Lotus de la bonne loi/Chapitre 11

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 145-162).
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CHAPITRE XI.

APPARITION D’UN STÛPA.

Alors, en présence de Bhagavat, de la partie du sol [située devant lui], du milieu de l’assemblée sortit un Stûpa fait des sept substances précieuses, haut de cinq cents Yôdjanas, et ayant une circonférence proportionnée(129 a). Ce Stûpa s’étant élevé dans l’air, se tint suspendu dans le ciel, beau, agréable à voir, bien orné de cinq mille balcons jonchés de fleurs, embelli de plusieurs milliers de portiques, de milliers d’étendards et de drapeaux, entouré de milliers de guirlandes formées de pierres précieuses, ayant une ceinture d’étoffes de coton et de clochettes, répandant au loin l’odeur parfumée du santal et de la feuille de Tamâla, laquelle remplit la totalité de cet univers. La file de parasols [qui le surmontait] atteignait jusqu’aux demeures des Dêvas Tchâturmahârâdjakâyikas ; elle était formée des sept substances précieuses, savoir : d’or, d’argent, de lapis-lazuli, d’émeraude, de cristal de roche, de perles rouges et de diamant. Sur ce Stûpa formé de substances précieuses, f. 129 b.les fils des Dêvas Trâyastrim̃çatkâyikas faisaient incessamment tomber une pluie de fleurs de Mandârava et de Mahâmandârava, dont ils le couvrirent entièrement. Et de ce Stûpa formé de substances précieuses, on entendit sortir ces paroles : Bien, bien, ô Tathâgata, vénérable, etc., ô bienheureux Çâkyamuni ; elle est bien dite cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi que tu viens de faire. C’est bien cela, ô Bhagavat ; c’est bien cela, ô Sugata.

En ce moment, à la vue de ce grand Stûpa formé de substances précieuses, qui était suspendu dans le ciel, les quatre assemblées pleines de joie, de plaisir, de contentement et de satisfaction, s’étant levées de leurs siéges, se tinrent debout, les mains jointes en signe de respect. Alors le Bôdhisattva Mahâsattva Mahâpratibhâna voyant le monde formé de la réunion des Dêvas, des hommes et des Asuras saisi de curiosité, s’adressa ainsi à Bhagavat : Quelle est la cause, ô Bhagavat, quel est le motif de l’apparition en ce monde de ce grand Stûpa formé de substances précieuses ? Qui fait entendre, ô Bhagavat, la voix qui sort de ce grand Stûpa formé de substances précieuses ? Cela dit, Bhagavat répondit ainsi au Bôdhisattva Mahâsattva Mahâpratibhâna : Dans ce grand Stûpa formé de substances précieuses, ô Mahâpratibhâna, le corps d’un Tathâgata est renfermé tout entier ; ce Stûpa est celui de ce Tathâgata ; c’est ce Tathâgata qui fait entendre cette voix. Il y a, ô Mahâpratibhâna, dans la partie de l’espace qui est placée au-dessous de la terre, f. 130 a.d’innombrables centaines de mille de myriades de kôṭis d’univers. Au delà de ces univers, est celui qu’on nomme Ratnaviçuddha ; dans cet univers existe le Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc. Ce bienheureux prononça jadis cette prière : Moi qui autrefois ai observé les règles de conduite imposées aux Bôdhisattvas, je ne suis cependant parvenu à obtenir l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, qu’après avoir entendu cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, qui est destinée à l’instruction des Bôdhisattvas. Mais aussitôt que j’ai eu entendu cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, à partir de ce moment je suis arrivé complètement à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. De plus, ô Mahâpratibhâna, ce bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., au temps où s’approchait le moment de son entrée dans le Nirvâṇa complet, fit cette déclaration en présence du monde formé de la réunion des Dêvas, des Mâras, des Brahmâs, en présence des créatures comprenant les Çramanas et les Brâhmanes : Quand je serai entré dans le Nirvâṇa complet, il faudra faire, ô Religieux, pour mon corps, pour le corps du Tathâgata, un seul grand Stûpa formé de substances précieuses ; les autres Stûpas doivent être faits à mon intention. Le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., prononça ensuite la bénédiction suivante : Que mon Stûpa que voici, ce Stûpa qui contient la propre forme de mon corps, s’élève dans les dix points de l’espace, f. 130 b.dans tous les univers, dans toutes les terres de Buddha, où sera expliquée cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi ! Que pendant le temps que les bienheureux Buddhas feront cette exposition de la loi, mon Stûpa se tienne suspendu dans l’air, au-dessus de l’enceinte de l’assemblée ! Que ce Stûpa, qui contient la propre forme de mon corps, fasse entendre une parole d’assentiment aux discours de ces bienheureux Buddhas occupés à exposer la loi ! Ce Stûpa, ô Mahâpratibhâna, est le Stûpa contenant le corps du bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., lequel étant sorti du milieu de l’enceinte de cette assemblée, pendant que, dans cet univers Saha, je faisais cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi, a, du haut de l’atmosphère où il se tient suspendu, fait entendre cette parole d’assentiment.

Alors le Bôdhisattva Mahâsattva Mahâpratibhâna s’adressa ainsi à Bhagavat : Puissions-nous aussi, ô Bhagavat, voir, grâce à ta puissance, la propre forme du Tathâgata ! Cela dit, Bhagavat parla ainsi au Bôdhisattva Mahâsattva Mahâpratibhâna : Ce bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., f. 131 a.a fait entendre une prière digne d’être respectée, c’est la suivante : Lorsque dans les autres terres de Buddha, les bienheureux Buddhas exposeront le Lotus de la bonne loi, qu’alors ce Stûpa contenant la propre forme de mon corps, arrive pour entendre cette exposition, en présence des Tathâgatas. Et quand ces bienheureux Buddhas découvrant la propre forme de mon corps, désireront la faire voir aux quatre assemblées, alors, que les formes de Tathâgata qui, dans les dix points de l’espace, dans chacune des terres de Buddha, auront été créées miraculeusement de leur propre corps(131 a) par ces Tathâgatas, chacune avec des noms distincts, et qui enseigneront la loi aux créatures de ces diverses terres de Buddha, que toutes ces formes de Tathâgata, miraculeusement créées de leur corps par ces bienheureux Buddhas, réunies toutes ensemble, voient avec les quatre assemblées la propre forme de mon corps, dans mon Stûpa qui aura été découvert. C’est pour cela, ô Mahâpratibhâna, que j’ai moi-même créé miraculeusement de mon corps un grand nombre de formes de Tathâgata, qui, dans les dix points de l’espace, chacune dans des terres de Buddha distinctes, dans des milliers d’univers, enseignent la loi aux créatures. Toutes ces formes de Tathâgata devront être amenées ici.

Alors le Bôdhisattva Mahâsattva Mahâpratibhâna parla ainsi à Bhagavat : Nous nous inclinons, ô Bhagavat, f. 131 b.devant toutes ces formes de Tathâgata créées miraculeusement de son corps par le Tathâgata. En ce moment Bhagavat émit un rayon du cercle de poils placé entre ses deux sourcils. Ce rayon ne fut pas plutôt émis, qu’à l’orient, dans cinquante centaines de mille de myriades de kôṭis d’univers, aussi nombreux que les sables du Gange, les bienheureux Buddhas qui s’y trouvaient devinrent tous parfaitement visibles ; et ces terres de Buddha, reposant sur un fond de cristal de roche, parurent toutes embellies par des arbres de diamant, ornées de guirlandes faites de pièces de soie et d’étoffes de coton, remplies de plusieurs centaines de mille de Bôdhisattvas, ombragées de dais, recouvertes de treillages faits d’or et des sept substances précieuses. Et dans ces terres parurent les bienheureux Buddhas, enseignant la loi aux créatures, d’une voix douce et belle ; ces terres apparurent toutes remplies de cent mille Bôdhisattvas. Il en fut ainsi au sud-est, au sud-ouest, à l’ouest, au nord-ouest, au nord, au nord-est, au point de l’espace qui se trouve sous la terre, et à celui qui se trouve au-dessus ; en un mot, dans les dix points de l’espace apparurent plusieurs centaines de mille de terres de Buddha, en nombre égal à celui des sables du Gange, f. 132 a.ainsi que tous les bienheureux Buddhas qui se trouvaient dans ces innombrables terres.

Alors les Tathâgatas vénérables, etc., des dix points de l’espace, s’adressèrent chacun à la troupe de leurs Bôdhisattvas : Il faudra nous rendre, ô fils de famille, dans l’univers Saha, en présence du bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., pour voir et pour vénérer le Stûpa qui renferme le corps du bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna. Alors ces bienheureux Buddhas, accompagnés chacun de leurs serviteurs, soit d’un seul, soit de deux, se rendirent dans cet univers Saha. En ce moment la totalité de cet univers fut embellie d’arbres de diamant ; elle apparut reposant sur un fond de lapis-lazuli, recouverte de treillages faits d’or et des sept substances précieuses, parfumée de l’odeur de l’encens et de substances odoriférantes de grand prix, jonchée de fleurs de Mandârava et de Mahâmandârava, ornée de guirlandes de clochettes, couverte d’enceintes tracées en forme de damier, avec des cordes d’or, sans villages, sans villes, sans bourgs, sans provinces, sans royaumes, sans capitales, sans ces montagnes que l’on nomme Kâlaparvata, Mutchilindaparvata, Mahâmutchilindaparvata, Mêruparvata, Tchakravâla, Mahâtckakravâla(132 a), en un mot sans les grandes montagnes autres que celles-ci ; f. 132 b.sans grands océans, sans rivières et sans grands fleuves, sans corps de Dêvas, d’hommes et d’Asuras, sans Enfer, sans matrices d’animaux, sans monde de Yama. C’est qu’en ce moment tous les êtres qui étaient entrés dans cet univers par les six voies de l’existence, avaient été transportés dans d’autres univers, à l’exception de ceux qui se trouvaient réunis dans cette assemblée. Alors ces bienheureux Buddhas, accompagnés chacun de leurs serviteurs, soit d’un seul, soit de deux, se rendirent dans l’univers Saha ; et à mesure qu’ils y arrivèrent, ils allèrent occuper chacun un siége auprès du tronc d’un arbre de diamant. Chacun de ces arbres avait une hauteur et une circonférence de cinq cents Yôdjanas(132 b) ; leurs branches, leurs rameaux et leurs feuilles étaient grands en proportion ; ils étaient embellis de fruits et de fleurs. Auprès du tronc de chacun de ces arbres de diamant, avait été disposé un siége, haut de cinq Yôdjanas, orné de grandes pierres précieuses ; sur ces siéges, chacun de ces Tathâgatas vint s’asseoir les jambes croisées et ramenées sous son corps. De cette manière tous les Tathâgatas de l’univers formé d’un grand millier de trois mille mondes s’assirent, les jambes croisées, sur des siéges placés près du tronc des arbres de dif. 133 a.amant.

En ce moment, la totalité de cet univers formé d’un grand millier de trois mille mondes se trouva remplie de Tathâgatas ; et cependant les Buddhas créés miraculeusement par le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, même dans un seul point de l’espace, n’étaient pas encore tous réunis. Alors le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., créa un espace pour contenir ces formes de Tathâgata qui venaient d’arriver. De tous côtés, dans les huit points de l’espace, apparurent vingt centaines de mille de myriades de kôṭis de terres de Buddha, reposant toutes sur un fond de lapis-lazuli, recouvertes de treillages faits d’or et des sept substances précieuses, ornées de guirlandes de clochettes, jonchées de fleurs de Mandârava et de Mahâmandârava, ombragées de dais divins, embellies de guirlandes de fleurs divines, parfumées de l’odeur divine de l’encens et des substances odoriférantes. Ces vingt centaines de mille de myriades de kôṭis de terres de Buddha étaient toutes sans villages, sans villes, etc. [comme ci-dessus f. 132 a] f. 133 b.Toutes ces terres de Buddha, Bhagavat les établit comme une seule terre de Buddha, comme un sol continu, uni, beau, agréable, embelli d’arbres faits des sept substances précieuses. La hauteur et la circonférence de ces arbres étaient de cinq cents Yôdjanas ; leurs branches, leurs rameaux et leurs feuilles étaient grands en proportion. Auprès du tronc de chacun de ces arbres faits des sept substances précieuses, était disposé un siége ayant cinq Yôdjanas de hauteur et de largeur, divin, fait de pierres précieuses, peint de diverses couleurs, beau à voir. Auprès du tronc de chacun de ces arbres, les Tathâgatas, à mesure qu’ils arrivaient, s’assirent sur ces siéges, les jambes croisées et ramenées sous leur corps. De cette manière, le Tathâgata Çâkyamuni créa, dans chacun des points de l’espace, vingt autres centaines de mille de myriades de kôṭis de terres de Buddha semblables, pour faire de la place à ces Tathâgatas, à mesure qu’ils arrivaient. Et ces vingt centaines de mille de myriades de kôṭis de terres de Buddha, créées dans chacun des points de l’espace, étaient toutes sans villages, f. 134 a.sans villes, etc. [comme ci-dessus f. 132 a.] Toutes les créatures de ces mondes avaient été transportées dans d’autres univers. Ces terres de Buddha étaient formées de lapis-lazuli, etc. [comme ci-dessus f. 132 a], parfumées de l’odeur de l’encens et des substances odoriférantes, ornées d’arbres de diamant. Tous ces arbres avaient une hauteur de cinq cents Yôdjanas ; et près de leur tronc avaient été dressés des siéges élevés de cinq Yôdjanas, sur lesquels les Tathâgatas s’assirent, les jambes croisées et ramenées sous leur corps, chacun sur celui qui lui était destiné.

En ce moment, les Tathâgatas miraculeusement créés de son corps par le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, qui enseignaient à l’orient la loi aux créatures, dans des centaines de mille de myriades de kôṭis de terres de Buddha en nombre égal à celui des sables du Gange, commencèrent tous à se réunir ; et à mesure qu’ils arrivaient des dix points de l’espace, ils vinrent s’asseoir aux huit points de l’horizon. Puis, partant de ces huit points de l’horizon, ces Tathâgatas franchirent, du côté de chacun des points de l’espace, trente fois dix millions d’univers. f. 134 b.Ensuite ces Tathâgatas s’étant assis chacun sur leurs siéges, envoyèrent leurs serviteurs en présente du bienheureux Çâkyamuni, et leur ayant donné des corbeilles pleines de fleurs et de joyaux, ils leur parlèrent ainsi : Allez, fils de famille, et vous étant rendus à la montagne de Grĭdhrakûta, inclinez-vous devant le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., qui s’y trouve ; souhaitez-lui en notre nom peu de peine, peu de maladies, de la force, et l’avantage de vivre au milieu des contacts agréables ; adressez-lui ces souhaits, ainsi qu’à la troupe de ses Bôdhisattvas, à celle de ses Çrâvakas ; couvrez-le de ce monceau de pierres précieuses, et parlez-lui ainsi : Les bienheureux Tathâgatas te font hommage du désir qu’ils ont de voir ouvrir ce grand Stûpa fait de pierres précieuses. C’est de cette manière que tous ces Tathâgatas envoyèrent leurs serviteurs.

Alors le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni voyant, en ce moment, réunis tous les Tathâgatas miraculeusement créés par lui de son propre corps, reconnaissant qu’ils étaient assis chacun sur leurs siéges, et que les serviteurs de ces Tathâgatas, vénérables, etc., étaient arrivés en sa présence, sachant le désir qu’avaient exprimé ces Tathâgatas, vénérables, etc. ; Bhagavat, dis-je, se leva en ce moment de son siége, f. 135 a.et s’élançant dans l’air, s’y tint suspendu. Les quatre assemblées réunies s’étant levées de leurs siéges, se tinrent debout, les mains jointes en signe de respect, et les yeux fixés sur la face de Bhagavat. Alors Bhagavat, avec l’index de sa main droite, sépara par le milieu ce grand Stûpa fait de pierres précieuses qui était suspendu en l’air ; et après l’avoir séparé, il en ouvrit complètement les deux parties. De même que les deux battants des portes d’une grande ville s’ouvrent en se séparant, lorsqu’on enlève la pièce de bois qui les tenait réunis, ainsi Bhagavat, après avoir, avec l’index de la main droite, séparé par le milieu ce grand Stûpa, fait de pierres précieuses, qui était suspendu en l’air, l’ouvrit en deux. À peine ce grand Stûpa fait de pierres précieuses eut-il été ouvert, que le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable etc., apparut assis sur son siége, les jambes croisées, ayant les membres desséchés(135 a), sans que son corps eût diminué de volume, et comme plongé dans la méditation ; et en même temps il prononça les paroles suivantes : Bien, bien, ô bienheureux Çâkyamuni, elle est bien dite cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi que tu viens de faire ; il est bon, ô bienheureux Çâkyamuni, que tu exposes aux assemblées ce Lotus de la bonne loi ; et moi aussi, ô Bhagavat, je suis venu ici f. 135 b.pour entendre ce Lotus de la bonne loi.

Alors les quatre assemblées voyant le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., qui étant entré dans le Nirvâṇa complet depuis plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas, parlait ainsi, furent frappées d’étonnement et de surprise. Elles couvrirent aussitôt de monceaux de pierreries divines et humaines le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., et le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc. En ce moment le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., donna au bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., la moitié de sa place sur le siége qu’il occupait dans l’intérieur de ce grand Stûpa fait de pierres précieuses, et il lui parla ainsi : Que le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni s’asseye ici ! Alors le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni s’assit en effet sur la moitié de ce siége, avec le Tathâgata ; et les deux Tathâgatas, assis ensemble sur ce siége, au centre de ce grand Stûpa fait de pierres précieuses, apparurent dans le ciel suspendus en l’air.

En ce moment les quatre assemblées firent cette réflexion : Nous sommes bien loin de ces deux Tathâgatas ; f. 136 a.puissions-nous, nous aussi, par la puissance du Tathâgata, nous élever dans l’air ! Alors Bhagavat connaissant avec sa pensée la réflexion qui s’élevait dans l’esprit des quatre assemblées, enleva, en ce moment, par la force de sa puissance surnaturelle, les quatre assemblées au milieu de l’atmosphère, où elles se tinrent suspendues. Ensuite le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., adressa ainsi la parole aux quatre assemblées : Quel est celui d’entre vous, ô Religieux, qui est capable d’expliquer dans cet univers Saha cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi ? Voici le temps, voici l’heure venue ; car le Tathâgata ici présent est désireux d’entrer dans le Nirvâṇa complet, ô Religieux, après vous avoir confié en dépôt cette exposition de la loi du Lotus de la bonne loi. Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

1. Le voici arrivé, ô Religieux, pour entendre la loi, ce grand Rĭchi, qui après être entré dans le Nirvâṇa, a été renfermé dans ce Stûpa, fait de substances précieuses. Quel est celui qui ne déploierait pas son énergie pour la loi ?

2. Quoiqu’il y ait plusieurs fois dix millions de Kalpas depuis qu’il est entré dans le Nirvâṇa complet, il écoute cependant encore aujourd’hui la loi ; pour elle, il se transporte dans des lieux divers : tant est difficile à rencontrer une loi de cette espèce.

f. 136 b.3. C’est là [l’effet de] la prière qu’il adressa jadis [aux Buddhas], lorsqu’il était dans une autre existence ; quoique entré dans le Nirvâṇa, il parcourt la totalité de cet univers dans les dix points de l’espace.

4. Et toutes ces formes [de Tathâgata], sorties de mon propre corps, dont il existe autant de milliers de kôṭis que de grains de sable dans le Gange, sont réunies pour assister à l’exposition de la loi, et pour voir ce Chef [du monde] entré dans le Nirvâṇa complet.

5. Après avoir établi pour chacun de ces Buddhas une terre particulière, avec tous les Çrâvakas, les hommes et les Maruts [qui les habitent], pour conserver la bonne loi, de manière que les règles qu’elle impose durent longtemps,

6. J’ai, par la force de mes facultés surnaturelles, créé de nombreux milliers de kôṭis d’univers, pour que ces Buddhas vinssent s’y asseoir, après que j’en ai eu transporté tous les habitants [dans d’autres mondes]. 7. Tous mes efforts tendent à ce seul but, qu’ils aient les moyens d’enseigner les règles de cette loi ; aussi ces Buddhas en nombre infini sont assis auprès des troncs d’arbres, semblables à des monceaux de lotus.

8. De nombreux kôṭis de troncs d’arbres sont embellis par la présence de ces Guides [du monde], assis sur leurs siéges ; ils en sont incessamment éclairés, comme les ténèbres le sont par un feu qui brûle.

9. Le parfum délicieux qu’exhalent les Guides [du monde] se répand dans les dix points de l’espace ; transporté par le vent, ce parfum vient constamment ici enivrer tous les êtres.

10. Que celui qui, lorsque je serai entré dans le Nirvâṇa complet, doit posséder cette exposition de la loi, se hâte de faire entendre sa déclaration en présence des Chefs du monde.

11. Car le Buddha parfait, le Solitaire Prabhûtaratna, qui est entré dans le Nirvâṇa complet, f. 137 a.prêtera l’oreille au rugissement du lion(137 a) poussé par ce sage, et en éprouvera de la joie.

12. Moi qui suis [ici] le second, ainsi que ces nombreux kôṭis de Guides [du monde] réunis en ce lieu, je prêterai attention aux efforts du fils du Djina qui sera capable d’exposer cette loi.

13. C’est par ce moyen que j’ai été constamment honoré, ainsi que Prabhûtaratna, ce Djina qui existe par lui-même, et qui parcourt sans cesse les points de l’horizon et les espaces intermédiaires, pour entendre une loi de cette espèce.

14. Et ces Chefs du monde, arrivés ici, dont la présence fait briller cette terre de splendeur, doivent aussi recevoir, de l’explication de ce Sûtra, des honneurs étendus et variés.

15. Vous me voyez, moi, assis avec ce Bienheureux, sur le siége placé au milieu de ce Stûpa ; vous voyez aussi ces autres Chefs du monde en grand nombre, qui sont venus ici de plusieurs centaines de terres.

16. Réfléchissez-y, ô fils de famille, par compassion pour toutes les créatures ; le Guide [du monde] ose se charger de cette tâche difficile.

17. Exposer plusieurs milliers de Sûtras en nombre égal à celui des sables du Gange, ne serait pas une tâche difficile [en comparaison de la difficulté que présente l’exposition de ce Sûtra].

18. Celui qui tenant le Sumêru dans sa main, le lancerait par delà des terres au nombre de plusieurs fois dix millions, ne ferait pas une chose difficile.

19. Celui qui remuerait avec l’orteil de son pied cet univers formé de la réunion de trois mille mondes, et le lancerait par delà des terres au nombre de plusieurs fois dix millions, ne ferait pas une chose difficile.

f. 137 b. 20. L’homme qui, arrivé au terme de son existence, exposerait, pour enseigner la loi, des milliers d’autres Sûtras, ne ferait pas une chose difficile.

21. Mais celui qui, lorsque l’Indra des mondes est entré dans le Nirvâṇa complet, possède ou expose ce Sûtra pendant la redoutable époque de la fin des temps, celui-là fait une chose difficile.

22. Celui qui renfermant dans sa main la totalité de l’élément de l’espace, s’en irait après l’avoir jeté devant lui, ne ferait pas une chose difficile.

23. Mais celui qui, à la fin des temps, lorsque je serai entré dans le Nirvâṇa complet, transcrira un Sûtra de cette espèce, celui-là fera une chose difficile.

24. Celui qui ferait tenir sur le bout de son ongle la totalité de la terre, et qui s’en irait après l’avoir jetée devant lui et lancée jusqu’au monde de Brahmâ,

25. Cet homme, après avoir fait ici, en présence de tous les mondes, une œuvre de cette difficulté, n’aurait cependant pas fait là une chose difficile ; l’emploi de la force [nécessaire pour cela] n’est rien.

26. Il ferait, certes, une chose bien plus difficile, celui qui, lorsque je serai entré dans le Nirvâṇa complet, viendrait, à la fin des temps, réciter ce Sûtra, ne fût-ce que pendant un instant.

27. L’homme qui, au milieu de l’incendie de l’univers qui termine un Kalpa, portant une charge de gazon, s’avancerait sans être brûlé, ne ferait pas encore une chose difficile.

28. Mais il en ferait une bien plus difficile celui qui, lorsque je serai entré dans le Nirvâṇa complet, possédant ce Sûtra, le ferait entendre, ne fût-ce qu’à une seule créature.

29. Qu’un homme possédât les quatre-vingt-quatre mille corps de la loi(137 b), et qu’il les enseignât à plusieurs fois dix millions d’êtres vivants, avec les instructions qu’ils contiennent, et tels qu’ils ont été exposés,

30. Il ne ferait pas une chose difficile, non plus que celui qui maintenant disciplinerait mes Religieux, et qui établirait mes Çrâvakas dans les cinq connaissances surnaturelles(138 a).

31. Mais il accomplirait une bien plus rude tâche, celui qui posséderait ce Sûtra, qui y aurait foi et confiance, et qui l’exposerait à plusieurs reprises.

32. Celui qui établirait dans le rang d’Arhat plusieurs milliers de kôtis de créatures, en leur donnant les six connaissances surnaturelles(138 a 2) et les grandes perfections,

33. N’accomplirait encore qu’une tâche au-dessous de celle de l’homme excellent qui, quand je serai entré dans le Nirvâṇa complet, possédera cet éminent Sûtra.

34. J’ai amplement exposé la loi dans des milliers d’univers, et je l’expose même encore aujourd’hui, dans le but de donner la science de Buddha. 35. Mais ce Sûtra se nomme le premier de tous les Sûtras ; celui qui porte ce Sûtra, porte le corps même du Djina.

36. Parlez, ô fils de famille ; moi qui suis le Tathâgata, me voici devant vous ; [qu’il parle] celui d’entre vous qui désire se charger de la possession de ce Sûtra, pour la fin des temps.

37. Il fera une chose grandement agréable à tous les Chefs du monde en général, celui qui possédera, ne fût-ce qu’un seul instant, ce Sûtra si difficile à posséder.

38. Il est en tout lieu célébré par les Chefs du monde, il est brave et plein de force, et il arrive rapidement à l’intelligence de l’état de Bôdhi ;

39. Il est le fils chéri des Chefs du monde, le favori qu’ils portent sur leurs épaules, il est arrivé sur le terrain de la quiétude, celui qui possède ce Sûtra.

f. 138.40. Il devient l’œil du monde formé de la réunion des Maruts et des hommes, celui qui explique ce Sûtra, lorsque le Guide des hommes est entré dans le Nirvâṇa complet.

41. Il doit être vénéré comme un sage par toutes les créatures, celui qui, à la fin des temps, exposera ce Sûtra, ne fût-ce que pendant un moment.

Ensuite Bhagavat s’adressant à la troupe tout entière des Bôdhisattvas et au monde formé de la réunion des Suras et des Asuras, parla ainsi : Autrefois, ô Religieux, dans le temps passé, je cherchai pendant un nombre infini, incalculable de Kalpas, à obtenir le Sûtra du Lotus de la bonne loi, sans éprouver un instant de fatigue ou de découragement. En effet, je fus jadis, il y a bien des Kalpas, il y a bien des centaines de mille de Kalpas, je fus roi ; et je sollicitai le bonheur d’obtenir l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; et ma pensée ne se détacha jamais de son but. J’étais sans cesse appliqué à remplir les devoirs des six perfections(138 b), répandant des aumônes sans nombre, distribuant tout ce qui m’appartenait, or, joyaux, perles, lapis-lazuli, conques, cristal, corail, or non travaillé, argent, émeraudes, diamants, perles rouges ; villages, bourgs, villes, provinces, royaumes, capitales ; enfants, femmes, filles, esclaves ; éléphants, chevaux, chats, et jusqu’à ma vie et mon propre corps, et chacun de mes membres en particulier, comme mes mains, mes pieds, ma tête ; et cependant la pensée qui embrasse tout ne se développait pas en moi. En ce temps-là l’existence du monde était de longue durée, f. 139 a.elle s’étendait à plusieurs centaines de mille d’années ; et moi je remplissais alors les devoirs de Roi de la loi, en vue de la loi, et non en vue de ma domination. Après avoir sacré mon fils aîné, je me mis à chercher la loi excellente dans les quatre points de l’espace ; aussi fis-je répandre partout cette nouvelle à son de cloche : Celui qui me communiquera la loi excellente ou qui m’en expliquera le sens, je m’engage à devenir son esclave. En ce temps-là il y avait un Rĭchi qui me dit ces paroles : Il y a, ô grand roi, un Sûtra nommé le Lotus de la bonne loi, qui est une exposition de la bonne loi, et qui enseigne ce qu’il y a de plus excellent. Si tu consens à devenir mon esclave, je t’exposerai cette loi. Ayant entendu les paroles de ce Rĭchi, je me sentis content, joyeux, satisfait, plein de joie et de ravissement, et m’étant rendu au lieu où résidait ce Rĭchi, je lui parlai en ces termes : Me voici prêt à te rendre les services que doit un esclave. Étant donc entré au service de ce Rĭchi, je lui rendis les devoirs qu’un esclave doit à son maître, comme d’aller chercher pour lui du gazon, du bois, de l’eau, des légumes, des racines et des fruits ; j’étais le gardien de sa porte ; et après avoir rempli le jour ces devoirs, la nuit je lui tenais les pieds sur son siége, son lit ou sa couche ; et cependant je n’éprouvais jamais de fatigue ni de corps ni d’esprit. Mille années s’écoulèrent pour moi dans ces fonctions.

Ensuite Bhagavat voulant développer ce sujet, prononça, dans cette occasion, les stances suivantes :

42. Je me souviens d’un temps écoulé depuis un grand nombre de Kalpas, d’un temps où j’étais un Roi de la loi, f. 139 b.plein de justice, et où je remplissais les devoirs de la royauté pour la loi même, dans l’intérêt de la loi excellente, et non pour satisfaire mes désirs.

43. Je fis répandre cet avis dans les quatre points de l’espace : Celui qui me donnera la loi, je me ferai son esclave. Or il y avait en ce temps-là un sage Rĭchi qui exposait le Sûtra nommé du nom de la bonne loi.

44. Ce sage me dit : Si tu as le désir de posséder la loi, fais-toi mon esclave, je t’exposerai ensuite la loi ; et moi, satisfait, après avoir entendu ces paroles, je fis auprès de lui tout ce que doit faire un esclave.

45. Mon corps et mon esprit furent également insensibles à la fatigue pendant le temps que je restai dans la condition d’esclave, en vue d’obtenir la loi ; la prière que j’avais adressée en ce temps-là était dans l’intérêt des créatures, non pour moi ni pour satisfaire mes désirs,

46. Le roi [dont je vous parle] déployait ainsi son énergie, sans chercher rien autre chose dans les dix points de l’espace ; il s’occupait sans relâche de cet objet pendant des milliers de kôṭis de Kalpas complets, et cependant il ne pouvait arriver à posséder le Sûtra désigné par le nom de la loi.

Comment comprenez-vous cela, ô Religieux ?(139 b) Est-ce que ce roi était, en ce temps-là, à cette époque, un autre [que moi] ? Il ne faut pas avoir cette opinion. Pourquoi cela ? C’est que c’était moi qui, en ce temps-là, à cette époque, étais ce roi. Serait-ce, en outre, ô Religieux, que ce Rĭchi était en ce temps-là, à cette époque, un autre personnage [que l’un de ceux qui sont ici] ? Il ne faut pas avoir cette opinion. Pourquoi cela ? C’est que c’était le Religieux Dêvadatta, qui en ce temps-là était ce Rĭchi. Car Dêvadatta, ô Religieux, était mon vertueux ami. C’est après m’être rendu auprès de Dêvadatta, que j’accomplis les six perfections(139 b 2). La grande charité, la grande compassion, le grand contentement, la grande indifférence, f. 140 a.les trente-deux caractères distinctifs d’un grand homme, les quatre-vingts signes secondaires(140 a), la splendeur qui se répand à la distance d’une brasse, l’éclat semblable à la couleur de l’or, les dix forces(140 a 2), les quatre intrépidités(140 a 3), les quatre richesses de l’accumulation(140 a 4), les dix-huit conditions d’un Buddha dites homogènes(140 a 5), la force de la grande puissance surnaturelle, le pouvoir de sauver les êtres dans les dix points de l’espace, tout cela me fut donné, après que je me fus rendu auprès de Dêvadatta. Je vais vous parler, ô Religieux, je vais vous instruire : oui, dans un temps à venir, après un nombre incommensurable de Kalpas, le religieux Dêvadatta sera le Tathâgata nommé Dêvarâdja, vénérable, etc., doué de science et de conduite, etc. Il paraîtra dans l’univers nommé Dêvasôppâna(140 a 6). La durée de la vie de ce Tathâgata sera, ô Religieux, de vingt moyens Kalpas. Il exposera la loi en détail ; il fera voir, face à face, l’état d’Arhat à des créatures en nombre égal à celui des sables du Gange, en leur faisant éviter toutes les corruptions [du mal]. Beaucoup d’êtres concevront [par ses soins] la pensée de l’état de Pratyêkabuddha, et des créatures en nombre égal à celui des sables du Gange, concevront celle de l’état de Buddha parfaitement accompli, et elles obtiendront la patience qui ne se détourne pas du but. f. 140 b.Lorsque le Tathâgata Dêvarâdja sera entré dans le Nirvâṇa complet, sa bonne loi subsistera pendant vingt moyens Kalpas. On ne verra pas son corps divisé en plusieurs parties, sous forme de reliques ; mais il subsistera en son entier, enfermé dans un Stûpa fait des sept substances précieuses, et ce Stûpa aura soixante fois cent Yôdjanas de hauteur(140 b) et quarante Yôdjanas de circonférence. La totalité des Dêvas et des hommes rendront un culte à ce Stûpa, ils lui offriront des fleurs, de l’encens, des parfums, des guirlandes de fleurs, des substances onctueuses, des poudres odorantes, des vêtements, des parasols, des drapeaux, des étendards, des hymnes et des chants. Ceux qui tourneront autour de ce Stûpa en le laissant à leur droite, ou qui s’inclineront devant lui, obtiendront ce résultat suprême, les uns de voir face à face l’état d’Arhat, les autres d’arriver à l’état de Pratyêkabuddha ; et un nombre immense et inconcevable de Dêvas et d’hommes, après avoir conçu la pensée de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, deviendront incapables de retourner en arrière.

Ensuite Bhagavat s’adressa de nouveau à l’assemblée, des Religieux : Le fils ou la fille de famille, ô Religieux, qui, dans l’avenir, écoutera ce chapitre du Sûtra nommé le Lotus de la bonne loi, et qui, après l’avoir écouté, ne concevra plus de doute, n’éprouvera plus d’incertitude et qui, avec un esprit pur, y aura confiance, f. 141 a.celui-là verra se fermer pour lui l’entrée des trois mauvaises voies de l’existence. Il ne descendra pas aux renaissances qui ont lieu dans le monde de Yama, dans des matrices d’animaux, ou dans l’Enfer. Renaissant dans une des terres de Buddha situées aux dix points de l’espace, il entendra ce Sûtra pendant plusieurs existences successives ; et quand il renaîtra dans le monde des hommes ou des Dêvas, il obtiendra d’y occuper un rang éminent. Dans (quelque terre de Buddha qu’il renaisse, il y viendra miraculeusement au monde sur un lotus fait des sept substances précieuses, en présence d’un Tathâgata.

En ce moment le Bôdhisattva nommé Pradjñâkûta, qui était venu de la partie de l’espace qui est sous la terre, de la terre de Buddha du Tathâgata Prabhûtaratna, s’adressa ainsi à ce Tathâgata même : Partons, ô Bienheureux, pour notre terre de Buddha. Mais le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni s’adressa ainsi au Bôdhisattva Pradjñâkûta : Approche un instant, ô fils de famille, pour discuter un peu sur la loi avec mon Bôdhisattva Mahâsattva Mañdjuçrî, qui est devenu Kumâra ; après cela tu pourras retourner dans ta propre terre de Buddha. Alors, en cet instant même, Mañdjuçrî devenu Kumâra, assis sur un lotus à cent feuilles, large comme la roue d’un char, f. 141 b.entouré et suivi par un grand nombre de Bôdhisattvas, étant sorti du milieu de l’océan, du palais de Sâgara, roi des Nâgas, s’élança dans les airs, et arriva par la voie de l’atmosphère sur la montagne de Grĭdhrakûṭa, en présence de Bhagavat. Là Mañdjuçrî, devenu Kumâra, étant descendu de son lotus, après avoir salué, en les touchant de la tête, les pieds du bienheureux Çâkyamuni et ceux du Tathâgata Prabhûtaratna, se rendit à l’endroit où se trouvait le Bôdhisattva Pradjñâkûṭa, et étant arrivé devant lui, il adressa au Bôdhisattva de nombreuses paroles de plaisir et d’affection, et s’assit ensuite dans un endroit à part. Alors le Bôdhisattva Pradjñâkûṭa s’adressa ainsi à Mañdjuçrî, devenu Kumâra : Ô Mañdjuçrî, toi qui arrives du milieu de l’océan, quel nombre de créatures as-tu discipliné ? Mañdjuçrî répondit : Des créatures en nombre immense et incommensurable ont été disciplinées [par moi], et en nombre si immense et si incommensurable, qu’il est impossible de l’exprimer par la parole ; on ne peut le dire, ni le concevoir par la pensée. Approche un moment, fils de famille, que je te montre un prodige. Et à peine cette parole fut-elle prononcée par Mañdjuçrî Kumâra, qu’au moment même plusieurs milliers de lotus, sortis de l’océan, s’élancèrent dans les airs ; f. 142 a.et sur ces lotus parurent assis plusieurs milliers de Bôdhisattvas, qui se dirigeant par la voie de l’atmosphère vers l’endroit où se trouvait la montagne de Grĭdhrakûṭa, restèrent suspendus dans le ciel ; c’était tous ceux que Mañdjuçrî Kumâra avait disciplinés pour l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Alors ceux de ces Bôdhisattvas qui étaient anciennement entrés dans le grand véhicule, célébrèrent les qualités du grand véhicule et les six perfections. Ceux de ces Bôdhisattvas qui avaient été anciennement des Çrâvakas(142 a), célébrèrent le véhicule des Çrâvakas. Tous connaissaient et les qualités du grand véhicule et cette vérité, que toutes les lois sont vides.

Ensuite Mañdjuçrî Kumâra s’adressa ainsi au Bôdhisattva Pradjñâkûṭa : fils de famille, après m’être rendu dans le milieu du grand océan, j’ai employé tous les moyens pour discipliner les créatures, et maintenant tu en vois l’effet. Alors le Bôdhisattva Pradjñâkûṭa interrogea Mañdjuçrî Kumâra, en chantant les stances suivantes :

47. Ô toi qui es doué d’une grande vertu, toi qui enseignes la sagesse par similitudes, ces créatures innombrables qui ont été disciplinées aujourd’hui par toi, dis-le-moi puisque je t’interroge, par la puissance de qui les as-tu disciplinées, ô toi qui es un Dêva parmi les hommes ?

48. Quelle loi as-tu enseignée, ou bien quel Sûtra, quand tu as voulu montrer la voie qui conduit à l’état de Buddha, f. 142 b.pour que ces êtres l’ayant entendue, aient conçu l’idée de cet état ? Certainement ils ont acquis l’omniscience, puisqu’ils ont saisi le sens profond [de tes discours].

Mañdjuçrî répondit : J’ai exposé au milieu de l’océan, le Sûtra du Lotus de la bonne loi, et non aucun autre Sûtra. Pradjñâkûṭa reprit : Ce Sûtra est profond, subtil, difficile à saisir ; aucun autre Sûtra ne lui ressemble. Est-il quelque créature qui soit capable de pénétrer ce Sûtra, et d’obtenir [par là] l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ? Mañdjuçrî répondit : Il y a, ô fils de famille, la fille de Sâgara, roi des Nâgas, âgée de huit ans, qui a une grande sagesse, des sens pénétrants, qui est douée d’une activité de corps, de parole et d’esprit que dirige toujours la science ; elle a obtenu la possession des formules magiques, parce qu’elle a saisi et les lettres et le sens des discours des Tathâgatas(142 b). Elle embrasse en un instant les mille méditations qui font reconnaître l’égalité de toutes les lois et de tous les êtres. Ayant conçu la pensée de l’état de Buddha, elle est incapable de retourner en arrière ; ses prières sont immenses ; elle éprouve pour toutes les créatures autant d’attachement que pour elle-même ; elle est capable de donner naissance à toutes les vertus, et elle n’en est jamais abandonnée. Le sourire sur les lèvres, et douée de la perfection d’une beauté souverainement aimable(142 b 2), elle n’a que des pensées de charité, et ne prononce que des paroles de compassion. Elle est capable d’arriver à l’état de Buddha parfaitement accompli. Le Bôdhisattva Pradjñâkûṭa reprit : J’ai vu le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni f. 143 a.s’efforçant d’arriver à l’état de Buddha ; devenu Bôdhisattva, il fit un nombre immense de bonnes œuvres ; et pendant plusieurs milliers de Kalpas, il ne laissa jamais se relâcher sa vigueur. Dans l’univers formé d’un grand millier de trois mille mondes, il n’est pas un coin de terre, ne fût-il pas plus étendu qu’un grain de moutarde, où il n’ait déposé son corps pour le bien des créatures. C’est après cela qu’il est parvenu à l’état de Buddha. Qui donc pourrait croire que cette jeune fille ait été capable d’arriver en un instant à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ?

En ce moment la fille de Sâgara, roi des Nâgas, apparut debout devant lui. Après avoir salué, en les touchant de la tête, les pieds de Bhagavat, elle se tint debout à l’écart, et prononça les stances suivantes :

49. Pur d’une profonde pureté, il brille de toutes parts dans l’espace ce corps subtil, orné des trente-deux signes de beauté(143 a),

50. Paré des marques secondaires, honoré par toutes les créatures, d’un abord facile pour les êtres, comme s’il était leur concitoyen.

51. J’ai acquis, comme je le désirais, l’état de Bôdhi ; le Tathâgata m’en est ici témoin, j’exposerai avec tous ses développements la loi qui délivre du malheur.

En ce moment le respectable Çâriputtra s’adressa ainsi à la fille de Sâgara, roi des Nâgas : Tu n’as fait que concevoir, ô ma sœur, la pensée de l’état de Buddha, et tu es incapable f. 143 b.de retourner en arrière ; tu as une science sans bornes : mais l’état de Buddha parfaitement accompli est difficile à atteindre. Ma sœur est une femme, et sa vigueur ne se relâche pas ; elle fait de bonnes œuvres depuis des centaines, depuis des milliers de Kalpas ; elle est accomplie dans les six perfections(143 b) ; et cependant, même aujourd’hui, elle n’obtient pas l’état de Buddha. Pourquoi cela ? C’est qu’une femme ne peut obtenir, même aujourd’hui, les cinq places. Et quelles sont ces cinq places ? La première est celle de Brahmâ ; la seconde, celle de Çakra ; la troisième, celle de Mahârâdja ; la quatrième, celle de Tchakravartin ; la cinquième, celle d’un Bôdhisattva incapable de retourner en arrière.

En ce moment la fille de Sâgara, roi des Nâgas, avait un joyau dont le prix valait l’univers tout entier, formé d’un grand millier de trois mille mondes. La fille de Sâgara, roi des Nâgas, donna ce joyau à Bhagavat, et Bhagavat, par compassion pour elle, l’accepta. Alors la fille de Sâgara, roi des Nâgas, s’adressa ainsi au Bôdhisattva Pradjñâkûṭa et au Sthavira Çâriputtra : Le joyau que j’ai donné à Bhagavat, Bhagavat, par compassion pour moi, l’a bien vite accepté. Le Sthavira répondit : Donné vite par toi, il a été vite accepté par Bhagavat. La fille de Sâgara, roi des Nâgas, reprit : Si j’étais, ô respectable Çâriputtra, douée de la grande puissance surnaturelle, je parviendrais plus vite encore f. 144 a.à l’état de Buddha parfaitement accompli, et personne ne prendrait ce joyau. Aussitôt la fille de Sâgara, roi des Nâgas, à la vue de tous les mondes, à la vue du Sthavira Çâriputtra, supprimant en elle les signes qui indiquaient son sexe(144 a), se montra revêtue des organes qui appartiennent à l’homme, et transformée en un Bôdhisattva, lequel se dirigea vers le midi. Dans cette partie de l’espace se trouvait l’univers nommé Vimala ; là, assis près du tronc d’un arbre Bôdhi, fait des sept substances précieuses, ce Bôdhisattva se montra parvenu à l’état de Buddha parfaitement accompli, portant les trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme, ayant le corps orné de toutes les marques secondaires, illuminant de l’éclat qui l’environnait les dix points de l’espace, et faisant l’enseignement de la loi. Les êtres qui se trouvaient dans l’univers Saha, virent tous ce Bienheureux qui était l’objet des respects de tous les Dêvas, des Nâgas, des Yakchas, des Gandharvas, des Asuras, des Garudas, des Kinnaras, des Mahôragas, des hommes et des êtres n’appartenant pas à l’espèce humaine, et qui était occupé à enseigner la loi. Et les êtres qui entendirent l’enseignement de la loi, fait par ce Tathâgata, devinrent tous incapables de se détourner de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; et cet univers Vimala, ainsi que l’univers Saha, trembla de six manières différentes. Trois mille êtres d’entre ceux qui formaient l’assemblée du Bienheureux Çâkyamuni, f. 144 b.acquirent la patience surnaturelle de la loi, et trois mille êtres vivants eurent le bonheur de s’entendre prédire qu’ils parviendraient à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Alors le Bôdhisattva Pradjñâkûta et le Sthavira Çâriputtra gardèrent le silence.


Notes du chapitre XI

CHAPITRE XI.

f. 129 a.Et ayant une circonférence proportionnée.] Le texte se sert de l’expression sim̃hâsana pariṇâhêna, littéralement « avec une circonférence de trône, » c’est-à-dire peut-être, « avec une circonférence à la base. »

f. 131 a.Les formes de Tathâgata… créées miraculeusement de leur propre corps.] Voici les propres paroles du texte : âtmabhâvanirmitâs tathâgatavigrahâḥ. Nous avons encore ici une nouvelle espèce de Buddhas, distincts, si je ne me trompe, de ces Buddhas que notre Lotus suppose rangés dans les huit points de l’espace, et qu’il fait contemporains, dans d’autres univers, de Çâkyamuni, le Buddha du Sahâlôkadhâtu[1]. Il semble que ce soient là les Buddhas qui ont fourni à I. J. Schmidt l’idée de son système sur les Dhyâni Buddhas des Népalais, système qui consiste à supposer qu’un Tathâgata n’est pas plutôt parvenu à la perfection absolue qu’il se crée dans le monde céleste une sorte de reflet (Abglanz) qui est un Buddha de contemplation, Dhyâni Buddha[2]. A. Rémusat a eu parfaitement raison d’hésiter à adopter ce système, et il a pu justement se demander si c’était dans la classe des mythes ou dans celle des idées philosophiques qu’on devait ranger ces nouveaux Buddhas[3]. Le texte du Lotus de la bonne loi nous apprend que ce n’est ni dans l’une ni dans l’autre de ces classes, mais bien dans celle des miracles qu’on suppose toujours Buddha capable de faire. Ces apparitions ne sont donc pas essentiellement liées à l’existence d’un Buddha ; elles sont accidentelles : seulement elles flattent l’imagination des Buddhistes du Nord, qui aiment à se représenter l’infinité de l’espace peuplée d’un nombre infini de Buddhas. Si le lecteur veut bien se reporter à ce que j’ai dit plus haut, chap. vii, f. 105 a, p. 391, des seize Buddhas qui dirigent les mondes placés aux huit points de l’horizon, il verra combien ces Buddhas diffèrent de ceux dont il est question ici au chapitre xi. Les premiers sont en quelque sorte naturels ; car si l’on suppose des univers autres que le Sahâlôkadhâta qui est sous la tutelle de Çâkyamuni, ce n’est pas faire un grand effort d’intelligence que d’imaginer quinze autres Buddhas enseignants dans les quinze autres univers supposés. Les Tathâgatas du chap. xi, au contraire, sont des Tathâgatas miraculeusement créés du corps de Çâkyamuni, qui sont comme des apparitions magiques, et qui peuplent l’espace par delà les mondes dont je viens de parler. Comme les premiers, ils sont inconnus aux Buddhistes du Sud.

f. 132 a.Sans ces montagnes que l’on nomme, etc.] Voyez la note à l’Appendice, no XVIII.

f. 132 b.Chacun de ces arbres avait une hauteur et une circonférence de cinq cents Yôdjanas.] Il faut traduire plus exactement : « Chacun de ces arbres avait une hauteur de cinq cents « Yôdjanas, et une circonférence d’un demi-yôdjana. » Cela nous donne l’idée d’arbres singulièrement élancés, et on pourrait en conclure que le texte est altéré, mais les manuscrits sont unanimes pour lire ardhayôdjana. Aurait-on voulu dire « un Yôdjâna et demi ? » L’exagération de cette description fabuleuse est augmentée jusqu’à la niaiserie par un des manuscrits de M. Hodgson, qui au lieu de cinq cents lit mille Yôdjanas.

f. 135 a.Ayant les membres desséchés.] J’avais lu par erreur pariçuchkagâtrô, préoccupé malgré moi de l’idée de sauver au moins l’apparence du sens commun dans ces exhibitions fantastiques ; mais tous les manuscrits donnant pariçuddhagâtrô, il faut traduire, « ayant les membres très-purs, » ou « parfaits, bien conformés, » selon le sens qu’a très-fréquemment pariçuddha dans ce livre.

f. 137 a.St. 11. Rugissement du lion.] Le texte dit sim̃hanâda ; c’est une des expressions figurées « par lesquelles les Buddhistes désignent l’enseignement de la loi que donne le Buddha. J’ai eu occasion d’en parler dans le premier volume de l’Histoire du Buddhisme[4]. Mais ce que j’ai oublié de remarquer alors, c’est que cette expression est, comme bien d’autres du même genre, empruntée à l’art militaire des Indiens. L’Amarakocha nous apprend en effet que sim̃hanâda, ou « le rugissement du lion, » désigne le cri de guerre[5]. Le Buddha est comparé à un soldat qui pousse le cri de guerre contre l’armée de Mâra ou du péché ; et chacune des phases de sa lutte avec le vice est comparée à un combat acharné. Il se peut que le souvenir de l’origine militaire de Çâkya n’ait pas été sans influence sur l’emploi de cette phraséologie belliqueuse à laquelle j’ai déjà fait allusion[6]. Selon les auteurs chinois, le rugissement du lion sert de point de comparaison, sous onze rapports différents, à la prédication que le Buddha fait de la loi[7].

f. 137 b.St. 29. Les quatre-vingt-quatre mille corps de la loi.] Voyez sur cette division fabuleuse f. 137 b. des livres fondamentaux des Buddhistes, l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 34 et 35.

f. 138 a.St. 30. Les cinq connaissances surnaturelles.] Voyez ci-dessus, chap. 1, f. 1, p. 291, et chap. v, f. 75 a, p. 379.

St. 32. Les six connaissances surnaturelles.] Voyez ci-dessus, chap. iii, f. 52 b, st. 84, p. 372, et l’Appendice, no XIV.

f. 138 b.Les devoirs des six perfections.] Voyez ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 332, et l’Appendice, no VII.

f. 139 b.Comment comprenez-vous cela, ô Religieux ?] Le texte se sert ici d’une formule spéciale qui revient toujours la même, chaque fois que le Buddha veut annoncer que l’histoire qu’il vient de raconter d’un ancien Buddha, d’un ancien roi, ou de tout autre personnage, s’applique à lui-même ou à un de ceux qui l’écoutent. Je la transcris ici telle que la donnent les manuscrits sanscrits du Népal, parce que j’ai été obligé d’en déplacer et d’en développer quelques termes pour la rendre claire en français : Tat kim manyadhvam bhikchavô ’nyaḥ sa têna kâléna téna samayêna Rĭchir abhût : na khalu punar êvam̃ drachṭavyam̃ ; tat kasya hétôḥ ? ayamêva sa dêvadattô bhikchus têna kâlêna têna samayêna rĭchir abhût, ce qui signifie littéralement : « Que pensez-vous de cela, ô Religieux ? — Autre fut ce Rĭchi, en « ce temps-là, à cette époque. — Mais il ne faut pas voir ainsi. Pourquoi cela ? C’est que c’était le Religieux même Dêvadatta qui dans ce temps-là, à cette époque fut ce Rĭchi. » Voici maintenant la même formule en pâli, sauf les trois premiers mots : Aññô nûna têna samayêna râdjâ mahâsudassanô ahôsiti ; na khô panêtam̃ ânanda êvam̃ daṭṭhabham̃ ahan têna samayêna râdjâ mahâsadassanô ahôsinti, littéralement : « Sans doute, diras-tu, en ce temps-là le roi Mahâsudassana fut un autre ; mais certes, Ânanda, cela ne doit pas être vu ainsi ; c’est moi qui en ce temps-là fus le roi Mahâsudassana[8]. » Au reste, ce pouvoir qu’on attribue au Buddha de se rappeler ses existences passées, est une des plus hautes facultés que lui ait reconnues la foi de ses disciples : on en verra la formule tant en sanscrit qu’en pâli au no XXI, de l’Appendice, où je compare quelques textes sanscrits du Nord avec les textes pâlis correspondants du Sud.

Les six perfections.] Voyez ci-dessus, chap. i, f. ii a, p. 332, et l’Appendice, no VII.

f. 140 a.Les trente-deux caractères distinctifs d’un grand homme, les quatre-vingts signes secondaires.] Voyez ci-dessus, chap. ii, f. 29 b, p. 356, et l’Appendice, no VIII.

Les dix forces.] Pour les dix forces, voyez ci-dessus, chap. iii, f. 40 a, p. 367, et l’Appendice, no XI.

Les quatre intrépidités.] Cette catégorie qui a déjà été indiquée plus haut, chap. ii, f. 19 a, p. 346, doit être examinée maintenant, puisque c’est ici pour la première fois que le texte du Lotus de la bonne loi exprime le nombre des termes dont elle se compose ! Malheureusement je n’ai jusqu’ici trouvé qu’un seul texte qui nous montre ce qu’on entend par le mot de vâiçâradya, « l’intrépidité ou la confiance. » Ce texte est cité par le Dharma pradîpikâ ; il est un peu bref et quelquefois incorrect : cependant, tel qu’il est, il détermine avec précision celle des deux nuances, intrépidité ou confiance, qui doit être préférée ; c’est évidemment la seconde. Voici ce passage que je reproduis ici avec quelques corrections nécessaires : Sammâsambuddhasa tê paṭidjânatô imê dhammâ anabhisam­buddhâti tatra vata mam samanôvâ brâhmaṇôvâ dêvôvâ mârôvâ hrahmâvâ hôtchi lôkasmifh saka dhammêna paṭitchôdêssatîti (cod. tchôdêssâmîti) nimittam êtam bhikkhavê na samanupassâmi ; êtampaham bhikkhavê nimittam asamanupassattâ khêmappattô abhayappattô vêsâradjdjappattô viharâmi. « Je n’aperçois pas, ô Religieux, de raison pourquoi un Samaṇa ou un Brâhmane, un Dêva, un Mâra ou un Brahmâ quelconque dans ce monde viendrait avec juste raison me gourmander en disant, Arrivé à l’état de Buddha parfaitement accompli, éclairé comme tu l’es, voici cependant des lois que tu n’as pas pénétrées ; maintenant, parce que je n’aperçois pas de raison pour cela, je me trouve plein de bonheur, de sécurité et de confiance. » On voit que vêsâradjdja qui dans ce texte pâli représente le sanscrit vâiçâradya, ne peut avoir d’autre sens que celui de confiance ; c’est donc celui-là qu’il faut rétablir dans ma traduction. Le passage qu’on vient de lire est le premier motif de confiance que le Buddha reconnaisse en lui : ce motif, c’est qu’il a pénétré toutes les lois. Il y en a encore trois autres que je vais reproduire d’après le Dharma pradîpikâ, en abrégeant à son exemple la formule commune aux quatre vêsâradjdja. Le second motif de confiance est ainsi conçu : khiṇâsavassa tê paṭidjânatô imê âsavâ aparikkkînâti (cod. parikkkîṇâti, « ayant détruit toutes les souillures du vice, éclairé comme tu l’es, voici cependant des souillures que tu n’as pas détruites ; » le Buddha ne craignant pas qu’on lui fasse ce reproche, vit dans une entière confiance. Le troisième motif est celui-ci : yé khô tê pana. antarâyikâ dhammâ vuttâ tê paṭisêvatô nâlam antarâyâti, « les conditions que tu as dit être un obstacle [à la contemplation], pratique-les, elles ne seront pas un obstacle. » Je traduis le mot antarâyikâ signifiant « qui apporte un obstacle, » sans qu’on dise à quoi, d’après l’interprétation qu’en donne le commentaire barman du Pâṭimôkkha : djhân mag phoil eng antarày koiv pru tai sañ sa lhyag̃ phratch sô, « qui est même capable de faire obstacle au fruit de la voie de la contemplation[9]. » Enfin voici le quatrième motif de confiance : yassa khôpana tê atthâya dhammô dêsitô sô na nîyyâti nitakkarakka sammâ dukkhâkkhayâyâti, « la loi que tu as enseignée pour ce but particulier de détruire complètement la douleur, elle ne conduit pas à ce but celui qui la pratique[10]. » Je m’aide, pour traduire ainsi ce texte qui me paraît altéré, d’un passage analogue du Têvidjdja sutta qu’on trouvera vers la fin de l’Appendice, no II, et où, au lieu de niyyâti nitakkarakka, on lit avec un mot de plus, niyyânikô niyyâti takkarassa[11] : Le premier mot répond en pâli au sanscrit nâiryâṇika, « qui aide à sortir dehors, » que nous allons voir dans le Lalita vistara. Le second, niyyâti, doit être en sanscrit niryâti, « il sort, » et takkarassa est probablement tatkarasya, « pour celui qui agit ainsi. » Mais même sans cette correction, le sens général de la phrase n’est pas douteux : le Buddha ne voyant pas de raison pour qu’on lui adresse plus ce reproche que le précédent, vit dans une entière sécurité. En résumé, les quatre motifs de sa confiance sont : 1o qu’il a pénétré toutes les lois ; 2o qu’il s’est débarrassé de tous les vices ; 3o qu’il a reconnu quels sont les obstacles qui s’opposent à la contemplation ; 4o que sa loi a atteint à son but, celui de détruire complètement la douleur.

Au reste, il paraît que les textes buddhiques sont assez sobres d’explications quand il s’agit des quatre motifs de confiance du Buddha, motifs qu’ils rappellent cependant presqu’à chaque page. En voici une preuve que j’emprunte au Lalita vistara, où malgré l’abondance des mots ces quatre motifs sont moins clairement indiqués que dans les quatre phrases pâlies assez courtes que je viens d’expliquer. Parmi les titres qui sont donnés à un Buddha, et qu’on énumère à la fin du xxvie chapitre du Lalita vistara, on trouve quatre passages sur la confiance que je vais reproduire et traduire successivement. Le premier motif de confiance est ainsi formulé : Niravaçêcha sarvadharmâbhisam̃buddha pratidjñârôhana sadêvalôkânabhi­bhûta pratidjñâ vâiçâradya prâptatvân̄ nirava­çêcha sarvadharmâbhisam̃b­uddha pratidjñârôhaṇa sadêvalôkê ’nâbhibhûta pratidjñâ vâiçâradya prâpta ityatchyatê. « Comme il a acquis la confiance dans l’assurance qu’il a donnée sans être contredit par le monde réuni aux Dêvas, où nul ne s’est élevé contre sa parole, assurance qui consistait à dire qu’il connaissait les lois, toutes et sans reste, on dit de lui qu’il a acquis la confiance dans cette assurance. » J’ai traduit de cette formule ce qu’il y a d’essentiel, et je n’en ai pas répété la fin qui consiste à reproduire après le mot « confiance » la phrase même par laquelle débute la formule. Elle revient à ceci, que le Buddha est nommé « plein de confiance dans la connaissance qu’il a de toutes les lois, » par cela même qu’il possède cette confiance. Cela répond au premier article de la définition du Dharma pradîpikâ que j’ai donnée plus haut. Le second motif de confiance est ainsi conçu : Sarvâ sâm̃klé­çikântarâyikadharmântarâyakaraṇâ nirvâṇasyêti tatpratidjñârôhaṇa sadêvakê lôké ’nâtchtchhêdya pratidjñâ­vâiçâradya prâptatvât sarvâ sâm̃klêçikântarâyikadharmântarâyakaraṇâ nirvâṇa­syêti tatpratidjñârôhaṇa sadêvakê lôké ’nâtchtchhêdya pratidjñâvâiçâradya prâpta ityutchyaté. « Comme il a acquis la confiance dans l’assurance qu’il a donnée sans être arrêté par le monde réuni aux Dêvas, où nul ne s’est élevé contre sa parole, quand il disait “Toutes les conditions du vice qui sont des obstacles, sont des obstacles au Nirvâṇa”, on dit de lui qu’il a acquis la confiance dans cette assurance. » J’ai reproduit exactement le texte tel que le donnent mes trois manuscrits du Lalita vistara ; il y a dans la partie de la formule qui exprime cette espèce particulière de confiance, des réunions anormales de mots qui cependant n’en cachent pas la signification véritable ; elle répond certainement au troisième article de la définition du Dharma pradîpikâ. Le troisième motif de confiance est ainsi conçu, d’après le Lalita : Nâiryânikim pratipadam pratipadyamânô nirvâṇam̃ nârâgayichyatîti pratidjñârôhaṇa sadêvakê lôké ’pratitchôdya pratidjnâvâiçâradya prâptatvân nâiryânikîm pratipadam pratipa­dyamânô nirvânam̃ nârâgayichyatîti pratidjnârôhaṇa sadêvakê lôké ’pratitchôdya pratidjñâvâiçâradyaprâpta ityutchyatê. « Comme il a acquis la confiance dans l’assurance qu’il a donnée sans être gourmandé par le monde réuni aux Dêvas, où nul ne s’est élevé contre sa parole pour dire “Arrivé au degré qui est fait pour conduire hors du monde, non il n’atteindra pas au Nirvâṇa”, on dit de lui qu’il a acquis la confiance dans cette assurance. » Cette formule répond à l’article quatrième de la définition du Dharma pradîpikâ, quoiqu’il n’y ait pas entre les deux énoncés autant de ressemblance que pour les formules précédentes. Au lieu de placer dans la bouche des opposants l’opinion que le sage ne parviendra pas au Nirvâṇa, le Lalita vistara de la Société asiatique la présente sous la forme affirmative et la laisse dans la bouche du Buddha, de cette manière : « Nul ne s’est élevé contre sa parole quand il a dit : “Arrivé au degré qui est fait pour conduire hors du monde, oui il arrivera au Nirvâṇa.” » Le quatrième motif de confiance est conçu comme il suit : Sarvâçravakchayaprahâṇa djñânapratidjñârôhaṇa sadévaké lôhé ’vâivariya­pratidjñâ vâiçâradyaprâptaivâi sarvâçravakchaya prahâṇa djñânapratidjñârôhaṇa sadêvakê lôkê’vâivartyapratidjñâ vâiçâradyaprâpta ityutchyatê « Comme il a acquis la confiance dans l’assurance qu’il a donnée sans reculer devant le monde réuni aux Dêvas, où nul ne s’est élevé contre cette affirmation, qu’il possédait la science de l’abandon et de l’anéantissement de toutes les souillures du vice, on dit de lui qu’il a acquis la confiance dans cette assurance[12]. » Cette formule répond au second article de la définition du Dharma pradîpikâ. En rapprochant une à une ces quatre formules sanscrites des définitions correspondantes du pâli, on en reconnaît facilement l’objet commun, malgré la différence des termes ; je crois cependant que si pour se faire une idée claire de la théorie des quatre motifs de confiance d’un Buddha, on débutait par les énumérations verbeuses du Lalita vistara, on n’en aurait pas une notion aussi précise que celle que nous en donne l’exposé plus bref du Dharma pradîpikâ.

Les quatre richesses de l’accumulation.] Je n’étais pas sûr d’avoir traduit exactement le nom de cette catégorie, sag̃graha vastûni, pour l’intelligence de laquelle je ne possédais aucun secours, car elle ne se présente qu’une seule fois dans tout le Saddharma puṇḍarîka ; aujourd’hui la lecture du Lalita vistara doit lever tous les doutes, puisque nous y trouvons et le titre de la catégorie dite sag̃graha, et le nom des éléments qui la composent. Le seul examen de ces éléments prouve que sag̃graha doit être pris dans le sens de propitiating, « pleasing, » que lui donne Wilson ; M. Foucaux, d’après les Tibétains, adopte celui de réunion[13]. Il n’est pas facile de trouver une expression française qui représente d’une manière à la fois claire et complète les idées que résume le composé sag̃graha vastûni, c’est-à-dire, « les éléments du rapprochement, » les actes par lesquels l’homme se rapproche de son semblable, et lui devient agréable. Cependant, comme il faut traduire, je crois pouvoir m’arrêter à cette version encore un peu vague : « les éléments de la bienveillance. » Ces éléments sont énumérés par le Lalita vistara parmi les cent-huit portes de la loi. Ils ont, d’après le texte de cet ouvrage, le résultat suivant : Sattvasag̃grahâya sambôdhiprâptasyatcha dharma sampratyavêkchaṇatâyâi sam̃vartatê. « Cela conduit à la faveur des créatures, et à pénétrer complètement la loi de celui qui a obtenu la science absolue[14]. » Cette sorte de définition que j’ai traduite aussi littéralement qu’il m’a été possible, marque suffisamment la destination des quatre mérites énumérés sous le titre collectif d’éléments de la bienveillance ; c’est l’ensemble des moyens par lesquels un Buddha se rend les créatures favorables, de manière qu’éclairées par son enseignement elles se mettent en état de comprendre la loi de celui qui est arrivé à la perfection la plus élevée de l’intelligence. Le premier de ces moyens que le Lalita vistara énumère ailleurs[15] est dânam, « l’aumône ou « la bienfaisance. » Le second est priyavatchanam, « un langage agréable ; » cette qualité n’a pas plus besoin d’explication que la précédente. Le Vocabulaire pentaglotte, qui reproduit également l’énumération de ces termes sous la section XVII, a ici priyavâditâ, littéralement « la qualité d’avoir un langage agréable. » Le troisième élément est arthakriyâ, littéralement « l’exécution de l’avantage, du bien, » c’est-à-dire l’exécution de ce qui doit servir au bien des créatures ; le Vocabulaire pentaglotte a ici arthatcharyâ, « la pratique du bien, » ce qu’il faut sans aucun doute entendre dans le même sens que arthakriyâ. Le quatrième élément est samânârthatâ, « la qualité d’avoir un bien commun, » ou selon la version tibétaine, la communauté des biens. Ce mérite ne doit pas être entendu des biens temporels, mais, d’une manière beaucoup plus générale, du bien ou de l’avantage des êtres que le Buddha se donne la mission de sauver. Or il y a entre lui et les créatures communauté de biens ou d’avantages, puisque c’est à la délivrance déjà obtenue par lui-même qu’il cherche à les conduire. Il résulte de ce qui précède que les mérites compris sous le titre commun d’éléments de la bienveillance sont des qualités accessoires d’un Buddha, qualités qui résument brièvement l’ensemble de ses rapports extérieurs avec les êtres.

Les dix-huit conditions d’un Buddha dites homogènes.] Voyez ci-dessus, chap. iii, f. 87 a, p. 362, le renvoi au no IX de l’Appendice, et lisez, « dites indépendantes. »

L’univers nommé Dêvasôppâna.] Les deux manuscrits de M. Hodgson lisent plus correctement Dêvasôpâna, ce qui veut dire « escalier des Dêvas. » Cette idée d’un escalier à l’aide duquel on monte aux cieux, se présente, comme on sait, dans la vie même de Çâkyamuni[16].

f. 140 b. Soixante fois cent Yôdjanas de hauteur.] Les deux manuscrits de M. Hodgson lisent « soixante Yôdjanas, » ce qui est déjà suffisamment merveilleux.

f. 142 a. Ceux de ces Bôdhisattvas qui avaient été anciennement des Çrâvakas.] Ceci est peut-être inexact ; il faut lire, « ceux de ces Bôdhisattvas qui avaient à leur tête des Çrâvakas ; » c’est du moins ce sens qui me paraît le mieux convenir à cette expression du texte, yé çrâvakapûrva bôdhisativâḥ.

f. 142 b. Elle a saisi et les lettres et le sens des discours des Tathâgatas.] Le texte se sert de l’expression tathâgata bhâchita vyañdjanârthôdgrahaṇa ; si l’on n’admet pas la légitimité du sens de lettre que j’ai essayé d’attribuer au mot vyañdjana, ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 330, on traduira, « elle a saisi les caractères et le sens, etc. »

Douée de la perfection d’une beauté souverainement aimable.] Le texte se sert ici de l’expression paramayâ çubhavarṇapuchkalatayâ samanvâgatâ, qui se retrouve presque mot pour mot dans les livres des Buddhistes du Sud. J’en rencontre un exemple dans le Sônadaṇḍa sutta, où il est dit : Sônadaṇḍô ahhirûpô dassanîjô pâsâdikô paramâja vaṇṇapôkkharatâya samannâgatô. « Sônadaṇḍa beau, agréable, gracieux, doué de la perfection d’une « beauté suprême[17]. » Cette expression se trouve également dans un fragment publié par Spiegel, mais malheureusement imprimé avec beaucoup de fautes, et où l’éditeur lit à tort le dernier mot sêmantâgatô[18].

f. 143 a.St. 49. Orné des trente-deux signes de beauté.] Voyez ci-dessus, chap. ii, f. 29 b, p. 356, et l’Appendice, no VIII ; le même renvoi s’applique à la même phrase ci-dessous, f. 144 a.

f. 143 b.Les cinq perfections.] Lisez, « les six perfections, » et voyez ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 332, et l’Appendice, no VII.

f. 144 a.Supprimant en elle les signes qui indiquaient son sexe.] Je n’arrêterais pas l’attention du lecteur sur cette transformation miraculeuse de la fille de Sâgara, s’il devait être uniquement question ici des développements que la croyance au surnaturel a pu prendre chez les Buddhistes du Nord. Une fois cette croyance admise comme élément religieux, un miracle de plus ou de moins n’est pas un point d’importance : la crédibilité ne recule pas plus devant le nombre que devant l’absurdité de ses conceptions. Mais il y a ici quelque chose de plus instructif à remarquer, c’est l’occasion même de ce miracle. Tout en reconnaissant les rares vertus de la fille de Sâgara, le Religieux Çâriputtra lui conteste le pouvoir de jamais devenir un Buddha, par la raison qu’il y a cinq places ou cinq situations qui sont interdites à une femme par le seul fait de son sexe ; ces situations sont celles de Brahmâ, de Çakra, de Mahârâdja, de souverain Tchakravartin, et de Bôdhisattva ou Buddha futur. Cette opinion appartient à la plus ancienne tradition buddhique. Il est vrai que je ne l’ai pas encore vue exprimée en des termes aussi positifs chez les auteurs singhalais ; mais je n’hésiterais pas à croire qu’on doit l’y trouver, car elle paraît déjà, pour sa partie la plus importante du moins, dans une glose de Buddhaghôsa, qui nous apprend qu’un homme peut seul devenir Buddha[19]. En ce qui touche le rôle de souverain Tchakravartin, nous savons par Fa hian que ce fut également au moyen d’un miracle que la Religieuse Utpalâ prit, dit-on, cette forme pour aller la première à la rencontre de Çâkya[20]. Si je comprends bien cette tradition, elle se présente comme une sorte de correctif à l’admission des femmes dans le corps des Religieux. L’histoire moderne de l’Inde nous offre plus d’un exemple de l’influence considérable que des femmes supérieures ont exercée sur les affaires publiques. Qu’y aurait-il d’étonnant à ce que, dans des temps plus anciens, leur habileté, soutenue par le respect qui s’est toujours attaché dans l’Inde à la pratique des devoirs ascétiques, ait pu porter ombrage aux hommes, et donner lieu à l’exclusion qui leur enlève l’espérance d’arriver à la suprématie d’un Buddha ?


  1. Ci-dessus, chap. vii, f. 103 a, p. 391.
  2. I. J. Schmidt, Mémoires de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. I, p. 106 et suiv.
  3. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 118.
  4. Introd. à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 431, note 1.
  5. Amarakocha, l. II, chap. II, sect. 2, st. 76, Loiseleur, p. 199 ; Bhagavad gîtâ, p. 156, éd. Lassen.
  6. Ci-dessus, chap. vii, f. 89 a, p. 387 et 388.
  7. A. Rémusat, Foe koe ki, p. 160.
  8. Mahâsudassana sutta, dans Dîgha nikâya, f. 106 a.
  9. Pâṭimôkha, ms. pâli-barman, f. 4 a, et de ma copie, p. 20.
  10. Dharma pradîpikâ, f. 21 a et b.
  11. Dîgha nikâya, f. 60 b, l. 9.
  12. Lalita vistara, f. 226 b du man. A ; f. 225 a du man. B ; f. 229 b du m. Soc as. Je ne puis renvoyer au Rgya tch’er rol pa, où ce passage ne se trouve pas.
  13. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 45.
  14. Lalita vistara, f. 23 a de mon man. A. et 26 a du man. B.
  15. Lalita vistara, chap. v, init. f. 25 a du man. A, et f. 28 a du man. B.
  16. Foe koue ki, p. 124.
  17. Dîgha nikâya, f. 29 a et b.
  18. Spiegel, Anecdota pâlica, p. 72.
  19. Spiegel, ibid. p. 62 et 63.
  20. Foe koe ki, p. 124.