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églises, je ne vois dans ce sens aucune absurdité ; mais je préfère celui qui ressort de l’étymologie de ces noms. Ce sont en effet des noms hébreux, et Juda veut dire confession ; Zabulon, la maison du courage ; Nephtali, ma dilatation. Tous ces noms nous désignent les véritables princes des Églises, dignes de nous conduire, dignes d’être nos modèles, dignes de nos hommages. Dans l’Église, en effet, les martyrs tiennent le premier rang, et sont au faîte des honneurs. Or, dans le martyre, il y a d’abord une confession, et la force d’endurer tout ce qu’il faudra pour la soutenir ; viennent ensuite les tourments, et après les tourments, la dilatation de l’allégresse qui en est la récompense. On peut encore l’entendre dans le sens des trois vertus que recommande l’Apôtre, la foi, l’espérance et la charité[1] ; la confession est l’œuvre de la foi, la force l’œuvre de l’espérance, et la dilatation l’œuvre de la charité. C’est en effet par la foi que l’on croit de cœur pour obtenir la justice, et que l’on professe de bouche pour obtenir le salut[2]. Or, pour celui qui est dans les tourments, la réalité est triste, mais l’espérance donne des forces. Car, « si nous espérons ce que nous ne voyons point, nous l’attendons par la patience[3] ». Quant à l’allégresse, elle est le fruit de la charité répandue dans nos cœurs ; car « la charité parfaite bannit la crainte[4] » : et cette crainte serait un tourment pour notre âme qu’elle jetterait dans l’inquiétude. Donc, « les princes de Juda marchent les premiers » de ceux qui bénissent le Seigneur dans tes assemblées. « Les princes de Zabulon, les « princes de Nephtali », les princes de la confession, de la force, de l’allégresse ; les princes de la foi, de l’espérance et de la charité.
37. « Seigneur, déployez votre force ». Il n’y a qu’un seul Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui toutes choses ont été faites, et nous sommes en lui[5] ; nous lisons qu’il est la Vertu de Dieu, la sagesse de Dieu[6]. Or, comment Dieu peut-il déployer son Christ, sinon en le faisant connaître ? « Dieu manifeste sa charité envers nous. Puisque c’est quand nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous[7]. Que ne nous « donnera-t-il point après nous l’avoir donné[8] ? Déployez votre force, ô mon Dieu ; confirmez ce que vous avez fait en nous[9] ». Déployez en nous enseignant, confirmez en nous aidant.
38. « Dans votre temple qui est à Jérusalem, les rois vous offriront des présents[10] ». Dans votre temple et dans cette Jérusalem libre, qui est notre mère[11], et qui est aussi votre temple saint ; dans ce temple donc « les rois vous offriront des présents ». Quels que soient ces rois, ou les rois de la terre, ou ces rois à qui le roi des cieux assigne un rang chez la colombe argentée, « ces rois vous offriront des présents ». Et quels présents vous seront plus agréables, que les sacrifices de louanges ? Mais ces louanges éprouvent une dissonance de la part de ceux qui se nomment chrétiens, et ont une foi différente. Faites alors ce qui suit : « Réprimez les bêtes des roseaux[12] ». Car ce sont des bêtes, et leur inintelligence les rend nuisibles : ils sont les bêtes des roseaux, parce qu’ils pervertissent le sens des Écritures au profit de leurs erreurs. De même que par la langue on désigne souvent la parole, de même par roseaux on peut fort bien entendre les Écritures ; c’est ainsi que dans l’hébreu, le grec ou le latin, ou dans toute autre langue, on désigne l’effet par le nom de l’instrument. Il est d’usage en latin de donner à l’écriture le nom de style, parce que l’on écrit avec le style ; on peut donc appeler aussi roseau, ce que l’on écrit avec le roseau. L’apôtre saint Pierre dit que ces hommes ignorants et légers détournent les Écritures à des sens pervers, et pour leur propre ruine[13] : voilà ces bêtes des roseaux, dont il est dit ici : « Réprimez ces bêtes féroces des roseaux ».
39. C’est d’eux encore que le Prophète a dit : « C’est une troupe de taureaux parmi les génisses des peuples, afin que soient tirés dehors ceux qui sont éprouvés comme l’argent[14] ». Il les appelle taureaux à cause de leur orgueil, de leur cou raide et indocile ; il désigne ainsi les hérétiques. « Ces génisses des peuples » doivent s’entendre, selon moi, des âmes faciles à séduire, et qui suivent ces taureaux sans résistance. Ils ne séduisent point les peuples entiers, qui renferment des hommes stables et graves ; de là ce mot des Écritures : « C’est au milieu d’une grave assemblée que je vous bénirai[15] » ; mais ils séduisent

  1. 2 Cor. 13,13
  2. Rom. 10,10
  3. Id. 8,25
  4. Jn. 4,18
  5. 1 Cor. 8,6
  6. Id. 1,21
  7. Rom. 5,8
  8. Id. 8,32
  9. Ps. 67,29
  10. Id. 30
  11. Gal. 4,26
  12. Ps. 67,31
  13. 2 Pi. 3,16
  14. Ps. 67,31
  15. Id. 34,18