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DISCOURS DE LA VIE

commencemens de la langue Grecque, comme Ronsard en contr’eschange discouroit des moyens[1] qu’il sçavoit pour s’acheminer à la Poësie Françoyse, furent cause qu’en peu de temps il s’apperçeut d’un grand avancement[2] *. Et n’est à omettre en cet endroit que Dorat[3] par un artifice nouveau luy apprenoit la langue Latine par la Grecque[4] *. Nous[5] ne pouvons aussi oublier de quel desir et envie ces deux futurs ornemens de la France s’adonnoient à l’estude : car[6] Ronsard qui avoit demeuré en Court, accoustumé à veiller tard, estudioit jusques à deux heures apres minuit[7], et se couchant resveilloit Baïf, qui se levoit, et prenoit la chandelle, et ne laissoit refroidir la place *. En cette contention d’honneur il demeura cinq ans avec Dorat *, continuant tousjours l’estude des lettres Grecques et des autres bonnes sciences, pour lesquelles il fut aussi auditeur d’Adrian Turnebe, grand personnage certes, et tel que Ronsard a estimé | avoir esté par le Sonet qu’il fit en sa mort[8] *. [11] Il s’adonna deslors souvent à faire quelques Sonets et tels petits ouvrages, premiers essais d’un si brave ouvrier[9] *. Quand Dorat eut veu que son instinct se deceloit à ces petits echantillons, il luy predit qu’il seroit quelque jour l’Homere de France *, et pour le nourrir[10] de viande propre luy leut de plain vol le Promethée d’Æschyle, pour le mettre en plus haut goust d’une Poësie, qui n’avoit encor passé la mer de deçà, et en sa faveur traduisit cette Tragedie en François, laquelle si tost que Ronsard eut goustée : Et quoy[11], dit-il à Dorat, mon maistre, m’avez vous caché[12] si long

  1. C comme Ronsard, en contre eschange, luy apprenoit les moyens
  2. C qu’en peu de temps il recompensa le temps perdu
  3. B Et n’est à omettre que Dorat
  4. C Et n’est à oublier que Dorat par un artifice nouveau luy apprenoit la langue Latine, sçavoir est, par la Grecque.
  5. A par la Grecque : nous
  6. A à l’estude, Car | B à l’estude. Car
  7. C Ronsard qui avoit esté nourry jeune à la Cour, accoustumé à veiller tard [1623, 1630 virgule après tard] continuoit à l’estude jusques à deux et trois heures après minuict
  8. B il demeura sept ans avec Dorat continuant tousjours l’estude des lettres Grecques et Latines, et de la Philosophie, et autres bonnes sciences, pour lesquelles il fut aussi auditeur d’Adrian Turnebe, Lecteur du Roy et l’honeur des lettres de son temps. | C même var., avec cette fin de phrase et l’honeur des bonnes lettres.
  9. C Il s’adonna deslors souvent à faire quelques petits poëmes, où paroissoit deslors je ne sçay quoy du magnanime charactere de son Virgile, premiers essais d’un si brave ouvrier.
  10. C l’Homère de France : car Dorat a eu tousjours je ne sçay quoy d’un divin Genie pour prevoir les choses à venir *, parole qu’il engrava [1609-1630 qu’il s’engrava | fort avant en l’esprit : et pour le nourrir
  11. A eut goustée, et quoy | B eut goustée. Et quoy | C eut savouré : Et quoy
  12. A pas de virgule après maistre.