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vos bonnes et vos mauvaises œuvres, c’est ce que vous apprend la parabole des brebis et des boucs. (Mt. 25,34) Saint Paul vous en avertit aussi : « Car nous devons tous », dit-il, « comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ ; afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu’il aura faites pendant qu’il était revêtu de son corps ». (2Cor. 5,40) Et encore : « Il découvrira les plus secrètes pensées du cœur ». (1Cor. 4,5)
Vous avez commis un péché, ou vous avez eu la pensée de le commettre, cela, à l’insu des hommes ? mais ce ne sera point à l’insu de Dieu : et cependant vous n’en êtes nullement en peine, et vous ne craignez que les yeux des hommes. Pensez donc que, dans ce jour, il ne vous sera pas possible de vous cacher aux hommes, et qu’alors tout sera exposé à nos yeux comme dans un tableau, afin que chacun prononce la sentence contre soi-même. C’est là de quoi l’exemple du riche ne nous permet pas de douter. Il vit debout devant ses yeux le pauvre qu’il avait méprisé, je veux dire Lazare, et celui qu’il avait rejeté avec horreur : maintenant il le prie de soulager sa soif d’une goutte d’eau sur le bout de son doigt. (Lc. 16,49) Je vous en conjure donc, mes frères, encore que personne ne voie ce que nous faisons, que chacun de vous entre dans sa conscience, qu’il prenne la raison pour juge, et qu’à ce tribunal il fasse comparaître ses péchés. Et s’il ne veut pas qu’ils soient divulgués au jour terrible du jugement, qu’il y applique les remèdes de la pénitence et qu’il guérisse ses plaies. Car chacun peut, quoique chargé de mille plaies, chacun peut s’en aller guéri. « Si vous pardonnez », dit Jésus-Christ, « vos fautes vous seront pardonnées ; mais si vous ne pardonnez point, elles ne vous seront point pardonnées ». (Mt. 6,14-15) En effet, comme les péchés noyés dans le baptême ne reparaissent plus, ainsi les autres seront effacés, si nous faisons pénitence.
Or, la pénitence consiste à ne plus commettre les mêmes péchés. « Car celui qui y retourne est semblable à un chien qui retourne à ce qu’il avait vomi » (2Pi. 11, 21-22), et à celui aussi qui, comme dit le proverbe, bat le feu[1], et qui tire de l’eau dans un vase percé[2]. Il faut donc s’abstenir du vice, et de fait et de cœur, et appliquer à chaque péché le remède qui lui est contraire. Par exemple : avez-vous ravi le bien d’autrui ? avez-vous été avare ? abstenez-vous de voler, et appliquez à votre plaie le remède de l’aumône. Vous avez commis le péché de fornication ? cessez de le commettre et appliquez à cette plaie la chasteté. Vous avez terni la réputation de votre frère par votre langue ? cessez de médire et appliquez le remède de la charité. Faisons ainsi la revue de chacun de nos péchés en particulier, et n’en passons aucun ; car le temps de rendre compte est proche, certainement il est proche : c’est pourquoi saint Paul disait. « Le Seigneur est proche : Ne vous inquiétez de rien ». (Phil. 4,5-6) Mais à nous, au contraire, peut-être faut-il nous dire : le Seigneur est proche, soyez dans l’inquiétude. Ces fidèles avaient de la joie d’entendre ces paroles : « Ne vous inquiétez de rien », eux qui passaient leur vie dans les calamités, dans les travaux, dans les combats. Mais à ceux qui, vivant dans les rapines et dans les voluptés, ont un terrible compte à rendre, ce n’est point cela qu’il leur faut dire, mais : le Seigneur est proche, inquiétez-vous !
Et certes la consommation du siècle n’est point éloignée, déjà le monde se hâte vers sa fin. Les guerres, la misère, les tremblements de terre, le refroidissement de la charité, la prédisent et l’annoncent. Comme le corps qui expire et qui est près de mourir est accablé de mille douleurs ; comme aussi d’une maison qui va s’écrouler se détachent du toit et des murailles bien des morceaux qui tombent à terre, de même la fin du monde est proche, et voilà pourquoi toutes sortes de maux l’attaquent de toutes parts. Si alors le Seigneur était proche, il l’est bien plus à présent ; si plus de quatre cents ans se sont écoutés depuis que saint Paul à dit : le Seigneur est proche ; s’il appelait son époque l’accomplissement des temps, à plus forte raison, du temps présent, doit-on dire qu’il est la fin du monde. Mais peut-être c’est pour cela que quelques-uns ne le croient pas. Eh ! n’est-ce pas, au contraire, une nouvelle raison de le croire ? D’où le savez

  1. « Qui bat le feu ». Ou qui remué, qui agite, qui souffle le leu celui qui retombe dans les mêmes péchés, lui est semblable ; parce qu’au lieu d’éteindre sa passion et sa concupiscence, il l’allume, de même que celui qui bat, ou souffle le feu, le ranime et l’enflamme davantage, bien loin de l’éteindre. Vid. Adag. Erasm.
  2. On sait que tirer de l’eau dans un vaisseau percé, ou dans un crible, c’est perdre son temps et sa peine ; c’est ne rien faire. Il en est de menue de celui qui retombe toujours dans les mêmes péchés qu’il a pleurés, et dont il a fait pénitence, etc.