Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives (seconde édition)/Chapitre X



CHAPITRE X.

LA TOTALISATION.



I. — Les fonctions de première classe.

Nous allons démontrer le théorème que nous avons déjà énoncé à la page 99 :

Pour qu’une fonction soit de classe un au plus, il faut et il suffit qu’elle soit ponctuellement discontinue pour tout ensemble parfait.

Ce théorème, dû à M. R. Baire[1], est étranger à notre sujet mais, d’une part, nous utiliserons la condition nécessaire qu’il exprime, d’autre part, et surtout, le procédé transfini qui nous servira à prouver que la condition énoncée est suffisante, est celui-là même qui a permis à M. Denjoy de résoudre complètement le problème des fonctions primitives[2]. Aussi nous allons dorénavant utiliser constamment les nombres transfinis ; les lecteurs qui ne seraient pas familiarisés avec l’emploi de ces nombres feront bien d’étudier la Note placée à la fin du Volume avant de lire ce Chapitre.

Démontrons que la condition est nécessaire, c’est-à-dire que, si est la limite d’une suite convergente de fonctions , , … continues, et si est un ensemble parfait, il y a des points de en lesquels la fonction , considérée seulement sur , est continue. Désignons par l’ensemble des points de en lesquels on a , étant un nombre positif arbitrairement choisi, et par l’ensemble des points communs à , , , …. L’ensemble est fermé, est donc aussi fermé. est la somme des .

Je dis que l’on peut trouver un intervalle , dans lequel il y a des points de , et dans lequel et sont identiques pour une valeur assez grande de [3]. Soit un intervalle contenant des points de  ; si n’est pas identique à dans , considérons un point de et de n’appartenant pas à [4], étant un intervalle de milieu et pris assez petit, sera intérieur à , il contiendra des points de et aucun point de .

Si, dans , et ne sont pas identiques, on pourra, dans , trouver un point appartenant à sans appartenir à , à partir duquel on définirait un intervalle contenu dans , contenant des points de et aucun point de , etc.

Or la suite des , , … ne peut être indéfinie car, à l’intérieur de tous ces intervalles, il y aurait des points ; ceux-ci appartiendraient à et n’appartiendraient à aucun des , ce qui est impossible[5]. Donc on arrivera à un dernier intervalle, soit , et, dans , et sont identiques.

Ainsi, on peut trouver un intervalle et une valeur de tels que, dans , et soient identiques et aient effectivement des points. Dans prenons , contenant des points de , et tel que l’oscillation de soit, dans , inférieure à . Alors, pour et pris dans et sur , on a, quel que soit positif ou nul,

,,

d’où

,

et par suite

.

En d’autres termes, dans , et les ( positif ou nul) sont chacune constante à près et, lorsque et varient, égales entre elles à près.

Si maintenant nous prenons des nombres , , … tendant vers zéro, nous pourrons trouver des intervalles , , … contenus les uns dans les autres, contenant des points de , et dans lesquels l’oscillation de , sur , sera respectivement au plus , , …. À l’intérieur de tous ces intervalles , il existera au moins un point de  ; en ce point, est continue sur .

Pour démontrer que la condition est suffisante, prouvons d’abord qu’il suffit que, quel que soit , une fonction diffère de moins de d’une fonction de classe un au plus, pour que soit de classe un au plus.

En effet, supposons que diffère de moins de d’une fonction de classe un. Alors on peut écrire

,

la série est uniformément convergente, a ses termes majorés par ceux de la série , et tous ses termes sont de classe un au plus.

Donc est la limite d’une suite de fonctions continues et comme ne surpasse pas , si l’on pose, pour ,

, lorsque l’on a  ;
, »  ;
, »  ;

pour fixe et croissant indéfiniment, la suite des a même limite que celle des .

Posons enfin

 ;

est une fonction continue car la série du second membre a ses termes majorés, à partir du second, par ceux de la série

.

Or, il est clair que l’on a

limite de .

ce qui prouve que est de classe un au plus.

Grâce à ce lemme, pour démontrer qu’une fonction ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait est de classe un au plus, il suffit de montrer que, quel que soit , on peut construire une fonction de classe un au plus ne différant pas de de plus de . Cette construction est basée sur les propriétés de la fonction considérée sur un ensemble fermé .

Quand, au Chapitre II, nous avons défini le maximum, le minimum, l’oscillation d’une fonction en un point, nous avons fait remarquer que ces définitions, et par suite celles de la continuité et de la discontinuité, ne supposaient pas que soit définie dans tout un intervalle. Si l’on applique ces définitions à un ensemble fermé, elles conduisent à dire que est, sur l’ensemble fermé , continue en chaque point isolé de ou, ce qui est équivalent, que l’oscillation de sur est nulle en tout point isolé de .

De là il résulte qu’une fonction ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait est aussi ponctuellement discontinue sur tout ensemble fermé car, ou bien cet ensemble fermé est parfait, ou il contient des points isolés en lesquels doit être regardée comme continue.

Le raisonnement de la page 21 conduit, pour le cas des fonctions définies sur un ensemble fermé, à l’énoncé suivant : si, en tous les points d’un ensemble fermé , l’oscillation d’une fonction sur est au plus égale à , l’oscillation de , est inférieure à , sur la partie de contenue dans un intervalle de longueur , dès que est assez petit ; étant un nombre positif quelconque.

Ces remarques faites, étant donnée dans un intervalle une fonction ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait, nous obtiendrons une fonction différant de de au plus par la répétition de l’opération suivante : supposons que soit déjà construite sauf aux points d’un ensemble fermé , nous considérerons l’ensemble des points de en lesquels l’oscillation de sur est au moins égale à . est un ensemble fermé partout non dense sur , puisque est ponctuellement discontinue sur .

étant l’un quelconque des intervalles contigus à , subdivisons-le en deux intervalles égaux ,  ; subdivisons chacun d’eux en deux intervalles égaux, cela nous donne, en particulier, les deux intervalles extrêmes , que nous subdivisons en deux intervalles égaux par les points et respectivement. Continuons de même en subdivisant les intervalles extrêmes , en deux intervalles égaux, etc. L’intervalle considéré se trouve ainsi divisé en une suite, infinie dans les deux sens, d’intervalles . Dans il n’y a pas de points en lesquels l’oscillation de sur surpasse donc, en subdivisant en assez de parties égales, les oscillations de sur les parties de contenues dans chacun de ces intervalles partiels ne surpasseront pas .

Supposons, pour fixer les idées, que l’on prenne toujours le plus petit nombre de parties qui conduise à ce résultat ; on aura ainsi subdivisé à l’aide de points

.

Nous convenons, pour les points de tels que l’on ait

,

de prendre

,

et étant les limites inférieure et supérieure des valeurs prises par sur la partie de située dans .

Si appartient à sans appartenir à , on posera et de même si appartient à sans appartenir à , on posera .

Il est clair que , maintenant définie par tout point n’appartenant pas à , diffère de de au plus en dehors de .

Nous allons indiquer comment la répétition transfinie de ce procédé permet de déterminer dans tout , puis nous prouverons que est de classe un au plus en dehors de .

Appliquons notre procédé au cas où est tout l’intervalle  ; cette opération nous fournit sauf aux points d’un ensemble fermé que nous désignons par . Prenons cet ensemble pour ensemble , la nouvelle opération, l’opération nous donnera sauf aux points d’un ensemble que nous désignerons par . Puis nous prendrons pour , d’où une opération , etc. S’il arrive que n’existe pas, sera entièrement déterminé par l’opération  ; ceci peut se produire pour une valeur quelconque de , par exemple pour . Mais il se peut aussi que l’on épuise la suite des indices entiers finis sans déterminer dans tout . Tous les ensembles , , … existent, ils sont fermés, chacun d’eux contient le suivant, il y a donc des points communs à tous ces ensembles et ces points constituent un ensemble fermé que nous noterons .

L’opération , de nature différente des précédentes, se réduira tout simplement à la construction de et à la constatation, qu’après les opérations précédant , la fonction est connue sauf aux points de .

L’opération sera celle dans laquelle on prendra comme ensemble et, d’une façon générale l’opération , suivant immédiatement l’opération qui aura fourni sauf aux points de , sera celle dans laquelle on prendra comme ensemble .

Chaque fois que l’on aura épuisé les indices finis et transfinis inférieurs à un nombre transfini de seconde espèce , sans arriver à définir dans tout , c’est que les ensembles existeront tous pour . Il y a alors des points communs à tous les et qui constituent un ensemble fermé . L’opération se réduit alors à la construction de et à la constatation, qu’après les opérations , on connaît sauf aux points de .

La famille des opérations est ainsi définie, elle fournit une suite bien ordonnée d’ensembles fermés , , … tels que chacun contient tous les suivants et que chacun d’eux est partout non dense sur ceux qui le précèdent puisque est ponctuellement discontinue sur tout ensemble fermé . Deux ensembles , d’indices différents ne peuvent donc pas être identiques, aussi (voir la note de la fin du Volume) la suite des est au plus dénombrable. En d’autres termes, après un nombre fini ou une infinité dénombrable d’opérations, nous arrivons à une opération , pour laquelle il n’y a pas d’ensemble exceptionnel , c’est-à-dire faisant connaître dans tout .

Montrons maintenant que est de classe un au plus dans l’intervalle que nous noterons .

étant un point quelconque de , appartient à des ensembles , , …, mais comme n’existe pas, il y a un premier indice , au plus égal à , et à partir duquel n’appartient plus à . est d’ailleurs de première espèce ; un point, appartenant à tous les d’indices inférieurs à un nombre de seconde espèce, appartient en effet à par définition même de . La fonction a donc été définie au point à l’opération et par l’intermédiaire d’un intervalle contenant et provenant de la subdivision d’un intervalle contigu à . Si est distant de de au moins, et si l’on a

,

nous poserons

.

Nous poserons

et.

Les points en lesquels est ainsi définie, les points et mis à part, se répartissent naturellement en ensembles fermés ; sera l’ensemble de ceux des points appartenant à tous les , pour lesquels est inférieur à , et n’appartenant pas à , auxquels s’applique notre définition de .

Les différents sont à la distance au moins les uns des autres, donc il y en a au plus qui existent effectivement. Chacun d’eux se décompose par la considération des intervalles en un nombre fini d’ensembles fermés et, sur chacun de ceux-ci, , donc , est constante.

Finalement est définie par la condition d’être constante sur un nombre fini d’ensembles fermés séparés les uns des autres ; donc on peut compléter la définition de dans de façon que soit continue dans tout .

Il est clair que est la limite des fonctions quand augmente indéfiniment ; en tout point on a en effet à partir d’une certaine valeur de que l’on détermine ainsi : soit l’indice à partir duquel n’appartient plus à , soit la distance de à , soit , l’intervalle provenant de la subdivision des intervalles contigus à et tel que l’on ait

,

est le plus petit entier au moins égal à la fois à et à .


II. — Les fonctions primitives des dérivées partout finies.

Soit une fonction dérivée partout finie dans  ; nous avons, dans ce qui précède, appris à trouver la fonction primitive quand est sommable. Il est clair que les procédés de Cauchy et Dirichlet nous permettent d’atteindre, à partir de là, la fonction primitive de quand les points de non-sommabilité[6] de forment un ensemble réductible. Bornons-nous au cas où les deux extrémités de l’intervalle considéré sont les seuls points de non-sommabilité de  ; alors on peut obtenir la fonction primitive par un passage à la limite et en particulier on a

quand on fait tendre vers et vers , de façon que l’on ait

.

De ce cas particulier nous allons de suite déduire un résultat très étendu. Remarquons pour cela que les points de non-sommabilité d’une fonction forment nécessairement un ensemble fermé , puisque, si est point de sommabilité, c’est-à-dire si est intérieur à un intervalle dans lequel est sommable, tous les points suffisamment voisins de , pour être intérieurs au même intervalle, sont aussi des points de sommabilité.

Dire qu’un point appartient à , c’est dire que n’est sommable dans aucun intervalle contenant ce point ; mais ce n’est pas dire, remarquons-le bien, que n’est pas sommable sur autour de ce point. Nous allons examiner précisément le cas est sommable sur .

Nous connaissons déjà , à une constante additive près, dans tout intervalle contigu à , il suffirait, pour achever de déterminer , de savoir construire la fonction continue, égale à aux points de , en et en , et linéaire dans les intervalles où est déjà connue[7].

Or, nous connaissons en tout point les dérivées à droite et à gauche de  ; et ont, en effet, la même dérivée aux points de qui ne sont ni origines, ni extrémités d’intervalles contigus à  ; si est un intervalle contigu à , la dérivée de en tout point intérieur à est la quantité connue  ; cette quantité est aussi la dérivée à droite de en et la dérivée à gauche en  ; en la dérivée à gauche de est sauf si est point isolé de auquel cas est aussi extrémité d’un intervalle contigu à et l’on connaît la dérivée à gauche de en  ; on connaît de même la dérivée à droite de en . Si donc est à variation bornée, c’est-à-dire si sa dérivée à droite, par exemple, est sommable, nous saurons calculer . Or la dérivée à droite de n’est sommable que si elle est sommable d’une part sur , c’est-à-dire si est sommable sur , et d’autre part dans l’ensemble des intervalles contigus à , c’est-à-dire si la série étendue aux intervalles contigus à est absolument convergente ; donc, lorsque les conditions précédentes sont remplies, nous avons

.

Pour donner à ce résultat toute sa portée, remarquons que nous nous sommes servis uniquement du fait que est fermé, donc :

Si l’on connaît la fonction primitive d’une fonction , donnée dans un intervalle , dans tout intervalle contigu à un ensemble fermé  ;

si la série est absolument convergente ;

si est sommable sur , on a

.

Or, nous allons voir que, dès que la première des trois conditions de l’énoncé précédent[8] est remplie, il existe un intervalle partiel , à l’intérieur duquel a des points, et dans lequel les deux autres conditions de l’énoncé sont aussi remplies.

Supposons, en effet, connue dans tout intervalle contigu à un ensemble fermé  ; alors :

ou bien n’est pas parfait ; prenons un intervalle contenant à son intérieur un seul point de , ce qui est possible puisque a des points isolés ; dans les trois conditions de l’énoncé sont remplies ;

ou bien est parfait. Nous avons appris, page 175, à choisir une suite de valeurs tendant vers zéro et telles que le rapport ait, pour compris entre et , une oscillation au plus égale à . Considérons comme la limite des fonctions continues  ; nous savons qu’on peut déterminer un intervalle , contenant des points de , et dans lequel et les fonctions sont, sur , égales et constantes à près, pour toutes les valeurs positives de , ayant été convenablement choisi, page 203. Je dis que cet intervalle répond à la question. En effet, pour situé dans et sur , est, pour , différent de au plus de l’une des  ; donc la valeur de est constante à près. Ainsi, sauf peut-être pour les intervalles contigus à qui sont de longueur supérieure à , lesquels sont en nombre fini, tout intervalle contigu à et compris dans donne pour une valeur constante à près, on a donc, pour tout intervalle contigu à et compris dans ,

,

étant un nombre fini. Il en résulte

pour tous les intervalles contigus compris dans . Il est donc bien clair que, pour la partie de située dans , la série est absolument convergente. Mais, d’autre part, , étant constante à près sur , est bornée, donc sommable, et toutes les conditions requises pour l’application de notre théorème sont remplies dans .

Dès lors, dans tout intervalle contenant des points de , on en peut trouver un autre, contenant des points de , et dans lequel nous savons déterminer la fonction primitive de . Les points de qui ne sont pas intérieurs à de tels intervalles forment donc un ensemble, évidemment fermé, partout non dense sur . Soit cet ensemble ; si est un intervalle contigu à et si nous prenons tel que

,

nous savons calculer la fonction primitive de dans , donc un passage à la limite nous donne cette fonction dans .

Ainsi : si l’on sait déterminer, à une constante additive près, la fonction primitive d’une fonction dérivée dans tout intervalle contigu à un ensemble fermé , on sait par cela même la déterminer dans tout intervalle contigu à un ensemble fermé , formé de points de et partout non dense sur .

Cette proposition va nous permettre d’opérer par récurrence transfinie. Prenons tout d’abord pour l’intervalle lui-même ; l’ensemble est alors l’ensemble des points de non-sommabilité de et nous appellerons l’opération qui fait connaître dans les intervalles contigus à . Prenons ensuite pour ensemble , nous désignerons par l’ensemble fourni par , et désignera l’opération qui fournit dans les intervalles contigus à . Et ainsi de suite. Si l’on épuise tous les indices finis sans arriver à trouver dans tout , c’est que tous les ensembles , , … existent. Comme ils sont fermés et que chacun d’eux contient tous les suivants, il y a alors des points communs à tous ces ensembles ; ces points forment un ensemble fermé contenu dans les et non dense sur chacun d’eux. L’opération consistera à déduire dans les intervalles contigus à de la connaissance de dans les intervalles contigus aux , par passage à la limite.

D’une façon plus générale, si les opérations d’indices inférieurs à n’ont pas donné dans tout , l’opération se définit comme il suit :

Si est fini ou transfini de première espèce, l’opération est celle qui consiste à calculer dans les intervalles contigus à un ensemble fermé que l’on obtient comme ensemble quand on fait jouer à le rôle de  ;

Si est transfini de seconde espèce, les ensembles pour existent tous ; il y a des points communs à tous ces  ; ces points forment un ensemble fermé  ; l’opération consiste en la détermination, par passage à la limite, de dans les intervalles contigus à .

Cette suite finie ou transfinie d’opérations, qui constitue la totalisation, a été imaginée par M. A. Denjoy. Il est clair que la suite d’ensembles fermés , , …, tous différents de ceux qui les précèdent et contenus dans ceux-ci, ne peut contenir qu’un nombre fini ou une infinité dénombrable de termes, donc, la totalisation permet, dans tous les cas, de déterminer la fonction primitive d’une fonction dérivée connue, dans tout l’intervalle où cette dérivée est donnée.

Nous reviendrons plus loin sur l’opération de totalisation et sur la recherche des fonctions primitives des nombres dérivés ; pour le moment, nous allons modifier notre procédé opératoire, en en conservant toutefois la référence transfinie qui en est l’essentiel, et nous arriverons ainsi à trouver les fonctions primitives des dérivées sans utiliser la notion d’intégrale de fonction sommable[9]. Le procédé généralise celui de la page 95.

étant un nombre positif arbitrairement choisi, nous allons construire une fonction qui ne s’écarte de que de au plus, au point de vue différentiel ; c’est-à-dire qui est telle que, dans tout intervalle positif , on ait

.

Il est clair que si l’on sait construire cette fonction quel que soit , on en déduira par un passage à la limite[10]. La construction de la fonction est basée sur les remarques suivantes :

Si l’on connaît une jonction pour l’intervalle positif et une fonction pour l’intervalle positif , la fonction égale à dans et donnée par

dans , est une fonction pour . En effet, si l’on prend un intervalle situé dans ou , il est clair que l’on a

 ;

si l’on a

,

on a

Si l’on a une suite croissante (ou décroissante) de nombres tendant vers une limite , l’application répétée du procédé précédent fournit pour tout une fonction à partir de fonctions relatives aux intervalles .

Il suffit évidemment de prouver que la fonction résultant de la construction de l’énoncé est continue au point . Or on a, en supposant, par exemple, la suite croissante et

 ;

donc, dans l’oscillation de est au plus l’oscillation de augmentée de . L’oscillation de dans tend donc vers zéro avec la longueur de .

Il résulte de là en particulier que, lorsqu’on sait déterminer une fonction pour tout intervalle entièrement intérieur à un intervalle ,

,

on sait en déterminer une pour .

Notons enfin que, si l’on connaît une fonction pour tout intervalle contigu à un ensemble fermé ,

si la série correspondante est absolument convergente,

si la fonction est constante à moins de près sur ,

on obtient en tout point de une fonction à l’aide de l’expression

 ;

est l’une des valeurs prises par sur  ; les indices et indiquent qu’on ne s’occupe que des parties de et des intervalles contigus à situés dans .

Il nous suffira de démontrer cette proposition pour . Pour le faire, couvrons à partir de d’une chaîne d’intervalles dont les uns seront des intervalles contigus à et les autres des intervalles de longueur au plus, ayant pour origine et extrémité des points , de et tels que l’on ait

,

et étant deux nombres distants de au plus et comprenant entre eux toutes les valeurs prises par sur . Nous allons évaluer à l’aide de cette chaîne ; mais auparavant il nous faut remarquer que la série , étendue aux intervalles contigus à , est absolument convergente, parce que diffère de de au plus.

Ceci étant, les intervalles de la chaîne nous donnent comme contribution dans  :

d’une part, une partie de la somme contenant en particulier tous les termes provenant des intervalles de longueur supérieure à , donc tendant vers quand tend vers zéro ;

d’autre part, la mesure des longueurs des intervalles de la seconde sorte, c’est-à-dire une mesure tendant vers quand tend vers zéro, multipliée par un nombre compris entre et .

La somme de ces deux contributions est

à

près. L’énoncé est légitimé.

Nous avons vu qu’un ensemble fermé étant donné, il était possible de déterminer un intervalle contenant des points de à son intérieur, dans lequel est constante à près sur et pour lequel la somme , étendue aux parties des intervalles contigus à qui sont situées dans , est absolument convergente. Alors, si l’on connaît des fonctions pour chaque intervalle contigu à , la somme est aussi absolument convergente, et nous sommes dans les conditions d’application du théorème précédent.

En d’autres termes, dès que la première des conditions du précédent énoncé est remplie, les points de qui ne sont pas à l’intérieur d’intervalles dans lesquels les trois conditions de cet énoncé sont remplies, forment un ensemble, nécessairement fermé, qui est partout non dense sur . Par suite, si l’on a pu déterminer des fonctions pour tous les intervalles contigus à un ensemble fermé , on peut déterminer des fonctions pour tous les intervalles contigus à un ensemble fermé , formé de points de et partout non dense sur .

Il est dès lors clair que cet énoncé nous permet la construction de par récurrence transfinie :

L’opération sera celle dans laquelle on prendra pour ensemble , l’ensemble sera un ensemble qui contiendra tous les points en lesquels l’oscillation de est supérieure à et certains de ceux en lesquels l’oscillation est égale à . fera connaître dans tout intervalle ne contenant pas à son intérieur de point de .

Si est fini, ou transfini de première espèce, l’opération aura fait connaître dans tout intervalle ne contenant pas à son intérieur de points d’un ensemble fermé . L’opération sera celle dans laquelle jouera le rôle de , elle conduira comme ensemble à un ensemble et fera connaître dans tout intervalle ne contenant, à son intérieur, aucun point de .

Si est de deuxième espèce, les points communs à tous les , pour , forment un ensemble  ; les opérations ont formé dans tout intervalle ne contenant aucun point de ni à son intérieur, ni comme origine ou extrémité.

L’opération fera connaître dans tout intervalle ne contenant pas de point de à son intérieur.

La fonction sera fournie dans tout par cette récurrence transfinie ; pour que cette fonction qui, dans ce qui précède, dépend de choix laissés arbitraires, soit déterminée, il suffirait de fixer ces choix par des lois. Cela serait facile, mais il est tout à fait inutile d’y insister.

étant alors définie pour chaque nombre , en faisant tendre vers zéro, on aurait comme limite de .

Nous avons donc deux procédés transfinis, légèrement différents, qui nous permettent tous deux d’obtenir la fonction primitive d’une dérivée donnée ; montrons par des exemples que toutes les étapes prévues de ces procédés transfinis sont nécessaires[11].

Désignons par une fonction définie dans (0, 1), qui y est continue et dérivable, telle que l’on ait

,,

qui est à variation bornée dans et à variation non bornée dans , , si petit que soit positif, et dont la dérivée est continue sauf pour et .

On pourra prendre par exemple,

 ;

l’ensemble des racines de forme alors un ensemble dont le dérivé se réduit à 0 et 1. Mais on pourrait aussi choisir de manière que, parmi les racines , se trouvent tous les points d’un ensemble parfait ou fermé quelconque.

Soit un nombre fini ou transfini quelconque, nous allons définir des fonctions , , …, dont la détermination à partir de leurs dérivées exigeraient respectivement les opérations  ; et  ; , et  ; … ; , , …, . Et cela qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de nos deux procédés transfinis.

Rangeons pour cela en une suite simplement infinie les nombres finis et transfinis jusqu’à , soit , , …. Si est un nombre transfini de seconde espèce, au plus égal à , nous appellerons suite déterminant celle obtenue en barrant dans d’abord tout nombre égal ou supérieur à , puis tout nombre qui, dans la suite ainsi obtenue, est précédé par un nombre plus grand que lui.

Désignons par un ensemble fermé partout non dense, choisi une fois pour toutes dans (0, 1). sera la fonction .

sera, pour un indice fini, ou transfini de première espèce, la fonction nulle sur et égale à dans l’intervalle contigu à . sera, pour transfini de seconde espèce et déterminé par la suite , , …, la fonction égale à

pour

.

Il est clair que les fonctions ainsi construites sont continues et ont des dérivées qui se forment à partir de comme les se forment à partir de . On voit de suite que la détermination de la fonction , quel que soit son indice , à partir de sa dérivée, exige les opérations , , …, jusqu’à et cela qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre des deux procédés de recherche que nous avons décrits[12].

À la vérité, certaines de ces opérations sont très simples ; par exemple, pour l’opération de la totalisation se réduit à choisir les fonctions primitives dans les intervalles contigus à qui sont nulles aux origines de ces intervalles contigus ; il n’y a pas à intégrer sur , puisque est nulle sur . Mais il suffirait d’ajouter à chaque fonction une fonction à dérivée continue, pour avoir une fonction dont la détermination à partir de sa dérivée nécessiterait toutes les opérations , , jusqu’à , ces opérations comportant des intégrations sur des ensembles ; intégrations exactes dans le premier procédé, celui de la totalisation, et intégrations approchées dans le second.


III. — Les fonctions primitives des nombres dérivés partout finis.

Lorsqu’on essaie d’étendre à la détermination de la fonction primitive d’un nombre dérivé donné partout fini les procédés du paragraphe précédent, on est arrêté dès les premiers pas. Ces procédés sont en effet basés sur le fait qu’une dérivée est une fonction de classe un au plus, et par suite est ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait ; or, nous savons seulement, page 175, que les nombres dérivés sont de seconde classe au plus et de là nous avons pu déduire seulement qu’ils sont mesurables B.

Si l’on examine d’un peu plus près les deux procédés du paragraphe précédent, on remarque que, tandis que le second utilise bien le fait que la dérivée est ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait, le premier s’appuie seulement, en réalité, sur une proposition qu’on pourrait formuler ainsi : Une fonction dérivée partout finie est ponctuellement non bornée sur tout ensemble parfait ou fermé[13].

Or, M. Denjoy a obtenu, relativement à tout nombre dérivé une proposition qui, pour la recherche de la fonction primitive, remplace exactement la précédente et que l’on peut énoncer :

Lorsque le nombre dérivé supérieur à droite d’une fonction continue est partout fini ou du moins jamais égal à , il est ponctuellement non borné supérieurement sur tout ensemble fermé.

Ou, d’une façon plus précise : Lorsque le nombre dérivé supérieur à droite d’une fonction continue n’est égal à en aucun point d’un ensemble fermé , il existe un nombre positif et un intervalle contenant à son intérieur des points de et tels que, pour tout intervalle dont l’origine est point de et de , on ait

.

Il est clair que le second énoncé entraîne le premier[14] ; il est clair aussi que, lorsque nous les aurons démontrés pour tout ensemble parfait, ils seront prouvés par cela même pour tout ensemble fermé puisque tout point isolé de est point en lequel n’est pas égal à et par suite peut être enfermé dans un intervalle satisfaisant aux conditions du second énoncé.

Démontrons le second énoncé[15].

Désignons par l’ensemble des points d’un ensemble parfait pour lesquels on a

,

dès que l’on a  ; est un ensemble fermé, puisque est, pour , une fonction continue de l’ensemble des deux variables et dont dépend ce rapport.

L’ensemble des points communs à tous les , de même indice , est donc aussi un ensemble fermé. est la somme des puisque est supposé fini en tout point de ou du moins non égal à . Donc, en raisonnant comme à la page 203, on voit qu’il existe un intervalle dans lequel est identique à l’un, , des  ; alors, pour tout point appartenant à la fois à et à , on a

,

quel que soit  ; ce qui démontre le théorème.

Nous utiliserons aussi la propriété suivante[16] :

Si le rapport relatif à une fonction continue est borné supérieurement uniformément pour tous les points appartenant à un ensemble fermé , ,

la série , étendue aux intervalles contigus à est alors convergente,

le nombre dérivé supérieur à droite n’est, sur , égal à qu’aux points d’un ensemble de mesure nulle, .

a, dans l’ensemble , une intégrale déterminée, finie, et l’on a

.

Lorsque n’existe pas, c’est le signe égal qui convient.

Désignons par l’ensemble des points de en lesquels on a

,

étant arbitrairement choisi positif.

Soit la fonction continue égale à aux points de et linéaire dans les intervalles contigus à . Pour à l’origine ou à l’intérieur d’un tel intervalle , on a

,

si est la limite supérieure dont parle l’énoncé. Aux points de , qui ne sont pas origines d’intervalles contigus à , on a d’ailleurs

.

étant borné supérieurement dans tout , est à variation bornée et l’on a, en désignant par , et l’ensemble des points où par

le symbole ayant le sens indiqué page 181. En tout point de , on a  ; inégalité dont le second membre est borné sauf aux points de  ; donc l’ensemble est contenu dans et par suite de mesure nulle.

De plus la série ne peut être inférieure à

 ;

puisque, presque partout sur , est au moins égale à  ; en termes plus précis, on peut dire que les valeurs de négatives fournissent des ensembles qui donnent dans une contribution au moins égale à celle qu’ils donnent dans l’intégrale précédente, tandis que les positifs donnent des au plus égaux à , donc existe et est au moins égale à . Les deux intégrales sont, il est vrai, étendues à des intervalles différents, et , mais qui diffèrent seulement par un ensemble de mesure nulle.

Si enfin on remarque que

on a l’inégalité du texte

.

Dans le cas où n’existe pas, couvrons tout , à partir de , à l’aide d’une chaîne d’intervalles choisis comme il suit[17].

Définissons comme il a été fait au Chapitre IX, pages 176 et suivantes, des ensembles et par la considération de nombres , , . Mais en constituant cette fois les à l’aide des seuls points de . Les intervalles de la chaîne ayant pour origines des points de sont choisis satisfaisant aux trois conditions indiquées au Chapitre IX. L’intervalle ayant pour origine un point d’un intervalle contigu à est l’intervalle .

Les intervalles de la première espèce ont, dans l’expression de , une contribution qui, lorsque, , , tendent vers zéro, tend vers .

Un intervalle de la seconde espèce fournit comme contribution

 ;

est au plus égal à , donc la somme des termes est au plus (voir, au Chapitre IX, la signification de ) et par suite a des limites nulles ou négatives quand , , tendent vers zéro.

Par suite on a

.

On a donc bien, conformément à l’énoncé,

.

De ces deux théorèmes il résulte en particulier que : si est un ensemble fermé aux points duquel est fini, il existe un intervalle , contenant des points de à son intérieur, dans lequel est sommable sur et pour lequel la série des accroissements de dans les intervalles contigus à est absolument convergente.

Montrons, sans supposer cette fois bornée supérieurement dans , que l’accroissement de dans est la somme de l’intégrale de sur la partie de située dans et de la série relative à et , ce que nous noterons

.

En effet, s’il n’en était pas ainsi, les points de qui ne seraient pas intérieurs à des intervalles dans lesquels on aurait

,

formeraient un ensemble fermé . Un intervalle contigu à est la somme d’une infinité dénombrable d’intervalles sans points intérieurs communs. Pour chacun de ces intervalles on a l’égalité précédente. La somme de toutes ces égalités peut être effectuée puisque, par hypothèse, et existent. Et ceci prouve que tout intervalle contigu à est lui-même un intervalle .

Or, des théorèmes de ce paragraphe, il résulte que l’on peut trouver un intervalle contenant à son intérieur des points de et pour lequel est borné quand est point de , de sorte que l’on a

désignant les intervalles contigus à et situés dans . Chaque étant un intervalle , on a

.

D’où résulte

 ;

ainsi serait un intervalle , ce qui est contraire à la définition de .

Il est clair que nos deux nouveaux énoncés sont entièrement analogues à ceux sur lesquels nous avons basé la construction d’une fonction à partir de sa dérivée. On peut donc, de même, obtenir la fonction primitive d’un nombre dérivé borné par récurrence transfinie.

Étendons ce résultat au cas suivant : On ne connaît la valeur finie du nombre dérivé supérieur à droite qu’exception faite des points d’un ensemble dénombrable  ; on ne sait pas si, aux points de , est fini ou infini. Cas dans lequel est encore déterminée à une constante additive près, page 86.

Le théorème de la page 220 sera remplacé par le suivant : Si, aux points d’un ensemble parfait , n’est égale à qu’en une infinité dénombrable de points, les points , il existe un nombre positif et un intervalle contenant à son intérieur des points de et tel que, pour tout intervalle dont l’origine est point de et de , on ait

.

En effet, est encore la somme d’une infinité dénombrable d’ensembles fermés, savoir les et les divers points considérés comme formant chacun a lui seul un ensemble fermé. Ces ensembles ne sauraient être tous partout non denses sur , page 203 ; or tous les sont non denses sur , donc l’un des est dense sur dans un intervalle, c’est-à-dire identique à dans cet intervalle et la démonstration s’achève comme précédemment.

Alors, en convenant comme toujours qu’on laissera de côté les points en lesquels est infini dans l’étude de la sommabilité et pour le calcul de l’intégrale, étant donné un ensemble fermé il existe un intervalle  :

a. Contenant des points de à son intérieur ;

b. Tel que et existent ;

c. Et pour lequel on a

.

En effet, ou bien contient un point isolé, alors un intervalle ne contenant à son intérieur que ce seul point de répond à la question ; ou bien est parfait et rien n’est changé au raisonnement fait antérieurement.

De là on déduit encore que toutes les fois que les conditions a. et b. sont remplies, c. en résulte. La seule différence, c’est que l’intervalle contenant des points de , ne sera défini par la condition que soit borné pour point de et de , que si est parfait ; si n’est pas parfait, on prendra pour un intervalle contenant à son intérieur un seul point de .

Ainsi la totalisation permet encore le calcul de quand on ne connaît la valeur finie de l’un de ses nombres dérivés qu’exception faite des points d’un ensemble dénombrable.

Il y a à faire une distinction entre les résultats de ce paragraphe et du précédent. L’opération fondamentale de la totalisation consiste, un ensemble fermé étant donné, et la fonction à obtenir étant déjà connue à une constante additive près dans les intervalles contigus à , à déterminer un intervalle contenant des points de et pour lequel , existent. Mais pour le cas où est une dérivée nous avons pu astreindre à être de plus tel que soit bornée sur la partie de située dans et, si est un nombre dérivé supérieur, nous avons pu astreindre à être de plus tel que soit bornée supérieurement sur . Ainsi il y a des modes de totalisations spéciales à côté de la totalisation générale, c’est-à-dire celle dans laquelle on ne requiert que la sommabilité de sur et que la convergence — donc la convergence absolue — de . C’est celle-ci que nous allons étudier.


IV. — La totalisation.

Reprenons d’abord, afin de bien préciser, la définition de la suite finie ou transfinie d’opérations qui constitue la totalisation. Cette suite d’opérations est effectuée à partir d’une fonction donnée , supposée partout finie[18] dans , est la fonction à totaliser ; si les opérations qui vont être indiquées sont possibles, est dite totalisable et la totalisation fait alors correspondre à une fonction continue dans tout qui est la totale indéfinie de  ; n’est déterminée qu’à une constante additive près. Si est un intervalle quelconque contenu dans , l’accroissement de dans est la totale définie de dans . La totalisation est donc susceptible d’être considérée pour deux fins différentes ; l’obtention d’une fonction, c’est la totalisation indéfinie ; l’obtention d’un nombre, c’est la totalisation définie[19].

Les opérations de la totalisation sont construites à partir des deux suivantes :

A. On suppose connues des totales indéfinies dans des intervalles tels que l’on ait

.

les tendant vers et les vers . Alors on forme la fonction continue , égale à dans , égale à

dans et égale à

dans , que l’on prend pour totale indéfinie de dans .

B. On a un ensemble fermé contenu dans un intervalle  ; on suppose connues des totales de dans les divers intervalles contigus à , par rapport à , on suppose que la série , fournie par ces totales, est convergente et que est sommable sur . Alors on forme la quantité

,

que l’on prend, pour totale définie de dans .

Les conditions pour que soit totalisable, sont les suivantes :

1o L’opération A doit conduire à une fonction continue en et en  ;

2o Quel que soit l’ensemble fermé , il doit exister un intervalle enfermant des points de et tel que, sur la partie de située dans , soit sommable et que la série , étendue aux intervalles contigus à , soit convergente[20].

Ces conditions étant remplies ; en prenant pour l’intervalle lui-même, on voit que les points de en lesquels n’est pas sommable, forment un ensemble , partout non dense dans . Des opérations B, suivies d’opérations A, font connaître dans tout intervalle contigu à  ; cet ensemble d’opérations constitue la première opération de la totalisation.

Si est un nombre fini ou un nombre transfini et si les opérations d’indice inférieur à n’ont pas fait connaître dans tout , elles ont fait connaître dans tout intervalle ne contenant aucun point d’un certain ensemble fermé . Si n’est pas de seconde espèce, cet ensemble fermé s’appelle , il a été fourni par l’opération qui a fait connaître dans tout intervalle contigu à . Alors, en prenant pour ensemble , il résulte de la seconde condition remplie par que les points de , qui ne sont pas intérieurs à des intervalles dans lesquels on puisse effectuer l’opération B, forment un ensemble fermé partout non dense sur . Des opérations B, suivies d’opérations A, font alors connaître dans tout intervalle contigu à . L’ensemble de ces opérations constitue l’opération de la totalisation.

Si est de seconde espèce, l’ensemble est formé des points communs à tous les ensembles d’indice inférieur à . Cet ensemble est alors désigné par , et l’opération se réduit aux opérations A nécessaires pour construire dans les intervalles contigus à , à partir des fonctions connues dans les intervalles contigus aux d’indice inférieur à .

Les ensembles , , …, étant fermés, et chacun d’eux contenant tous ceux qui le suivent, nous savons qu’ils sont en nombre fini ou dénombrable, donc la totalisation détermine bien dans tout après un nombre fini ou une infinité dénombrable d’opérations .

Ainsi, les conditions énoncées sont bien suffisantes pour que les opérations de la totalisation soient possibles, mais il n’est pas aussi évident qu’elles soient nécessaires. La première condition est certes nécessaire puisqu’elle est indispensable pour la continuité de en et en  ; mais il suffit que la seconde condition soit remplie quand on prend pour les ensembles auxquels conduisent les opérations mêmes de la totalisation, et les parties des situées dans les divers intervalles contenus dans , pour que les opérations de la totalisation soient légitimées. Or, on va voir que, dès que la seconde condition est remplie pour ces ensembles spéciaux, c’est-à-dire dès que la totalisation est possible, la seconde condition est remplie pour tout ensemble fermé .

Soit la dernière opération de la totalisation. Il n’existe donc pas d’ensemble , tandis que tous les d’indice inférieur à existent effectivement[21].

Soit le plus petit indice tel que ne soit pas tout entier dans . Le nombre existe et est inférieur à  ; de plus, n’est pas de deuxième espèce, puisque sans cela contiendrait tous les points qui appartiennent aux d’indice inférieur à , donc contiendrait . Il y a donc un ensemble , lequel contenait . Puisque ne contient pas tout , on peut trouver un intervalle entièrement intérieur à un intervalle contigu à et dans lequel il y a des points de , donc de .

Soit la partie de située dans  ; soit aussi la partie de située dans . Désignons par les divers intervalles contenus dans et contigus à , et soit la partie de entièrement intérieure à . On a

,

les ensembles du second membre étant sans points communs deux à deux. Or, puisque dans il n’y a pas de points de , l’opération fait connaître dans , donc dans toute portion de . est donc sommable sur , donc aussi sur et sur les , et l’on a

.

La série des accroissements de dans les intervalles contigus à , et contenus dans est donc convergente, donc aussi les séries .

Et l’on a

 ;

ce que l’on peut écrire, puisque la convergence de la série nécessite son absolue convergence,

Or, si a été fournie par une opération antérieure à , n’existe pas, le signe se réduit à , et si a été fournie par , on a

.

Donc, dans tous les cas,

.

En d’autres termes, l’opération B s’applique à  ; la seconde condition énoncée page 228 est donc remplie par [22].

Nous avons donc caractérisé les fonctions totalisables ; essayons de caractériser les fonctions fournies par la totalisation : les totales indéfinies[23].

Une fonction est une totale indéfinie si, et seulement si :

1o Elle est continue ;

2o  étant un ensemble fermé, la fonction continue égale à aux points de et linéaire dans tout intervalle contigu à , est absolument continue dans un intervalle contenant à son intérieur des points de .

Ces conditions sont nécessaires ; les deux propriétés, énoncées page 228, que possède une fonction totalisable , entraînent de suite les propriétés précédentes pour la totale indéfinie de .

Ces conditions sont suffisantes ; car dès qu’elles sont remplies, on peut, par référence transfinie, construire une fonction dont est la totale indéfinie, en opérant comme il suit :

Prenons pour ensemble l’intervalle lui-même, est identique à  ; donc l’ensemble des points de non absolue continuité de est partout non dense dans . Soit cet ensemble. En dehors de , on prend pour la dérivée de là où elle existe et, par exemple, zéro là où elle n’existe pas.

Prenons ensuite pour ensemble . La fonction correspondante sera nommée . Les points où n’est pas absolument continue, forment un ensemble fermé partout non dense sur . Aux points de , on prend pour la dérivée de là où elle existe et zéro aux autres points.

D’une façon générale, quand en continuant ainsi, on a défini , sauf aux points d’un ensemble fermé , on prend pour ensemble  ; la fonction correspondante, que nous appellerons , est absolument continue, sauf aux points d’un ensemble fermé . Aux points de , on prend pour la dérivée de aux points où elle existe et zéro aux autres points.

Pour compléter la définition de , il suffit de dire que par , étant un nombre transfini de seconde espèce, on entend l’ensemble des points communs à tous les d’indice inférieur à .

Notre énoncé est ainsi légitimé. Nous allons maintenant démontrer un énoncé équivalent, dû à M. Denjoy[24].

Lorsqu’une fonction continue est telle que la série

,

étendue aux intervalles contigus à un ensemble fermé , est convergente, convenons de dire que l’accroissement[25] de sur est défini et égal à

.

Lorsqu’il en est ainsi, l’accroissement de sur est la limite de l’accroissement de dans une famille d’intervalles, formée d’un nombre fini d’intervalles non empiétants, ayant pour origines et extrémités des points de , qui enferme et dont on fait tendre la mesure vers celle de  ; le complémentaire de est, en effet, formé d’intervalles contigus à et tout intervalle contigu à finit par faire partie de ce complémentaire quand tend vers [26]. En particulier, quand la fonction relative à est absolument continue, l’accroissement de sur est défini et égal au nombre qui résulte des définitions antérieures, applicables seulement aux fonctions absolument continues, page 159[27].

Une fonction continue sera dite résoluble si, quel que soit l’ensemble fermé de mesure nulle , il existe un intervalle contenant des points de et tel que l’accroissement de sur la partie de située dans soit défini et égal à zéro.

Voici maintenant l’énoncé de M. Denjoy : Pour qu’une fonction soit une totale indéfinie, il faut et il suffit qu’elle soit résoluble.

Cette condition est nécessaire. Si, en effet, est une totale indéfinie et si est un ensemble parfait de mesure nulle, la fonction construite à l’aide de et de est absolument continue dans un intervalle contenant des points de , et par suite, pour la partie de située dans , on a

.

Cette condition est suffisante. D’après le premier énoncé, si n’est pas une totale indéfinie, il existe un ensemble fermé tel que la fonction correspondante ne soit absolument continue dans aucun intervalle contenant des points de à son intérieur ; nous allons montrer que l’on peut même remplacer cet ensemble par un autre de mesure nulle. Pour cela, nous distinguerons trois cas.

a. Supposons que quel que soit l’intervalle contenant à son intérieur des points de , la série , étendue aux parties des intervalles contigus à situées dans , contienne une infinité de termes positifs et de somme infinie.

Choisissons un nombre fini des termes de tels que leur somme surpasse 1 ; soient , …, les intervalles correspondants. Prenons des intervalles , , …, , , non compris dans les intervalles choisis, ayant pour origine et extrémités des points de et formant un ensemble de mesure au plus. Ceci est possible car est parfait puisque, dans un intervalle ne contenant qu’un point isolé de , la fonction serait, nécessairement absolument continue ; de sorte que , par exemple, qui est point de et qui est origine de l’intervalle contigu à , a nécessairement à sa gauche des points de dans un voisinage aussi petit qu’on veut. On peut faire évidemment en sorte que les points de de plus petite abscisse et de plus grande abscisse soient des points origine et extrémité d’intervalles de .

Choisissons de même un ensemble formé d’un nombre fini d’intervalles, contenus dans les , limités par des points de parmi lesquels se trouvent toutes les origines et extrémités des , et tels que, parmi les intervalles constituant le complémentaire de se trouvent des intervalles tels que l’on ait les inégalités

pour tout intervalle de . Enfin devra avoir une mesure inférieure à .

Il est clair qu’en continuant ainsi, on construira des ensembles , , …, de mesures tendant vers zéro, dont chacun contient les suivants et tels par suite que les points communs à la fois à tous ces ensembles soient un ensemble de mesure nulle , fermé et même parfait. Parmi les intervalles contigus à se trouvent en particulier tous les intervalles qui ont servi à construire , tous ceux qui ont servi à construire , …. Donc la série étendue aux intervalles contigus à et situés dans un intervalle contenant à son intérieur des points de , est divergente. L’accroissement de sur la partie de située dans est non défini ; est non résoluble.

b. Lorsque la série ne contient pas toujours une infinité de termes positifs et de somme , ni toujours une infinité de termes négatifs et de somme , pour tout intervalle contenant des points de , c’est qu’il existe un tel intervalle pour lequel la série est convergente. Supprimons les points de en dehors de , nous pouvons dire que est convergente.

Supposons que ne soit à variation bornée dans aucun intervalle contenant des points de . Alors, soit un intervalle qui contient des points de à son intérieur. Dans , est à variation non bornée ; on peut donc trouver dans des intervalles en nombre fini et dont l’ensemble fournit une valeur aussi grande que l’on veut. On peut d’ailleurs retrancher de un nombre quelconque d’intervalles ne contenant pas de points de à leur intérieur, car ceci ne modifie que de

au plus. Par suite, on peut prendre les intervalles ayant pour origines des points de , non origines d’intervalles contigus à , et pour extrémités des points de , non extrémités d’intervalles contigus à , et cela en supposant de mesure aussi petite que l’on veut. Dans un tel ensemble , on a .

Ceci étant, choisissons dans une suite d’ensembles d’intervalles , , …, satisfaisant aux conditions suivantes : chacun d’eux contient les suivants, les mesures des tendent vers zéro, chaque origine d’un intervalle doit avoir à sa droite des points de aussi près que l’on veut, et chaque extrémité doit avoir à sa gauche des points de dont il est point limite, les origines et extrémités des intervalles de sont origines et extrémités d’intervalles de  ; enfin, la partie de contenue dans l’un quelconque des intervalles de , doit donner une valeur supérieure à pour . Il est clair que le complémentaire de fournit un accroissement qui tend vers puisque l’on a

 ;

et comme il en est de même si l’on envisage seulement la partie de située dans un intervalle contenant des points de , la fonction n’est pas résoluble ; car l’accroissement de n’est, en effet, défini sur aucune partie de l’ensemble , parfait et de mesure nulle, formé des points communs à la fois à tous les .

c. Lorsqu’on n’est dans aucun des cas précédemment examinés, c’est qu’il existe un intervalle contenant des points de et dans lequel est à variation bornée. En supprimant les points de extérieurs à cet intervalle, nous pouvons supposer que est à variation bornée dans et y admet pour ensemble de points de non absolue continuité. Nous savons que, si l’on décompose en son noyau absolument continu et les variations positive et négative de sa fonction des singularités d’après la formule

,

l’un au moins des deux nombres , est différent de zéro ; admettons que soit positif.

On peut trouver un ensemble formé d’un nombre fini d’intervalles, dont les points origines et extrémités sont des points en lesquels est croissante respectivement à droite et à gauche, et par suite sont des points de . On peut supposer de plus que la mesure de est inférieure à , et qu’on a les deux inégalités

Dans on peut trouver un ensemble de mesure inférieure à , formé d’un nombre fini d’intervalles dont les extrémités et origines satisfont aux mêmes conditions que plus haut, la famille de ces extrémités et origines pour comprenant celle relative à , et de façon que, pour tout intervalle de , la partie de qui lui est contenue satisfasse aux inégalités

les étant des nombres tels que le produit soit convergent et de valeur .

Il est clair que l’ensemble formé des points communs à la fois à tous ces est parfait et de mesure nulle, que l’accroissement de , c’est-à-dire de , sur est défini et que sa valeur est la limite de . Or on a

,

et comme le premier de ces nombres tend vers zéro avec la mesure de , on a

Ainsi l’accroissement de sur n’est pas nul, et comme une conclusion analogue est exacte pour la partie de contenue dans un intervalle quelconque qui contient des points de à son intérieur, est non résoluble, le criterium de M. Denjoy est entièrement légitimé.

À l’occasion de notre premier criterium nous avons vu comment, une totale indéfinie étant donnée, on pourrait déterminer une fonction dont soit la totale indéfinie. Nous avons fait cela à l’aide de certains ensembles , , …, définis par la considération des points de non absolue continuité de et de certaines fonctions  ; montrons que ces ensembles se définissent tout aussi bien à partir de toute fonction qui admet pour totale indéfinie.

En effet, la première opération de la totalisation de fait apparaître l’ensemble exceptionnel formé des points en lesquels n’est pas sommable. Je dis que est identique à . Tout d’abord la totale indéfinie de étant absolument continue en tout point n’appartenant pas à , est contenu dans  ; s’il ne lui était pas identique, il existerait un intervalle contigu à et contenant plusieurs points de donc aussi un intervalle contigu à . Dans tout intervalle entièrement intérieur à , est sommable, par hypothèse, et l’on a presque partout

.

Donc presque partout dans tout on a , et est sommable dans l’intervalle entier[28] puisque est absolument continue à l’intérieur de donc dans .

Or il existe un intervalle , entièrement intérieur à , contenant des points de et aucun point de l’ensemble exceptionnel , formé par la seconde opération de la totalisation de . Supposons même que n’ait, ni pour origine, ni pour extrémité, de points de . Alors est sommable sur la partie de , située dans . Mais est la somme de et d’intervalles, ou de parties d’intervalles, contigus à  ; écrivons

.

Nous savons que, dans , est sommable et que l’on a presque partout  ; donc la série

est convergente, puisque l’on a

.

Et ceci montre que serait sommable dans tout , ce qui implique contradiction.

Ainsi et sont identiques.

Mais l’ensemble exceptionnel fourni par la seconde opération de totalisation qui donne à partir de est le premier ensemble exceptionnel qu’on rencontrerait dans la recherche, par totalisation, de la fonction construite à partir de , tandis l’ensemble relatif à est pour l’analogue de l’ensemble de , c’est-à-dire qu’il est l’ensemble des points de non absolue continuité de . Il est donc clair que et sont identiques ; il en est de même de et , de et , etc. étant l’ensemble des points communs à tous les d’indice inférieur à tandis que est l’ensemble des points communs à tous les d’indice inférieur à , et sont aussi identiques. En continuant, on voit qu’il y a identité entre les et les de même indice.

On voit en même temps que l’on a : presque en tout point extérieur à  ; presque en tout point de , étant la fonction construite à l’aide de  ; presque en tout point de , étant construite à l’aide de , etc. Or, est la somme des ensembles en nombre fini ou dénombrable ; donc, finalement, est déterminé presque partout par sa totale indéfinie [29].

Et cette détermination est toujours faite par des dérivations. Examinons de plus près ces dérivations. Dériver en un point de revient à dériver en ce point, mais en ne tenant compte que des points de  ; c’est-à-dire à étudier le rapport dans lequel est aussi point de  ; c’est ce que nous appelons dériver sur . Donc, quel que soit l’ensemble fermé , il existe un intervalle contenant des points de et tel que, dans , soit presque partout sur la dérivée prise sur de sa totale indéfinie.

À la vérité, cet énoncé n’est démontré par ce qui précède que si est l’un des ensembles , , … ; mais si est le plus petit indice tel que ne soit pas tout entier dans , c’est qu’il y a un intervalle contenant une partie de qui soit contenue dans et par suite, presque partout sur , est la dérivée de , donc la dérivée sur de .

On remplacera avec avantage cet énoncé par le suivant dû a M. Khintchine, et basé sur la notion de dérivée approximative.

Une fonction continue est dite posséder en une dérivée approximative égale , si est la dérivée de sur un ensemble de densité 1 au point .

Il est clair que ne peut avoir en deux dérivées approximatives différentes , , car elles seraient les dérivées de sur deux ensembles , ayant tous deux la densité 1 en . Par suite, et auraient en commun des points aussi voisins de qu’on le veut, et par suite et seraient égales.

De là il résulte en particulier que la dérivée approximative coïncide avec la dérivée ordinaire quand celle-ci existe ; d’ailleurs si est la dérivée approximative de en , et si , , , sont les quatre nombres dérivés de en , on a

,,

car est la limite de rapports pour lesquels est positif, et de rapports pour lesquels est négatif.

Une fonction totalisable est presque partout la dérivée approximative de sa totale indéfinie.

En effet, presque partout aux points de la fonction totalisable est la dérivée, prise sur , de sa totale . Mais, presque partout sur , la densité de est égale à 1 ; donc, presque partout sur , est la dérivée approximative de , et le théorème est démontré.

Ce théorème généralise celui relatif aux fonctions sommables — une fonction sommable est presque partout la dérivée de son intégrale indéfinie —, mais à l’aide d’une généralisation de la notion de dérivée ordinaire. Pour voir ce que donne cette notion elle-même, comparons une fonction totalisée aux nombres dérivés de sa totale, ce que nous permettent de faire les raisonnements des pages 221 et suivantes.

Remarquons tout d’abord que pour démontrer qu’une propriété n’a lieu tout au plus qu’aux points d’un ensemble de mesure non nulle, il suffit de montrer qu’elle n’a jamais lieu en tous les points d’un ensemble fermé de mesure non nulle[30]. Si, en effet, elle avait lieu en tous les points d’un ensemble de mesure non nulle[31], il suffirait d’enfermer le complémentaire de à l’intérieur d’intervalles dont la mesure est inférieure à celle de l’intervalle total considéré pour que l’ensemble , formé des points non intérieurs à ces intervalles, soit un ensemble fermé de mesure non nulle en tous les points duquel la propriété aurait lieu.

Ceci étant, reportons-nous aux deux énoncés du début du paragraphe précédent pages 220 et 221.

Nous voyons que le nombre dérivé supérieur à droite d’une fonction continue , n’est égal à que tout au plus aux points d’un ensemble de mesure nulle. Car s’il n’en était pas ainsi, on pourrait trouver un ensemble fermé de mesure non nulle en tous les points duquel  ; d’après le second énoncé de la page 220, on pourrait même supposer que est borné supérieurement pour les points de  ; le théorème de la page 221 s’appliquerait donc. Or il affirme que, sur , l’ensemble des points où est de mesure nulle.

Plus généralement, l’ensemble des points où l’un des est égal à , au l’un des à est de mesure nulle.

Nous pourrons donc, dans ce qui suit, raisonner sur des ensembles fermés de mesure non nulle en les points desquels on n’aura ni , ni .

Dans l’ensemble des points où une fonction continue a son nombre dérivé supérieur à droite fini, a presque partout une dérivée approximative égale à ce nombre.

Supposons, en effet, qu’il existe un ensemble fermé de mesure non nulle aux points duquel soit fini sans être la dérivée approximative de et choisissons, page 220, un intervalle dans lequel les conditions d’application du théorème de la page 221 soient remplies. Alors, d’après ce théorème, la fonction construite à l’aide de a presque partout sur une dérivée égale à . C’est-à-dire que, presque partout sur , a une dérivée, prise sur , égale à et par suite a, presque partout sur , une dérivée approximative égale à .

Il résulte de là en particulier qu’une fonction totalisable est presque partout égale au nombre dérivé supérieur à droite de sa totale indéfinie, dans l’ensemble des points où ce nombre dérivé est fini.

On a naturellement les mêmes énoncés pour les quatre nombres dérivés.

Mais, on va le voir, il existe des totales indéfinies dont les nombres dérivés sont infinis en des ensembles de points de mesures non nulles.

Soit, en effet, un ensemble fermé partout non dense et de mesure non nulle ; numérotons les intervalles contigus à de façon quelconque.

Plaçons successivement sur ces intervalles , , …. Chaque intervalle sera ainsi placé dans un intervalle qui est l’un de ceux que l’on obtiendrait en retranchant , , …, de  ; soit la longueur de . Le nombre sera infiniment petit avec .

Prenons nulle aux points de et égale dans chaque à une fonction continue dont la dérivée est continue, s’annule aux extrémités de et est de valeur absolue maximum égale à .

Il est clair que est continue, puisque tend vers zéro avec  ; est la totale indéfinie de la fonction nulle sur et égale à en dehors de .

Soit un point de qui ne soit ni origine, ni extrémité d’un intervalle contigu à . se trouve dans une suite d’intervalles , , …. En tant que point de on peut affirmer que, pour convenablement choisi dans , on a

.

Donc en l’un au moins des quatre nombres dérivés de est infini et puisque l’ensemble des est de même mesure que , donc de mesure non nulle, il y a l’un déterminé des quatre nombres dérivés de qui est infini en un ensemble de points de mesure non nulle. Et cependant , ayant zéro pour dérivée prise sur en tout point de , a une dérivée approximative nulle presque partout sur .

Bien que ce qui précède soit suffisant pour notre conclusion, précisons un peu cet exemple en vue d’autres conclusions[32]. Plaçons-nous dans les deux hypothèses suivantes : on prendra dans une fonction positive ou nulle et de maximum  ; cela nous donnera  ; on prendra dans une fonction de maximum et de minimum , cela nous donnera .

Reprenons le rapport considéré pour dans et dans . Il est clair que pour certaines valeurs de , la différence est négative, sans quoi aucun des ne serait compris entre l’origine de et , ce qui est impossible. Donc on peut affirmer que l’on a

pour certaines valeurs de , qu’il s’agisse de ou de et par suite que l’on a

.

De même on voit que l’on a

,

puis

,

on a de plus

,
.

Supposons de plus que, dans chaque , soit choisie de façon que, dans , aux voisinages des extrémités de , la courbe soit semblable à celle qui représente au voisinage de la fonction qui, dans est égale à s’il s’agit de , à s’il s’agit de . Alors les égalités précédentes déterminent les valeurs des quatre nombres dérivés de non seulement aux points , mais en tout point de . De plus, si est parfait et si en tout point de , qui est un point , la densité de est égale à 1, a une dérivée approximative égale à zéro en tout point de .

Voici donc construites deux totales indéfinies qui ont une dérivée approximative finie en tout point et pour lesquelles on a cependant, en tout point de l’ensemble parfait de mesure non nulle ,

Ainsi on ne peut énoncer les relations entre fonction totalisée et totale indéfinie en n’employant que la dérivation ordinaire prise sur un intervalle ; il est indispensable de recourir à une généralisation de la dérivée : dérivée prise sur un ensemble ou dérivée approximative. Par suite aussi la généralisation de cet énoncé : toute fonction absolument continue a une dérivée presque partout, laquelle s’énonce : toute fonction résoluble a une dérivée approximative presque partout ne peut être remplacée par une proposition relative à l’existence de la dérivée ordinaire[33].

Nous obtiendrons cependant des renseignements concernant la dérivation ordinaire en appliquant simultanément les théorèmes obtenus à plusieurs nombres dérivés, c’est-à-dire en opérant comme nous l’avons fait au Chapitre IX avec les théorèmes relatifs à l’intégration.

Deux nombres dérivés d’une même fonction, et par exemple, sont égaux presque partout dans l’ensemble des points où ils sont simultanément finis. En effet, nous savons d’une part que admet presque partout sur cet ensemble une dérivée approximative égale à , et d’autre part que cette dérivée approximative est presque partout égale à .

En particulier, une fonction continue a une dérivée presque partout dans l’ensemble des points où ses quatre nombres dérivés sont finis[34].

Une fonction continue a son nombre dérivé presque partout fini dans l’ensemble des points où est fini.

Sans quoi, en effet, il existerait un ensemble , fermé, de mesure non nulle, aux points duquel serait égale à , et pour les points duquel le rapport serait pourtant toujours inférieur à un nombre fixe . Couvrons alors à partir de , d’une chaîne d’intervalles ainsi choisis : si est un point de , nous lui attachons un intervalle dans lequel on a

,

étant un nombre positif, très grand, arbitrairement choisi.

Si est un point intérieur à un intervalle contigu à , nous attachons à l’intervalle .

Servons-nous de cette chaîne pour évaluer  ; la contribution des intervalles de la première espèce sera inférieure à  ; celle des intervalles de la seconde espèce sera inférieure à leur longueur multipliée par , soit moins de . Ceci donne

.

Or ceci est impossible puisque le second membre est aussi petit que l’on veut ; la proposition est donc démontrée. On a, bien entendu, un énoncé analogue relativement à et à .

Rapprochons les divers résultats obtenus, nous avons le remarquable théorème dû à M. Denjoy :

Sauf tout au plus aux points d’un ensemble de mesure nulle, les quatre nombres dérivés d’une fonction continue[35], présentent l’une des dispositions suivantes :

1o Les quatre nombres dérivés sont égaux, c’est-à-dire qu’il y a une dérivée ordinaire ;

2o

ou

3o

,.

Les deux fonctions et , construites quelques pages plus haut, montrent d’ailleurs que les cas 2o et 3o se présentent effectivement en des ensembles de points de mesures non nulles.

De ce théorème, M. Denjoy a déduit qu’une fonction continue qui n’a en aucun point ses quatre nombres dérivés infinis à la fois, est une totale indéfinie.

Montrons, en effet, que toute fonction continue qui n’est pas une totale indéfinie a ses quatre nombres dérivés infinis en certains points. Pour une telle fonction, il existe un ensemble parfait tel que la fonction correspondante ne soit absolument continue dans aucun intervalle contenant des points de à son intérieur. C’est dire que, dans , la limite de la valeur absolue de l’accroissement de dans un ensemble d’intervalles non empiétants ne tend pas vers zéro quand tend vers zéro. Comme est linéaire dans les intervalles contigus à , nous supposerons même que les origines et extrémités des intervalles constituant sont points de , ce qui ne changera rien à la plus grande limite de .

Deux cas sont à distinguer :

a. Dans tout intervalle , pour tendant vers zéro la plus grande limite de est positive et la plus petite négative ;

b. Ou bien il existe un intervalle pour lequel l’une de ces limites est nulle.

a. Dans ce cas, dans tout on peut trouver des intervalles limités par des points et , , de et pour lesquels est aussi grand que l’on veut ou aussi petit que l’on veut. Car, par exemple, si ce rapport ne pouvait surpasser , serait au plus .

est donc, partout sur , non borné supérieurement, donc il y a sur des points où .

est aussi partout non borné supérieurement, il y a sur des points où , et puisque ces rapports sont aussi non bornés inférieurement, il y a des points où et .

Précisons ce résultat en nous reportant à la démonstration de notre premier théorème sur les nombres dérivés (p. 220). Nous avons remarqué alors que l’ensemble des points de en lesquels on a

,

quel que soit positif, était un ensemble fermé. Dans l’hypothèse actuelle c’est un ensemble fermé non dense sur , puisque, dans tout intervalle contenant des points de , en certains de ces points surpasse pour certaines valeurs positives de .

L’ensemble des points en lesquels on a l’une ou l’autre des inégalités

,,

soit quel que soit positif, soit quel que soit négatif, étant la somme de quatre ensembles analogues à , est fermé et non dense sur .

Si l’on remarque que la somme des est l’ensemble des points de en lesquels l’un des quatre nombres dérivés est fini, la démonstration s’achève facilement. ne peut être la somme des partout non denses sur (p. 203), donc il y a des points de n’appartenant à aucun  ; en ces points les quatre nombres dérivés de sont infinis.

b. Admettons que, dans un intervalle que nous supposerons l’intervalle lui-même, la plus petite limite de , pour tendant vers zéro, soit nulle. Il est clair que la variation totale négative de est bornée, donc est à variation bornée ; de plus, si l’on décompose en son noyau absolument continu et sa fonction des singularités, celle-ci se réduit à sa propre variation positive

 ;

on a

aux points d’un ensemble , de mesure nulle, lequel est l’ensemble des singularités de et de .

Le changement de variable (p. 167)

,

transforme , , en des fonctions absolument continues , , et en , un ensemble d’intervalles enfermant en un ensemble d’intervalles enfermant , les variations totales de et de , dans , en les variations totales de et de , dans .

Or, pour , la variation totale dans est égale à , c’est-à-dire à la variation totale dans tout , parce que est l’ensemble des singularités de . Donc la variation totale de dans est égale à sa variation totale dans et par suite est différente de zéro. Ceci montre que est de mesure non nulle.

Pour , la variation totale dans tend vers zéro avec puisque est absolument continue ; donc la variation totale de est nulle dans et par suite on a, presque partout sur ,

.

Or, en tout point de , donc de , on a

 ;

d’où

, ;

puis

,.

Donc la dérivée de existe et est égale à 1 en tous les points d’un ensemble contenu dans et de même mesure que lui.

En restreignant sans changer sa mesure, nous pouvons même supposer qu’aux points de sont remplies des conditions qui sont presque partout remplies dans la transformée de , donc presque partout dans . Nous admettrons ainsi que les points de ne sont ni origines, ni extrémités d’intervalles contigus à et qu’en ces points les quatre nombres dérivés de la fonction transformée de , , présentent l’une des quatre associations indiquées par le théorème précédent.

De la première de ces hypothèses, comme on a aux points de , il résulte qu’à toute valeur appartenant à on peut associer deux suites de valeurs de tendant vers , l’une par valeurs supérieures à , l’autre par valeurs inférieures à et pour lesquelles a une limite égale à 1. Il suffit en effet de prendre ces suites de valeurs de appartenant à  ; tend alors vers la dérivée de , prise sur , laquelle est . De la deuxième hypothèse résulte alors :

α. Que si l’on est dans le cas où les quatre nombres dérivés sont égaux, on a  ;

β. Que si l’on est dans le cas où , , , cette valeur finie est égale à 1 puisque 1 doit être commun aux deux intervalles ,  ;

γ. Que si l’on est dans le cas où , , , cette valeur finie est à 1 ;

δ. Enfin on peut avoir , .

Or la formule

,

qui lie les accroissements et dans laquelle le dernier rapport tend vers aux points de l’homologue de , montre qu’en un point de on a, suivant les cas,

(α)  ;
(β) , ;
(γ) , ;
(δ) ,

Le théorème de M. Denjoy est démontré. Il en résulte que si l’on connaît une fonction finie et si l’on sait qu’elle est en tout point égale à l’un des quatre nombres dérivés d’une fonction continue , à en certains points, à en d’autres, etc., la fonction est déterminée et s’obtient par la totalisation de . En effet, est une totale indéfinie et la fonction totalisable qui en dérive est presque partout égale à dans l’ensemble des points où , dans l’ensemble des points où , etc. Ces ensembles sont inconnus, mais peu importe puisqu’il en résulte que la fonction à totaliser est presque partout égale à dans tout .

Ainsi la totalisation permet non seulement de résoudre les problèmes A, B, C posés au Chapitre V et leurs extensions A′, B′, C′ ; mais elle permet aussi de traiter des problèmes plus larges encore comme le précédent.

À la vérité celui-ci paraît quelque peu étrange ; on ne comprend guère comment on pourrait avoir su que est partout égale à l’un des nombres dérivés de sans savoir au moins duquel il s’agit en chaque point. Aussi le lecteur se demandera peut-être s’il ne suffirait pas de savoir que la fonction finie est en tout point l’une des limites de , pour des valeurs de tendant vers zéro, pour que la connaissance de détermine à une constante près ? La réponse est négative. Remarquons en effet, avec M. Denjoy, que la fonction , page 244, a une dérivée déterminée en tout point extérieur à l’ensemble parfait et a pour nombres dérivés aux points de . La fonction , le symbole désignant la mesure de la partie de située dans , a partout les mêmes nombres dérivés que . Donc, pour chacune de ces fonctions, l’une des limites de est la fonction égale à en dehors de et nulle sur  ; on peut même dire que est l’une des limites de quand on fait tendre vers zéro par valeurs de signe déterminé ; par valeurs positives, par exemple. Et pourtant la différence de ces fonctions n’est pas constante.

  1. Annali di Matematica, 1899. Voir aussi le Livre publié par M. Baire dans cette Collection.
  2. Les Mémoires de M. Denjoy ont paru au Journal de Mathématiques, 1915, au Bulletin de la Société mathématique de France, 1915, et aux Annales scientifiques de l’École Normale, 1916, 1917.
  3. Par point contenu dans un intervalle, nous entendons ici un point compris entre les extrémités et différant de ces extrémités.
  4. Je me dispense de préciser la loi des choix des , , …, , , … comme il conviendrait de le faire pour satisfaire aux exigences logiques indiquées page 67.
  5. En d’autres termes, un ensemble parfait ne peut être la somme d’un nombre fini ou d’une infinité dénombrable d’ensembles partout non denses sur .
  6. Points dans le voisinage desquels n’est pas sommable.
  7. Nous introduisons ici les extrémités et de l’intervalle considéré, parce que nous sommes convenus de considérer et comme deux intervalles contigus à , et étant respectivement les points de plus petite et de plus grande abscisse de .
  8. J’ai indiqué cet énoncé dans ma Thèse en note de la page 42. Il marque le point extrême que j’avais atteint dans la recherche des fonctions primitives.
  9. La possibilité de se passer de cette notion est certaine, puisqu’on peut toujours remplacer une intégrale par une des sommes qui sert à sa définition choisie de manière à ne commettre qu’une erreur aussi petite que l’on veut, puis passer à la limite ; seulement, il s’agit alors toujours d’un emploi de l’intégrale, mais d’un emploi masqué.

    Le procédé qui va être indiqué, et que j’ai fait connaître dans un article des Acta Mathematica (t. 49), s’écarte plus sensiblement de la totalisation telle qu’elle vient d’être exposée et se rapproche au contraire de la construction de la démonstration de la condition suffisante du théorème de M. Baire.

  10. Le nombre dérivé supérieur à droite , par exemple, tend vers quand tend vers zéro ; on comparera les constructions de et de la fonction définie page 206.
  11. Une opération nouvelle peut être nécessitée par le fait que l’une ou l’autre des diverses conditions figurant dans nos énoncés n’est pas remplie dans tout  ; on peut se proposer de montrer par des exemples que chacune de ces conditions nécessite, à elle seule, toutes les étapes du transfini. C’est ce qu’a fait M. Denjoy. Le lecteur se reportera à ses travaux. Ici, on montrera seulement que l’ensemble des conditions de nos énoncés nécessite l’emploi du transfini dans toute sa généralité.
  12. Il arrive en effet que, sur les ensembles fermés que la suite transfinie d’opérations conduit à considérer, il y a identité entre les points de discontinuité de la dérivée, ses points de non-sommabilité et les points autour desquels la dérivée est non bornée.
  13. Il convient de faire à l’occasion de cet énoncé et des suivants une observation analogue à celle formulée en note, page 99 ; on doit donc comprendre que toute dérivée est soit bornée, soit ponctuellement non bornée sur tout ensemble fermé.
  14. Ce second énoncé précise le premier comme celui de la page 203 précise la condition nécessaire pour qu’une fonction soit de classe un.
  15. Les deux énoncés précédents remplacent la proposition que M. Denjoy appelle le premier théorème fondamental (descriptif) relatif aux nombres dérivés.
  16. Cette propriété remplacera ici le second théorème fondamental (métrique) relatif aux nombres dérivés, de M. Denjoy.
  17. Il est clair qu’on pourrait remplacer dans ce qui précède l’emploi des résultats empruntés au Chapitre IX par leur démonstration à l’aide de chaînes d’intervalles ; on aurait ainsi, au prix de quelques longueurs, un exposé plus homogène.
  18. Tout à l’heure nous avons négligé les points où était infini, donc pris en ces points.
  19. Ce langage très cohérent, introduit par M. Denjoy, montre bien le parallélisme complet entre totalisation et intégration. Il faut noter pourtant que, dans le cas de l’intégration, c’est la notion d’intégrale définie qui est primordiale, tandis que, dans le cas de la totalisation, c’est la notion de totale indéfinie qui la plus importante. La totalisation se rattache plus directement à l’intégration des équations différentielles qu’au calcul des quadratures : la totale définie analogue à l’intégrale définie de Duhamel (Chap. VI).
  20. On pourrait rattacher à cet énoncé des propriétés comme celle-ci : la somme de plusieurs fonctions totalisables est totalisable ; la totale est la somme des totales.
  21. L’indice de cette dernière opération n’est donc jamais un nombre transfini de seconde espèce.
  22. Le lecteur pourra aussi utiliser ce mode de raisonnement pour prouver que si l’on a réussi à attacher une totale définie à prise dans à l’aide des opérations A et B, mais en assujettissant les ensembles fermés figurant dans l’énoncé de B aux conditions indiquées dans cet énoncé et, en plus, à des conditions supplémentaires (page 226), le nombre obtenu est celui que la totalisation générale aurait attaché à prise dans .

    En d’autres termes, qu’il n’y a jamais désaccord entre les nombres ou fonctions fournies par des totalisations spéciales et par la totalisation générale.

    Il est inutile de développer ce raisonnement ici, car aux paragraphes II et III de ce Chapitre, nous avons justifié l’emploi de la totalisation générale pour la recherche des fonctions primitives ; seulement, nous avons remarqué de plus que certaines totalisations spéciales suffisaient pour obtenir le résultat.

  23. Aux Comptes rendus, en 1912, M. Denjoy a résolu le problème des fonctions primitives pour les dérivées à l’aide d’une totalisation spéciale qu’il a appelée depuis la totalisation complète. Aux Comptes rendus, en 1915, il a introduit implicitement la totalisation générale pour résoudre le problème des fonctions primitives des nombres dérivés. Ce n’est que dans ses Mémoires, publiés à partir de 1916, qu’il a abordé l’étude de l’ensemble des questions se rapportant à la totalisation. Avant la publication de ces Mémoires, divers auteurs, partant des résultats déjà publiés par M. Denjoy, avaient, de leur côté, entrepris l’étude de ces questions.

    Il convient surtout de dire ici que M. Lusin a, le premier, caractérisé les totales indéfinies (Comptes rendus, 1912), et qu’il a, le premier, étudié la dérivation des totales indéfinies (Thèse de Moscou, 1915), mais il ne l’a fait que pour les totales indéfinies fournies par la totalisation complète.

    M. Khintchine (Comptes rendus, 1916) a introduit, pour étudier la dérivation des totales indéfinies fournies par la totalisation générale, un mode nouveau de dérivation fournissant ce qu’il a appelé la dérivée asymptotique et que nous nommerons, avec M. Denjoy, la dérivée approximative.

  24. Le principal intérêt de l’énoncé de M. Denjoy, vient de ce qu’il est l’aboutissement d’une fine analyse de certaines notions, de celle de fonction à variation bornée, par exemple. Le lecteur se reportera aux Mémoires de M. Denjoy.

    Il faut dire aussi que la condition suffisante de M. Denjoy exige moins, en apparence nécessairement, que la précédente, et par suite, pourrait être parfois d’une utilisation plus immédiate. Pourtant, dans ce qui suit, nous n’avons pas eu besoin de l’énoncé de M. Denjoy.

    Pour mieux montrer la différence entre les deux énoncés, remarquons que le premier est équivalent au suivant : Pour qu’une fonction continue soit une totale indéfinie, il faut et il suffit que, quel que soit l’ensemble fermé , il existe un intervalle contenant des points de à son intérieur et tels que, si l’on prend un ensemble d’intervalles non empiétants dont les extrémités appartiennent à et à , la somme des accroissements de dans les intervalles , tende vers zéro avec la mesure de .

    Si l’on rapproche cet énoncé de celui qui va être donné dans le texte, on voit que ce dernier exige comme condition suffisante qu’une certaine propriété soit vérifiée par tout ensemble fermé de mesure nulle alors que l’énoncé de cette note exige que cette même propriété ait lieu en quelque sorte uniformément.

  25. M. Denjoy emploie le mot variation à la place d’accroissement.
  26. L’accroissement de sur est donc défini par l’un, déterminé, des procédés que l’on peut adopter quand on tient compte de la nature mesurable B de . Voir page 156.
  27. La même conclusion est vraie pour toutes les fonctions continues et à variation bornée si l’on suppose pour elles l’accroissement sur un ensemble fermé défini comme il a été dit au Chapitre VIII.
  28. Il faudrait toutefois diminuer , du côté de si était en , du côté de si était en , pour que ceci reste vrai dans l’une ou l’autre de ces hypothèses.
  29. On arrivera plus vite à ce résultat en prouvant qu’une fonction non presque partout nulle a une totale indéfinie non identiquement nulle. Dans tout ce Chapitre j’ai préféré, malgré les longueurs qui en résultent, l’examen analytique du procédé opératoire transfini de la totalisation aux raisonnements synthétiques, plus rapides mais qui, à mon avis, font comprendre moins profondément.
  30. Cette remarque est utilisée constamment par M. Denjoy.
  31. Je suppose donc ici qu’il s’agit de propriétés telles qu’on sache que l’ensemble des points pour lesquels la propriété a lieu est nécessairement mesurable.
  32. Cet exemple, sous ses diverses formes, est, à de petites modifications prés, extrait des Mémoires de M. Denjoy.
  33. Il existe un mode de totalisation, appelé par M. Denjoy la totalisation complète, qui a été étudié par M. Denjoy et par M. Lusin, avec lequel, au contraire, tous les théorèmes considérés dans le texte se généralisent aux totales indéfinies sans faire appel à une autre dérivation que la dérivation ordinaire.
  34. P. Montel, Comptes rendus, 1912.
  35. Mme Chisholm Young a étendu ce résultat à toute fonction finie mesurable définie sur un ensemble mesurable (Comptes Rendus, 1916).