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BRIQUE


molles, on imprimait ses noms et titres à l’aide d’une sorte de timbre. C’est ainsi que les briques tirées des ruines de Khorsabad portent le nom de Sargon ; celles de Koyoundjik, le nom de Sennachérib (fig. 615), etc. Les briques de Babylone portent, pour la plupart, le nom dé Nabuohodonosor, le grand bâtisseur ou restaurateur de ses monuments. Layard, Discoveries in the ruins of Nineveh and Babylon, 1853, p. 505, 531-532.

Dans les constructions importantes, on employait les deux sortes de briques ; . plus fréquemment à Babylone qu’à Ninive. Le peuple se contentait de la brique crue ; mais pour les fondations et le revêtement des murs des temples, des palais, des remparts, on se servait de briques cuites, plus résistantes à l’action de l’eau ; car il y avait à craindre les infiltrations dans un terrain sillonné de nombreux cours dleau, et à certaines époques de l’année les pluies torrentielles prolongées menaçaient d’amollir et de désagréger les murs, formés de simples briques crues. Pour relier entre elles les briques, on se contentait souvent, en Assyrie, de l’humidité des parois de la brique crue, qui, avec la charge qu’elle supportait produisait une adhérence suffisante. Mais, en Ghaldée, on employait divers ciments : un simple mortier d’argile pour l’intérieur des maisons ou les murs peu soignés, Layard, Discoveries, p. 503 ; ou bien un ciment à la chaux très adhérent dans les grands édifices, comme à Birs-Nimroud, Layard, Discoveries, p. 499, 506 ; ou encore un mélange de cendre et de chaux, comme à Mughéïr, où l’on continue à l’employer sous le nom de charour. Taylor, Noies on the ruins of Mugeyr, dans le Journal of the royal asiatic Society, t. xv, p. 261. Mais pour avoir une solidité à toute épreuve, on avait un ciment naturel et caractéristique de la Ghaldée, le bitume (col. 1349 et 1799). De plus, des lits de roseaux, placés à intervalles réguliers, servaient à maintenir plus de solidité et de cohésion entre les différentes couches de briques. On l’a constaté plus d’une fois dans les ruines (col. 1353), et Hérodote, i, 170, l’avait remarqué à Babylone. « À mesure, dit - ii, qu’on creusait les fossés, on en convertissait la terre en briques, et, lorsqu’il y en eut une quantité suffisante, on les fit cuire dans les fourneaux. Ensuite pour mortier on employa le bitume chaud, et de trente couches en trente couches de briques on mit des lits de roseaux entrelacés ensemble. » Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 113-122, 156-158.

2° Egypte. — Les Égyptiens étaient obligés par la nature du Sol, comme à Babylone, de se servir de briques pour leurs constructions, car il n’y a pas de pierre dans le Delta ni dans la vallée du Nil. Ils tiraient, il est vrai, de belles pierres de taille de leurs carrières de calcaire, de grès, de granit, etc., mais ces carrières étaient fort éloignées, et l’extraction, et surtout le transport en étaient fort coûteux et fort difficiles. Ils réservaient donc la pierre pour les temples, les sarcophages ; leurs maisons, même quelques pyramides et des parties de temple, comme au Ramesséum, sont en brique. Le Nil, qui chaque année inonde l’Egypte, apporte à ses habitants, avec le limon qui rend les terres fertiles, les matériaux nécessaires pour bâtir leurs demeures. La brique commune n’est, en effet, que ce limon noir et compact mêlé d’un peu de sable et de paille hachée, et façonné en carreaux rectangulaires durcis au soleil. Voici les procédés détaillés de la fabrication actuelle, d’après une lettre de Samanoud, écrite le 18 mars 1894 par M. Vigouroux, qui voyait travailler les ouvriers sous ses yeux : « Environ huit jours avant la fabrication, on laboure à la houe le champ dont la terre doit être employée ; on l’inonde de façon qu’elle soit bien détrempée, et l’on y répand de la paille fine, hachée en petits morceaux. En piétinant le sol ou en le faisant piétiner par des animaux, on obtient une terre plus malléable, et on fait pénétrer la paille dans la masse. Elle y fermente et soulève un peu la terre, qui d’ailleurs se trouve mélangée d’un peu de sable siliceux extrêmement ^n, apporté par

le Nil et par le vent du désert. La terre est alors toute prête pour la fabrication. Dans un carré, où il a amenée l’eau, un homme entre, jambes et bras nus, pour pétrir avec les pieds et les mains la terre mélangée de paille, et en faire une pâte molle et bien homogène. Il ne faut pas qu’il y ait la moindre motte, autrement la brique serait de mauvaise qualité ; la paille sert de liant. Un autre ouvrier entre dans eçtte boue ainsi pétrie, en prend une certaine quantité qu’il dépose sur des espèces de couffes rondes et plates, tressées avec des feuilles de palmier ; on les appelle borsch (au pluriel berasch). Avant de les charger de terre, on les a préalablement recouvertes d’une couche de paille hachée, afin d’empêcher toute adhérence. Chaque porteur porte deux couffes de terre, uneà chaque main. Il les tient par les deux anses ; arrivé à l’endroit où travaillent les mouleurs, il lâche une des anses, et la charge de terre malaxée tombe tout entièredans le tas, entraînant la paille sans qu’il reste rien dans la couffe. Le mouleur qui prend dans ce tas avec la main a une telle habitude, qu’il est rare qu’il neprenne point exactement la quantité nécessaire pour remplir son moule. Celui-ci, de forme rectangulaire, se compose de quatre planchettes de bois dur, dont une, cellede droite, se prolonge en manche permettant à l’ouvrier de soulever le moule, dès que la brique est façonnée. Le moule est placé par terre sur une aire bien unie ; en le remplissant de limon, l’ouvrier met un peu de paille â l’intérieur tout autour, et, prenant de l’eau avec la main dans un vase placé à côté de lui, il en mowille le tout, façonne et unit la pâte avec la main ; puis, soulevant le moule, il laisse sur place la brique qu’il vient de fabriquer et en fait une autre à côté, en allant de droite à gauche. Après avoir terminé une rangée, il revient au-dessous de la première, disposant le tout comme une sorte de damier. Un mouleur qui a l’habitude de ce travail peut fabriquer environ trois mille briques par jour. À Samanoud, on donne par millier aux ouvriers dix petites piastres (1 fr. 28 environ), assez souvent huit ou neuf seulement. Ces briques, faites ainsi sur le sol et rapidement aplanies avec la main, sont assez grossières, un peu inégales ; mais elles suffisent pour les constructions ordinaires. On les laisse sécher sur place au soleil : la plupart sont employées crues. Si l’on veut les rendre plus solides et à l’épreuve de l’action de l’eau, on les fait cuire au four. Le four consiste simplement en un carré de quatre mursde briques crues ; dans l’un des côtés de ce carré, on laisse une ouverture pour mettre le feu. À l’intérieur, on dispose les briques par rangées, et quand le four est plein, on lés recouvre avec des débris de vieilles briques. On se sert comme combustible de tout ce qu’on a sous la main, roseaux, débris de coton, de cannes à sucre, herbes sèches, etc. La brique ainsi durcie au feu prend une teinte rougeâtre. « Comme ces briquetiers sont payés à tant le mille, il n’y, a pas de surveillant pour les stimuler au travail. Mais, dans le champ voisin de Samanoud, les ouvriers chargés de briser les mottes de terre pour préparer l’ensemencement du coton sont sous la garde d’un surveillant, armé, comme dans l’ancienne Egypte, d’un bâton dont il fait usage pour stimuler les travailleurs négligents. »

Cette description de la fabrication de la brique à Samanoud peut servir de commentaire à la scène représentée au tombeau de Rekmara, à Qournah (fig. 616). Ce sont les mêmes procédés. On y voit piocher, emporter la terre, puiser de l’eau pour la détremper, mouler les briques et les disposer en damier ; les transporter à l’aide d’une sorte de joug après une première dessiccation ; les placer les unes sur les autres en piles régulières et distancées de façon à laisser Tair circuler dans les intervalles pour les dessécher et construire avec des pierres et des briques le magasin du temple d’Ammon, à Thèbes. Des étrangers, qui se distinguent facilement à leur barbe et à leur couleur, sont mêlés aux Egyptiens peints en rouge ; on leur a réservé