La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/Résultats/9

Gauthier-Villars et fils (1p. 590-592).
Résumé sur les conditions de la vie à la surface de la planète Mars

CHAPITRE IX.

RÉSUMÉ SUR LES CONDITIONS DE LA VIE À LA SURFACE DE LA PLANÈTE MARS.

Comme conclusion générale de l’étude de la planète, nous n’en avons pas de meilleure à ajouter aux pages précédentes que les trois séries d’articles publiés dans cet Ouvrage même, à la fin de chacune de nos périodes, pages 96, 242 et 485. Il serait superflu de les réimprimer ici, et nous prions le lecteur de vouloir bien relire ces articles, auxquels nous pouvons ajouter, en terminant, le résumé suivant :

43. Le monde de Mars paraît être, comme le remarquait déjà William Herschel, de toutes les planètes de notre système solaire, celle qui ressemble le plus à la nôtre. Nous pouvons répéter aujourd’hui, sur les habitants de Mars, ce que ce grand observateur écrivait, il y a plus d’un siècle, le 1er décembre 1783 : « Its inhabitants probably enjoy a situation in many respects similar to ours. »

Comme dimensions et densité, Vénus se rapproche tout à fait de la Terre, il est vrai, mais nous n’avons encore aucune notion certaine sur sa durée de rotation, ses saisons et sa géographie.

44. Les faits observés à la surface de Mars établissent que ce globe jouit d’une température moyenne, de climats et de saisons différant très peu des climats terrestres, d’ailleurs assez variés eux-mêmes. Du moins sa thermométrie y détermine-t-elle des effets analogues à ceux de la météorologie terrestre.

45. La durée du jour et de la nuit y est de 24h 39m 35s,

46. Ses années sont près de deux fois plus longues qu’ici et durent 687 de nos jours et 668 des siens. Il en résulte des saisons également près de deux fois plus longues que les nôtres. Mais l’inclinaison de l’axe est à peu près la même et l’intensité de ces saisons à peu près la même également.

47. L’atmosphère y est généralement beaucoup plus pure qu’ici. Elle y est plus raréfiée et sans doute plus élevée. Les nuages et les pluies y sont rares et l’on n’y observe jamais de violentes tempêtes.

48. Il y a à peu près autant de terres que de mers. Celles-ci sont finement découpées en méditerranées allongées. Les rivages sont des plages unies, en général, exposées à des inondations ou à des bancs de brumes bordant les eaux. Il semble que les mers soient peu profondes.

49. Le diamètre de Mars est près de moitié plus petit que celui du globe terrestre et mesure 6 753 kilomètres. Les eaux occupent environ 66 millions de kilomètres carrés et les terres 77 millions. La surface habitable paraît être cinq à six fois celle de l’Europe.

50. Le Soleil y est vu un peu plus petit que d’ici : 21′ au lieu de 31′.

51. Deux lunes minuscules circulent rapidement dans son ciel.

52. Ce globe est plus ancien que la Terre et paraît presque complètement nivelé. L’hémisphère boréal est, toutefois, plus élevé que l’hémisphère austral. On n’y a pas reconnu de grandes chaînes de montagnes, mais seulement plusieurs plateaux assez élevés.

53. Les canaux doivent être dus à des fissures superficielles produites par les forces géologiques ou peut-être même à la rectification des anciens fleuves, par les habitants, ayant pour but la répartition générale des eaux à la surface des continents.

54. Il est possible que ce monde soit actuellement habité par une espèce humaine analogue à la nôtre, plus légère, sans doute, plus ancienne et qui pourrait être beaucoup plus avancée. Toutefois il doit exister entre les deux mondes des différences originaires essentielles. Quant à la forme organique des « humains » comme à celles des animaux, végétaux ou autres êtres qui peuvent peupler cette planète, nous ne possédons encore aucun élément suffisant pour faire à cet égard des conjectures plausibles scientifiquement fondées. Mais l’habitation actuelle de Mars par une race supérieure à la nôtre est très probable.

Il y a dans la vie des heures charmantes, des sensations fort agréables, des plaisirs délicieux, d’immenses joies, des bonheurs qui touchent au ciel et des voluptés exquises. Eh bien, parmi ces heures d’enchantement, il en est peu qui donnent à l’âme une satisfaction plus complète, une émotion plus noble et plus élevée, que l’observation des aspects de la planète Mars pendant une pure soirée d’été. C’est un regret que si peu d’humains connaissent cette impression. Voir devant soi un monde, un autre monde, avec ses continents, ses mers, ses rivages, ses golfes, ses caps, ses îles, ses embouchures de fleuves, ses neiges éblouissantes de blancheur, ses terres dorées, ses eaux sombres, placé là devant vous, au bout de votre télescope, tournant lentement sur lui-même, donnant le jour et la nuit à ses diverses contrées, faisant succéder le printemps à l’hiver, l’été au printemps, nous offrant en miniature la vue de la Terre dans l’espace… il y a là une contemplation qui nous transporte en face du plus grand des mystères, celui de la Vie universelle et éternelle, en face de la sublime Vérité, en face du but même de la création. La Terre devient une province de l’Univers et nous sentons des frères inconnus dans les autres patries de l’Infini !

Et puis, peut-être s’ajoute-t-il à ce sentiment celui de la beauté et de la grandeur des conquêtes de l’Astronomie moderne. La nouveauté a toujours pour nous un attrait particulier. C’est la première fois, depuis l’origine de l’humanité, que nous découvrons dans le Ciel un nouveau monde, assez semblable à la Terre pour éveiller nos sympathies, c’est la première fois qu’un Ouvrage tel que celui-ci a pu être conçu et réalisé, et bien des années se passeront sans doute avant que l’étude positive puisse acquérir sur notre autre voisine, la planète Vénus, des notions aussi complètes que celles que nous venons de passer en revue sur ce monde de Mars.

Mais quelles merveilles la Science de l’avenir ne réserve-t-elle pas à nos successeurs, et qui oserait même affirmer que l’humanité martienne et l’humanité terrestre n’entreront pas un jour en communication l’une avec l’autre ! Les générations passeront et le Progrès continuera longtemps encore sa marche ascendante.

Pour nous, dont les débuts, en notre adolescence, dans la carrière scientifique et littéraire, ont été précisément la défense de la doctrine de la Pluralité des Mondes, et qui avons consacré notre vie entière à montrer que le but de l’Astronomie ne s’arrête pas à la Mécanique céleste, mais doit s’élever jusqu’à la connaissance des conditions de la vie, actuelle, passée ou future, dans l’immense Univers, nous sommes heureux d’avoir assez vécu pour assister à la naissance et au développement de l’Astronomie physique, pour contempler de nos yeux un premier monde exploré dans les cieux, et pour avoir eu le privilège d’en écrire l’histoire. Puissent nos lecteurs avoir partagé la même satisfaction que nous, en assistant à cette évolution de la Science : les pages qui précèdent ne sont qu’un humble et grossier prélude des découvertes que le Progrès réserve à nos successeurs.

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