Lotus de la bonne loi/Chapitre 10

Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 136-144).
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CHAPITRE X.

L’INTERPRÈTE DE LA LOI.

Alors Bhagavat, commençant par le Bôdhisattva Mahâsattva Bhâichadjyarâdja, s’adressa en ces termes f. 121 b.aux quatre-vingt mille Bôdhisattvas : Vois-tu, ô Bhâichadjyarâdja, dans cette assemblée, ce grand nombre d’êtres, Dêvas, Nâgas, Yakchas, Gandharvas, Asuras, Garudas, Kinnaras, Mahôragas, hommes et créatures n’appartenant pas à l’espèce humaine, Religieux et fidèles des deux sexes, êtres faisant usage du véhicule des Çrâvakas, ou de celui des Pratyêkabuddhas, ou de celui des Bôdhisattvas, tous êtres par qui cette exposition de la loi a été entendue de la bouche du Tathâgata ? Bhâichadjyarâdja répondit : Je les vois, ô Bhagavat ; je les vois, ô Sugata. Bhagavat reprit : Eh bien, Bhâichadjyarâdja, tous ces Bôdhisattvas Mahâsattvas, par qui, dans cette assemblée, a été entendue ne fût-ce qu’une seule stance, qu’un seul mot, ou qui, même par la production d’un seul acte de pensée, ont témoigné leur satisfaction de ce Sûtra, tous ceux-là, ô Bhâichadjyarâdja, qui forment les quatre assemblées, je leur prédis qu’ils obtiendront un jour l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Ceux, quels qu’ils soient, ô Bhâichadjyarâdja, qui, après que le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, entendront cette exposition de la loi, et qui, après en avoir entendu ne fût-ce qu’une seule stance, témoigneront leur satisfaction, ne fût-ce que par la production d’un seul acte de pensée, ceux-là, ô Bhâichadjyarâdja, qu’ils soient fils ou filles de famille, je leur prédis qu’ils obtiendront l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Ces fils ou filles de famille, ô Bhâichadjyarâdja, auront honoré des centaines de mille de myriades de kôṭis de Buddhas complètes. f. 122 a.Ces fils ou filles de famille, ô Bhâichadjyarâdja, auront adressé leur prière à plusieurs centaines de mille de myriades de kôṭis de Buddhas. Il faut les regarder comme étant nés de nouveau parmi les hommes dans le Djambudvîpa, par compassion pour les créatures. Ceux qui de cette exposition de la loi comprendront, répéteront, expliqueront, saisiront, écriront, se rappelleront après avoir écrit, et regarderont de temps en temps, ne fût-ce qu’une seule stance ; qui, dans ce livre, concevront du respect pour le Tathâgata ; qui, par respect pour le Maître, l’honoreront, le respecteront, le vénéreront, l’adoreront ; qui lui offriront, en signe de culte, des fleurs, de l’encens, des odeurs, des guirlandes de fleurs, des substances onctueuses, des poudres parfumées, des vêtements, des parasols, des étendards, des drapeaux, la musique des instruments et l’hommage de leurs adorations et de leurs mains jointes avec respect ; en un mot, ô Bhâichadjyarâdja, les fils ou filles de famille qui de cette exposition de la loi comprendront ou approuveront ne fût-ce qu’une seule stance composée de quatre vers, à ceux-là je prédis qu’ils obtiendront tous l’état suprême de Buddha parfaitement accompli.

f. 122 b.Maintenant, ô Bhâichadjyarâdja, si une personne quelconque, homme ou femme, venait à dire : « Quels sont les êtres qui, dans un temps à venir, deviendront des Tathâgatas, vénérables, etc. ? » il faut, ô Bhâichadjyarâdja, montrer à cette personne, homme ou femme, celui des fils ou filles de famille qui de cette exposition de la loi est capable de comprendre, d’enseigner, de réciter, ne fut-ce qu’une stance composée de quatre vers, et qui accueille ici avec respect cette exposition de la loi ; c’est ce fils ou cette fille de famille qui deviendra sûrement, dans un temps à venir, un Tathâgata, vénérable, etc. ; voilà comme tu dois envisager ce sujet. Pourquoi cela ? C’est, ô Bhâichadjyarâdja, qu’il doit être reconnu pour un Tathâgata par le monde formé de la réunion des Dêvas et des Mâras ; c’est qu’il doit recevoir les honneurs dus à un Tathâgata, celui qui comprend de cette exposition de la loi ne fût-ce qu’une seule stance ; que dire, à bien plus forte raison, de celui qui saisirait, comprendrait, répéterait, posséderait, expliquerait, écrirait, ferait écrire, se rappellerait après avoir écrit, la totalité de cette exposition de la loi, et qui honorerait, respecterait, vénérerait, adorerait ce livre, qui lui rendrait un culte, f. 123 a.des respects et des hommages, en lui offrant des fleurs, de l’encens, des odeurs, des guirlandes de fleurs, des substances onctueuses, des poudres parfumées, des vêtements, des parasols, des drapeaux, des étendards, la musique des instruments, des démonstrations de respect, comme l’action de tenir les mains jointes, de dire adoration et de s’incliner ? Ce fils ou cette fille de famille, ô Bhâichadjyarâdja, doit être reconnu comme arrivé au comble de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; il faut le regarder comme ayant vu les Tathâgatas, comme plein de bonté et de compassion pour le monde, comme né, par suite de l’influence de sa prière, dans le Djambudvîpa, parmi les hommes pour expliquer complètement cette exposition de la loi. Il faut reconnaître qu’un tel homme doit, quand je serai entré dans le Nirvâṇa complet, naître ici par compassion et pour le bien des êtres, afin d’expliquer complètement cette exposition de la loi, sauf la sublime conception de la loi(123 a) et la sublime naissance dans une terre de Buddha. Il doit être regardé comme le messager du Tathâgata, ô Bhâichadjyarâdja, comme son serviteur, comme son envoyé, le fils ou la fille de famille qui, quand le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, expliquera cette exposition de la loi, qui l’expliquera, qui la communiquera, ne fût-ce qu’en secret et à la dérobée, à un seul être, quel qu’il soit.

f. 123 b.Il y a plus, ô Bhâichadjyarâdja, l’homme, quel qu’il soit, méchant, pécheur et cruel de cœur, qui, pendant un Kalpa entier, injurierait en face le Tathâgata, et d’un autre côté, celui qui adresserait une seule parole désagréable, fondée ou non, à l’un de ces personnages interprètes de la loi et possesseurs de ce Sûtra, qu’ils soient maîtres de maison ou entrés dans la vie religieuse, je dis que, de ces deux hommes, c’est le dernier qui commet la faute la plus grave. Pourquoi cela ? C’est que, ô Bhâichadjyarâdja, ce fils ou cette fille de famille doit être regardé comme paré des ornements du Tathâgata. Il porte le Tathâgata sur son épaule, ô Bhâichadjyarâdja, celui qui, après avoir écrit cette exposition de la loi, après en avoir fait un volume, la porte sur son épaule. Dans quelque lieu qu’il se transporte, les êtres doivent l’aborder les mains jointes ; ils doivent l’honorer, le respecter, le vénérer, l’adorer ; cet interprète de la loi doit être honoré, respecté, vénéré, adoré par l’offrande de fleurs divines et mortelles, d’encens, d’odeurs, de guirlandes de fleurs, de substances onctueuses, de poudres parfumées, etc., [comme ci-dessus,] par celle d’aliments, de mets, de riz, de boissons, de chars, de masses de pierreries divines accumulées en monceaux ; et des monceaux de pierreries divines doivent être présentés avec respect à un tel interprète de la loi. Pourquoi cela ? C’est que ce fils de famille n’a qu’à expliquer, f. 124 a.ne fût-ce qu’une seule fois, cette exposition de la loi, pour qu’après l’avoir entendue, des êtres en nombre immense et incalculable parviennent rapidement à posséder l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

1. Celui qui désire se tenir dans l’état de Buddha, celui qui aspire à la science de l’être existant par lui-même, doit honorer les êtres qui gardent cette règle de conduite.

2. Et celui qui désire l’omniscience, comment parviendra-t-il à l’obtenir promptement ? En comprenant ce Sûtra, ou en honorant celui qui l’a compris.

3. Il a été envoyé par le Guide du monde dans le but de convertir les êtres, celui qui, par compassion pour les créatures, expose ce Sûtra.

4. C’est après avoir quitté une bonne existence qu’il est venu ici-bas, le sage qui par compassion pour les êtres possède ce Sûtra.

5. C’est à l’influence de son existence [antérieure] qu’il doit de paraître ici, exposant, au temps de sa dernière naissance, ce Sûtra suprême.

6. Il faut honorer cet interprète de la loi en lui offrant des fleurs divines et mortelles, avec toute espèce de parfums ; il faut le couvrir de vêtements divins, et répandre sur lui des joyaux.

7. Les hommes tiennent constamment les mains jointes en signe de respect, comme devant l’Indra des Djinas qui existe par lui-même, lorsqu’ils sont en présence de celui qui, pendant cette redoutable époque de la fin des temps, possède ce Sûtra du Buddha entré dans le Nirvâṇa complet.

f. 124 b.8. On doit donner des aliments, de la nourriture, du riz, des boissons, des Vihâras, des lits, des siéges et des vêtements, par kôṭis, pour honorer ce fils du Djina, n’eût-il exposé ce Sûtra qu’une seule fois.

9. Il remplit la mission que lui ont confiée les Tathâgatas, et il a été envoyé par moi dans la condition humaine, celui qui, pendant cette dernière époque [du Kalpa], écrit, possède et entend ce Sûtra.

10. L’homme qui oserait ici adresser des injures au Djina, pendant un Kalpa complet, en fronçant le sourcil avec de mauvaises pensées, commettrait sans doute un péché dont les conséquences seraient bien graves.

11. Eh bien, je le dis, il en commettrait un plus grand encore, celui qui adresserait des paroles d’injure et de colère à un personnage qui, comprenant ce Sûtra, l’exposerait en ce monde.

12. L’homme qui tenant les mains jointes en signe de respect pendant un Kalpa entier, me célébrerait en face, dans plusieurs myriades de kôṭis de stances, afin d’obtenir cet état suprême de Bôdhi ; 13. Cet homme, dis-je, recueillerait beaucoup de mérites de m’avoir ainsi célébré avec joie ; eh bien, il s’en assurerait un beaucoup plus grand nombre encore, celui qui célébrerait les louanges de ces [vertueux] personnages.

14. Celui qui, pendant dix-huit mille kôṭis de Kalpas, rendrait un culte à ces images [de Buddhas], en leur faisant hommage de sons, de formes, de saveurs, d’odeurs et de touchers divins,(124 b)

f. 125 a.15. Aurait certainement obtenu une grande merveille, si, après avoir ainsi honoré ces images pendant dix-huit mille kôṭis de Kalpas, il venait à entendre ce Sûtra, ne fût-ce qu’une seule fois.

Je vais te parler, ô Bhâichadjyarâdja, je vais t’instruire. Oui, j’ai fait jadis de nombreuses expositions de la loi, j’en fais maintenant et j’en ferai encore dans l’avenir. De toutes ces expositions de la loi, celle que je fais aujourd’hui ne doit pas recevoir l’assentiment du monde ; elle ne doit pas être accueillie par le monde avec foi. C’est là, ô Bhâichadjyarâdja, le grand secret de la contemplation des connaissances surnaturelles que possède le Tathâgata, secret gardé par la force du Tathâgata, et qui jusqu’à présent n’a pas été divulgué. Non, cette thèse n’a pas été exposée jusqu’à ce jour. Cette exposition de la loi, ô Bhâichadjyarâdja, est l’objet des mépris de beaucoup de gens, même pendant qu’existe en ce monde le Tathâgata ; que sera-ce donc, quand il sera entré dans le Nirvâṇa complet ?

De plus, ô Bhâichadjyarâdja, ils doivent être regardés comme couverts du vêtement du Tathâgata ; ils sont vus, ils sont bénis par les Tathâgatas qui se trouvent dans les autres univers, et ils auront la force d’une foi personnelle, ainsi que celle de la racine des actions méritoires, et celle de la prière ; ils seront, ô Bhâichadjyarâdja, habitants du même Vihâra que le Tathâgata, ils auront le front essuyé par la main du Tathâgata, ces fils ou ces filles de famille, qui, lorsque le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, auront foi dans cette exposition de la loi, f. 125 b.qui la réciteront, l’écriront, la vénéreront, l’honoreront et l’expliqueront aux autres avec des développements.

De plus, ô Bhâichadjyarâdja, dans le lieu de la terre où cette exposition de la loi viendra à être faite, ou à être enseignée, ou à être écrite, ou à être lue ou chantée après avoir été écrite en un volume, dans ce lieu, ô Bhâichadjyarâdja, il faudra élever au Tathâgata un monument grand, fait de substances précieuses, haut, ayant une large circonférence et il n’est pas nécessaire que les reliques du Tathâgata y soient déposées. Pourquoi cela ? C’est que le corps du Tathâgata y est en quelque sorte contenu tout entier. Le lieu de la terre où cette exposition de la loi est faite, enseignée, récitée, lue, chantée, écrite, conservée en un volume après avoir été écrite, doit être honoré comme si c’était un Stûpa ; ce lieu doit être respecté, vénéré, adoré, entouré d’un culte ; on doit y présenter toute espèce de fleurs, d’encens, d’odeurs, de guirlandes de fleurs, de substances onctueuses, de poudres parfumées, de vêtements, de parasols, de drapeaux, d’étendards ; on doit y offrir l’hommage des chants de toute espèce, du bruit des instruments, de la danse, de la musique, du retentissement des cimbales et des plaques d’airain. Et les êtres, ô Bhâichadjyarâdja, qui s’approcheront du monument du Tathâgata, pour l’honorer, pour l’adorer ou pour le voir, f. 126 a.tous ces êtres doivent être regardés comme étant bien près de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Pourquoi cela ? C’est que, ô Bhâichadjyarâdja, beaucoup de maîtres de maison ou d’hommes entrés dans la vie religieuse, après être devenus des Bôdhisattvas, observent les règles de conduite imposées à ce dernier état, sans cependant recevoir cette exposition de la loi, pour la voir, pour l’honorer, pour lui rendre un culte, pour l’entendre, pour l’écrire ou pour l’adorer. Aussi ces Bôdhisattvas ne deviennent pas habiles dans la pratique des règles de conduite imposées à leur état, tant qu’ils n’entendent pas cette exposition de la loi. Mais quand ils l’entendent, et quand, l’ayant entendue, ils y ont confiance, qu’ils la comprennent, qu’ils la pénètrent, qu’ils la savent, qu’ils la saisissent complètement, alors ils sont arrivés à un point très-rapproché de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; ils en sont très-près.

C’est, ô Bhâichadjyarâdja, comme s’il y avait un homme ayant besoin d’eau, cherchant de l’eau, qui, pour en trouver, creuserait un puits dans un terrain aride. Tant qu’il verrait le sable jaune et sec ne pas s’agiter, il ferait cette réflexion : L’eau est encore loin d’ici. Qu’ensuite cet homme voie le sable humide(126 a), mêlé d’eau, changé en limon et en vase, entraîné par les gouttes d’eau sortant [de la terre], et les gens occupés à creuser les puits le corps souillé de vase et de limon ; f. 126 b.qu’alors, ô Bhâichadjyarâdja, cet homme, voyant cet indice, n’éprouve plus aucune incertitude, qu’il n’ait plus de doutes [et qu’il se dise] : Certainement l’eau est près d’ici. De même, Bhâichadjyarâdja, les Bôdhisattvas Mahâsattvas sont encore éloignés de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, tant qu’ils n’entendent pas cette exposition de la loi, tant qu’ils ne la saisissent pas, qu’ils ne la comprennent pas, qu’ils ne l’approfondissent pas, qu’ils ne la méditent pas. Mais quand, ô Bhâichadjyarâdja, les Bôdhisattvas Mahâsattvas entendront cette exposition de la loi, quand ils la saisiront, la posséderont, la répéteront, la comprendront, la liront, la méditeront, se la représenteront, alors ils seront bien près de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. C’est de cette exposition de la loi qu’est produit, pour les êtres, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Pourquoi cela ? C’est que cette exposition de la loi, développée en détail, amplement expliquée, est, par son excellence, le siège du secret de la loi, secret révélé par les Tathâgatas, vénérables, etc., dans le but de conduire à la perfection les Bôdhisattvas Mahâsattvas. Le Bôdhisattva, quel qu’il soit, ô Bhâichadjyarâdja, qui viendrait à s’étonner, à être effrayé, à éprouver de l’effroi de cette exposition de la loi, doit être regardé comme un Bôdhisattva Mahâsattva f. 127 a.qui est entré dans le nouveau véhicule. Si un homme s’avançant dans le véhicule des Çrâvakas, venait, ô Bhâichadjyarâdja, à s’étonner, à être effrayé, à éprouver de l’effroi de cette exposition de la loi, celui-là devrait être regardé comme un homme orgueilleux s’avançant dans le véhicule des Çrâvakas.

Le Bôdhisattva Mahâsattva, quel qu’il soit, ô Bhâichadjyarâdja, qui, quand le Tathâgata est entré dans le Nirvâna complet, viendrait, à la fin des temps, au terme d’une époque, à expliquer cette exposition de la loi en présence des quatre assemblées, doit le faire, après être entré dans la demeure du Tathâgata, après s’être assis sur le siège de la loi du Tathâgata, après s’être couvert du vêtement du Tathâgata. Et qu’est-ce ; ô Bhâichadjyarâdja, que la demeure du Tathâgata ? C’est l’action d’habiter dans la charité à l’égard de tous les êtres ; c’est dans cette demeure du Tathâgata que doit entrer le fils de famille. Et qu’est-ce, ô Bhâichadjyarâdja, que le siège de la loi du Tathâgata ? C’est l’action d’entrer dans le vide de toutes les lois ; c’est sur ce siège de la loi du Tathâgata que doit s’asseoir le fils de famille ; et c’est après qu’il s’y est assis, qu’il doit expliquer cette exposition de la loi aux quatre assemblées. Et qu’est-ce, ô Bhâichadjyarâdja, que le vêtement du Tathâgata ? f. 127 b.C’est la parure de la grande patience ; c’est de ce vêtement du Tathâgata que doit se couvrir le fils de famille. Il faut que le Bôdhisattva, doué d’un esprit qui ne faiblisse jamais, explique cette exposition de la loi, en présence de la troupe des Bôdhisattvas et des quatre assemblées qui sont entrées dans le véhicule des Bôdhisattvas. Et moi, ô Bhâichadjyarâdja, me trouvant dans un autre univers, j’assurerai, par des prodiges, à ce fils de famille l’assentiment de son assemblée ; je lui enverrai, pour qu’ils entendent [la loi de sa bouche], des Religieux et des fidèles des deux sexes, que j’aurai créés miraculeusement ; et ces fidèles ne se détourneront pas aux paroles de cet interprète de la loi, ils ne les mépriseront pas. Et s’il vient à se retirer dans la forêt, je lui enverrai, même en cet endroit, un grand nombre de Dêvas, de Nâgas, de Yakchas, de Gandharvas, d’Asuras, de Garudas, de Kinnaras, de Mahôragas, pour qu’ils entendent la loi. Me trouvant, ô Bhâichadjyarâdja, dans un autre univers, je me ferai voir face à face à ce fils de famille ; et les mots et les lettres qui auront été omis dans l’exposition qu’il fera de la loi, je les prononcerai de nouveau après lui, d’après son enseignement. Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

f. 128 a.16. Que renonçant à toute faiblesse, le Religieux écoute ce Sûtra ; car il n’est pas facile d’arriver à l’entendre, et il ne l’est pas davantage de l’accueillir avec confiance(128 a).

17. C’est comme si un homme, cherchant de l’eau, creusait un puits dans un terrain désert, et que pendant qu’il est occupé à creuser, il vît que la poussière est toujours sèche.

18. Qu’à cette vue il fasse cette réflexion : L’eau est encore loin d’ici ; la poussière sèche qu’on retire en creusant est un signe que l’eau est éloignée.

19. Mais qu’il voie à plusieurs reprises la terre humide et gluante, et alors il aura cette certitude : Non, l’eau n’est pas loin d’ici.

20. De même ils sont bien éloignés d’une telle science de Buddha, ceux qui n’ont pas entendu ce Sûtra, qui ne l’ont pas plusieurs fois embrassé dans leur pensée.

21. Mais ceux qui auront entendu et auront médité à plusieurs reprises ce roi des Sûtras, ce texte profond qui est expliqué aux Çrâvakas,

22. Ceux-là seront des sages, bien près de la science de Buddha, de même que l’on dit que l’eau n’est pas loin, quand on voit la poussière humide.

23. C’est après être entré dans la demeure du Djina, c’est après avoir revêtu son vêtement, c’est après s’être assis sur mon siège, que le sage doit exposer sans crainte ce Sûtra. 24. Ma demeure est la force de la charité ; mon vêtement est la parure de la patience ; le vide est mon siége ; c’est assis sur ce siège que l’on doit enseigner.

25. Si pendant qu’il parle du haut de ce siége, on l’attaque avec des pierres, des bâtons, des piques, des injures et des menaces, qu’il souffre tout cela en pensant à moi.

26. Mon corps existe tout entier dans des milliers de kôṭis d’univers ; j’enseigne la loi aux créatures f. 128 b.durant un nombre de kôṭis de Kalpas que la pensée ne peut concevoir.

27. Pour moi, j’enverrai de nombreux prodiges au héros qui, lorsque je serai entré dans le Nirvâṇa complet, expliquera ce Sûtra.

28. Les Religieux et les fidèles des deux sexes lui rendront un culte et honoreront également les [quatre] assemblées.

29. Ceux qui les attaqueront à coups de pierres et de bâton, et qui leur adresseront des injures et des menaces, en seront empêchés par des prodiges.

30. Et lorsqu’il sera seul occupé à sa lecture, dans un lieu éloigné de tous les hommes, dans une forêt ou dans les montagnes,

31. Alors je lui montrerai ma forme lumineuse, ou je rétablirai de ma propre bouche ce qui lui aura échappé par erreur dans sa lecture.

32. Pendant qu’il sera seul, retiré dans la forêt, je lui enverrai des Dêvas et des Yakchas en grand nombre pour lui tenir compagnie.

33. Telles sont les qualités dont sera doué ce sage, pendant qu’il instruira les quatre assemblées ; qu’il habite seul dans les cavernes des montagnes, occupé de sa lecture, il me verra certainement.

34. Sa puissance ne rencontre pas d’obstacle ; il connaît les lois et les explications nombreuses ; il remplit de joie des milliers de kôṭis de créatures, parce qu’il est ainsi l’objet des bénédictions des Buddhas.

35. Et les êtres qui cherchent un refuge auprès de lui, deviennent bien vite tous des Bôdhisattvas ; f. 129 a.et entrant avec lui dans une intime familiarité, ils voient des Buddhas en nombre égal à celui des sables du Gange.



Notes du chapitre X

CHAPITRE X.

f. 123 a.Sauf la sublime conception de la loi.] Le mot que je traduis par sauf est le participe sthâpayitvâ, sur lequel je me suis expliqué plus haut, chap. iii, f. 39 b, p. 364.

f. 124 b.St. 14. Les deux manuscrits de M. Hodgson donnent ici une leçon bien préférable à celle du manuscrit de la Société asiatique ; il en résulte la traduction suivante :

14. Que pendant dix-huit mille fois dix millions de Kalpas un homme rende un culte à ces Buddhas, en leur faisant hommage de sons, de formes, de saveurs, d’odeurs et de touchers divins ;

15. Et qu’ayant rendu un même culte aux livres [sacrés] pendant dix-huit mille fois dix millions de Kalpas, il vienne à entendre ce Sûtra, ne fût-ce qu’une seule fois, ce serait merveille que le grand avantage qu’il retirerait de cette [dernière] action.

Le manuscrit de la Société asiatique lisait dans la stance 14, pustêchu, « aux livres, » mot sur l’interprétation duquel je m’étais trompé en le traduisant par image, et en y cherchant le sens de « objet fait de métal, de bois ou d’argile. » Le sens de livre est manifestement préférable, car il s’agit ici d’entendre le Sûtra du Saddharma puṇḍarîka, et en outre, de mettre en opposition le culte qu’on rendrait aux livres sacrés et celui dont il faut honorer les Buddhas. Cette opposition disparaît, lorsqu’avec le manuscrit de la Société asiatique on lit pustêchu dans la stance 14 aussi bien que dans la stance 15 ; elle reparaît au contraire, lorsqu’avec les deux manuscrits de M. Hodgson on lit buddhêchu dans la stance 14 et pustêchu dans la stance 15. Je prie donc le lecteur de substituer la traduction de cette note à celle que j’avais donnée dans mon texte.

f. 126 a.Qu’ensuite cet homme voie le sable humide.] Il n’est pas inutile de reproduire ici le texte du manuscrit de la Société asiatique, sur lequel j’ai traduit ce passage ; les deux manuscrits de M. Hodgson n’en diffèrent que par des variétés orthographiques. Athâparêṇa sa puracha ârdrapâm̃çum udakasam­miçram̃ kardamapag̃kabhûtam udakavindabhiḥ çravadbhir nirvâhya­mânam pâçyêt, tâm̃çtcha puruchân udapânakhânakân kardamapag̃ka­digdhâg̃gân ; atha khalu punar bâichadjyarâdja sa puruchâs tat pûrvanimittam drǐchtvâ nichkâg̃kchô bhavên nirvitchikitsa âsannam idam̃ khalûdakam iti.

f. 128 a.St. 16. De l’accueillir avec confiance.] Lisez, « de la comprendre. »