La Benjamine/Texte entier

Librairie de Firmin-Didot et Cie.

Page:Blandy - La Benjamine.djvu/9 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/11


TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT. — MESNIL (EURE).
Page:Blandy - La Benjamine.djvu/13


LA BENJAMINE



I.


Je venais de remporter ce soir-là un de ces petits triomphes qui sont si doux aux jeunes filles, et plus doux encore, s’il se peut, à leurs parents. J’avais joué passablement, à première vue, un morceau de musique arrivé pour moi par le dernier courrier. C’était cette Marche funèbre d’une Marionnette que Gounod a empreinte d’une si fine ironie et dont les notes piquées sautillantes portent un deuil pour rire et se lamentent en gambadant.

Après le dernier accord, j’imprimai un mouvement de rotation à mon tabouret de piano pour juger de l’effet produit sur mon auditoire qui se composait de mon grand-père et de ma tante Paule, et je leur vis échanger un sourire qui me paya de mes efforts pour les contenter.

Ils n’étaient, ni l’un ni l’autre, prodigues de louanges à mon égard, ce qui donnait un grand prix à leurs plus légers encouragements. J’étais donc radieuse de leur approbation, lorsque tante Paule tira un long soupir du fond de sa poitrine et dit, en me regardant avec des yeux humides :

« Chère Anna ! Pauvre… pauvre petite ! »

C’était là une exclamation familière à tante Paule ; mais elle ne s’en servait jamais qu’à mon sujet, et du ton le plus navré, surtout quand elle me voyait en gaieté ou en succès. J’avais longtemps accepté, avec l’insouciance du jeune age, la commisération que ces deux mots faisaient tomber sur moi ; puis je m’en étais étonnée et j’avais demandé à tante Paule en quoi elle me trouvait à plaindre. Je n’avais obtenu d’elle que la répétition de ces mèmes mots qui décidément étaient son refrain à mon égard.

Peut-être les aurais-je laissé passer ce soir-là, comme d’habitude, sans soupçonner qu’ils déploraient une injustice du sort à mon égard ; mais mon grand-père quitta brusquement son fauteuil et se pencha sur le métier à broder de tante Paule pour lui parler tout bas. Quoique je n’entendisse pas ce qu’il lui disait, son ton, ses gestes exprimaient du mécontentement. Il la grondait au sujet de son exclamation, et elle lui répondit, sans prendre la peine de baisser la voix :

« Mais, mon père, elle a seize ans, et vous n’espérez point la garder sa vie entière ignorante de tout ce qui l’intéresse ? »

Qu’y avait-il donc ? Quel était ce mystère de malheur que grand-père tenait à me cacher, et que la pitié de tante Paule aurait dù me faire pressentir depuis longtemps ? Déjà un peu émue par la musique, je fus prise d’un accès de sensibilité d’autant plus vif qu’il était sans cause appréciable pour moi, et j’allai me jeter en pleurant dans les bras de tante Paule.

« Vous le voyez, » dit-elle à mon grand-père, « j’ai pourtant observé l’engagement de me taire que vous m’avez imposé. L’enfant peut vous dire elle-même si je lui ai jamais ouvert les yeux sur ce qui la touche. Vos précautions, vos scrupules, mon cher père, ne l’empêchent pas de sentir d’elle-même qu’elle est malheureuse.

— Paule, » répondit grand-père, « vous avez respecté la lettre et non l’esprit de votre promesse. Voici, d’ailleurs, de trop grands mots pour peu de chose, Cette disproportion peut faire rêver Anna de cent infortunes romanesques dont, Dieu merci, sa destinée est exempte. Si elle pleure, c’est que vous l’effrayez, Paule, par vos attendrissements sans sujet… Voyons, Anna, essuie tes yeux et dis-moi s’il sied à une jeune personne de seize ans de pleurer comme une petite fille, sans savoir pourquoi. »

J’obéis à l’instant. L’autorité de grand-père n’était pas de celles qui se laissent méconnaitre. Je me levai, j’essuyai mes yeux et mes joues ; mais les larmes y revenaient à flots malgré moi. Pendant le peu d’instants que j’étais restée la tête enfouie dans les jupes de tante Paule, mon imagination m’avait présenté des sujets de chagrin auxquels je ne m’étais jamais arrêtée jusque-là, tant la réserve observée à mon égard les avait éloignés de ma pensée.

Grand-père se promenait à pas lents dans le salon. Il allait de la porte d’entrée à une des fenêtres du jardin, levant la tête chaque fois qu’il passait devant le portrait de ma mère, placé au-dessus du piano. Après l’avoir regardé, il reprenait sa marche vers la porte et disparaissait pour moi dès qu’il dépassait l’angle du paravent ouvert derrière le métier à tapisserie de tante Paule. C’était seulement alors que je me risquais à regarder ma tante à travers le voile humide qui obscurcissait ma vue. Tante Paule tirait ses points avec une régularité mécanique, et, si ses soies sifflaient en traversant le canevas, c’est que la brodeuse exhalait ainsi son dépit d’avoir été rabrouée ; mais elle se tenait pour dit qu’elle ne devait plus s’occuper de moi. Pas une fois elle ne leva la tête pour me montrer qu’elle s’intéressait à ma peine. Cet abandon me fut cruel, et mes sanglots, mal contenus, m’étouffaient lorsque grand-père finit par s’arrêter devant moi après des allées et venues silencieuses, qui avaient bien duré un quart d’heure.

« Encore ? » dit-il d’un ton sévère. « À qui en as-tu ? que te manque-t-il ! »

Je donnai passage à mes derniers sanglots et je m’enhardis assez pour répondre tout franc :

« Il me manque ce qu’ont les autres jeunes filles : l’affection de mon père. Pourquoi n’est-il pas ici avec nous, ou moi avec lui ? Pourquoi répond-il par quelques lignes banales aux lettres que je lui écris deux fois par an ? Autrefois, je ne savais que lui dire dans ces lettres, mon père était un étranger pour moi. Je me creusais la tête sans trouver un mot, et vous me tiriez de peine en m’engageant à lui rendre compte de mes études. Je me rejetais sur ce chapitre, heureuse qu’il me fournit une matière de correspondance… Est-il naturel que les rapports soient tels entre un père et sa fille ?… Depuis que je suis grande, sachez que je ne lui ai pas écrit une seule fois sans me demander s’il ne serait pas dans mon droit de me plaindre à lui de son insouciance à mon égard. Mais j’ai craint d’être irrespectueuse, et aussi de commettre une injustice. Sais-je pourquoi il me laisse si loin de lui, pourquoi il ne vient jamais me voir ici ? »

Après avoir parlé d’abondance, je me tus tout à coup, tremblant d’avoir blessé les deux êtres dont le dévouement ne m’avait jamais manqué depuis que j’existais.

« Je ne relèverai pas, » répondit gravement mon grand-père, « ce qu’il y a d’attristant pour notre affection dans ce que tu viens de dire. Je préfère aller droit au fond du sujet de tes plaintes. Ton père est retenu à Paris par ses affaires. Il ne mérite pas les reproches que tu lui adresses, t’ayant confiée à des parents qui, j’ose l’affirmer, savent quelle mission sérieuse est l’éducation d’une jeune fille. Il peut d’ailleurs avoir voulu me consoler ainsi de la perte de ma fille Marcelline, de ta mère, ma chère Anna, morte dans sa vingtième année, après dix-huit mois de mariage. Je n’ai à entrer avec toi dans de plus amples détails que si tu te déclares décidément malheureuse dans la maison de ton grand-père… Ne réponds pas si vite, mon enfant. Je te laisse à tes réflexions jusqu’à demain soir. J’annule le programme d’études de la journée prochaine. Emploie tout ton temps à résumer ton passé de seize ans dans ton for intérieur ; si demain soir tu persistes à te trouver à plainplaindre, je t’éclaircirai tous les points dont l’obscurité t’inquiète, et tu jugeras alors en toute connaissance de cause. Maintenant, dis-moi bonsoir et rentre chez toi. Paule, vous aurez la bonté de m’accompagner jusque dans ma chambre, n’est-ce pas ? »



II.


Résumer mon passé de seize ans ! Il n’était pas tellement compliqué qu’il me fallût vingt-quatre heures pour venir à bout de cette tache. En montant les deux volées du vieil escalier droit à rampe de bois supportée par des colonnes sculptées, qui conduisait au premier étage, j’avais vu défiler devant moi ces seize années. J’avais pu les embrasser d’un seul vol de pensées, depuis le temps où tante Paule me portait dans ses bras de crainte que je ne tombasse par l’escalier, depuis ma première ascension furtive où j’avais gagné, pour prix de cet exploit de mes petites jambes, une bosse à la tête, jusqu’au temps actuel où, mêlée à l’administration intérieure de la maison, j’avais égayé l’aspect sombre de cet escalier quasi-monumental en parant ses paliers d’arbustes en caisses et de grandes gravures aux murs.

J’entrai dans ma chambre, où flottait le parfum frais des deux magnolias que je mettais chaque matin dans mes porte-bouquets. Ce luxe ne faisait pas tort aux magnoliers du jardin, forts comme des chênes, et qui, tout le temps de leur floraison, ouvraient tous les jours par centaines les corolles lactées de leurs fleurs. J’aimais, en rentrant dans ma chambre, à respirer cette atmosphère parfumée ; mais je la savais pernicieuse pour la nuit, et ce soir-là, comme d’habitude, j’ouvris une fenêtre pour aller déposer mes porte-bouquets sur le balcon.

Il était dix heures du soir. Les rues et les places des petites villes du Midi sont désertes à cette heure-là. Montserrou, que nous habitons, cet humble chef-lieu de canton de l’Ariège, n’a aucun mouvement de commerce et d’industrie qui le pose en exception de cette loi générale. Pas un passant sur cette vaste place que mon balcon dominait, et c’était vraiment dommage qu’il n’y eût personne pour admirer les jeux du clair de lune de cette belle nuit d’août.

La haute façade en briques de l’église, sa tour octogone à meurtrières et à créneaux était toute rose dans la lueur qui la baignait et qui allumait des feux de diamants dans les vitraux de sa rosace. La lune étendait sur les pavés un voile de blancheur que dentelaient en ombre portée, légèrement bleuâtre, les tuiles de la toiture de la halle qui tient le milieu de la place. Ses rayons pénétraient sous l’abri des arcades romanes des maisons qui me faisaient face, y traçant sur le carrelage en dalles des portiques lumineux encadrés par l’ombre des piliers.

Si la place était déserte, Montserrou n’était pourtant pas encore endormi. Il m’arrivait, de l’esplanade qui entoure notre petite ville, un de ces airs patois que les jeunes gens du pays chantent en chœur, à trois parties, avec cette justesse de ton qui est instinctive chez eux et un don du terroir. Cette mélodie m’arrivait par bouffées de sonorités éclatantes ; elle semblait fêter cette nuit lumineuse et monter dans l’éther comme un hymne de reconnaissance et d’amour.

La fraicheur de l’air avait fait du bien à mes yeux, à ma tête en feu. La sérénité de la nuit m’avait calmée. Ce chœur de voix lointaines, scandant les syllabes accentuées du patois languedocien, berça la rêverie qui me gagnait.

Je me revis toute petite fille, épelant dans le livre que tante Paule tenait sur ses genoux, suivant les lettres que m’indiquait son aiguille à tricoter. Dans ce temps-là, j’étais délicate, facilement enrhumée, et tante Paule ne me promenait jamais sans emporter un renfort de châles de laine qu’elle étageait sur moi dès que je m’étais un peu agitée. Toutes les contrariétés que j’avais subies à cette époque se résumaient dans l’horreur que ma rancune m’avait laissée contre les engins de toilette propres à emmitoufler les gens.

J’avais par contre toutes sortes de petits bonheurs dont le plus apprécié était nos excursions à ma petite propriété de Palommiers, — j’ignorais alors qu’elle m’appartint et qu’elle représentât la dot de ma mère. — Nous ne partions jamais pour cette métairie sans que j’allasse garnir mes poches, mon sac, le fond de mon chapeau de soleil, de gros morceaux de pain que j’échangeais à Palommiers avec les enfants du métayer contre du pain de maïs, qui était un régal pour moi.

La métayère me disait bien, en me coupant des tranches énormes de sa miche couleur d’or, à pâte fraiche et grenue, à croûte brune :

« Ce n’était pas la peine d’apporter du pain blanc, mademoiselle Anna. Tout est à vous à Palommiers. »

Mais j’aurais cru lui être à charge sans cet échange, et puis ses enfants, Bernard et Mariannette, mordaient dans mon pain blanc avec la mème gourmandise satisfaite que moi dans leur pain de maïs, et nous courions tous les trois au verger. Bernard montait dans les figuiers et jetait des figues dans mon tablier, tandis que Mariannette cueillait pour moi des fraises qu’elle m’apportait dans une large feuille de chou.

Le bon temps que celui-là ! Je trouvais qu’il était toujours trop tôt pour redescendre à Montserrou, et je disais : « Déjà ! » quand je voyais atteler la voiture.

Nous partions par la route en zigzag qui contourne les pentes du coteau de Palommiers ; nous perdions de vue et nous dominions tour à tour notre petite ville, toute rouge par ses toitures et ses constructions en briques, et entourée de la ceinture verdoyante de son esplanade dont le demi-cercle est coupé droit à ses deux extrémités par la ligne bleue de la Varèze, la rivière de notre vallée.

Je rentrais à la maison, la main droite chargée d’un bouquet de fleurs sauvages, un panier de fruits à l’autre bras. Grand-père écoutait le récit de ma journée et m’embrassait en me disant :

« La promenade t’a fait du bien. Tu me rapportes aussi des fleurs sur tes joues.

Je me revis ensuite plus âgée de deux ou trois ans, ayant passé des gâteries maternelles de tante Paule sous la direction de grand-père. Il court par le monde une phrase toute faite sur la piteuse éducation que les grands-pères donnent à leurs petits-enfants, pour leur être trop tendres. Si l’exception justifie en toutes choses la règle, la sévérité de grand-père est propre à donner un poids de plus à cette maxime courante.

Dans tout Montserrou et dans les familles habitant les villes voisines qui nous fréquentaient, il n’y avait qu’une opinion sur ce point. Chacun y disait :

« M. Semalens élève parfaitement sa petite-fille. »

D’aucuns ajoutaient même :

« Il est trop rigoureux à son égard ; il exige trop de cette enfant. »

C’était là aussi la pensée de tante Paule et son grief contre grand-père. Quand elle le voyait me reposer de quatre heures d’étude en me fatiguant à la gymnastique, elle lui criait :

« Mon père, est-ce que vous voulez faire un garçon de notre Anna ? Elle sera dégingandée si vous continuez à la plier à ces tours de saltimbanque. Et la voici qui lève un poids dans sa main ! Ah ! fi ! Elle gagnera ainsi des allures de danseuse de corde. Est-ce là ce que vous voulez ? »

Grand-père répondait, tout en me faisant continuer mes exercices :

« Non, mais je prétends lui faire acquérir des muscles solides, consolider sa frêle structure en lui élargissant la poitrine et en harmonisant ses fonctions physiques. »

Tante Paule prenait de plus mauvaise grâce encore les études scientifiques aux éléments desquelles grand-père m’initiait.

Elle s’écria un matin avec un accent désolé, en nous voyant tirer d’une caisse, venant de Paris, une mappemonde sur pied, un système solaire, une loupe, une boite de compas, quelques figures géométriques en bois, et un carton de gravures coloriées représentant des végétaux et des minéraux :

« Mon Dieu ! vous voulez donc faire d’Anna une savante ?

— J’en serais bien fâché, » répondit grand-père en souriant, « mais encore plus si je la laissais ignorante.

— Et tous ces livres d’histoire que vous lui faites lire, et ces conversations qui dépassent ma portée et où vous parlez à cette petite fille des causes de la chute de l’empire romain, de la formation des mots de notre langue, de la lutte pour l’existence qu’a inventée je ne sais plus quel Anglais, en quoi tout cela peut-il être utile à une jeune fille ? Moi, je m’y perds. Mon père, ce n’est pas ainsi que vous m’avez élevée. Il vaudrait mieux pour Anna qu’elle apprit de moi à tenir une maison.

— L’un n’empêche pas l’autre, » répondit grand-père, « et, puisque tu m’as fait cette observation devant Anna, c’est devant elle que je dois y répondre. Je t’ai élevée autrement, il est vrai, parce que j’avais moins réfléchi sur les résultats de l’éducation féminine et aussi parce que mes fonctions de juge au tribunal de Foix ne me laissaient pas le temps de diriger l’éducation de mes deux filles. Je n’ai point à te prier de m’excuser si j’ai agi d’après d’autres principes à ton égard. Tu n’as pas été tentée de courir les risques de l’existence pour ton propre compte. Simple spectatrice des combats de la vie sociale, tu es restée confinée au foyer paternel, te dévouant à moi. Je t’en remercie, et, telle que tu es, je te trouve parfaite. Mais, quant à ma petite-fille, je veux qu’elle ait des ressources dans l’esprit, et qu’elle gagne de la force d’âme afin de pouvoir résister aux épreuves, aux déceptions de la vie… Me comprends-tu, Paule ? Je veux enrichir Anna autant que possible pour qu’elle ne se trouve pas moralement ruinée si quelque bonheur lui manque. M’entends-tu ? »

Tante Paule baissa la tête en soupirant ; elle n’était qu’à demi convaincue. Mais elle adhéra à tout, même à ces conversations qu’elle n’entendait point, lorsqu’il eut été convenu que deux après-midi par semaine lui seraient attribués pour qu’elle fit de moi une bonne ménagère.

À partir de ce moment, j’avais eu l’inspection de la lingerie ; puis, les mardis et les vendredis, j’avais confectionné le dîner de la maison, surveillée, conseillée par tante Paule et par notre cuisinière Marion qui poussait des cris de paon à chacune de mes maladresses.

Grand-père exigeait de moi beaucoup de travail ; mais il variait assez mes études pour les rendre toujours intéressantes. Je comprenais maintenant l’utilité de tous ces devoirs qu’il m’avait imposés pendant des années. Je commençais mème à jouir du fruit de mes travaux, par le goût que je trouvais à apprendre des choses nouvelles ; mais il y avait eu des moments de langueur, de paresse, où j’avais trouvé très dur le règlement inflexible qui disposait de toutes les heures de mes journées.

Aucune étude ne m’avait coûté tant de larmes que celle du piano. J’aimais pourtant la musique et, même toute petite, j’accourais du jardin au salon dès que j’entendais le violon de grand-père, qui était un excellent musicien. Tante Paule me contait que jadis, quand ils habitaient Foix, il donnait chez lui des séances de musique de chambre dont il était le meilleur exécutant.

Mais, quand il fallut remuer en mesure mes doigts sur le clavier, ce fut une tout autre affaire. Grand-père ne laissait passer ni une fausse note, ni une faute de rythme. Sa sensibilité auditive était extrême, et, comme il e me laissait rien jouer sans me donner la note sur son violon, dès que je me trompais, son archet me cinglait les doigts. Je me mettais à pleurer. Tante Paule accourait ; mais à la première occasion grand-père se livrait à la mème vivacité, malgré lui, disait-il.

Il y faussa ou cassa cinq archets, et ma haine des archets devint plus forte que celle que je professais pour les châles de laine. Après tout, maintenant que l’archet de grand- père ne s’égarait plus du côté du clavier, pou- vais-je inscrire ces deux rancunes à la liste de mes griefs contre le sort ?

Les châles de laine m’avaient peut-être préservée d’une maladie grave… mais ce n’était là qu’un peut-être. Les coups d’archet de grand-père m’avaient rendue assez bonne musicienne pour jouer avec lui toutes les sonates d’Haydn et de Mozart (piano et violon). Il parlait déjà de m’acheter celles de Beethoven pour l’hiver prochain, et j’attendais ce moment avec impatience.

On ne se doute pas de quelle ressource est la musique dans une petite ville où l’on n’en peut entendre ni aux concerts ni au théâtre. J’avais toutes les partitions d’opéras anciens ou nouveaux, transcrites pour piano seul. Grand-père me disait parfois le soir :

« Anna, j’ai envie d’aller aux Italiens. Prends la Sonnambula ou plutôt I Puritani du maestro Bellini. Ils ne jouent plus ce dernier opéra à Paris. Donnons-nous le luxe de le reprendre à Montserrou. »

Il me disait le plan du libretto afin que je pusse donner aux mélodies leur juste expression. J’ouvrais mon piano ; je partais sur l’ouverture et ne fermais le cahier qu’après l’accord final. Aux entr’actes, nous causions et tante Paule nous disait parfois :

« Quels fous vous faites, autant l’un que l’autre ! Voilà que vous parlez du jeu des acteurs maintenant, et de la cavatine mal accentuée par la première chanteuse ! Vous me faites tourner la tête avec vos fantasmagories. »

Je lui demandais :

« Est-ce que je vous ai ennuyée, tante Paule ?

— Du tout, mais vous êtes tous les deux bien enfants. Je demande pardon à mon père de ma franchise. »

… Je me rappelais toutes ces scènes et tant d’autres détails encore qui me prouvaient combien j’étais aimée de ces deux êtres chers. Aimée, non pas lâchement, selon l’expression de grand-père, non pas en flattant les défauts de ma nature, en m’y abandonnant, mais pour mon bien, pour mon incessant progrès moral.

Je souriais, accoudée à mon balcon ; il me semblait que si j’avais vu à ma portée tous les châles de laine de tante Paule et les cinq archets cassés de grand-père, je leur aurais donné des baisers reconnaissants.

Pourquoi donc avais-je pleuré, affligeant ainsi ces bons parents ? C’était une injure au bonheur dont ils m’avaient entourée jusque-là.

Oui, j’étais heureuse, je le déclarerais le lendemain matin sans attendre davantage ; heureuse de rester à Montserrou, dans une ville où les nuits sont si belles et d’où l’on voit le coteau de Palommiers, sa métairie blanche et ses grands châtaigniers tout ronds ; dans un pays où les simples artisans ont des voix de chanteurs d’opéra et font aux petites filles qui pleurnichent sans raison la grâce de bercer, de charmer leur bouderie par un chœur exécuté en plein air.

Tout en faisant ce raisonnement, je tendis l’oreille du côté de l’esplanade et je n’entendis plus rien. Au même instant, j’aperçus un groupe de jeunes gens qui traversaient la place et je me dissimulai derrière la tendine de mon balcon pour n’être pas aperçue d’eux.

C’étaient bien les chanteurs de l’esplanade ; ils causaient en marchant, et le silence de la nuit, la prononciation méridionale accentuant les consonnes, me permirent d’entendre leurs paroles. Ils étaient arrivés d’ailleurs près de notre maison.

« C’est sur cette place que la voix résonnerait bien, » dit l’un d’eux. « Il n’est pas très tard. Si nous donnions un concert à ces paresseuses de fenêtres endormies !

— Non, » dit un autre, « pas devant la maison du juge de paix. Il nous ferait une affaire sous prétexte de tapage nocturne.

— Bah ! » fit un troisième, « M. Semalens est trop bon musicien pour cela. Mais nous avons tant chanté que nos gosiers sont un peu éraillés et il ne faudrait pas nous exposer à ses moqueries. Et puis, il y a ses dames qu’on réveillerait.

— C’est juste, » reprirent les autres. Et le groupe se remit en marche.

Ils allaient disparaitre à l’angle de la rue du Pont quand je les vis ôter leurs bérets à un passant qui s’avançait vers la place à grands pas.

« Bonsoir, monsieur de Capmont, » dit un des artisans.

Que venait faire si tard à Montserrou ce gentilhomme ruiné qui passait sept mois de l’année à son château, ou pour mieux dire à sa bicoque des Effraies, afin de se permettre cinq mois d’existence parisienne ? Après m’être adressé cette question, comme la réponse à y faire m’était impossible à trouver, et que d’ailleurs elle ne m’intéressait guère, j’allais fermer ma fenêtre pour aller dormir, quand j’entendis frapper deux grands coups à la porte d’entrée de la maison. M. de Capmont était entré juste sous l’arcade qui supportait mon balcon. C’était évidemment lui qui frappait à cette heure indue. Grand-père ne le recevait point. On se saluait simplement par les chemins. Cette visite à onze heures du soir était donc un événement.


III.


Au bout d’un quart d’heure d’allées et venues, de pas précipités au rez-de-chaussée et sur l’escalier, tante Paule entra dans ma chambre en déshabillé de nuit.

« J’ai vu de la lumière sous ta porte, » me dit-elle, « j’ai pensé que tu ne dormais pas encore. Mon père me réclame, et à l’instant. Je ne pouvais vraiment pas me présenter dans ce désordre devant M. de Capmont ; je venais te prier de m’aider à m’arranger ; mais, puisque tu es encore tout habillée, descends à ma place, vois si tu peux me suppléer. En tout cas, ton arrivée fera prendre patience à ton grand-père et me donnera le temps de me rajuster. »

Je descendis sans me faire prier davantage. J’avais un brin de curiosité. Quand j’entrai au salon, M. de Capmont et grand-père, debout en gens pressés, s’expliquaient avec une telle vivacité que je restai un instant en arrière, n’osant les déranger en me présen- tant trop vite.

« Vous auriez dû, Monsieur, » disait grand-père, « empêcher vos gens de faire cette imprudente, cette coupable gageure.

Eh ! Monsieur, » répliqua M. de Capmont avec un peu de raideur, « je n’ai pas l’habitude de m’immiscer chez moi dans les plaisanteries plus ou moins heureuses qui se font à l’office. Mon valet de chambre m’avait demandé la permission d’y faire diner ce soir cet étameur ambulant qui avait établi sa carriole au bout de mon avenue, et qui avait, je crois, réparé aux Effraies quelques ustensiles de cuisine. De chez moi, j’ai entendu cet invité de mes gens racler de la guitare et chanter des airs catalans d’une voix enrouée. Ce pauvre diable, payant galamment ainsi son écot, j’ai commandé qu’on le régalât ; mais je ne l’avais mème pas aperçu avant le moment où mes gens sont venus me chercher, effrayés d’avoir vu tomber cet homme comme une masse après son exploit stupide d’avaler deux grands verres de cognac. J’ai même cru d’abord qu’ils m’en imposaient. La sobriété des Espagnols est si proverbiale ! Mais ces guerres civiles du Nord de l’Espagne ont pu changer les mœurs des populations.

— Ce malheureux homme est donc mort sur le coup ?

— Monsieur Semalens, je vous jure que je lui ai fait prodiguer sur-le-champ tous les soins que j’ai pu imaginer. L’on a cru d’abord à un simple évanouissement, pourtant j’ai fait atteler le break et j’ai envoyé chercher le docteur Léris. C’est lui qui a constaté le décès et aussi nos efforts pour sauver cet homme. C’est le docteur qui m’a enjoint de vous informer de ce triste fait, et de vous consulter au sujet de cette pauvre petite, a demi folle de douleur, que nous avons dû emmener de force dans notre voiture, le docteur ayant dit qu’il fallait l’éloigner du mort par humanité et par convenance. Vous savez, Monsieur, qu’il n’y a que des hommes aux Effraies. »

M. de Capmont se tut après avoir donné ces explications d’un ton compassé qui pouvait être celui d’un embarras pénible, mais que je trouvai bien froid, de la part d’un homme chez lequel venait d’avoir lieu un événement aussi cruel que celui d’une mort subite.

Grand-père avait pris son menton dans sa main, par ce geste familier qui dénotait chez lui la réflexion. Je profitai de cet instant de silence pour m’avancer.

Aussitôt M. de Capmont me salua avec la grâce dégagée d’un homme du monde qui n’a d’autre souci que celui de maintenir sa réputation de courtoisie.

« Mademoiselle Desbray, si je ne me trompe ? » dit-il à mon grand-père d’un ton interrogatif.

« Oui, ma petite-fille… Anna, monsieur le baron Roger de Capmont. »

Telle fut la brève réponse qui lui fut faite d’un air préoccupé.

« Mademoiselle, » me dit le visiteur du même ton aimable, « rien qu’à vous voir il est facile de juger que les inquiétudes de M. Desbray au sujet de la délicatesse de votre santé n’ont plus de raison d’être et qu’il ne se privera pas plus longtemps de…

— Ce n’est pas de ceci qu’il s’agit ce soir, monsieur de Capmont, » interrompit brusquement mon grand-père, « mais de savoir ce que nous déciderons au sujet de cette pauvre orpheline. Le docteur Léris vous a chargé de me consulter là-dessus parce qu’il sait que ma maison est peut-être la seule de la ville où l’on parle l’espagnol. Allons chercher l’enfant. Il est bon d’ailleurs que je l’aie sous la main pour les renseignements nécessaires. Anna, fais préparer la chambre jaune et… Oui, commande à Marion d’apprêter quelque chose de chaud pour cette pauvre créature qu’il faudra tâcher de restaurer… Vous dites, Monsieur, que vous l’avez laissée dans votre voiture, devant la maison du docteur ?

— Oui, et l’on a peine à l’y maintenir. Elle veut s’en échapper à tout moment, et, bien que nous ne comprenions pas son espagnol qui me parait être du patois catalan, il est évident que son idée fixe est de retourner aux Effraies près de… »

M. de Capmont n’acheva point, et il pâlit visiblement en répondant ainsi. Grand-père prit son chapeau en disant :

« Allons, Monsieur, la vue d’un vieillard qui parle sa langue rassurera un peu cette malheureuse fille. »

J’avais à peine eu le temps de transmettre à Marion les ordres que j’avais reçus, que tante Paule descendit. Je lui contai ce qui s’était passé aux Effraies, et nous allâmes ensemble nous assurer que la chambre jaune était en état de recevoir un hôte pour la nuit. En entendant s’ouvrir de nouveau la porte de la rue, nous courûmes toutes les deux au-devant de l’étrangère.

Je m’étais figuré, d’après les paroles de M. de Capmont, que c’était une enfant. Je fus donc surprise d’apercevoir une jeune fille d’apparence plus âgée que moi.

Ce n’est pas qu’elle fût grande et forte, loin de là : sa figure have, ses bras maigres sortant de manches en lambeaux, devenues trop courtes, ses pieds nus et grêles auraient pu la rajeunir de quelques années, si les lignes accentuées de sa physionomie, et son front déjà coupé d’une ligne perpendiculaire entre les deux sourcils, n’eussent été d’une femme faite.

Malgré les encouragements que grand-père lui donnait dans sa langue maternelle, l'Espagnole semblait pénétrer à regret dans notre maison. Elle jetait de côté et d'autre des regards effarés, mais s'adressant plutôt aux diverses issues qu'aux nouveaux visages qui s'offraient à elle. On aurait dit qu'elle se figurait être notre prisonnière, et cherchait par où elle pourrait s'évader.

Ses grands yeux noirs qui erraient de place en place, bien qu'elle tint sa tête obstinément baissée, avaient quelque chose de tragique. Ils étaient farouches, presque fauves. Je me demandai s'ils savaient pleurer. Ils paraissaient ignorer les larmes, qui ont leur douceur, après tout. Brulés par la fièvre qui avait noirci leurs paupières, ils dilataient leur pupille avec une sorte d'horreur terrifiée qui faisait mal à voir.

L'étrangère s'était assise ou plutôt affaissée sur le siège où grand-père l'avait installée dans la salle à manger. C'était en vain que Marion avait placé devant elle un plateau chargé de mets, dont un bol de bouillon chaud tenait le milieu. Ses mains jetées sur ses genoux, le corps secoué par un frisson qui faisait claquer ses dents, l’Espagnole restait inerte, n’ayant de vivant dans la figure que ses grands yeux noirs qui ne s’arrêtaient jamais sur nous.

Tante Paule n’avait qu’un seul préjugé, mais il était invincible : c’était sa répulsion pour les choses ou les gens étranges, sortant du moule habituel. Son indulgence l’abandonnait dès qu’elle se trouvait en présence de ce qu’elle nommait une monstruosité. Me voyant émue et prête à me rapprocher de l’étrangère, elle me retint et me dit tout bas :

« Rentre chez toi ; ne reste pas plus longtemps à regarder cette figure de cauchemar, et ferme ta chambre à clé surtout. La charité de mon père nous donne des hôtes bizarres. Cette fille a l’air d’une criminelle ou d’une folle. »

Je n’avais nulle envie de me retirer ; mais les habitudes d’obéissance auxquelles on m’avait pliée l’auraient emporté sur mon désir de rester si grand-père ne m’eût dit en espagnol :

« Anna, viens donc engager cette pauvre petite à se réconforter. Tu seras peut-être plus persuasive que moi. »

Et, comme je m’approchais avec empressement, il ajouta :

« Elle se nomme Andrésita. »

J’allai vers l’étrangère, qui, jusque-là, n’avait paru rien entendre et qui tressaillit quand je lui pris la main pour lui souhaiter la bienvenue, l’assurer de notre sympathie et la prier de se restaurer. Elle me regarda, et je vis se fondre dans une expression de surprise reconnaissante cet égarement de ses yeux qui m’avait été si pénible. Puis, elle embrassa d’un coup d’oeil toutes les physionomies qui l’entouraient et elle murmura :

« Je suis donc enfin chez des chrétiens, chez de bonnes gens !

Oui, Andrésita, » lui dit mon grand-père. « Vous êtes de plus chez un magistrat auquel vous pourrez porter vos plaintes si vous en avez à faire, et qui soutiendra votre cause si elle est juste. »

L’Espagnole secoua la tête et répondit d’un air sombre :

« On vous a raconté les faits tels qu’ils se sont passés, Monsieur. S’il y a eu mauvaise intention, ce n’a pas été jusqu’à l’idée de causer un malheur. Dieu seul, et non pas la justice, peut punir les gens qui abusent d’un pauvre malheureux pour s’égayer à lui faire perdre la raison, »

Elle avait parlé avec cette noblesse instinctive, familière au peuple dans les moments de profonde émotion ; mais la qualité des sentiments qu’elle avait exprimés était supérieure pour moi à la forme de son langage, éloquente dans sa concision.

Je lui parlai de mon mieux, la pressai de prendre quelque nourriture ; elle me refusait ; j’insistai au moins pour qu’elle avalât quelques gorgées de bouillon. Il m’échappa de lui dire qu’elle m’affligeait par sa résistance.

Elle prit ma main, la baisa malgré moi, et répondit avec émotion :

« Je vous afflige, Mademoiselle ? Pour ce mot-là, le meilleur qu’on m’ait adressé depuis longtemps, je vous obéirai, je me forcerai même à manger. Aussi bien, il faut que je me soutienne pendant un ou deux jours. Après… »

Sa main droite étendue fit le geste de jeter loin d’elle tout souci de ce qu’elle pourrait devenir.

Elle but, elle mangea même, mais avec peine, en s’efforçant, suivant son expression. Elle en fut ranimée. Sa figure perdit ces teintes livides qui mettent comme des taches de craie sur les teints olivâtres.

« Et maintenant, » nous dit-elle en se levant, « je vous remercie de vos bontés, mais il est temps que je m’en aille. Vous comprenez bien que je ne puis pas le laisser seul ou veillé par les gens de là-bas. »

Grand-père lui promit de la conduire aux Effraies de grand matin : on ne pouvait lui permettre d’y aller seule, en pleine nuit. Il épuisa tous les raisonnements possibles pour lui prouver que son projet était impraticable. Il finit en l’assurant que nul des honneurs mortuaires ne manquerait à son père.

« Il n’était pas mon père, » dit Andrésita, « mais le frère de ma mère, le seul parent qui me restât. Notre village a été brûlé pendant la guerre carliste ; tous les miens ont péri : père, mère et deux frères, deux beaux jeunes hommes. Ils ont tous eu nos larmes et nos prières à leur veillée mortuaire. Mon oncle Perez Ruiz, ruiné aussi, m’a vue languissante entre toutes ces tombes et il m’a dit : « Quittons ce pays de mort. » Nous avons passé par l’Andorre, et nous sommes venus en France, gagnant notre pain par les chemins. Mon oncle n’avait plus que moi au monde ; il était vieux, je le soignais, nous parlions ensemble de tous les nôtres… Je n’avais plus que lui. Vous voyez que je ne puis pas rester ici à dormir dans un bon lit pendant qu’il passe sa dernière nuit sur terre tout seul ou avec ces gens qui l’ont tué. »

Andrésita parlait avec tant de véhémence que son corps frêle recommençait à trembler ; ses mains, qu’elle tendait vers nous, se crispaient, et ses dernières paroles sortirent de sa bouche avec un sanglot ; mais ses yeux restaient secs et je craignis une explosion de révolte chez elle lorsque grand-père lui répondit :

« Mon enfant, je vous répète que vous n’êtes pas en état de faire à pied la lieue qui nous sépare des Effraies. Je vous promets de vous y mener moi-même demain. Prouvez-moi que vous avez honoré vos parents par votre obéissance en obéissant ce soir à votre hôte, à un vieillard.

C’est bien, » murmura l’Espagnole en baissant la tête, et elle se laissa conduire sans résistance à la chambre qui lui était destinée.



IV.


Je m’éveillai le lendemain plus tard que de coutume. Tante Paule, dont la ponctualité avait été mise en déroute aussi par notre soirée prolongée de la veille, était descendue depuis peu de temps quand je la retrouvai au rez-de-chaussée, tâtant la serrure de chaque meuble, ouvrant l’une après l’autre les boites à argenterie.

« Tu ne devines pas ce qui s’est passé ? » répondit-elle à mes questions sur le motif de cette inspection matinale. « Cette soi-disant Espagnole, cette gitana a pris son vol cette nuit, et ce n’a pas dû être les mains vides. Quand Marion est entrée ce matin dans la chambre jaune, elle a trouvé le lit tel qu’il avait été préparé hier au soir ; cette étrangère ne s’était pas mème couchée un instant… Ah ! rien ne manque ici. Allons vérifier le secrétaire du salon où mon père laisse des valeurs, par une imprudence que je me suis permis de lui reprocher souvent. »

Rien n’avait été enlevé ni mème dérangé de place au salon, pas plus qu’à la salle à manger. J’en étais persuadée d’avance, mais tante Paule m’avait imposé silence quand j’avais voulu soutenir la probité d’Andrésita.

« Attends, » s’était-elle écriée, « que nous ayons vérifié partout. Sache bien que je ne m’en prendrais pas tant à cette créature qu’à la générosité imprudente qui lui a ouvert notre maison. Mettre à la portée de gens dénués un ensemble d’objets dont le moindre a une valeur vénale, c’est tenter la misère. Si elle succombe, la faute n’est pas à elle seule. »

Tout en moralisant ainsi, tante Paule allait d’une pièce à l’autre, opérant des constatations de présence qui l’étonnaient. Je dus même lui montrer, ouvrir devant elle le coffret où je gardais les bijoux simples et peu nombreux de ma mère, par la raison que mon sommeil profond aurait pu permettre à l’Espagnole de s’introduire dans ma chambre pour me les voler.

Quand il fut bien prouvé qu’il ne manquait pas une épingle dans la maison, tante Paule ne put se résoudre à abdiquer ses soupçons ; elle échafauda tout un nouveau roman qu’elle me communiqua dans ces termes :

« Elle se sera contentée de prendre les empreintes des serrures pour revenir la nuit prochaine avec les gens de sa bande. Sûrement, elle n’était pas seule avec l’Espagnol qui est mort aux Effraies. Son insistance à appuyer sur ce fait pour nous rassurer prouve le contraire. Le vieux donjon gardant un air de château, ils se seront figuré qu’il y avait là un bon coup à faire. Puis, la mort de l’Espagnol, - le chef de la bande peut-être, - les aura déroutés. La fille a tâché, par ses cris, de tirer parti de façon ou d’autre de cet incident. Vous vous êtes laissé prendre à ses belles paroles ; je ne les comprenais pas ; mais, les eussé-je entendues, que je me serais piquée de rester plus clairvoyante. Cette fille faisait des gestes de comédienne, elle roulait des yeux féroces. Enfin, elle était étrange. Je n’ai pas cessé de me défier d’elle, malgré votre engouement. J’ai à peine dormi, et il faut qu’elle ait à son service des roueries de voleuse pour avoir pu sortir de sa chambre et de la maison sans que je l’aie entendue… J’admire la bonhomie de mon père. Elle n’est pas d’un ancien magistrat au fait des pratiques criminelles. Croirais-tu qu’en trouvant l’Espagnole disparue au moment où il la faisait prévenir que la voiture était attelée, il dit à Marion :

« Cette pauvre petite n’aura pu y tenir. Elle m’aura précédé aux Effraies. »

Je répondis :

« Je suis persuadée qu’il l’y retrouvera. »

J’avais eu hâte de protester contre les soupçons de tante Paule. Elle me gronda et me renvoya à mes études. Deux dames de nos amies qui vinrent s’enquérir des événements de la veille, sous prétexte de rapporter un modèle de dentelle au crochet, furent mieux disposées que moi à adopter ses préventions ; elles réussirent même à les envenimer. Grand-père revint des Effraies comme l’Angelus de midi sonnait et tante Paule s’empressa de lui dire :

« Je gage que vous n’avez pas trouvé la fugitive. Avez-vous pensé à mettre la gendarmerie à ses trousses ? Il se trouve des cachettes propices aux malfaiteurs dans les trous de cave creusés aux mines abandonnées des Effraies. On a eu le tort de ne pas les boucher quand on a renoncé à l’exploitation. Ces nids à hiboux m’ont toujours fait peur. C’est par là qu’il faut chercher la bande de ces Espagnols.

— Déjeunons d’abord, » répondit gravement grand-père. « Après nous aurons assez de choses à faire. »

Le repas aurait été silencieux si tante Paule n’eût été travaillée par la curiosité ; elle ne se lassait pas d’exposer ses conjectures, celles de ses deux visiteuses et de questionner grand-père qui hochait la tête sans me laisser deviner s’il partageait ou repoussait ces fâcheuses impressions. Ce silence me pesait, je croyais à la sincérité d’Andrésita ; mais j’avais hâte qu’elle me fût attestée.

Ce fut à Marion que grand-père adressa la parole lorsqu’elle apporta le café, et pour lui commander d’aller chercher Cadette Destos. C’était une journalière, une vieille femme qui louait ses services pour les lessives et qui, au besoin, remplissait l’office de garde-malade et se chargeait d’ensevelir les morts.

« Quand vous l’aurez avertie, » dit grand-père à Marion, « vous préparerez un panier de victuailles, tout ce qu’il faut de nourriture et de vin pour deux femmes pendant vingt-quatre heures. »

Lorsque Marion fut sortie, grand-père m’adressa une question inattendue :

« Combien faut-il de mètres d’étoffe noire en laine, solide mais grossière, pour faire une robe de femme en y ajoutant un capuchon à mantelet ? »

Pendant que je calculais l’aunage, il tira de sa poche un petit sac de peau et le vida sur la table. Il en tomba trois ou quatre pièces d’or, quelque monnaie d’argent et quatre ou cinq francs en billon.

« Voilà, » dit-il, « toute la fortune d’Andrésita, de quoi payer son deuil et les funérailles de son oncle. Elle espère en être quitte sans rien devoir à personne.

— Si je me suis trompée sur son compte, » dit tante Paule avec confusion, « je demande à réparer ma faute en lui payant son costume de deuil et en le confectionnant moi-même, Anna m’aidera. Mais quel besoin avez-vous de Cadette Destos et de ce panier de provisions ?

— Excusez-moi, j’ai deux lettres à écrire en Espagne, » répondit grand-père en s’acheminant vers son bureau.

Je le suppliai de nous apprendre ce qui s’était passé aux Effraies ; il vit bien qu’il n’y avait pas là une curiosité banale, mais chez moi un vif intérêt pour Andrésita, et chez tante Paule, qui n’osait le questionner pour sa part, un désir réel de réparation morale.

« Mes enfants, » nous dit-il, la nature humaine dont on dit tant de mal, moi tout le premier, a pourtant des grandeurs qu’on trouve à révérer jusque dans les âmes les moins cultivées. Je ne sais ce qu’est Andrésita ; je ne pourrai juger de son passé que si je reçois des réponses aux lettres que je vais écrire à l’alcade et au curé de son village ; mais j’affirme qu’elle est un caractère à part et une âme, à certains égards, d’élite. Ce n’a pas été d’une personne ordinaire de ne pouvoir prendre de repos ici et de courir à travers la nuit à un triste devoir. Notez qu’Andrésita trouvait grave la faute de désobéir à son hôte ; sa première parole, en me voyant, a été pour s’excuser et me dire que « ç’avait été plus fort qu’elle ». Elle a causé en arrivant là-bas une peur affreuse au jardinier des Effraies qui gardait le mort sans oser rester dans la pièce où on l’avait disposé et qui stationnait de l’autre côté de la porte. Il a pris Andrésita pour un fantôme et s’est sauvé… Mais ce qui m’a prouvé la fierté de cette fille, ce que je vous disais de son caractère, c’est qu’elle ne veut rien devoir à M. de Capmont, pas même les premiers frais qu’on a faits pour le mort et qu’elle m’a chargé de payer. Elle a refusé également les mets qu’on lui envoyait. Voilà pourquoi j’envoie là-haut Cadette Destos. Vous stylerez la vieille femme fin qu’elle s’ingénie à faire manger et se reposer Andrésita d’ici au moment des funérailles, qui n’auront lieu que demain matin. Page:Blandy - La Benjamine.djvu/58 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/59 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/60 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/61 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/62 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/63 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/64 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/65 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/66 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/67 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/68 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/69 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/70 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/71 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/72 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/73 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/74 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/75 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/76 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/77 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/78 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/79 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/80 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/81 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/82 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/83 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/84 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/85 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/86 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/87 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/88 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/89 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/90 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/91 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/92 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/93 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/94 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/95 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/96 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/97 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/98 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/99 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/100 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/101 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/102 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/103 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/104 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/105 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/106 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/107 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/108 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/109 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/110 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/111 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/112 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/113 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/114 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/115 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/116 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/117 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/118 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/119 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/120 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/121 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/122 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/123 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/124 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/125 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/126 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/127 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/128 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/129 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/130 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/131 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/132 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/133 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/134 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/135 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/136 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/137 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/138 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/139 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/140 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/141 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/142 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/143 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/144 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/145 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/146 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/147 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/148 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/149 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/150 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/151 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/152 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/153 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/154 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/155 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/156 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/157 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/158 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/159 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/160 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/161 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/162 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/163 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/164 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/165 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/166 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/167 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/168 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/169 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/170 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/171 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/172 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/173 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/174 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/175 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/176 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/177 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/178 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/179 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/180 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/181 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/182 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/183 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/184 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/185 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/186 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/187 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/188 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/189 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/190 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/191 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/192 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/193 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/194 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/195 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/196 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/197 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/198 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/199 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/200 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/201 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/202 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/203 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/204 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/205 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/206 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/207 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/208 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/209 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/210 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/211 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/212 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/213 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/214 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/215 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/216 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/217 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/218 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/219 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/220 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/221 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/222 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/223 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/224 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/225 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/226 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/227 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/228 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/229 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/230 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/231 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/232 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/233 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/234 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/235 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/236 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/237 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/238 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/239 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/240 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/241 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/242 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/243 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/244 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/245 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/246 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/247 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/248 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/249 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/250 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/251 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/252 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/253 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/254 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/255 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/256 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/257 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/258 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/259 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/260 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/261 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/262 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/263 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/264 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/265 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/266 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/267 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/268 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/269 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/270 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/271 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/272 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/273 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/274 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/275 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/276 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/277 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/278 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/279 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/280 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/281 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/282 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/283 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/284 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/285 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/286 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/287 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/288 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/289 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/290 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/291 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/292 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/293 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/294 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/295 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/296 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/297 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/298 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/299 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/300 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/301 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/302 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/303 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/304 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/305 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/306 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/307 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/308 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/309 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/310 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/311 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/312 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/313 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/314 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/315 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/316 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/317 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/318 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/319 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/320 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/321 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/322 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/323 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/324 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/325 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/326 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/327 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/328 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/329 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/330 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/331 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/332 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/333 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/334 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/335 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/336 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/337 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/338 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/339 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/340 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/341 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/342 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/343 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/344 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/345 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/346 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/347 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/348 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/349 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/350 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/351 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/352 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/353 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/354 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/355 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/356 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/357 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/358 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/359 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/360 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/361 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/362 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/363 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/364 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/365 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/366 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/367 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/368 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/369 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/370 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/371 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/372 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/373 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/374 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/375 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/376 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/377 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/378 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/379 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/380 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/381 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/382 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/383 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/384 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/385 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/386 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/387 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/388 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/389 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/390 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/391 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/392 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/393 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/394 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/395 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/396 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/397 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/398 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/399 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/400 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/401 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/402 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/403 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/404 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/405 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/406 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/407 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/408 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/409 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/410 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/411 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/412 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/413 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/414 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/415 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/416 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/417 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/418 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/419 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/420 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/421 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/422 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/423 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/424 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/425 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/426 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/427 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/428 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/429 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/430 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/431 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/432 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/433 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/434 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/435 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/436 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/437 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/438 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/439 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/440 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/441 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/442 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/443 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/444 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/445 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/446 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/447 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/448 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/449 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/450 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/451 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/452 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/453 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/454 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/455 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/456 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/457 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/458 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/459 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/460 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/461 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/462 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/463 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/464 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/465 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/466 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/467 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/468 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/469 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/470 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/471 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/472 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/473 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/474 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/475 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/476 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/477 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/478 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/479 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/480 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/481 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/482 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/483 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/484 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/485 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/486 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/487 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/488 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/489 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/490 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/491 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/492 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/493 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/494 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/495 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/496 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/497 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/498 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/499 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/500 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/501 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/502 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/503 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/504 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/505 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/506 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/507 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/508 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/509 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/510 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/511 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/512 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/513 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/514 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/515 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/516 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/517 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/518 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/519 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/520 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/521


XL.


Des deuils aussi cruels laissent une longue trace dans les cœurs qu’ils ont éprouvés ; mais la douleur a des manifestations bien diverses. Chez M. de Capmont, elle prit le caractère du remords. Il fit condamner la chambre où la pauvre Amine était morte, ferma les Effraies et partit pour un long voyage. Mon père, oublieux de ses affaires, passa six mois aux Tillières, errant par le parc, ne parlant à personne et supportant à peine notre vue. Mme Desbray se soulageait par une abondance de larmes et ne repoussait pas nos consolations. J’avais quitté Montserrou pour les Tillières, afin de ne pas abandonner mon père dans une si pénible épreuve. Reginald venait chaque soir, sans se plaindre de la fatigue ni de la privation de notre vie d’intimité. Dans cette maison désolée, le seul être heureux était notre petit James. Il commençait à bégayer, il souriait, et je me disais que Page:Blandy - La Benjamine.djvu/523 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/524 Page:Blandy - La Benjamine.djvu/525 guise quand vous avez trouvé mes vœux conformes à la saine raison. Ah ! mon père, je ne veux pas pousser plus loin la comparaison ; elle nous serait cruelle à tous deux, dans un sens inattendu pour vous. Mais sachez que je n’ai jamais passé un seul jour sans vous révérer, sans vous aimer, et ce n’est pas à justement parler ma pauvre sœur, c’est moi qui ai été votre Benjamine ! »

FIN.
Page:Blandy - La Benjamine.djvu/530

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)