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ce que nous cherchons ce que nous ambitionnons, c’est de voir Dieu. Et qui n’aurait ce désir ? Mais considère ces paroles : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » Donc, afin de le voir, prépare ton cœur. Pour me servir d’une comparaison toute matérielle, à quoi bon désirer voir le soleil à son lever, si les yeux sont fermés par la maladie ? Qu’on les guérisse et ils seront heureux de voir la lumière ; s’ils restent malades, elle fera leur tourment. De même tu ne pourras voir sans la pureté du cœur, ce que ne sauraient contempler que les cœurs purs. Tu seras repoussé, éloigné, tu ne pourras jouir. « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » Combien de fois déjà le Sauveur a-t-il répété ce mot Bienheureux ? Quelles causes a-t-il assignées à la béatitude ? Quelles œuvres et quels salaires, quels mérites et quelles récompenses a-t-il énumérés ? Jamais jusqu’alors il n’avait dit : « Ils verront Dieu. – Bienheureux les pauvres de gré, car le royaume des cieux est à eux. Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre en héritage. Bienheureux ceux qui pleurent ; ils seront consolés. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice ; « ils seront rassasiés. Bienheureux les miséricordieux ; ils obtiendront miséricorde. » Il n’a pas encore été dit : « Ils verront Dieu. » Nous arrivons aux cœurs purs ; c’est à eux qu’est promise la vue de Dieu, et ce n’est pas sans motif, car ils ont des yeux pour voir Dieu. C’est de ces yeux que parle l’Apôtre quand il dit : « Les yeux « éclairés de votre cœur.[1] » Maintenant donc ces yeux, parce qu’ils sont faibles, sont éclairés par la foi ; devenus plus tard vigoureux, ils seront éclairés par la réalité même. « Tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur ; car nous marchons dans la foi et non dans la claire vue[2]. » Et tant que nous marchons ainsi dans la foi, que dit de nous l’Écriture ? Que « maintenant nous voyons à travers un miroir, en énigme, et qu’alors ce sera face à face[3]. »
7. Loin d’ici la pensée de toute face corporelle. Si dans le désir enflammé de voir Dieu tu prépares ton visage à jouir de cette vue ; tu désireras voir aussi la face divine. Si au contraire vous avez de Lui des idées au moins spirituelles, si vous croyez que Dieu n’est pas un corps, ainsi que nous l’avons enseigné longuement hier, si toutefois nous l’avons enseigné ; si dans vos cœurs, comme dans les temples de Dieu, nous avons brisé tout simulacre de forme humaine, si vous vous souvenez exactement, si vous êtes bien pénétrés de ce passage où l’Apôtre réprouve ceux qui « se disant sages sont devenus insensés, et ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible [4] ; » si vous détestez cet égarement, si vous l’évitez, si vous purifiez le temple de votre Créateur, si vous voulez qu’il vienne en vous et y établisse sa demeure : « Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui et cherchez-le dans la simplicité du cœur[5] ; » voyez à qui vous vous adressez, si toutefois vous parlez sincèrement, quand vous vous écriez : « Mon cœur vous a dit : Je chercherai votre face. » Que ton cœur dise donc aussi : « Je chercherai votre visage, Seigneur », car le chercher avec le cœur, c’est le chercher comme il convient. On dit le visage de Dieu, le bras de Dieu, la main de Dieu, ses pieds, son trône et l’escabeau de ses pieds ; lisais ne te figure, pas des membres humains ; brise ces idoles de mensonge, si tu veux être le temple de la vérité. La main de Dieu désigne sa puissance ; sa face, sa connaissance ; ses pieds, sa présence ; et si tu le veux, tu peux devenir son trône. Nieras-tu que le Christ soit Dieu ? Non, réponds-tu. Tu admets aussi que le Christ est la vertu et la sagesse de Dieu ? — Je l’admets aussi. – Écoute : « L’âme du juste est le trône de la sagesse[6]. » Or où Dieu a-t-il son trône, sinon où il habite ; et où habite-t-il, si ce n’est dans son temple ? Mais « le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple[7]. » Songe donc de quelle manière tu dois considérer le Seigneur. « Dieu est esprit et il faut l’adorer en esprit et en vérité[8]. » Qu’aujourd’hui donc, si tu le promets, l’arche d’alliance entre dans ton cœur, et que Dagon tombe à la renverse[9]. Ainsi prête l’oreille, apprends à désirer Dieu, apprends à désirer ce qui te rend capable de le voir. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » Pourquoi penser aux yeux du corps ? S’ils servaient à voir Dieu, Dieu occuperait quelque espace. Mais quel espace occupe Celui qui est tout entier partout ? Purifie ce qui doit le voir.
8. Écoute encore et comprends, si toutefois je puis avec son secours expliquer ma pensée ;

  1. Eph. 1, 18
  2. 2 Cor. 5, 6, 7
  3. 1 Cor. 13, 12
  4. Rom. 1, 22-23
  5. Sag. 1, 1
  6. Id. 1, 2
  7. 1 Cor. 3, 17
  8. Jn. 4, 24
  9. 1 Sa. 5, 3