L’Encyclopédie/1re édition/DÉFENSEURS

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DÉFENSEURS, s. m. plur. (Hist. eccles.) nom d’office & de dignité qui a été fort en usage autrefois dans l’Eglise & dans l’empire.

C’étoient des personnes chargées par état de veiller au bien public, de protéger les pauvres & les malheureux, & de défendre les intérêts & les causes des églises & des monasteres. Voyez Protecteur.

Le concile de Chalcédoine, can. 2. appelle le défenseur de l’Eglise ἐκκλησιέκδικος ou simplement ἔκδικος Codin de offic. aulæ Constantinopol. parle des défenseurs du palais, ainsi que Bollandus, Act. des SS. Janv. tom. I. pag. 501. Il y avoit encore un défenseur du royaume, defensor regni, des defenseurs des villes, defensores civitatis, des défenseurs du peuple, defensores plebis, ceux qui connoissoient des causes civiles jusqu’à certaine somme, & même des criminelles dans les faits qui n’étoient pas importans. Les donations, les testamens, & autres actes de cette nature, se passoient par-devant eux, & ils avoient à cet effet leurs greffiers & leurs archives. On trouve aussi des défenseurs des pauvres, des orphelins, des veuves, &c. désignés nommément dans les anciens auteurs.

Quant à ceux des églises, on en rapporte l’origine à l’an 420 ou 23. Il en est fait mention dans le 42. canon du concile d’Afrique. Chaque église patriarchale commença à avoir son défenseur : celle de Rome avoit en particulier des défenseurs du patrimoine de S. Pierre, & le pape S. Grégoire y créa sept défenseurs régionnaires ; un pour chaque quartier de Rome : usage qui passa depuis à toutes les autres églises, & s’est perpétué jusqu’aujourd’hui sous d’autres noms, tels que ceux d’avoüé, de vidame pour les grandes églises ; de proviseur, fabricien, marguillier, receveur, pour les églises de moindre considération. Voyez Avoué, Vidame, Proviseur

Dès l’an 407, on voit cependant un concile de Carthage demander à l’empereur pour les églises des défenseurs qui fussent scholastiques, c’est-à-dire des avocats en charge, ayant pouvoir du prince d’entrer & de faire des recherches dans les cabinets, dans les papiers des juges & d’autres magistrats, toutes les fois qu’il seroit jugé nécessaire pour l’intérêt de l’Eglise. On ignore ce qui fut statué sur cette demande. Voyez Scholastique. Chambers.

Le P. Pétau croit que d’abord ces défenseurs étoient laïques ; mais le P. Morin & M. Godefroi montrent par les actes du concile de Chalcédoine qu’ils faisoient partie du clergé, & même que quelques-uns d’entr’eux étoient prêtres. Bingham remarque qu’on ne doit point confondre les défenseurs avec une autre espece d’officiers ecclésiastiques que l’on nommoit cancellarii, ces deux offices étant expressément distingués dans la novelle II. d’Héraclius, rapportée par Leunclavius, Juris. Græc. Roman. tom. I. pag. 79. On croit que ces derniers étoient des notaires ou des écrivains ; au lieu que les défenseurs des églises étoient chargés de l’inspection sur la conduite des moines & des clercs, du soin particulier du temporel des églises, & d’en poursuivre devant les magistrats les causes, soit civiles, soit criminelles. Possidius, dans la vie de S. Augustin, rapporte que le défenseur de l’église d’Afrique employa les voies de droit pour réprimer les violences que les circoncellions exerçoient contre les catholiques. Voyez Circoncellions. Bingham. Orig. eccles. tom. II. liv. III. chap. xj. 021. 123. & seq.

L’empereur dans la cérémonie de son sacre prend encore la qualité d’avocat ou d’avoüé de l’église. Et les rois de la Grande-Bretagne conservent encore aujourd’hui le titre de défenseurs de la foi, donné en 1521 à Henri VIII. par le pape Léon X. à l’occasion des écrits que ce prince fit contre Luther, & confirmé depuis par Clément VII. Chamberlayne prétend que long-tems avant cette époque les rois d’Angleterre portoient ce titre ; & il cite pour preuve plusieurs patentes plus anciennes, accordées à l’université d’Oxford ; ensorte que selon cet auteur, la bulle de Léon X. n’est que le renouvellement ou la confirmation d’un ancien droit, dont jouissoient depuis long-tems les monarques Anglois. Etat présent de la Grande-Bretagne, liv. I. Chambers. (G)