Loi salique/XLII. - De l’accusation de vol portée contre un esclave


Traduction par Jean-François Aymé Peyré.
Texte établi par Dutillet ; François-André Isambert (préface), Firmin Didot (p. 139-147).

TITRE XLII.

DE L’ACCUSATION DE VOL PORTÉE CONTRE UN ESCLAVE.




ART. I.

Tout esclave accusé de vol, sera étendu sur un banc, et recevra cent vingt coups de verges, si le vol est de telle nature qu’un ingénu qui l’aurait commis dût être condamné à payer une composition de 600 deniers, ou 15 sous d’or.

ART. II.

Si l’esclave, avant d’être appliqué à la question, avoue son crime, il pourra, du consentement de son maître, se racheter du supplice en payant 120 deniers, ou 3 sous d’or ; et son maître devra de plus restituer la valeur de l’objet volé.

ART. III.

Si le vol est de telle nature qu’un ingénu dût être condamné pour l’avoir commis, à payer une composition de 1400 deniers, ou 35 sous d’or, l’esclave devra pareillement être étendu sur un banc, et recevoir cent vingt coups de verges.

ART. IV.

Si, pendant la durée du supplice, l’esclave fait l’aveu de son crime, il subira la peine de la castration, ou bien il paiera 240 deniers, ou 6 sous d’or ; et son maître restituera au poursuivant la valeur de l’objet volé.

ART. V.

Si l’esclave ne fait pas l’aveu du crime qu’on lui impute, et que celui qui l’a fait mettre à la question veuille continuer de la lui faire appliquer, celui-ci en consignant la valeur de l’esclave, pourra le soumettre aux dernières rigueurs de la question, sans que le maître de l’esclave puisse s’y opposer. Mais si, malgré la violence des supplices, l’esclave n’a fait aucun aveu, celui qui l’a fait torturer devra le garder pour son compte, et le maître de l’esclave gardera le gage qui lui avait été consigné, pour lui tenir lieu de la valeur de cet esclave.

ART. VI.

Si, dans ses aveux, l’esclave accuse son maître, il ne pourra être ajouté foi à son témoignage.

ART. VII.

Si l’esclave est accusé d’un crime grave, à raison duquel un ingénu dût être condamné à payer 1800 deniers, ou 45 sous d’or, et si la rigueur de la question lui arrache l’aveu de son crime, il sera condamné au dernier supplice.

ART. VIII.

Si un esclave est accusé, en la présence de son maître, d’un crime quelconque, le plaignant doit sommer le maître de ne pas différer de soumettre son esclave à la juste rigueur de la question. Il doit en même temps être muni d’un faisceau de verges de la grosseur du petit doigt, et d’un banc où il puisse étendre l’esclave pour lui faire subir la question.

ART. IX.

Si le maître de l’esclave diffère de le faire appliquer à la question, le plaignant doit incontinent, si l’esclave n’est pas absent, fixer au maître un délai, et lui accorder sept jours, à l’expiration desquels celui ci devra soumettre son esclave à l’application de la question.

ART. X.

Si le maître de l’esclave n’a pas satisfait à cette sommation dans l’intervalle des sept jours, le plaignant lui accordera un nouveau délai de sept jours, ce qui fera quatorze jours à compter du premier avertissement.

ART. XI.

Si les quatorze jours se sont écoulés, sans que l’esclave ait été soumis à la question, son maître sera réputé faire de l’accusation son affaire propre et se charger d’acquitter lui-même la composition ; de telle sorte que, s’il s’agit d’un crime à raison duquel un ingénu serait condamné à payer une composition de 600 deniers, ou 15 sous d’or, il devra lui même en payer une équivalente.

ART. XII.

S’il s’agit d’une faute grave, à raison de laquelle un ingénu eût été condamné à payer une composition de 1800 deniers, ou 45 sous d’or, et si le maître n’a pas consenti à laisser appliquer son esclave à la question, il devra payer une somme égale, et de plus restituer la valeur de l’objet volé.

ART. XIII.

Si la faute imputée à l’esclave est d’une nature encore plus grave, le maître devra personnellement subir la peine entière, telle qu’elle serait prononcée si la faute eût été commise par un ingénu, et non par un esclave.

ART. XIV.

Si l’esclave est absent, le plaignant doit avertir secrètement son maître, de le représenter dans le délai de sept jours. S’il ne se rend pas à cet avertissement, il lui en sera donné un nouveau en présence de témoins. Si, dans les sept jours suivants, le maître n’a pas représenté son esclave, on lui donnera, toujours en présence de témoins, un troisième délai de sept jours, en telle sorte que le délai entier soit de vingt-un jours. Si, après l’expiration de ces trois délais, le maître refuse d’amener son esclave, enchaîné, au lieu où celui-ci doit subir la question, et qu’à l’expiration de chaque délai il ait été mis en demeure, dans ce cas le maître de l’esclave sera personnellement chargé, ainsi que nous l’avons dit plus haut, d’acquitter toutes les condamnations, de la même manière que si la faute eût été commise par un ingénu, et non par un esclave.

ART. XV.

Si une femme esclave est accusée d’un crime, à raison duquel la loi inflige à l’esclave mâle la peine de la castration, elle recevra deux cent quarante coups de verges, à moins que son maître ne préfère payer 240 deniers, ou 6 sous d’or.