliquer signifie aussi diviser, sur-tout dans les Auteurs Latins. Ils ont accoûtumé de dire duc AB in CD, menez AB sur CD, pour, multipliez AB par CD ; ou faites un parallélogramme rectangle de ces deux lignes ; & applica AB ad CD, appliquez AB à CD, pour, divisez AB par CD, ce qu’on exprime ainsi . On entend encore par appliquer, tracer l’une sur l’autre des figures différentes, mais dont les aires sont egales. (E)

APPIETRIR, v. pas. terme de Commerce. On dit qu’une marchandise s’appiétrit lorsque sa bonté, sa qualité, sa valeur diminue, soit à cause qu’elle se corrompt ou se gâte, soit parce que le débit ou la mode en est passée, & qu’il s’en fait de mauvais restes. Savary, dict. du Comm. tom. I. pag. 681.

Ce terme paroît un composé du mot pietre, qui signifie mauvais, vil, méprisable. Voilà de pietre marchandise, pour dire une mauvaise marchandise. (G)

APPOINT ou APOINT, terme de Banque ; c’est une somme qui fait la solde d’un compte ou le mon-