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célébreront ses louanges ; » mais encore : « Tous les grands de la terre mangeront et adoreront[1]. – Je lui ai fixé ses limites, j’y ai mis des barrières et des portes. » Ses limites, pour arrêter sa fureur ; elle exercera ses ravages, mais dans une enceinte déterminée. « Des « barrières », pour empêcher les méchants de s’avancer plus loin. « Des portes », pour que les justes puissent s’en séparer.
10. « Et je lui ai dit : Tu viendras jusqu’ici, pas au-delà. » Il a été dit au démon jusqu’où il devait frapper Job. Ainsi a-t-il été dit à la mer jusqu’où elle peut persécuter l’Église. « Et dans ton sein se brisera la fureur de tes flots : » au sein des discordes civiles ou dans le tumulte des combats.
12. « Est-ce avec toi que j’ai fait paraître la lumière du matin ? » M’as-tu aidé de tes conseils pour fixer d’avance le jour de la résurrection ? « Ou que j’ai tracé sa route à l’étoile du matin ? » sous-entendu : Est-ce avec toi ? Il donne à Notre-Seigneur le nom d’étoile du matin, Lucifer, à cause du lever de la résurrection qui se fit au matin. Car c’est à lui seul que s’appliquent ces paroles : « Jusqu’à ce que l’étoile du matin, Lucifer, se lève dans vos cœurs[2]. » Il a connu sa route, pour devenir les prémices de ceux qui dorment, le premier-né d’entre les morts[3], le chef de l’Église, dont le corps doit le suivre à la future résurrection des saints.
13. « Pour saisir les ailes de la terre. » Ailleurs il est écrit : « Si je prends mes ailes pour m’élever[4] : » Ce sont les vertus surnaturelles des, justes qui les élèvent au-dessus des séductions de ce monde. « Et en secouer les impies. » S’il est ressuscité le premier, connaissant d’avance la route à suivre, c’était afin d’établir la foi en sa résurrection. Puis il a été annoncé en tout lieu par les ailes de l’Église, c’est-à-dire par ses ministres, aussi rapides que l’oiseau dans son vol. Enfin il les a chargés de juger les douze tribus d’Israël, lorsqu’il viendra secouer, chasser les impies de son Église, où ils se trouvent confondus avec les fidèles jusqu’au jour du jugement.
14. « Est-ce toi qui avec un peu de boue, créas le corps vivant ? » Il faut appliquer ceci ou à la création d’Adam au sixième jour, ou bien à ce qui se passe maintenant au sixième âge du monde, quand, tiré de la multitude des pécheurs, comme du limon de la terre, l’homme est formé à l’image de Celui qui l’a créé[5]. Ce n’est point l’œuvre de l’Église, mais elle-même a été créée ; pour recevoir cette grâce par Celui qui a tout créé, par le Verbe incarné au temps favorable[6]. « Et publier son nom par toute la terre. » Ce caractère désigne plutôt l’homme du sixième âge que l’homme du sixième jour créé avant que ceux de sa race ne puissent le faire connaître, à moins toutefois que l’on rie dise que c’est surtout au sixième âge que son nom s’est ainsi répandu.
15. « As-tu ravi la lumière à l’impie ? » comme celui qui est venu, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles[7]. « As-tu brisé le bras des superbes ? » leur vaine puissance, à l’exemple de celui qui a choisi ce qu’il y avait de plus faible pour confondre ce qui était le plus fort[8].
16. « Es-tu allé aux sources de la mer ? » comme celui qui en revenant parmi nous a découvert tous les secrets du cœur des impies ; lesquels, en les avouant et en croyant en lui, ont été justifiés. Que pourrions-nous plus exactement appeler les sources de la mer, que cette malice secrète d’où s’échappe une noire impiété, dont les actes mauvais roulent dans le monde comme les eaux d’un fleuve immense ? Les hommes en voient la malice extérieure, mais ils ne peuvent apercevoir la source secrète qui les produit. « As-tu marché sur les traces des abîmes ! » « L’abîme désigne ici la vie charnelle tout entière, plongée dans le mal, où le pécheur une fois qu’il y est, descendu, s’abandonne au mépris[9]. Car une fois rentrés en grâce avec Dieu par le pardon de leurs fautes, les pécheurs les plus désespérés se sont élevés en quelque sorte au-dessus de cet abîme et ont reçu le Christ ; ils l’ont reçu non pas pour se replonger dans l’abîme où ils gémissaient, mais pour le suivre lui-même, ayant pour hôte glorieux Celui qui les pressait de son aiguillon. « Sur les traces des abîmes ; » les souvenirs de leurs anciens péchés : car en se rappelant ce qu’ils ont été, ils aiment davantage Celui qu’ils ont reçu et qui leur a tout pardonné[10].
17. « Les portes de la mort se sont-elles ouvertes avec effroi devant toi ? » Devant tous ceux qui meurent s’ouvrent les portes de la mort ; mais ce n’est point avec crainte, comme devant Celui-là seul qui est mort pour détruire l’empire

  1. Psa. 21, 27, 30
  2. 2Pi. 1, 19
  3. 1Co. 15, 20
  4. Psa. 138, 9
  5. Gen. 1, 27 ; 2, 7
  6. Jn. 1, 3
  7. Id. 9, 39
  8. 1Co. 1, 27
  9. Pro. 18, 3
  10. Luc. 7, 41-47