Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède/Chapitre XXIII
XXIII
L’INONDATION
Pendant plusieurs jours il avait fait un temps épouvantable au nord du lac Mälar. Le ciel était uniformément gris, le vent sifflait, la pluie battait le sol. Hommes et animaux savaient qu’on n’a pas le printemps à moins, mais ce temps n’en éprouvait pas moins leur patience.
La neige entassée dans les forêts de sapins commença à fondre pour de bon ; les petits ruisseaux du printemps précipitèrent leurs cours. Partout l’eau prisonnière des flaques des chemins, l’eau lente des fossés, l’eau qui sourdait entre les tertres des marais et des fondrières, partout l’eau se mettait en mouvement, et cherchait à rejoindre les ruisseaux pour être emportée vers la mer.
Les ruisseaux couraient vers les rivières du Mälar : les rivières faisaient de leur mieux pour conduire ces masses d’eau jusqu’au lac. Mais tout à coup, en une nuit, les nombreux petits lacs de l’Uppland et du Bergslag rejetèrent leurs couvertures de glace ; les rivières obstruées montèrent subitement : sous cet afflux, le Mälar se pressa vers son embouchure. Or, le Norrström qui le déverse est un passage étroit ; il ne peut en pareil cas assurer un écoulement assez rapide.
Pour comble de malchance, un fort vent d’est soufflait, qui rejetait l’eau de la mer vers la terre et barrait le Norrström. Le grand lac déborda.
Il monta très lentement, comme à contre-cœur, ennuyé d’endommager ses belles rives ; celles-ci en général sont basses, l’eau eut vite fait de gagner du terrain. Il n’en faut pas davantage pour causer le plus grand désordre.
Le Mälar est un lac un peu à part. Il se compose de nappes d’eau resserrées, de golfes et de détroits. Nulle part de grandes étendues fouettées par les vents. Il semble créé pour les excursions, les promenades à voile et les joyeuses parties de pêche.
Il possède tant d’îles, d’îlots et de promontoires délicieux, couverts d’arbres ! Nulle part de rivages rocheux et nus. Il semble n’avoir jamais rêvé que ses rives dussent porter autre chose que des châteaux, des villas d’été, de jolies résidences et des lieux de récréations. C’est même peut-être à cause de son aspect si aimable et doux, qu’on s’émeut tant lorsque parfois, au printemps, il devient menaçant.
Cette fois, devant l’imminence de l’inondation, les bateaux et les bachots qui pendant l’hiver avaient été mis à l’abri à terre, furent préparés en hâte ; on boucha les voies d’eau, on goudronna les coques. En même temps on tirait les lavoirs sur le rivage ; on renforçait les ponts. Les garde-voies chargés de la surveillance du chemin de fer le long de la rive, allaient et venaient sans oser dormir ni nuit ni jour. Les paysans qui avaient du foin dans les petites granges des îlots s’empressaient de l’apporter à terre. Les pêcheurs sauvaient leurs filets et leurs nasses. Les bacs étaient envahis par des voyageurs désireux de rentrer chez eux ou de partir avant que l’inondation ne les arrêtât.
Les hommes n’étaient pas seuls à s’alarmer. Les canards qui avaient leurs œufs parmi les buissons de la rive, les campagnols et les musaraignes qui demeuraient le long des bords et qui avaient des petits au nid furent saisis de la plus grande inquiétude. Tous, jusqu’aux cygnes orgueilleux, commençaient à redouter l’anéantissement de leurs nids et de leurs couvées.
Leurs craintes d’ailleurs étaient fondées ; la crue du Mälar s’étendait toujours. Les prés bas autour de Gripsholm furent inondés ; le vieux château fut séparé de la terre par de larges bras d’eau recouvrant l’étroit fossé ordinaire. À Strängnäs la belle promenade de la rive fut transformée en torrent ; à Vesterâs on se préparait à aller en bateau dans les rues. Deux élans qui avaient passé l’hiver dans une île du Mälar, virent leur refuge sous l’eau et durent se jeter à la nage pour atteindre la terre. Des dépôts de bois entiers, une quantité de planches, de cuves, de seaux flottaient à la dérive, et partout les hommes travaillaient à sauver leurs biens.
Vers cette époque, Smirre le renard se promenait un jour dans un petit bois de bouleaux au nord du Mälar. Il pensait toujours aux oies et au Poucet ; il avait perdu leurs traces, et se demandait comment il les rattraperait.
Or, dans son abattement il aperçut Agar, le pigeon voyageur, posé sur une branche.
— Enchanté de te voir, Agar, dit Smirre. Tu pourras peut-être me dire où se trouvent en ce moment Akka de Kebnekaïse et sa bande.
— Il est possible que je le sache, répondit Agar, mais sois sûr que je ne te le dirai point.
— Peu importe, répondit avec indifférence Smirre, si seulement tu acceptes de lui transmettre un message qu’on m’a confié. Tu sais dans quel état déplorable sont les rives du Mälar. Il y a une grande inondation, et le nombreux peuple des cygnes qui habite la baie de Hjelsta est sur le point de perdre ses nids et ses œufs. Lumière-du-Jour, le roi des cygnes, a entendu parler du petit bonhomme qui accompagne les oies et connaît le remède à toutes sortes de maux ; il m’a chargé de prier Akka de venir avec Poucet à la baie de Hjelsta.
— Je puis bien transmettre le message, dit Agar, mais je ne vois pas comment ce petit bout d’homme pourrait secourir les cygnes.
— Moi non plus, dit Smirre. Mais on dit qu’il vient à bout de toutes les difficultés.
— Je m’étonne aussi que le roi des cygnes envoie ses messages par un renard, objecta Agar.
— Nous sommes en effet ennemis en temps ordinaires, avoua Smirre, d’une voix très douce, mais dans les grands désastres, il faut bien qu’on s’entr’aide. En tout cas, tu feras peut-être mieux de ne pas dire à Akka que tu tiens le message d’un renard, car elle ne laisse pas d’être assez soupçonneuse.
Les cygnes de la baie de Hjelsta
Le refuge le plus sûr pour tous les oiseaux aquatiques qui séjournent dans le Mälar, est la baie de Hjelsta ; on appelle ainsi la partie la plus reculée du golfe d’Ekolsund, prolongement de la nappe d’eau de Björkö, qui est la deuxième en grandeur des longues sinuosités par lesquelles le Mälar s’enfonce dans l’Uppland.
La baie de Hjelsta a des rives très basses ; l’eau peu profonde est envahie par les bancs de roseaux. Elle offre une résidence excellente aux oiseaux qui y vivent en paix. Il y a là un peuple nombreux de cygnes ; le propriétaire de l’ancien domaine royal d’Ekolsund, situé tout auprès, a interdit la chasse dans la baie afin de ne pas les inquiéter.
Akka, dès que le message lui fut parvenu, se rendit à la baie de Hjelsta. Elle y arriva avec sa bande un soir, et vit tout de suite l’étendue du désastre. Les grands nids des cygnes, arrachés de leur attaches, flottaient au gré du vent. Quelques-uns s’étaient déjà désagrégés, deux ou trois avaient chaviré, et les œufs qu’ils avaient contenus, brillaient au fond de l’eau.
Les cygnes étaient réunis dans le coin de l’est où ils étaient le mieux à l’abri du vent. Bien qu’ils eussent beaucoup souffert de l’inondation, ils étaient trop fiers pour montrer leur chagrin.
— Bien la peine de gémir, disaient-ils ; les fibres et les brins d’herbes ne manquent pas. Nous referons nos nids, voilà tout.
Aucun d’eux n’avait eu l’idée d’envoyer chercher du secours, et ils ne soupçonnaient point le message que Smirre venait d’envoyer par Agar aux oies sauvages.
Ils étaient plusieurs centaines et s’étaient placés par rang d’âge : les jeunes à la périphérie, les aînés et les plus sages au centre, autour de Lumière-du-Jour, le roi et de Neige-Sereine, la reine, qui étaient les plus âgés de tous, et comptaient la plupart des cygnes parmi leurs descendants.
Lumière-du-Jour et Neige-Sereine pouvaient presque se rappeler les jours où les cygnes de leur race ne vivaient nulle part en Suède à l’état sauvage ; on les trouvait domestiqués dans les fossés et les pièces d’eau des châteaux. Mais un jour un couple de cygnes s’évada et s’installa dans la baie de Hjelsta. Ils donnèrent naissance à tous ceux qui y vécurent ensuite. Maintenant il y avait des cygnes de leur famille dans plusieurs des golfes du Mälar, comme aussi dans le Tâkern et dans le lac de Hornborg. Les cygnes de la baie de Hjelsta étaient très fiers de voir ainsi leur famille se propager de lac en lac.
Les oies sauvages étaient descendues à l’ouest de la baie ; Akka nagea tout de suite vers les cygnes. Elle était fort surprise du message qu’elle avait reçu, mais elle le tenait pour un grand honneur, et ne voulait à aucun prix leur refuser son aide.
Arrivée près des cygnes, elle regarda derrière elle pour voir si les oies qui la suivaient nageaient à intervalles égaux et en ligne bien droite.
— Et maintenant nagez vivement et bien ! dit-elle. Ne fixez pas les cygnes comme si vous n’aviez jamais vu rien de plus beau, et ne vous occupez pas de ce qu’ils vous diront.
Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait une visite au vieux roi et à la reine des cygnes. Ils l’avaient toujours reçue avec la distinction à laquelle avait droit un oiseau aussi notoire et qui avait tant voyagé. Cependant elle n’aimait pas à passer entre tous les cygnes qui formaient leur entourage. Jamais elle ne se sentait aussi petite et grise et humble que parmi eux, et sur son passage elle avait plus d’une fois saisi les mots « gueux » et « rustres ». Elle ne les avait jamais relevés, faisant semblant de ne rien entendre.
Cette fois tout semblait marcher à souhait. Les cygnes s’écartaient poliment, et les oies sauvages nageaient comme dans une allée où les grands oiseaux, blancs et soyeux, formaient la haie. Ils étaient très beaux lorsqu’ils gonflaient leur ailes comme des voiles pour en imposer aux visiteuses. Ils ne firent pas de remarques malsonnantes et étonnèrent Akka par leur bonne tenue.
« Le roi a dû se rendre compte de leurs mauvaises manières et leur enjoindre de se conduire poliment », pensa-t-elle.
Mais tout à coup les cygnes aperçurent le jars blanc qui nageait le dernier de la longue file d’oies. Un murmure de surprise et de dépit parcourut les rangs, et c’en fut fait des belles manières des cygnes.
— Comment ? s’écria l’un d’eux, les oies sauvages comptent donc porter des plumes blanches ?
— Elles ne vont pas s’imaginer qu’elles seront des cygnes pour cela ! renchérit un autre.
Et tous de crier à qui mieux mieux de leurs voix fortes et sonores. Impossible de leur faire comprendre qu’un jars domestique accompagnait les oies.
— Ce doit être le roi des oies en personne.
— Quelle insolence !
— Ce n’est pas une oie, c’est un canard domestique.
Les cris se croisaient ; le grand jars blanc, se rappelant l’ordre d’Akka, faisait la sourde oreille, et nageait aussi rapidement qu’il pouvait. Les cygnes, de plus en plus exaspérés, devinrent agressifs.
— Quelle est cette grenouille qu’il porte sur le dos ? fit l’un. Les oies croient sans doute que nous ne reconnaîtrons pas une grenouille habillée en homme.
Les cygnes, naguère si bien rangés pour laisser passer les oies, s’agitaient et nageaient en tous sens, se bousculant pour voir le jars blanc.
Akka était justement arrivée en face du roi des cygnes, et allait s’enquérir du genre de secours qu’on attendait d’elle, lorsque le roi remarqua l’agitation des siens.
— Qu’y a-t-il ? N’ai-je pas donné l’ordre qu’on soit poli envers les oies ? dit-il d’un air mécontent.
La reine partit pour apaiser son peuple, et Lumière-du-Jour se tourna de nouveau vers Akka. Mais la reine revint aussitôt, ayant l’air suffoquée.
— Il y a une oie blanche là-bas, cria-t-elle. C’est honteux. Je ne m’étonne pas qu’on se révolte.
— Une oie sauvage blanche ! s’écria le roi. Quelle folie ! Il n’y en a point. Tu as dû te tromper.
Autour du jars la bousculade était à son comble. Akka et les autres oies essayaient en vain de nager vers lui. Alors le vieux roi, qui était plus fort que tous les autres, s’élança, écartant les cygnes et se frayant un chemin jusqu’au jars. Mais quand il vit le grand blanc, il se mit en colère comme les autres. Sifflant de fureur, il se précipita sur le jars et lui arracha deux plumes. « Ça t’apprendra, jars, à venir parmi les cygnes ainsi attifé », cria-t-il.
— Envole-toi, jars, vole, vole ! lui jeta Akka, car elle comprit que les cygnes lui arracheraient jusqu’à la dernière plume blanche.
— Envole-toi ! envole-toi ! cria aussi Poucet. Mais le jars, serré entre les cygnes, n’avait pas assez de place pour lever ses ailes. De tous côtés les cygnes tendaient leurs becs vigoureux pour le plumer.
Il se défendait de son mieux, donnant des coups de bec de tous côtés. Les autres oies attaquèrent aussi les cygnes. Mais l’issue du combat n’eût point été douteuse, si tout à coup les oies n’avaient reçu un renfort inattendu.
Une fauvette avait observé ce qui se passait. Elle lança l’appel aigu dont se servent les petits oiseaux pour se rallier afin de chasser un épervier ou un faucon. À peine l’appel eut-il retenti trois fois que tous les petits oiseaux de la contrée accoururent à tire d’ailes et se précipitèrent en un essaim bruyant vers la baie de Hjelsta.
Ces petits êtres faibles se jetèrent sur les cygnes. Ils piaillaient à leurs oreilles, les aveuglaient avec leurs ailes, leur faisaient perdre la tête en criant : « Honte, honte, cygnes ! Honte, honte, cygnes ! »
L’assaut des petits oiseaux fut de courte durée, mais lorsqu’ils furent partis et que les cygnes se furent ressaisis, les oies sauvages s’étaient envolées vers l’autre rive.
Le nouveau chien de garde
Heureusement les cygnes étaient trop fiers pour poursuivre les oies. Elles purent en toute tranquillité s’endormir sur un banc de roseaux.
Quant à Nils Holgersson, il avait si faim qu’il ne put fermer l’œil. « Il faut que je trouve quelque chose à manger », s’écria-t-il.
Par ce temps d’inondation il n’était pas difficile de trouver une embarcation pour gagner la terre. Le gamin sauta sur un bout de planche que les vagues avaient poussé dans les roseaux, repêcha un petit bâton, et s’en servit pour naviguer à la perche vers la rive.
Il abordait quand il entendit un clapotement à côté de lui. Il se tint un moment aux aguets et aperçut bientôt un cygne femelle qui dormait dans son grand nid à quelques mètres. Il vit aussi un renard qui avait déjà fait quelques pas dans l’eau pour le surprendre. « Holà, holà ! Debout ! Debout ! » cria Nils, et il battit l’eau de sa perche. Le cygne s’enleva, mais le renard aurait parfaitement eu le temps de se jeter sur lui, s’il n’avait préféré s’élancer vers le gamin.
Nils vit venir le renard et prit ses jambes à son cou. Des prés unis et découverts s’étendaient devant lui. Nul arbre où grimper, aucun trou où se fourrer, il n’y avait qu’à détaler.
Heureusement il y avait à une courte distance deux petites cabanes dont les fenêtres étaient éclairées. Nils courut vers la lumière, tout en se disant que le renard aurait le temps de l’attraper plusieurs fois en route. Le renard faillit en effet le saisir, mais Nils fit un brusque écart. Le renard perdit ainsi un peu de temps et par bonheur Nils aperçut en ce moment deux hommes qui rentraient du travail.
Les hommes semblaient fatigués. Ils n’avaient remarqué ni le renard ni le gamin, bien que ceux-ci eussent passé sous leur nez. Nils ne jugea pas nécessaire de leur demander secours. Il se contenta de les suivre de très près, espérant bien que le renard n’oserait pas s’approcher des hommes.
Ils atteignirent ainsi les cabanes et entrèrent ensemble dans l’une d’elles. Nils avait pensé se faufiler sur leurs pas, mais arrivé sur le perron, il aperçut un grand et fort chien de garde à longs poils qui se précipitait au-devant de son maître. Cela le fit changer d’idée.
— Écoute, chien de garde ! fit-il à voix basse, dès que les hommes eurent fermé la porte. Veux-tu m’aider à attraper un renard ?
Le chien de garde avait la vue faible ; il était devenu hargneux et méchant à force de demeurer attaché ; il répondit par un aboiement furieux :
— Attraper un renard ? Qui es-tu, toi qui viens me bafouer ? Approche un peu plus près et je t’apprendrai à te moquer de moi.
— Je n’ai pas peur de venir près de toi, répondit Nils en accourant. Le chien, en l’apercevant, fut si stupéfait qu’il ne trouva pas un mot à dire.
— C’est moi qu’on appelle Poucet, et qui accompagne les oies sauvages. N’as-tu pas entendu parler de moi ?
— Je crois en effet que les pierrots ont gazouillé quelque chose sur toi, dit le chien. Il paraît que tu as fait de grandes choses.
— J’ai vraiment eu beaucoup de chance jusqu’ici, répondit le gamin, mais cette fois je suis mort si tu ne me sauves. Un renard me poursuit. Il s’est caché derrière le coin de la maison.
— En vérité, je le flaire, répondit le chien. Mais tu en seras vite débarrassé.
Le chien s’élança en aboyant et en jappant aussi loin que lui permettait sa chaîne.
— Il ne se montrera plus de la nuit, dit-il, content de lui-même en revenant près de Nils.
— Il faut autre chose qu’un aboiement pour chasser ce renard-là, dit Nils. Il va revenir, et je me suis promis que tu le feras prisonnier.
— Tu te moques de moi, fit le chien.
— Viens dans ta niche et je te raconterai mon projet.
Le gamin et le chien entrèrent dans la niche. Un moment se passa, pendant lequel on put les entendre chuchoter ensemble.
Quelques minutes plus tard le renard avança de nouveau le museau derrière le coin de la maison ; comme tout était calme, il se glissa dans la cour. Il flaira le gamin jusqu’auprès de la niche, s’assit sur son derrière à une distance prudente, et commença à réfléchir au moyen de faire sortir Nils. Soudain le chien avança la tête et grogna :
— Va-t-en ! Sinon je te mords !
— Je resterai ici tant que je voudrai. Ce n’est pas toi qui me feras déguerpir, répondit le renard.
— Va-t-en ! grogna le chien encore une fois. Sinon tu auras chassé cette nuit pour la dernière fois.
Mais le renard ne fit que ricaner et ne bougea pas.
— Je sais très bien jusqu’où va ta chaîne, dit-il.
— Je t’ai averti trois fois, hurla le chien en sortant de sa niche. Maintenant tant pis pour toi !
Sur ces mots il fit un bond et atteignit le renard sans difficulté, car il était libre. Le gamin avait défait sa chaîne.
Il y eut quelques instants de lutte, mais la victoire resta au chien ; le renard gisait par terre, n’osant bouger :
— Tiens-toi bien tranquille, grogna le chien, sinon je mords. Il saisit le renard par la peau du cou, le traîna vers sa niche. Le gamin vint au devant d’eux avec la chaîne, la mit au cou du renard, la boucla bien. Le renard n’osa bouger.
— Maintenant j’espère, Smirre, que tu feras un bon chien de garde, dit Nils en guise d’adieu.