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COMMENTAIRE HISTORIQUE

lucubrationibus noctes integras cubiculum colluceret luminibus. » (Laud. fun. I, ff. 7 vo et 8 ro).

P. 12, l. 12. — avec Dorat. Source, l’autobiographie de Ronsard :

L’an d’apres en Avril Amour me fit surprendre,
Suivant la Court à Blois, des beaux yeux de Cassandre
.....................
Incontinent apres disciple je vins estre,
A Paris, de Daurat qui cinq ans fut mon maistre
En Grec et en Latin.... (Bl., IV, 300) ;


ce que j’interprète ainsi : « Immédiatement après ma rencontre avec Cassandre à Blois (le 21 avril 1545), je vins demeurer à Paris (ne suivant plus la Cour dans ses pérégrinations en province), chez Dorat, dont je fus le disciple pendant cinq ans. » Si l’on pèse bien tous les termes de ces vers, les « cinq ans » s’appliquent uniquement au temps que Ronsard passa au collège de Coqueret comme pensionnaire. Quand Ronsard dit « à Paris », il oppose ces mots à la Cour qu’il a quittée. C’est dans ce sens qu’il a encore écrit :

J’ay suivi les grands Roys, j’ay suivi les grands Princes,
J’ay pratiqué les mœurs des estranges provinces,
J’ay longtemps escolier à Paris habité.....
(Responce aux injures, Bl., VII, 106).


Ces cinq années n’ont pas dépassé le printemps de 1550 : on trouve Ronsard pensionnaire de Dorat encore en juillet 1549 (v. les Bacchanales, Bl., VI, 358), et Baïf nous dit dans sa pièce Aus Poêtes Fransoês, publiée et vraisemblablement composée en 1574, qu’il s’est écoulé « vingt et quatre hivers » depuis le temps où Ronsard mangeait le même pain que lui et couchait dans la même chambre que lui chez Dorat (édition Marty-Lav., V, 323).

D’autre part, ce texte « qui cinq ans fut mon maistre » est celui de toutes les éditions contemporaines de Ronsard, depuis le Bocage de 1554 jusqu’à l’édition collective de 1584 inclus. C’est seulement dans la première édition posthume (1587) qu’apparaît pour la première fois le texte que voici :

Convoiteux de sçavoir, disciple je vins estre
De Daurat à Paris, qui sept ans fut mon maistre.


Telle est la leçon de toutes les éditions posthumes jusqu’à celle de 1630 inclus. C’est elle qui, passant dans la 2e et la 3e rédaction de Binet, a été adoptée par les commentateurs de l’éd. de 1623, Claude Garnier (dans les notes des Discours), Marcassus (dans les notes des Elegies), et par les biographes suivants, entre autres G. Colletet et Sainte-Beuve.

Or, de deux choses l’une : ou bien la variante sept ans au lieu de cinq ans vient de Ronsard lui-même, qui, préparant une nouvelle édition après celle de janvier 1584, pensa qu’il devait, dans l’hommage rendu à son maître Dorat, tenir compte des leçons dont il avait profité en amateur avant et même après son séjour au collège de Coqueret, et signala à Jean Galland ce remaniement à faire à son texte ; ou bien ce sont les exécuteurs testamentaires, Galland et Binet, qui, sans respec-