L’Encyclopédie/1re édition/PAROISSE
PAROISSE, s. f. (Théolog.) qui signifie proprement prochaine demeure, & en latin parochia.
C’est une portion d’un diocese, d’un district, une certaine étendue de pays gouvernée par un prêtre en titre, qu’on nomme curé. Voyez Diocèse & Curé.
Selon le P. Thomassin il ne paroît pas par les monumens ecclésiastiques des trois ou quatre premiers siecles, qu’il y eût alors de paroisses, ni par conséquent de curés. On ne voit pas, dit-il, le moindre vestige d’église alors subsistante, où l’évêque ne présidât point. S. Justin dit nettement, dans sa seconde apologie, que le dimanche les fideles de la ville & de la campagne s’assemblent dans le même lieu, & que l’évêque y offre le sacrifice de l’eucharistie, qu’on le distribue à ceux qui se trouvent présens, & qu’on l’envoie aux absens par les diacres. Le texte de S. Justin ne porte pas précisement l’évêque, mais le président de l’assemblée, & ç’auroit bien pu être un simple prêtre. Quoi qu’il en soit, cet auteur ajoute que ce ne fut que vers la fin du iv. siecle qu’on commença à ériger des paroisses en Italie. Il reconnoît pourtant que dès le tems de Constantin il y avoit à Alexandrie des paroisses, établies à la ville & à la campagne. S. Epiphane nous apprend qu’il y avoit dans cette capitale de l’Egypte, plusieurs quartiers nommés laures, nom qu’on donna depuis aux monasteres, dans chacun desquels il y avoit une église, où résidoient plusieurs prêtres, mais dont un seul étoit le président. S. Athanase ajoute, que dans les grands villages il y avoit des églises & des prêtres pour les gouverner, & il en compte dix dans le pays appellé Maréotes. Il dit enfin qu’aux jours de fête les plus solemnels les curés d’Alexandrie ne célébroient point la messe, mais que tout le peuple s’assembloit dans une église pour assister aux prieres & aux sacrifices offerts par l’évêque. Discipline ecclés. part. I. l. I. ch. xxj. & xxjj.
Bingham, qui a davantage approfondi ce qui concerne l’origine & l’institution des paroisses, montre qu’elles sont devenues nécessaires à-proportion que le christianisme s’est étendu. En effet, à mesure que le nombre des fideles s’est accru, il a fallu multiplier celui des églises & des ministres pour célébrer les saints mysteres, conférer les sacremens & administrer l’eucharistie, sur-tout dans les grandes villes. Les mêmes raisons qui ont engagé à former de nouveaux dioceses & à multiplier les évêques, ayant également porté ceux-ci à ériger les paroisses, & à en confier le gouvernement à des prêtres éprouvés, de-là il conclut que dès le tems même des apôtres, ou du moins dans les premiers siecles, on avoit érigé des paroisses dans les grandes villes, telles que Jérusalem & Rome ; puisqu’Optat nous apprend que dans cette derniere ville, il y avoit déjà quarante églises ou basiliques avant la persécution de Dioclétien, c’est-à-dire avant la fin du iij. siecle. Les moindres villes avoient, selon lui, leurs églises paroissiales, gouvernées par des prêtres & des diacres, situées à la campagne dans des villages ou hameaux, où les fideles se rassembloient dans les tems de persécution avec moins de danger qu’ils n’eussent fait dans les villes. Comme il paroît par les conciles d’Evire & de Néocésarée, tenus vers ce tems-là, d’où il s’ensuit qu’au moins les paroisses, soit à la ville, soit à la campagne, ont été établies d’assez bonne heure, non pas toutes à la fois, mais selon l’exigence des cas & la prudence des évêques. Le concile de Vaison, tenu en 542, fait expressément mention des paroisses de campagne, & accordent aux prêtres qui les gouvernent le pouvoir de prêcher. On les établit de même & successivement, selon le besoin, dans le reste des Gaules & dans les pays du Nord. Quant à l’Angleterre, Bingham observe que du tems des Saxons le nom de paroisse y étoit inconnu dans le sens où nous le prenons aujourd’hui : car alors il signifioit un diocèse entier, ou le district soumis à la jurisdiction d’un évêque. Ce ne fût qu’après la mission du moine S. Augustin, & sous le pontificat d’Honorius IV. archevêque de Cantorbery, ou même sous Théodose son successeur, vers l’an 680, qu’on érigea des paroisses dans les villes & les villages ; & en 694 on avoit déjà assigné aux curés les dixmes & autres pareils revenus pour leur subsistance.
Il avoue cependant que dans les grandes villes, telles que Rome, Alexandrie, &c. les paroisses n’étoient pas gouvernées par des curés en titre, mais par des prêtres que les évêques tiroient de leur clergé, & qu’ils changeoient ou révoquoient selon leur volonté. Il paroît que c’est aussi le sentiment de M. de Valois, dans ses notes sur le xv. ch. du I. lib. de Sozomene. Le P. Petau pense au contraire qu’ils étoient attachés chacun au service d’une église particuliere. La coutume que soutiennent Bingham & M. de Valois, avoit encore lieu à Constantinople du tems de Justinien, où trois nouvelles églises construites dans l’enceinte de cette ville, n’avoient point encore de prêtres propres ou de curés, mais étoient gouvernées par des prêtres qu’on y envoyoit de la grande église.
D’abord les paroisses n’avoient point de revenus propres à elles, mais les offrandes qu’on y faisoit, les dixmes, rentes ou autres biens à elle appartenans par acquisition, donation ou autrement, étoient mis entre les mains de l’évêque qui se chargeoit de pourvoir à l’entretien des paroisses, & à la subsistance des prêtres qui les desservoient. Depuis ces biens furent abandonnés aux églises paroissiales & aux curés, à condition d’en payer une portion chaque année ou à l’évêque, ou à l’église matrice, c’est-à-dire à la cathédrale ou à la métropole ; de-là les dons ou droits qu’on nomma cathédratiques & pentecostales. Voyez Cathédratique & Pentecostale.
Cela dura dans l’église grecque jusqu’au milieu du cinquieme siecle ; dans celle d’occident, les évêques d’Espagne furent les premiers qui au concile de Brague, tenu en 572, remirent aux paroisses la troisieme partie du revenu qu’eux, évêques, avoient coutume de retenir, & l’appliquerent à l’entretien du luminaire & aux réparations, se réservant seulement deux sols pour l’honoraire de leur visite, duos solidos. Dans les églises des Gaules & de Germanie, les évêques se reserverent encore assez long-tems le quart du revenu des paroisses, comme on voit par les capitulaires de nos rois. Les évêques d’Angleterre imiterent ceux d’Espagne ; mais Bingham ne fixe point l’époque de l’abolition de l’ancien usage. Il remarque seulement que les évêques de l’île de Man, qui n’avoient plus gueres de commerce avec ceux d’Angleterre, n’abandonnerent pas de même leurs anciens droits. Bingham, orig. ecclés. t. III. l. IX. c. viij. § 1. 2. 3. 4. & seq.
Aujourd’hui, parmi nous, les revenus tant fixes que casuels des paroisses, sont distingués de ceux des curés ou vicaires perpétuels, qui gouvernent ces paroisses en titre, & ils sont administrés du consentement des curés & des paroissiens, par des receveurs comptables, qu’on nomme marguilliers. Voyez Marguilliers, Œconomes, Défenseurs
Paroisse, (Jurisprud.) les marques qui distinguent les paroisses des autres églises sont les fonts baptismaux, le cimetiere, la desserte de l’église faite par un curé, & la perception des dixmes. Il y a néanmoins quelques-unes de ces marques qui sont aussi communes à d’autres églises ; mais il n’y a que les paroisses qui soient régies par un curé.
Les droits des paroisses sont que les fideles doivent y assister aux offices & instructions ; que pendant la grande messe paroissiale on ne doit point célebrer de messes particulieres ; que chacun doit rendre le pain béni à son tour, s’acquitter du devoir paschal dans sa paroisse ; que le curé de la paroisse, ou celui qui est commis par lui, peut seul administrer les sacremens aux malades ; enfin que chacun doit être baptisé, marié, & inhumé dans la paroisse où il demeure actuellement. Les registres que les curés sont obligés de tenir des baptêmes, mariages & sépultures, sont ce que l’on appelle vulgairement les régistres des paroisses
Autrefois les curés avant de dire la messe, interrogeoient les assistans, pour savoir s’ils étoient tous de la paroisse ; s’il s’en trouvoit d’étrangers, il les renvoyoit dans leur église.
Trois choses peuvent donner lieu à l’érection des nouvelles paroisses.
1°. La nécessité & l’utilité qu’il y a de le faire, par rapport à la distance des lieux, & l’incommodité que le public souffre pour aller à l’ancienne paroisse, & la commodité qu’il trouvera à aller à la nouvelle.
2°. La requisition des personnes de considération, la charge par ces personnes de doter la nouvelle église.
3°. La requisition des peuples, auxquels on doit procurer tous les secours spirituels autant qu’il est possible.
Avant de procéder à une nouvelle érection, il est d’usage de faire une information de commodo & incommodo.
Dix maisons sont suffisantes pour former une paroisse ; le concile d’Orléans, tenu dans le sixieme siecle, & celui de Tolede, l’ont ainsi décidé.
C’est à l’évêque à procéder à la division & érection des paroisses.
La direction des paroisses dépendantes des monasteres, exempts ou non exempts, appartient à l’évêque diocésain privativement aux religieux.
Les anciennes paroisses qui ont été démembrées pour en former de nouvelles, sont considérées à l’égard de celles-ci, comme meres-églises, ou églises matrices ; & les nouvelles paroisses sont quelquefois qualifiées de filles ou fillettes à l’égard de l’église matrice.
Quelques paroisses ont aussi des annexes & succursales.
Il y avoit autrefois des paroisses personnelles, & non territoriales, c’est-à-dire que la qualité des personnes les attachoit à une paroisse, & le curé avoit droit de suite sur ses paroissiens. L’exemple le plus singulier que l’on trouve de ces paroisses qui étoient personnelles, est celui des églises de Sainte-Croix & de Saint-Maclou, de la ville de Mantes. Suivant une transaction passée entre les deux curés, l’église de Sainte-Croix étoit la paroisse des nobles & des clercs ; dès qu’un homme avoit été tonsuré, il devenoit dépendant de cette paroisse, & quand même il venoit à se marier, lui & toute sa famille demeuroient toujours attachés à la même paroisse ; mais cette transaction fut avec juste raison déclarée abusive par arrêt du grand conseil de l’année 1677, qui ordonna que ces deux paroisses seroient divisées par territoire, & l’exécution en fut ordonnée par un autre arrêt du 31 Mai 1715.
Une maison bâtie sur les confins de deux paroisses est de celle en laquelle se trouve la principale porte & entrée de la maison.
L’union de plusieurs paroisses ensemble ne peut être faite que par l’évêque ; il faut qu’il y ait nécessité ou utilité, & ouir les paroissiens.
On fait au prône des paroisses la publication de certains actes, tels que les mandemens & lettres pastorales des évêques.
Les criées de biens saisis se font à la porte de l’église paroissiale.
On appelle seigneur de paroisse celui qui a la haute justice sur le terrein où l’église paroissiale se trouve bâtie, quoiqu’il ne soit pas seigneur de tout le territoire de la paroisse.
Voyez le decret de Gratien, tit. de parochiis, &c. Rebuffe, sur le concordat, tit. de collationibus, § statuimus ; l’auteur des définitions canoniques, la bibliotheque canonique, les lois ecclésiastiques, les mémoires du clergé, & le code des curés. Voyez aussi les mots Annexe, Cure, Curé, Dixme, Église, Messe, Pain béni, Paroissial, Paroissien, Succursale, Union. (A)