La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/Résultats/6

Gauthier-Villars et fils (1p. 522-546).

CHAPITRE VI.

LES SAISONS SUR LA PLANÈTE MARS.

La révolution de la planète autour du Soleil, ou son année sidérale, est, nous l’avons vu tout à l’heure, de 686 jours 23 heures 30 minutes 40 secondes, soit de 686,979, soit 687 jours, à 2/100 près. Cette orbite est une ellipse marquée, dont l’excentricité est de 0,093. Le grand axe, ou ligne des apsides, du périhélie à l’aphélie, est tracé dans la direction 334° (périhélie) à 154° (aphélie). Le solstice d’été de l’hémisphère austral arrive à la longitude héliocentrique 356° 48′, et la ligne menée de ce solstice au solstice opposé est tracée dans la direction 356° 48′ à 176° 48′. (Voy. la figure p. 493).

L’inclinaison de l’équateur de Mars sur le plan de son orbite est de 24° 52′. Les saisons y sont donc sensiblement du même ordre que les saisons terrestres, l’inclinaison de l’équateur terrestre étant de 23° 27′. La différence n’est que de 1° 25′. Si notre planète recevait cette inclinaison (elle peut du reste, l’atteindre), nos saisons seraient à peine changées, seulement un peu plus marquées.

Si nous traçons, dans l’orbite de Mars, une ligne perpendiculaire à la ligne des solstices, passant par le Soleil, nous trouvons la position des équinoxes, époques où le Soleil éclaire un hémisphère de Mars passant juste par les pôles. Ces deux points seront donc respectivement aux longitudes héliocentriques 86° 48′ et 266° 48′.

Cette ligne des équinoxes partage l’orbite de Mars en deux parties inégales, à cause de l’excentricité de l’orbite. Comme le solstice d’été austral est assez voisin du périhélie (à 23° de distance angulaire et à 36 jours), la section de droite (voy. fig. 253) est plus courte en arc que la section de gauche, et, de plus, parcourue plus rapidement, selon la loi des aires. Il en résulte des inégalités très marquées sur la durée des saisons.

1o Pour aller de l’équinoxe de printemps austral à l’équinoxe d’automne austral, la planète emploie moins de temps que pour aller de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe de printemps. Cette section de l’orbite est parcourue en 306 jours, tandis que l’autre section en demande 381. La différence s’élève à 75 jours.

2o La section la plus rapidement parcourue est celle qui va de l’équinoxe de printemps de l’hémisphère austral au solstice d’été suivant, parce que le passage rapide au périhélie est compris dans cette section. La durée de cette saison n’est que de 145 jours.

3o La saison qui vient ensuite comme durée, est la suivante, du solstice d’été de l’hémisphère austral à l’équinoxe d’automne : elle est de 160 jours.

4o Les deux autres saisons sont, respectivement, celle de l’équinoxe d’automne austral au solstice d’hiver suivant, opposée à la première et par conséquent la plus longue, de 199 jours, et la dernière, de 181 jours. En tenant compte des fractions de jours, nous avons :

 Durée des saisons de Mars, en jours terrestres. 
1oDe l’équinoxe de printemps austral au solstice d’été suivant
145,6
2oDu solstice d’été austral à l’équinoxe d’automne suivant
160,1
3oDe l’équinoxe d’automne austral au solstice suivant
199,6
4oDu solstice d’hiver austral à l’équinoxe suivant
181,7
  687,0
 
Saison chaude de l’hémisphère austral
305,7
 
Saison froide du même hémisphère
381,3

Voici les dates des solstices et des équinoxes pour le dernier cycle martien, de 1877 à 1892.

Calendrier martien.
Dates des saisons, solstices et équinoxes, sur la planète Mars.
Hémisphère austral
(supérieur).
Hémisphère boréal
(inférieur).
Dates. Longitude
à midi.
Intervalles
en jours.
Dates des
oppositions.
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 27 sept. 1877 357° 1′
  160 5 sept. 1877
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 6 mars 1878 86° 58′
  199
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 21 sept. 1878 176° 46′
  182
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 22 mars 1879 267° 0′
  145
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 14 août 1879 356° 25′
  161 12 nov. 1879
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 22 janv. 1880 87° 1′
  199
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 8 août 1880 176° 48′
  182
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 6 fév. 1881 267° 3′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 2 juil. 1881 357° 5′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 9 déc. 1881 87° 3′
  199 26 déc. 1881
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 26 juin 1882 176° 49′
  182
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 25 déc. 1882 267° 5′
  145
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 19 mai 1883 356° 31′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 26 oct. 1883 86° 35′
  200
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 13 mai 1884 176° 52′
  181 31 janv. 1884
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 10 nov. 1884 266° 32′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 5 avril 1885 356° 33′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 12 sept. 1885 86° 38′
  200
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 31 mars 1886 176° 54′
  181 6 mars 1886
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 28 sept. 1886 266° 34′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 21 fév. 1887 356° 34′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 31 juill. 1887 86° 40′
  200
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 16 fév. 1888 176° 57′
  181 11 avril 1888
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 15 août 1888 266° 37′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 8 janv. 1889 356° 36′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 17 juin 1889 86° 41′
  199
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 2 janv. 1890 176° 32′
  182 27 mai 1890
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 3 juill. 1890 266° 39′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 26 nov. 1890 356° 40′
  160
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps. 5 mai 1891 86° 44′
  199
Solstice d’hiver. Solstice d’été. 20 nov. 1891 176° 34′
  182 4 août 1892
Équinoxe de printemps. Équinoxe d’automne. 20 mai 1892 266° 41′
  146
Solstice d’été. Solstice d’hiver. 13 oct. 1892 356° 41′

Nous avons calculé dans ce Tableau, outre les dates des équinoxes et des solstices de Mars, les intervalles en jours qui correspondent aux époques où la planète est passée par les longitudes héliocentriques de chaque position, à midi, et nous avons ajouté en regard les dates des oppositions. On voit que l’opposition de 1877 est arrivée 22 jours avant le solstice d’été de l’hémisphère austral ; celle de 1879, 89 jours après ; celle de 1881, 17 jours après l’équinoxe d’automne ; celle de 1881, 103 jours avant le solstice d’hiver ; celle de 1886, 15 jours avant ; celle de 1888, 99 jours après ; celle de 1890, 37 jours avant l’équinoxe d’automne ; et celle de 1892, 76 jours après. La série des oppositions parcourt ainsi tout le cycle des saisons et les observateurs ont chaque fois des aspects différents sous les yeux.

L’inclinaison du globe de Mars étant de 24° 52′ et la longitude héliocentrique de la planète à ses solstices étant 356° 48′ pour le solstice d’été de l’hémisphère austral et 176° 48′ pour le solstice d’été boréal, il en résulte que le Soleil se trouve pour les habitants de Mars, au solstice d’été de l’hémisphère austral, au zénith de la latitude australe 24° 52′ et par 136° 48′ de longitude, et au solstice d’été boréal au zénith de la latitude 24° 52′ et par 356° 48′ de longitude. Le premier de ces points est dans la constellation du Lion, et le second dans la constellation du Verseau : au lieu d’être les tropiques du Cancer et du Capricorne, les cercles analogues de la sphère de Mars sont donc les tropiques du Lion et du Verseau. Quant aux noms réels qu’ils peuvent porter chez nos voisins du ciel, il serait superflu de les chercher.

Les durées que nous venons de donner pour les saisons de Mars sont exprimées en jours terrestres. Il n’est pas moins intéressant de connaître ces durées en jours martiens. Or nous avons vu que la durée de la rotation sidérale de Mars est 24h 37m 22s,66 et que le jour civil de Mars est de 24h 39m 35s. Il y a 668,6 de ces jours civils dans l’année de Mars.

Ces 668,6 jours martiens de l’année tropique se partagent les saisons dans la proportion suivante :

Durée des saisons en jours martiens.
1oDe l’équinoxe de printemps austral au solstice d’été suivant
142 298
2oDu solstice d’été austral à l’équinoxe d’automne suivant
156
3oDe l’équinoxe d’automne austral au solstice suivant
194 370
4oDu solstice d’hiver austral à l’équinoxe suivant
176

L’inclinaison de l’axe de rotation de la planète Mars étant peu différente de celle de l’axe terrestre, les saisons qui en résultent sont sensiblement du même ordre que les nôtres, quoique près de deux fois plus longues. Les températures dépendent d’ailleurs de la constitution de l’atmosphère. Si, par exemple, cette planète était dépourvue d’atmosphère, le sol ne s’échaufferait pas du tout, et resterait glacé, même en plein midi, comme les cimes du Mont-Blanc, des Andes ou des Cordillères, et plus encore, puisque Mars est plus éloigné du Soleil que la Terre.

Mais ce globe est environné d’une atmosphère dans laquelle la vapeur d’eau existe en quantité notable et dans laquelle peut-être existent d’autres vapeurs ou gaz. Il peut en résulter — et l’observation prouve qu’il en résulte, en effet, — des températures (ou des conditions d’état) comparables aux nôtres.

L’excentricité de l’orbite, si considérable, joue-t-elle un rôle dans l’intensité relative des saisons de chaque hémisphère ?

Examinons d’abord, comme point de comparaison, les saisons de la Terre.

A. — Saisons et climats des deux hémisphères terrestres.

L’orbite terrestre n’est déjà plus une circonférence, mais une ellipse marquée. L’excentricité, c’est-à-dire la distance du centre de l’orbite elliptique au foyer, en unités du demi grand axe, est 0,01677. En admettant 149 millions de kilomètres (π étant 8″,82) pour ce demi grand axe ou distance moyenne, nous voyons que cette valeur est de 2 498 730 kilomètres. La Terre est donc de 4 997 460 kilomètres plus proche du Soleil au périhélie qu’à l’aphélie. On a pour ces distances :

 
Distance périhélie
0,98323  146 501 270 kilomètres.
Distance moyenne
1,00000 149 000 000 kilomètres»
Distance aphélie
1,01677 151 498 730 kilomètres»

Cette excentricité étant environ 1/60 de la distance moyenne, le Soleil est d’environ 1/30 plus près de nous au périhélie qu’à l’aphélie. Comme la lumière et la chaleur solaires irradient dans toutes les directions tout autour du Soleil et se répandent en divergeant sur la surface d’une sphère qui va toujours en s’agrandissant, l’intensité de cette lumière et de cette chaleur diminue en raison de l’agrandissement des surfaces de cette sphère, c’est-à-dire en raison du carré de la distance. Par conséquent, l’hémisphère exposé au soleil reçoit au périhélie 2/60 ou 1/30 plus de chaleur qu’à l’aphélie[1]. La proportion est à peu près de 106,5 à 100.

La Terre passe au périhélie le 1er janvier et à l’aphélie le 1er juillet. Les hivers de notre hémisphère arrivent donc quand la Terre est le plus proche du Soleil et les étés quand elle est le plus loin. Il résulte de cette circonstance que nos hivers sont moins froids qu’ils ne le seraient s’ils arrivaient de l’autre côté de l’ellipse, et nos étés moins chauds. C’est le contraire pour l’autre hémisphère. Il semble donc que le pôle austral devrait avoir plus de neiges que le boréal en hiver, et, au contraire, moins que le nôtre en été.

Nous ne devons pas en conclure immédiatement que les hivers de l’hémisphère austral sont plus froids que les nôtres, parce que l’absorption de la chaleur solaire reçue dépend beaucoup de l’état de la surface qui la reçoit. Si cette surface est un océan, par exemple, l’eau des mers ne s’échauffe jamais à plus de 29°, même sous les tropiques (Humboldt, Mélanges, p. 441) ; si ce sont des forêts, la température du sol pourra s’élever à 36° ou 40° ; si c’est du sable aride, elle pourra atteindre 60° et même 70°. La distribution des températures est ensuite réglée par la conductibilité des eaux, par le régime des vents, par l’humidité de l’atmosphère. Nous ne devons donc rien conclure d’un point de vue exclusivement géométrique. L’hémisphère terrestre austral est surtout aquatique.

Ainsi, à l’époque du solstice d’hiver de notre hémisphère, qui se trouve actuellement voisin du périhélie et n’en diffère que de 11 jours en position, le globe terrestre reçoit par jour le maximum de chaleur qu’il puisse recevoir du Soleil. En ce solstice de décembre, c’est le pôle austral qui est exposé au soleil et c’est l’hémisphère austral qui a les jours les plus longs. Géométriquement parlant, ses étés devraient donc être plus chauds que les nôtres. Au solstice de juin, c’est notre hémisphère boréal qui est exposé au soleil, mais à la plus grande distance du Soleil ; nous devrions donc avoir des étés moins chauds, et en même temps l’hémisphère austral devrait avoir ses hivers plus froids.

Mais ici vient se placer une autre considération.

Quoique la Terre soit plus proche du Soleil au périhélie qu’à l’aphélie, et qu’elle en reçoive plus de chaleur, si l’on considère une moitié entière de l’orbite, par exemple, la moitié comprise entre l’équinoxe de septembre et l’équinoxe de murs, on constate que la quantité de chaleur solaire reçue est la même pour les deux moitiés ; elle n’en reçoit pas davantage du 21 septembre au 20 mars que du 20 mars au 21 septembre.

Sans doute, il y aurait une différence, si les saisons étaient d’égale durée. Mais le mouvement de notre planète le long de son orbite n’est pas uniforme. La vitesse angulaire de la Terre sur son orbite varie en raison inverse du carré de la distance, précisément comme la lumière et la chaleur. Il en résulte que les mêmes quantités de chaleur sont reçues du Soleil pour les mêmes arcs parcourus, quelle que soit la section de l’ellipse que l’on considère.

Les durées des saisons sont inégales à cause de cette variation dans la vitesse de la Terre. Son mouvement est le plus rapide au périhélie, le plus lent à l’aphélie ; si elle reçoit plus de chaleur dans la première position que dans la seconde, elle passe plus vite et reste moins longtemps sous l’action des rayons solaires. Voici la durée actuelle des saisons, en prenant notre hémisphère comme point de départ :

  Durée des saisons terrestres
Hémisphère boréal.
Printemps
92j 21h 180j 11h
Été
93j 14h
Automne
89j 19h 178j 19h
Hiver
89j10h

C’est le contraire pour l’autre hémisphère.

Le Soleil reste donc huit jours de plus sur l’hémisphère boréal que sur l’hémisphère austral. La Terre met huit jours de plus pour aller de l’équinoxe de mars à l’équinoxe de septembre que pour aller de l’équinoxe de septembre à celui de mars. Mais, si l’on examine le globe dans son ensemble, on trouve que la compensation est exacte : le Soleil, malgré ses variations de distance périhélique et aphélique, restant plus longtemps sur une section de l’orbite que sur l’autre, verse exactement sur chacune d’elles la même quantité de chaleur.

Ainsi, la quantité de chaleur que la Terre reçoit du Soleil dans chaque partie de l’année est proportionnelle à l’angle décrit, durant le même laps de temps, par le rayon vecteur du Soleil. Cette relation peut être comparée à la deuxième loi de Kepler, d’après laquelle les aires ou surfaces décrites par les rayons vecteurs des orbites sont proportionnelles aux temps employés à les parcourir, en remplaçant le temps par les angles. Ainsi, en allant de A en B (fig. 258), dans la section de l’orbite la plus proche du Soleil, Fig. 258.

Égalité de chaleur reçue pour des arcs égaux.
la Terre ne reçoit pas plus de chaleur en parcourant cet arc de 90° qu’elle n’en reçoit dans l’autre section, en se rendant de C en D pour parcourir un même arc de 90°. Seulement, elle a mis plus de temps pour parcourir le second arc que le premier.

La quantité de chaleur reçue par une planète quelconque en chaque point de son orbite varie exactement comme sa longitude héliocentrique, de sorte que les mêmes quantités de chaleur sont reçues du Soleil pour des angles égaux, quelle que soit la position de l’orbite que l’on considère. Coupons, par exemple, l’orbite terrestre par un diamètre quelconque passant par le Soleil ; puisqu’il y aura 180° de longitude de part et d’autre de cette ligne, la même quantité de chaleur solaire sera reçue par chaque segment. Donc, en passant d’un équinoxe à l’autre, que ce soit de A en B par l’aphélie (fig. 259) ou de B en A par le périhélie, toute planète reçoit du Soleil la même quantité de chaleur, que ce soit du côté du périhélie où du côté de l’aphélie.

Il en résulte que, durant l’année entière, chaque hémisphère reçoit la même Fig. 259.

La Terre reçoit la même quantité de chaleur de A en B que de B (périhélie) en A, par l’aphélie.
quantité de chaleur solaire, quelle que soit la position des équinoxes sur l’orbite et quelle que soit l’excentricité.

Si nous considérons encore (fig. 260) des arcs parcourus en temps égaux, Fig. 260

Les quantités de chaleur reçue sont proportionnelles aux arcs.
par exemple, en un mois de périhélie (CD) et un mois de l’aphélie (EF), la quantité de chaleur reçue sera proportionnelle à l’arc ; dans le premier cas, l’arc est de 90° et, dans le second, de 6° : la proportion serait de 15, c’est-à-dire que, dans l’ellipse décrite, l’astre recevrait, en un mois, quinze fois moins de chaleur à l’aphélie qu’au périhélie.

L’égalité dont nous venons de parler, en vertu de laquelle chaque hémisphère reçoit dans le cours de l’année entière la même quantité de chaleur, n’empêche pas les contrastes causés par les différences de distances du périhélie et de l’aphélie.

La Terre reçoit plus de chaleur au périhélie qu’à l’aphélie, en raison inverse du carré de la distance.

L’hémisphère exposé au Soleil dans la section du périhélie est favorisé dans la même proportion. Nous avons vu que cette proportion est de 1/15.

Elle pourrait être beaucoup plus grande. On peut imaginer des ellipses allongées de telle sorte que cette proportion y devienne 1/10, 1/4, 1/2, 2, 5, 10, 20 et davantage. La comète de Halley, par exemple, a pour excentricité 0,9673 (fig. 261), son demi grand axe étant de 18,00, ce qui représente 17,41 pour cette excentricité ; la distance aphélie est de 35,4112, la distance périhélie, 0,5889 : la comète est donc 60 fois plus proche du Soleil au périhélie qu’à

Fig. 261. — Excentricité de l’orbite de la comète de Halley.
l’aphélie, et par conséquent, reçoit alors 3 600 fois plus de chaleur. Imaginons que ce soit là l’orbite d’une planète dont l’axe serait couché sur son écliptique et parallèle à la ligne du grand axe : jamais les neiges ne fondraient sur l’hémisphère aphélique passant dans l’ombre au périhélie. Sans doute, les planètes n’ont pas des excentricités pareilles. Cependant celle de la petite planète Æthra est de 0,38, plusieurs autres dépassent 0,30, celle de Mercure est de 0,2056, et celle de Mars est de 0,09326.

Examinons maintenant chaque hémisphère séparément pour sa saison d’été (d’un équinoxe à l’autre) et sa saison d’hiver.

L’inclinaison de l’axe du globe apporte un élément de différentiation entre l’hiver et l’été. (Nous appelons ici hiver les six mois compris de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe du printemps, et été les six mois compris dans l’autre section de l’orbite.) L’excentricité et la position de la ligne des équinoxes ne causent aucun changement, mais il n’en est pas de même de l’inclinaison. Il est évident que si la Terre avait son axe perpendiculaire à l’orbite, comme Jupiter, il n’y aurait pas de saisons du tout.

L’inclinaison de l’équateur terrestre sur l’écliptique est de 23° 27′ et varie dans le cours des siècles entre 21° 58′ 36″ et 24° 35′ 58″.

S’il est vrai de dire que la chaleur reçue par la Terre entière de l’équinoxe de printemps à l’équinoxe d’automne est égale à celle qui est reçue de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe de printemps, il ne le serait pas d’ajouter que la chaleur reçue par chaque hémisphère pendant son hiver soit égale à celle qu’il reçoit pendant son été.

En fait, ce rapport est très inégal. Si l’on représente par 100 la quantité totale de chaleur solaire reçue par un hémisphère dans le cours de l’année, 63 pour 100 appartiennent à la saison d’été et 37 pour 100 à la saison d’hiver[2].

On peut exprimer ce même rapport autrement. Si l’on prend pour unité la chaleur moyenne reçue chaque jour du Soleil par un hémisphère terrestre, la quantité annuelle sera représentée par le nombre 365. Sur cette quantité, 229 de ces unités sont appliquées à l’été et 136 à l’hiver.

Il en résulte un contraste sensible entre les climats des deux hémisphères.

Si nous considérons l’hémisphère boréal, nous trouvons que les 229 unités de son été sont répandues sur 186 jours, ce qui donne une moyenne diurne de 1,24 ; et que les 136 unités de chaleur de son hiver sont répandues sur 179 jours, ce qui donne une moyenne diurne de 0,75.

Nous avons donc pour l’hémisphère boréal :

 
Chaleur moyenne diurne reçue en été (186 jours)
1,24.
Chaleur moyenne diurne reçue en hiver (179 jours)
0,75.

C’est le contraire dans l’hémisphère austral.

L’hémisphère boréal jouit donc actuellement d’une situation tempérée. L’hémisphère austral, au contraire, ayant des hivers plus longs et des étés plus courts, subit une condition plus rude.

D’après ce qui précède, nous pouvons maintenant nous rendre compile exactement de l’ordre des saisons de Mars dues à l’excentricité.

B. — Saisons et climats des deux hémisphères de Mars.

Cette excentricité est de 0,09326, le demi grand axe étant 1,52369 : elle est donc représentée dans l’orbite de Mars par le nombre 0,14209945.

Nous avons, pour les distances de Mars au Soleil :

    En kilomètres
pour π=8″,82 = 149 000 000km.
Distance périhélie
1,3815929
205 857 000
21 173 42 346
Distance moyenne
1,5236913
227 030 000
21 173
Distance aphélie
1,6657907
248 203 000

La différence entre le périhélie et l’aphélie est, comme on le voit, de 42 346 000 kilomètres, c’est-à-dire plus du cinquième de la distance moyenne, 5,36. Ainsi l’excentricité (moitié de la distance entre les deux foyers) est de 1/10,7 au lieu de 1/60 comme pour la Terre, la différence entre le périhélie et l’aphélie est de 1/5,36, et la différence entre la chaleur reçue dans les deux positions extrêmes est le carré de ce dernier nombre, soit presque un demi : 1/2,3. Tandis que le Soleil ne verse qu’un quinzième de plus de chaleur sur la Terre au périhélie qu’à l’aphélie, sur Mars il en verse environ la moitié en plus.

Or l’axe de Mars est situé de telle sorte que, de même que pour la Terre, c’est l’hémisphère austral qui est tourné vers le Soleil au périhélie. Cet hémisphère austral doit donc, en une proportion beaucoup plus grande, avoir des étés plus chauds que ceux de l’hémisphère boréal et des hivers plus froids.

Par suite de cette plus grande excentricité, les différences entre la longueur des saisons sont beaucoup plus marquées sur Mars que sur la Terre. Nous avons vu plus haut que la Terre emploie 186 jours 11 heures pour aller de l’équinoxe de mars à l’équinoxe de septembre, et huit jours de moins, soit 178 jours 19 heures pour aller de l’équinoxe de septembre à celui de mars. Sur la planète qui nous occupe, la disproportion est beaucoup plus grande.

La saison chaude de l’hémisphère boréal compte 381 jours terrestres ou 370 jours martiens, tandis que la saison froide ne compte que 306 jours terrestres ou 298 jours martiens. Il y a 74 jours martiens de différence (sur 668) en faveur de cette section de l’orbite, de même que sur la Terre il y en a 8 (sur 365). La disproportion est donc très grande entre la Terre et Mars au point de vue de l’excentricité. Sur Mars, les deux moitiés de l’année, séparées par les équinoxes, sont dans le rapport de 19 à 15.

En appliquant à Mars la formule donnée plus haut pour les saisons terrestres (p. 531), nous trouvons des résultats analogues à ceux qui concernent la Terre, quant à la distribution de la chaleur relativement à chaque hémisphère[3].

Si l’on représente par 100 la quantité de chaleur totale reçue par la planète Mars dans son cours annuel autour du Soleil, cette quantité est partagée en deux parties très inégales. Chacun de ses deux hémisphères reçoit pendant son été 63 pour 100 de la chaleur totale, et seulement 37 pendant son hiver. On voit que c’est la même proportion que pour la Terre. Il n’y a de différence que dans les millièmes. En effet, l’inclinaison de l’axe est à peine supérieure.

L’année martienne se compose de 687 jours. Si nous représentons par le nombre 687 les unités de chaleur reçues par chaque hémisphère pendant l’année entière, l’été de chaque hémisphère recevra 436 de ces unités et l’hiver 251.

Remarquons maintenant qu’il y a une grande inégalité de durée entre l’été et l’hiver de chaque hémisphère. Pour l’hémisphère austral, l’été dure 306 jours et l’hiver 381. La chaleur diurne moyenne reçue par cet hémisphère est donc de

436 unités de chaleur répandues sur 306 jours,

ce qui lui donne pour chaque jour : 1,42.

En hiver, cet hémisphère reçoit

251 unités de chaleur répandues sur 381 jours,

ce qui lui donne pour chaque jour : 0,66.

La différence est considérable. Si les conditions météorologiques de Mars étaient les mêmes que celles de la Terre, cet hémisphère subirait une époque glaciaire. Il est probable que la neige y est beaucoup moins épaisse : elle fond presque entièrement après le solstice d’été.

Chaque hémisphère ayant des saisons symétriquement opposées, l’hémisphère boréal de Mars a un été de 381 jours et un hiver de 306. La chaleur diurne reçue par cet hémisphère est donc pour son été de

436 unités de chaleur répandues sur 381 jours,

ce qui lui donne pour chaque jour : 1,14.

Et dans son hiver, cet hémisphère reçoit

251 unités de chaleur répandues sur 306 jours,

ce qui lui donne pour chaque jour : 0,82.

Les climats de cet hémisphère martien sont donc plus tempérés que ceux de l’hémisphère austral. Ceux-ci sont beaucoup plus rudes. 'C’est le même cas que sur la Terre, mais incomparablement plus accentué, car, au maximum d’excentricité de l’orbite terrestre, le plus grand contraste est 1,38 et 0,68.

Quant à la différence de distance périhélique et aphélique, l’hémisphère austral reçoit, à son solstice, environ une fois et demie plus de chaleur que l’hémisphère boréal. Il semble que les neiges australes devraient diminuer, en été, dans une proportion beaucoup plus grande que les neiges boréales, si les conditions géographiques étaient les mêmes. Mais, comme sur la Terre, il y a plus d’eau dans l’hémisphère austral martien que dans son hémisphère boréal.

Quelles indications les observations nous fournissent-elles sur ce point ?

C’est ce que nous allons examiner.

C. — Observations faites sur les neiges polaires de Mars.

Dès l’année 1781, William Herschel avait déjà remarqué les variations des neiges polaires, correspondant aux saisons de la planète. En mars, juin et juillet de cette année-là, la tache polaire australe se montra six fois plus large en diamètre qu’aux mois de septembre et d’octobre. Dans les premiers mois, « elle devait s’étendre jusqu’au 60° degré de latitude » et mesurer un arc de grand cercle égal à 60°.

Les années 1781 et 1783, des observations d’Herschel, étaient des années d’opposition périhélique, dans lesquelles Mars incline vers nous son pôle austral. Le pôle nord n’a pu être qu’imparfaitement observé.

Il en a été de même en 1798, pendant les observations de Schrœter, qui constata aussi que les neiges polaires australes diminuèrent considérablement d’étendue depuis le mois de juillet jusqu’à la fin d’octobre. Les dessins le montrent huit fois plus large à la première époque qu’à la dernière. On trouve à peu près les proportions suivantes dans les figures d’Herschel et de Schrœter :

       
Neige australe, 1781 (W. Herschel).
  Arc aréocentrique.
Juin
60° 
Octobre
10° 
Neige australe, 1798 (Schrœter).
Juillet
50° 
Novembre
5 

Il faut arriver ensuite à l’opposition de 1830 pour trouver des documents d’une certaine précision. C’est encore une opposition périhélique, et c’est encore le pôle austral qui est observé.

Neige australe, 1830 (Beer et Mädler)
Date
des observations.
Latitude
en supposant le pôle
au centre.
Rayon
de la tache.
Diamètre.
31
août
83° 37′ 6° 23′ 12° 46′
10
septembre
84° 15′ 5° 45′ 11° 30′
15
septembre»
86° 25′ 3° 35′ 17° 10′
2
octobre
86° 50′ 3° 10′ 16° 20′
5
octobre»
87° 57′ 2° 53′ 15° 46′
20
octobre»
85° 59′ 4° 51′ 18° 52′

Le solstice austral de Mars a eu lieu, en 1830, le 18 septembre.

Ces observations ont été faites, comme on le voit, vers l’époque du solstice, et environ un mois après. Elles indiquent seulement le minimum de la tache polaire australe. Les observateurs prennent soin d’ajouter qu’elle est considérablement plus grande lorsqu’elle est éloignée de son solstice d’été.

La première comparaison que nous puissions faire des neiges boréales et australes est fournie par les observations de Beer et Mädler en 1837 ; ce sont des époques d’oppositions aphéliques, pendant lesquelles la planète nous présente son pôle boréal. Ces époques sont moins bonnes que les premières pour les observations, puisque la planète est alors beaucoup plus loin de la Terre ; mais les observateurs avaient en partie suppléé à cet éloignement en se servant d’un instrument beaucoup plus puissant que le premier, supportant un grossissement double et ayant six fois plus de lumière.

« Dans toutes les observations, sans exception, écrit Mädler, du 12 janvier au 22 mars, la tache blanche du pôle boréal a été visible à un degré de clarté que nous ne nous rappelons pas avoir jamais vu dans celle du pôle austral ; en même temps, elle était considérablement plus grande que l’australe de 1830, et elle était si brillante que l’on aurait pu croire que la planète était, à cet endroit-là, couverte par une autre planète. Une tache foncée l’entourait.

» On a pu reconnaître une trace certaine de la neige australe. En raison de l’inclinaison de ce pôle, alors invisible pour la Terre, il fallait que cette neige atteignît au moins le 55e degré de latitude pour être visible. Il en résulte qu’en février et mars 1837, la neige australe était beaucoup plus étendue qu’en septembre et octobre 1830. On a la proportion suivante :

 Diamètre.
Neige australe, 1830. Solstice d’été
7 ±
Neige australe,» 1837. Solstice d’hiver
70° ± °.

Mais les observateurs peuvent avoir pris les îles neigeuses australes pour le pôle.

Quant aux neiges boréales, les mêmes observateurs ont trouvé :

1837.  12 janvier, 0,27 du diamètre de la planète,
ou 31°,4 du globe de Mars,
ou 74°,3 de latitude pour sa limite.

Ainsi, « la neige boréale, en 1837, à l’époque de son été, était beaucoup plus étendue que la neige australe en 1830, à l’époque également de son été ; mais elle était beaucoup plus petite que la neige australe de 1837, à l’époque de son hiver » (en admettant que les observateurs aient vraiment vu la neige du pôle sud, ce qui n’est pas probable).

Ils concluent que « la neige du pôle sud varie en proportion beaucoup plus grande que celle du pôle nord ».

Mais ces observations ne sont pas suffisantes pour décider.

Nous aurions, provisoirement :

 Herschel. Schrœter. Mädler.
Pôle sud. Variation
10° à 60° 6° à 50° 6° à 70°

Les maxima sont très incertains. Les observations continuèrent en 1839 pour la neige boréale.

Neige boréale, 1839.
 Rayon. Diamètre.
26 février
38° 33′ de latitude. 11° 27′ 22° 54′
1er avril
80° 48′ de latitude.» 19° 12′ 18° 24′
16 e avril»
82° 20′ de latitude.» 17° 40′ 15° 20′
1er mai
81° 00′ de latitude.» 19° 10′ 18° 10′

« Tandis que la neige australe diminue jusqu’à 6° de diamètre, la boréale aurait encore à son minimum 15°, c’est-à-dire une surface cinq fois plus considérable. » Beer et Mädler estiment que le minimum de chaque tache arrive 1/18 d’année après le solstice d’été de chaque pôle, ce qui correspond aux 12 juillet et 12 janvier de notre calendrier.

Pendant l’opposition de 1862, analogue, pour la présentation de la planète, à celles de 1783, 1798 et 1830, lord Rosse, Lockyer et Lassell ont observé, à leur tour, ces neiges polaires. Leurs observations donnent les résultats suivants :

       
Neige australe, 1862.
Solstice d’été : 9 septembre.
22 juillet
48 jours avant le solstice.  36° (Lord Rosse).
Série de Lassell.
13 septembre
14 jours après. 20°,0
21 octobre
43 jours après. 18°,6
20 septembre»
11 jours après.» 14°,5
23 octobre»
45 jours après.» 17°,6
22 septembre»
13 jours après.» 13°,0
25 octobre»
47 jours après.» 18°,0
24 septembre»
15 jours après.» 19°,0
27 octobre»
49 jours après.» 18°,2
25 septembre»
16 jours après.» 11°,1
14 novembre
57 jours après.» 18°,0
27 septembre»
18 jours après.» 19°,3
15 novembre»
58 jours après.» 19°,3
29 septembre»
20 jours après.» 10°,4
15 novembre»
68 jours après.» 17°.1
11 octobre
32 jours après.» 17°,6
17 novembre»
70 jours après.» 15°,5
13 octobre»
34 jours après.» 10°,6
18 novembre»
71 jours après.» 18°,2
15 octobre»
36 jours après.» 19°,4
22 novembre»
75 jours après.» 19°,1
17 octobre»
38 jours après.» 19°,1
18 décembre
91 jours après.» 17°,5
18 octobre»
39 jours après.» 19°,3
11 décembre»
94 jours après.» 19°,5
Série de Lockyer.
17 septembre a
18 jours après. 18°,0
13 octobre a
24 jours après. 19°,5
17 septembre» b
18 jours après.» 13°,8
13 octobre» b
24 jours après.» 18°,8
23 septembre» a
14 jours après.» 10°,0
13 octobre» c
24 jours après.» 10°,0
23 septembre» b
14 jours après.» 12°,9
19 octobre»
30 jours après.» 11°,0
23 septembre» c
14 jours après.» 12°,9
11 octobre»
32 jours après.» 18°,4
23 septembre» d
14 jours après.» 11°,3
15 octobre» a
36 jours après.» 17°,3
25 septembre» a
16 jours après.» 10°,0
15 octobre» b
36 jours après.» 16°,8
25 septembre» b
16 jours après.» 19°,3
18 octobre»
39 jours après.» 17°,5

Les irrégularités des déterminations proviennent de la difficulté d’une appréciation précise de l’étendue exacte de la tache polaire, et aussi du fait qu’elle ne marque pas juste le pôle, mais lui est excentrique et tourne autour de lui, de sorte qu’elle se présente sous différents angles à l’observateur. On voit toutefois que les limites du diamètre de la neige polaire australe ont été, en 1862,

de  36° ± , 48 jours avant le solstice,
à 1 , 70 jours après.

En 1873, j’ai observé les neiges boréales, alors très blanches et très nettement terminées (juin 1873). Elles s’étendaient jusqu’au 80e degré de latitude et semblaient parfois dépasser le disque, par un effet d’irradiation. Quant aux neiges australes, voici ce que j’écrivais : « La région sud est visiblement marquée d’une traînée blanche près du bord. Est-ce la neige qui-descendrait jusqu’au 40e degré de latitude sud ! Il est plus que probable que ce sont des nuages ». (C. R., p. 218.)

L’opposition de 1877 a été analogue à celle de 1862 : périhélie et pôle austral. M. Schiaparelli, à Milan, a fait les observations suivantes :

       
Neige australe, 1877.
Solstice d’été : 26 septembre.
23 août
34 jours avant. 28°,6
22 septembre
14 jours avant. 14°,7
28 août»
29 jours avant.» 23°,9
24 septembre»
12 jours avant.» 13°,8
13 septembre
23 jours avant.» 26°,0
29 septembre»
11 jours avant.» 11°,5
10 septembre»
16 jours avant.» 23°,9
26 septembre»
jour du solstice 11°,5
10 septembre»
16 jours avant.» 18°,5
30 septembre»
14 jours après. 12°,5
11 septembre»
15 jours avant.» 20°,2
11er octobre
15 jours après.» 13°,7
12 septembre»
14 jours avant.» 17°,4
12 , octobre»
16 jours après.» 11°,8
13 septembre»
13 jours avant.» 16°,9
14 , octobre»
18 jours après.» 12°,7
14 septembre»
12 jours avant.» 17°,4
10 , octobre»
14 jours après.» 10°,4
15 septembre»
11 jours avant.» 14°,1
12 , octobre»
16 jours après.» 19°,5
15 septembre»
11 jours avant.» 16°,1
13 , octobre»
17 jours après.» 19°,3
16 septembre»
10 jours avant.» 16°,1
14 , octobre»
18 jours après.» 17°,6
18 septembre»
18 jours avant.» 19°,1
27 , octobre»
31 jours après.» 17°,0
20 septembre»
16 jours avant.» 18°,5
14 novembre
39 jours après.» 17°,0

On voit, par cette série, qu’en 1877 les limites du diamètre de la neige polaire australe ont été

de  29° ,34 jours avant le solstice,
à 2 ,39 jours après.

Lorsque la tache n’était pas ronde, l’observateur a substitué au diamètre de la neige celui d’un cercle de surface équivalente.

À la fin d’octobre et au commencement de novembre, le point blanc était devenu si exigu, que l’observateur s’attendait à le voir disparaître tout à fait un jour ou l’autre. Mais il n’en fut rien. Pendant les mois de novembre, décembre et une partie de janvier, on continua de le voir briller, et même, au milieu de décembre, il parut augmenter et atteindre 15°. Mais l’existence de ce cap polaire devenait de plus en plus difficile à constater, soit par l’obliquité croissante de la vision, soit par l’invasion de l’ombre, et aussi à cause des nuages qui commencèrent à paraître et à se confondre avec la calotte blanche, à mesure que le pôle avançait dans son automne. Le minimum de la tache polaire paraît avoir eu lieu à la fin de novembre, soit deux mois environ après le solstice.

Ce minimum de 7° est incomparablement plus petit que tout ce qui arrive dans nos étés aux pôles terrestres. Les glaces polaires ne fondent pas et empêchent d’aborder vers le pôle au delà du 84e degré de latitude vers le 70e degré de longitude ouest et au delà du 75e degré vers le 110e de longitude est,

En 1879, l’habile astronome de Milan a repris les mêmes observations, toujours pour ce pôle austral de Mars, aujourd’hui si bien connu de nous (beaucoup mieux, en vérité, que nos propres pôles terrestres), et a trouvé :

       
Neige australe, 1879.
Solstice d’été : 14 août.
12 octobre
159 jours après. 17°,6
17 novembre
195 jours après. 16°,1
17 octobre»
164 jours après.» 11°,5
18 novembre»
196 jours après.» 11°,5
18 octobre»
165 jours après.» 19°,5
27 novembre»
105 jours après.» 19°,5
21 octobre»
168 jours après.» 18°,0
28 novembre»
106 jours après.» 15°,7
22 octobre»
169 jours après.» 16°,7
28 novembre»
106 jours après.» 14°,4
23 octobre»
170 jours après.» 19°,5
29 novembre»
107 jours après.» 14°,3
28 octobre»
175 jours après.» 13°,8
21 décembre
129 jours après.» 15°,5
18 novembre
186 jours après.» 14°,0
26 décembre»
134 jours après.» 12°,0
10 novembre»
188 jours après.» 14°,6
2 janvier
141 jours après.» 14°,3
11 novembre»
189 jours après.» 11°,0

Les observations n’ont pu commencer que 59 jours après le solstice et ont été faites en de mauvaises conditions, à cause de l’obliquité du pôle (très grande, notamment le 28 octobre). L’auteur croit néanmoins pouvoir conclure que le minimum

Fig. 262. — Le pôle sud de Mars à l’époque du minimum des neiges polaires.
a eu lieu dans la seconde moitié de novembre, trois mois et demi après le solstice austral. Grandes fluctuations dans les dimensions estimées.

La dimension minimum a dû être de 4°. Plusieurs fois, cette tache blanche paraissait sortir du disque par irradiation, qui doit doubler la grandeur apparente. Le diamètre réel serait donc réduit à 2°, ou à 120 kilomètres.

D’après les observations de Bessel en 1830, Kaiser, Lockyer et Linsser en 1862, Hall et Schiaparelli en 1877, et ce dernier de nouveau en 1879, la position de la neige polaire australe, lorsqu’elle est réduite à sa plus petite dimension, est :

 
Distance au pôle géographique
35°,4
Longitude
30°

La double figure précédente (fig. 262) représente la neige polaire australe à ses minima de 1877 et 1879.

En 1881, le pôle austral se trouva juste au cercle terminateur, pendant l’été, jusqu’au 11 septembre, où il s’inclina tout à fait dans l’hémisphère invisible. Il fut donc impossible de l’observer pendant l’opposition d’octobre 1881 à avril 1882. On aperçut parfois des taches blanches ; mais ce n’était pas lui : c’étaient les îles australes. En juin, il mesurait 25°, en juillet, 10°. Le solstice arriva le 25 juin. Sept mois après son solstice, en janvier et février, la neige polaire australe n’avait pas plus de 10° de diamètre, car on ne l’apercevait pas. Elle n’augmentait donc pas encore.

De 1881 à 1888, le pôle boréal a pu être étudié à son tour. Le pôle austral est resté à peu près caché aux observateurs terrestres.

Pendant ses observations du 30 septembre 1879 au 24 mars 1880, M. Schiaparelli avait remarqué cinq ramifications bien curieuses, paraissant émerger du pôle boréal invisible, et disposées en couronne entre 30° et 40° de distance polaire.

Pendant l’opposition suivante (1881-82), on put vérifier si ces taches blanches venaient bien du pôle, car ce pôle se présentait à la vue de l’observateur terrestre, exactement sur la limite de l’hémisphère visible. Depuis le 26 octobre 1881 jusqu’au 25 janvier 1882, aucune neige polaire permanente n’a pu être constatée dans l’endroit du pôle ; mais des neiges éparses en émanaient, formant huit rameaux différents, dont plusieurs occupaient les positions observées en 1879. Ces rameaux se raccourcirent et augmentèrent de blancheur, pendant le mois de janvier, et se concentrèrent graduellement vers le pôle. Le 26 janvier (on n’avait pu observer les jours précédents, à cause du temps), le pôle était marqué par une immense calotte de neige, à peu près ronde, mesurant environ 45° de diamètre, provenant de la concentration, de la coagulation en une seule masse, des rameaux dont nous venons de parler. Cette condensation de rameaux de neiges en une seule masse polaire n’a rien d’analogue sur la Terre. Cette phase de concentration s’est produite vers le 25 janvier, c’est-à-dire cinq mois avant le solstice d’été boréal, qui est arrivé, en 1882, le 25 juin. L’auteur a trouvé ensuite, pour le diamètre de cette neige polaire boréale :

 
Neige boréale, 1882.
Solstice d’été boréal : 25 juin.
26 janvier
150 jours avant le solstice 45°
28 janvier»
148 jours avant le solstice» 45°
14 février
141 jours avant le solstice» 40°
17 février»
128 jours avant le solstice» 30°
27 février»
118 jours avant le solstice» 20°
10 mars
107 jours avant le solstice» 30°
14 avril
182 jours avant le solstice» 20°
10 avril»
177 jours avant le solstice» 27°

La précision n’est pas très grande, à cause de l’obliquité du pôle et parce que les limites n’étaient pas toujours nettes. Cette calotte polaire n’a pas été seulement le résultat de la suppression des branches neigeuses signalées plus haut,

Fig. 263. — Le pôle nord et l’hémisphère boréal de Mars en 1839 et 1881. Traînées de neige.
mais plutôt de leur contraction vers un noyau central, de leur accroissement en largeur en même temps que leur longueur diminuait, remplissant les intervalles, qui pourtant restèrent parfois visibles en plusieurs points.

L’équinoxe de printemps de l’hémisphère boréal de Mars ayant eu lieu le 8 décembre 1881 et le solstice d’été boréal le 25 juin 1882, on voit que la plus grande dispersion de la blancheur polaire sous forme de branches lancées vers l’équateur, a eu lieu quelques mois après le solstice d’hiver ; mais la plus grande intensité de la neige, comme surface et comme éclat, n’a eu lieu qu’un mois et plus après l’équinoxe de printemps, ou seulement cinq mois avant le solstice d’été. Ce maximum a correspondu à une calotte régulière de 45° de diamètre environ, concentrique au pôle nord, qui a ensuite diminué lentement en approchant de l’été.

L’astronome de Milan a essayé de représenter graphiquement (fig. 263) ces particularités de la neige polaire boréale, déduites de ses observations de novembre et décembre 1881. Les huit branches ressemblaient aux tracés esquissés ici autour de la région polaire.

De plus, trois stries blanchâtres, bien formées, et d’une largeur uniforme, allaient, en tournant, atteindre l’équateur aux longitudes 5°, 95° et 350°. On en apercevait encore une autre, moins sûre, traversant la mer du Sablier et longeant ses rivages. C’était comme une série de spirales, partant du pôle nord et se dirigeant obliquement vers le Sud-Ouest. On pense aussitôt que cette direction se rattache au mouvement de rotation de la planète et à la théorie des vents alisés. Ces traînées de neige produites pendant le printemps indiquent des courants réguliers, moins troublés que ceux de l’atmosphère terrestre par des circonstances accidentelles. Lorsque ces rubans de neige traversent des canaux, ils cessent d’être visibles sur ces canaux, comme de la neige qui, en tombant sur de l’eau, y fondrait, tandis qu’elle resterait sur les régions sèches. On peut penser que ces traînées blanchâtres, qui sont restées visibles pendant des semaines et des mois, n’étaient pas des nuages, mais de la neige, sans doute peu épaisse.

Nous arrivons maintenant à l’opposition de 1884, qui a donné au même observateur les mesures suivantes :

 
Neige boréale, 1884.
Solstice d’été boréal : 13 mai.
20 janvier
114 jours avant.  36°
15 février
189 jours avant.» 31°
23 mars
151 jours avant.» 23°
12 mai
111 jours avant.» 15°

On n’a pu suivre jusqu’au solstice.

Les séries de 1836 et 1888 offrent des résultats analogues :

   
Neige boréale, 1886.
Solstice d’été boréal : 31 mars.
1886,
18 janvier
162 jours avant le solstice. 25°
 
26 février
133 jours avant» le solstice.» 10
 
14 mars
117 jours avant» le solstice.» 16
 
28 mars»
103 jours avant» le solstice.» 16
 
21 mai
151 jours avantaprès. le solstice.» 15
 
11er juin
162 jours avant» le solstice.» 19
1888,
17 mai
181 jours avant» le solstice.» 12
 
12 juin
107 jours avant» le solstice.» 11
 
28 Juillet
peu visible.

La tache a diminué rapidement d’éclat en juillet 1888 par suite de l’énorme obliquité de l’illumination solaire, suivie bientôt par son immersion dans la nuit du pôle. Le pôle boréal est entré dans l’ombre le 15 août, jour de l’équinoxe.

D’après l’ensemble des observations, la neige polaire boréale est centrée sur le pôle, tandis que, comme nous l’avons vu, la neige australe est à côté.

L’opposition de 1890 nous a présenté la planète avec ses deux pôles visibles. En juin, juillet, août et septembre, on a pu voir en même temps les neiges polaires boréales et australes, mais juste au bord du disque, la tache boréale étant mieux marquée, plus inclinée vers nous d’ailleurs : je lui ai trouvé environ 20° le 30 juillet. La Terre est passée par le plan de l’équateur de Mars le 23 septembre. À partir de cette époque, on a mieux vu le cap polaire austral. J’ai trouvé :

 
Neige australe, 1890.
Solstice d’été austral : 26 novembre.
21 septembre
63 jours avant le solstice.  30°
12 octobre
55 jours avant» le solstice.» 25°
19 octobre»
48 jours avant» le solstice.» 25°
22 octobre»
35 jours avant» le solstice.» 20°
13 décembre
17 jours avantaprès. le solstice.» 10°
20 février
86 jours avant» le solstice.» 1

Récapitulons toutes ces observations :

Variations de la neige polaire australe.
 Diamètre.  Diamètre. 
1781
Max. 60° Min. 10° W. Herschel.
1798
50° 50° Schrœter.
1830
50°» 1 Beer et Mädler.
1837
70° 10°» Beer et Mädler.Id.
1862
36° 1 Rosse et Lassell.
1877
29° 1 Schiaparelli.
1879
29°» 1 Schiaparelli.Id.
1890
30° 1 Flammarion.
Variations de la neige polaire boréale.
1837-39
Max. 31° Min. 15° Beer et Mädler.
1882
45° 15°» Schiaparelli.
1884
36° 15°» Schiaparelli.Id.
1886
36°» 1 Schiaparelli.Id.

Si nous éliminons de la première série l’appréciation de 1837, fondée sur une tache blanche non identifiée avec le pôle alors invisible, les variations des deux pôles deviennent comparables entre elles, contrairement à la théorie et à l’opinion de Beer et de Mädler. En effet, M. Schiaparelli a mesuré en 1882, 150 jours avant le solstice, 45° à la neige boréale. Ce nombre peut ne pas coïncider avec le maximum absolu, qui peut atteindre 50° et même 60°. De plus, le même observateur a vu descendre en 1886, ce cap polaire boréal à 5°. Ces limites sont également celles des neiges polaires australes.

Il est fort possible que les années ne se ressemblent pas, sans doute, qu’il y en ait de froides et de chaudes pour chaque hémisphère. De plus, on assiste parfois, du jour au lendemain, à des transformations d’aspects considérables, que l’on peut attribuer à d’énormes chutes de neige. On se souvient des photographies prises par M. Pickering, les 9 et 10 avril 1890 (p. 464), dans lesquelles toutes celles du second jour montrent la tache polaire australe beaucoup plus vaste que celle du premier jour.

Il y a donc des variations météorologiques plus ou moins rapides sur Mars aussi bien qu’ici. Le temps change là comme ici — mais moins.

On le voit, l’ensemble des observations sur les neiges polaires ne nous conduit pas à conclure que l’excentricité de l’orbite ait pour résultat de faire subir aux neiges australes des variations annuelles plus considérables que celle du pôle boréal. Dans tous les cas, la différence est légère.

Très certainement, il fait plus chaud au pôle sud à son solstice d’été qu’au pôle nord à son solstice d’été également, puisque le premier passe alors au périhélie et le second à l’aphélie. La neige polaire australe devrait être plus complètement fondue. Elle l’est, en effet, tout à fait au pôle géographique : mais il reste toujours un résidu de 120 kilomètres de diamètre à 340 kilomètres du pôle, vers 30° de longitude, au milieu de la mer. Il y a probablement là une île, vaste et élevée, sans laquelle, peut-être, la glace fondrait entièrement. Au pôle géographique nord, au contraire, la glace reste centrée à ce point. Mais il n’y a là aucune grande mer.

Les hémisphères austral et boréal de Mars sont d’ailleurs bien différents au point de vue de la distribution des eaux et des mers. Comme sur la Terre, le premier est surtout maritime, le second surtout continental : les mêmes lois géologiques ont sans doute dirigé le relief des deux surfaces planétaires, élevant le sol boréal au-dessus du niveau moyen. Cette différence a un effet climatologique qui n’est pas sans importance. Cet effet est de rendre les saisons et les climats plus tempérés dans le premier, plus extrêmes dans le second, c’est-à-dire d’agir en un sens absolument contraire à celui qui résulterait de l’excentricité et qui, peut-être, le neutralise entièrement. Il faudrait aussi ajouter ici une influence indirecte sur la distribution des températures, celle des courants, maritimes et aériens.

En résumé, les saisons de Mars sont tout à fait comparables aux saisons terrestres, malgré la plus grande distance au Soleil et l’excentricité considérable de l’orbite. Les neiges polaires fondent en été, à chaque pôle, beaucoup plus complètement que les nôtres. Les hivers paraissent moins rudes. L’évaporation et la condensation s’y effectuent plus rapidement qu’ici. Le régime météorologique y semble très tempéré. À l’exception des brumes d’hiver, l’atmosphère y reste presque constamment pure.

D. — Conclusions.

Cette analyse comparée des saisons sur la Terre et sur Mars nous conduit aux conclusions suivantes :

Les saisons de Mars sont à peu près de même intensité que les nôtres, mais près de deux fois plus longues.

La saison chaude dure 381 jours sur l’hémisphère boréal, et la saison froide a la même durée sur l’hémisphère austral.

La saison froide dure 306 jours sur l’hémisphère boréal, et la saison chaude a la même durée sur l’hémisphère austral.

Chaque hémisphère reçoit pendant son été 63 pour 100 de la chaleur annuelle totale, et 37 pour 100 pendant son hiver.

Les saisons de l’hémisphère austral sont en plus grand contraste que celles de l’hémisphère boréal.

Les neiges polaires de la planète Mars varient suivant les saisons. Elles atteignent leur maximum de trois à six mois après le solstice d’hiver de chaque hémisphère et sont réduites à leur minimum également de trois à six mois après leur solstice d’été. De même que sur la Terre, les années ne se ressemblent pas.

Dans les deux hémisphères, la neige polaire paraît atteindre, en hiver, 45o à 50° de diamètre et se réduire, en été, à 4° ou 5°. Nous n’en pouvons rien conclure sur les effets de l’excentricité de l’orbite pour chaque hémisphère. Des observations plus complètes sont très désirables.

En dehors des glaces polaires, des chutes de neige ont été observées dans les régions tempérées, et parfois même jusqu’à l’équateur. On a vu dans l’hémisphère boréal des traînées en spirale venant du pôle, indiquant des courants atmosphériques influencés par le mouvement de rotation de la planète.

La calotte polaire boréale paraît centrée sur le pôle. L’australe en est éloignée à 5°,4, ou 340 kilomètres, à la longitude 30°, de sorte qu’aux époques de minimum le pôle sud est entièrement découvert : la mer polaire est libre.

La climatologie du monde de Mars offre les plus grandes analogies avec celle de la Terre : ses conditions paraissent plutôt meilleures. L’éloignement de Mars du Soleil et la légèreté de son atmosphère, due à l’infériorité de sa masse, sont compensés par des conditions physiques plus favorables que les nôtres.

La théorie de la variation séculaire des climats terrestres fondée sur l’excentricité de l’orbite, proposée par Adhémar, reprise par James Croll sur d’autres bases, n’est pas confirmée par l’examen de Mars. Cette planète a une excentricité cinq fois et demie supérieure à l’excentricité actuelle de la Terre, et celle-ci ne peut jamais atteindre celle de Mars. Cette planète est donc un excellent type à étudier comme contrôle. Justement, c’est aussi son hémisphère austral qui a son été au périhélie, et son hiver à l’aphélie qui a son été le plus chaud et le plus court, son hiver le plus long et le plus froid.

La théorie dont nous parlons admet que le pôle sud terrestre se refroidit d’année en année, parce qu’il a huit jours de moins de soleil par an. Pour Mars, la différence s’élève à 74 jours. On pourrait penser, en effet, que l’été plus court que l’hiver ne suffit pas pour fondre entièrement les glaces formées au pôle sud pendant l’hiver. Or, il n’en est rien, comme nous venons de le voir. La calotte polaire australe est aussi complètement fondue, après son été, que la boréale après le sien. Il n’en reste qu’un résidu de 120 kilomètres de large, excentriquement au pôle, et sans doute sur une île.

Comme sur la Terre, le solstice austral de Mars est voisin du périhélie.

La demi-révolution de la ligne des apsides terrestres s’effectue en 10 500 ans ; le solstice d’été austral — et, par conséquent, le solstice d’hiver boréal, — est arrivé au périhélie en l’an 1248 de notre ère. Sur Mars, la demi-révolution de la ligne des apsides s’effectue en 9866 de ses années. Sur ce temps, il y a (en 1892), depuis la dernière position égale des saisons, 4235 années martiennes d’écoulées ; il en reste 5631 jusqu’à la prochaine. Actuellement, le solstice d’été de l’hémisphère austral de Mars arrive 36 jours après le périhélie, à la longitude héliocentrique 357°, la longitude du périhélie étant 334°.

Le froid de l’hiver au pôle sud de Mars doit être de beaucoup supérieur à celui du pôle terrestre. La nuit polaire y est presque double de la nôtre ; elle dure 338 jours, au lieu de 182, et l’air y est sans doute de moitié moins dense. Eh bien, en quelques mois, à la suite du solstice d’été, cette neige est fondue.

Cette fonte des glaces pourrait être attribuée, pour le pôle austral, aux eaux plus ou moins tièdes de la mer et à des courants marins analogues à notre Gulf-Stream ; mais cette explication ne s’appliquerait pas au pôle nord, puisqu’il n’y a point là de vaste mer. Nous sommes autorisés à penser qu’il y a moins d’eau et moins de vapeur d’eau sur Mars que sur la Terre, moins de nuages, une moindre quantité de neiges, et que l’épaisseur des glaces y est beaucoup moindre qu’ici. Peut-être aussi, la durée de l’été, du double plus longue que sur la Terre, suffit-elle amplement pour fondre toutes les glaces. Il y a des limites à la production des neiges ; tandis que le Soleil reste pendant près d’un an au-dessus de l’horizon de chaque pôle.

En résumé, l’analogie climatologique avec la Terre ressort de toutes les observations, et l’étude de la planète Mars apporte des lumières particulières à la connaissance générale de notre propre globe.

  1. à peu près  ou   ou 
  2. Sir Robert Ball, The cause of an ice age, 1892 ; — Weiner, Ueber die Stärke der Bestrahlung, Zeitschrift der Œsterreichischen Gesellschaft für Meteorologie, 1879.

    Soit la quantité de chaleur solaire tombant perpendiculairement sur une surface égale à la section de la Terre, à la distance moyenne , dans l’unité de temps ;

    Soit la déclinaison boréale du Soleil.

    La proportion reçue par l’hémisphère nord sera

    et, par l’hémisphère sud,

    À la distance , et dans le temps , la chaleur reçue par l’hémisphère nord sera

    mais nous avons

    d’où l’expression devient

    D’autre part,

    étant l’obliquité de l’écliptique.

    La chaleur totale reçue par l’hémisphère boréal de l’équinoxe de printemps à l’équinoxe d’automne est donc

    De ces formules résulte le théorème suivant :

    Soit , la quantité totale de chaleur solaire reçue en une année sur la Terre entière. Cette quantité se partage comme il suit :

    Les formules sont les mêmes pour l’été et l’hiver de l’hémisphère austral.

    Pour , on trouve que la chaleur reçue pendant l’été (d’un équinoxe à l’autre) de chaque hémisphère est , tandis que la chaleur correspondant à l’hiver est (*). Le rapport est presque . Si chaque hémisphère reçoit dans l’année une quantité de chaleur solaire représentée par 365 unités, l’été sera représenté par 229 et l’hiver par 136. Ces nombres sont indépendants de l’excentricité de l’orbite.

    (*)
  3. Pour l’hémisphère boréal :
      Été :
    Hiver :
    Été : Hiver :