L’Encyclopédie/1re édition/MARGUILLIER

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MARGUILLIER, s. m. (Jurisp.) est l’administrateur des biens & revenus d’une église. Les marguilliers sont nommés en latin, matricularii, aditui, operarii, administratores, hierophylaces, & en françois, dans certains lieux, on les appelle sabriciens, procureurs, luminiers, gagers, &c.

Le nom le plus ancien qu’on leur ait donné est celui de marguillier, matriculii, ou matricularii, ce qui vient de ce qu’ils étoient gardes du rôle ou matricule des pauvres, lesquels n’osant alors mendier dans les églises, se tenoient pour cet effet aux portes en dehors. La matricule de ces pauvres étoit mise entre les mains de ceux qui recevoient les deniers des quêtes, collectes & dons faits pour les nécessités publiques, & qui étoient chargés de distribuer les aumônes à ces pauvres. On appelloit ces pauvres matricularii, parce qu’ils étoient inscrits sur la matricule, & l’on donna aussi le même nom de matricularii aux distributeurs des aumônes, parce qu’ils étoient dépositaires de la matricule.

Entre les pauvres qui étoient inscrits pour les aumônes, on en choisissoit quelques-uns pour rendre à l’église de menus services ; comme de balayer l’église, parer les autels, sonner les cloches. Dans la suite, les marguilliers ne dédaignerent de prendre eux mêmes ce soin, ce qui peut encore contribuer à leur faire donner le nom de matricularii, parce qu’ils prirent en cette partie la place des pauvres matriculiers, qui étoient auparavant chargés des mêmes fonctions. Les paroisses ayant été dotées, & les marguilliers ayant plus d’affaires pour administrer les biens & revenus de l’église, on les débarrassa de tous les soins dont on vient de parler, dont on chargea les bedeaux & autres ministres inférieurs de l’église. Néanmoins dans quelques paroisses de campagne, l’usage est encore demeuré, que les marguilliers rendent eux-mêmes à l’église tous les mêmes services qu’y rendoient autrefois les pauvres, & que présentement rendent ailleurs les bedeaux.

Les marguilliers étoient autrefois chargés du soin de recueillir les enfans exposés au moment de leur naissance, & de les faire élever. Ils en dressoient procès-verbal, appellé epistola collectionis, comme on voit dans Marculphe. Ces enfans étoient les premiers inscrits dans la matricule ; mais présentement c’est une charge de la haute-justice.

Ce ne fut d’abord que dans les églises paroissiales que l’on établit des marguilliers, mais dans la suite on en mit aussi dans les églises cathédrales, & même dans les monasteres. Dans les cathédrales & collégiales il y avoit deux sortes de marguilliers, les uns clercs, les autres lais. Odon, évêque de Paris, institua en 1204, dans son église, quatre marguilliers lais, dont le titre subsiste encore présentement. Ils ont conserve le surnom de lais, pour les distinguer des quatre marguilliers clercs, qu’il institua dans le même tems. Ces marguilliers lais sont considérés comme officiers de l’église, & portent la robe & le bonnet.

Dans les églises paroissiales, il y a communément deux sortes de marguilliers ; les uns qu’on appelle marguilliers d’honneur, c’est-à-dire ad honores, parce qu’ils ne se mêlent point du maniement des deniers, & qu’ils sont seulement pour le conseil, on prend, pour remplir ces places, des magistrats, des avocats, des secretaires du roi. Les autres qu’on appelle marguilliers comptables, sont des notaires, des procureurs, des marchands, que l’on prend pour gérer les biens & revenus de la fabrique.

Les marguilliers sont dépositaires de tous les titres & papiers de la fabrique, comme aussi des livres, ornemens, reliques, que l’on emploie pour le service divin.

Ce sont eux qui font les baux des maisons & autres biens de la fabrique ; ils font les concessions des bancs, & administrent généralement tout ce qui appartient à l’église.

La fonction de marguillier est purement laïcale ; il faut pourtant observer que tout curé est marguillier de sa paroisse, & qu’en cette qualité, il a la premiere place dans les assemblées de la fabrique. Les marguilliers laïcs ne peuvent même accepter aucune fondation, sans y appeller le curé & avoir son avis.

L’élection des marguilliers n’appartient ni à l’évêque, ni au seigneur du lieu, mais aux habitans ; & dans les paroisses qui sont trop nombreuses, ce sont les anciens marguilliers qui élisent les nouveaux.

On ne peut élire pour marguillier aucune femme, même constituée en dignité.

Les marguilliers ne sont que de simples administrateurs, lesquels ne peuvent faire aucune aliénation du bien de l’église, sans y être autorisés avec toutes les formalités nécessaires.

Le tems de leur administration n’est que d’une ou deux années, selon l’usage des paroisses. On continue quelquefois les marguilliers d’honneur.

Les marguilliers comptables sont obligés de rendre tous les ans compte de leur administration aux archevêques ou évêques du diocèse, ou aux archidiacres, quand il font leur visite dans la paroisse. L’évêque peut commettre un ecclésiastique sur les lieux pour entendre le compte. Si l’évêque, ou l’archidiacre ne font pas leur visite, & que l’évêque n’ait commis personne pour recevoir le compte, il doit être arrêté par le curé & par les principaux habitans, & représenté à l’évêque ou archidiacre, à la plus prochaine visite. Les officiers de justice & les principaux habitans doivent aussi, dans la regle, y assister, ce qui néanmoins ne s’observe pas bien régulierement. Voyez l’édit de 1695 ; les lois ecclésiastiques ; Favet, traité de l’abus ; & le mot Fabrique. (A)