L’Encyclopédie/1re édition/OPÉRATION

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OPÉRATION, s. f. en Logique, se dit des actes de l’esprit. On en compte quatre : savoir, l’appréhension ou perception, le jugement, le raisonnement & la méthode, voyez les chacun à son article. Toutes les opérations de notre ame s’engendrent d’une premiere : voici l’ordre de leur génération. Nous commençons par éprouver des perceptions dont nous avons conscience. Nous formons-nous ensuite une conscience plus vive de quelques perceptions ; cette conscience devient attention. Dès-lors les idées se lient, nous reconnoissons en conséquence les perceptions que nous avons eues, & nous nous reconnoissons pour le même être qui les a eues : ce qui constitue la réminiscence. L’ame réveille-t-elle ses perceptions ; c’est imagination. Les conserve-t-elle ; c’est contemplation. En rappelle-t-elle seulement les signes ; c’est mémoire. Dispose-t-elle de son attention ; c’est réflexion ; & c’est d’elle enfin que naissent toutes les autres. C’est proprement la réflexion qui distingue, compare, compose, décompose & analyse ; puisque ce ne sont là que différentes manieres de conduire son attention. De là se forment, par une suite naturelle, le jugement, le raisonnement, la conception.

Opération, en Théologie, se dit des actions du Verbe & de l’Homme dans J. C. L’Eglise catholique enseigne qu’il y a deux opérations en J. C. l’une divine & l’autre humaine, & non pas une opération théandrique, comme s’exprimoient les Monothélites & les Monophysites. Voyez Théandrique.

Opération, terme de Chirurgie, action méthodique de la main du chirurgien sur les parties du corps de l’homme, pour lui conserver ou lui rétablir la santé.

Les opérations de chirurgie s’exécutent généralement en réunissant les parties divisées ; en divisant ce qui est uni ; en faisant l’extraction des corps étrangers, & extirpant ce qui est superflu, défectueux & nuisible ; & en ajoutant ce qui manque par défaut de la nature ou par accident. Ces quatre genres d’opérations sont connus sous les noms de synthese, de diérese, d’exérese & de prothese. Voyez ces mots chacun à son article. Souvent plusieurs de ces opérations se trouvent réunies dans une seule ; tel est un abscès qu’on ouvre, dont on tire le pus, & où il faut ensuite procurer la réunion des parties.

Les opérations se font suivant certaines regles générales. Les auteurs scholastiques prescrivent essentiellement quatre choses. Il faut observer 1°. quelle est l’opération qu’on doit faire ; 2°. pourquoi on la fait ; 3°. si elle est nécessaire & possible ; 4°. enfin quelle est la maniere de la faire.

On saura, dit-on, quelle est l’opération qu’on doit faire, par les connoissances anatomiques de la partie malade ; par les lumieres qu’on aura acquises en lisant les auteurs qui ont traité des opérations, & pour avoir vu pratiquer ces mêmes opérations par les maîtres de l’art, voyez Opérateur. La nature de la maladie, ses causes, ses symptomes & ses indications, doivent fournir les raisons pourquoi on la fait : on jugera si elle est nécessaire & possible, en examinant la maladie, les forces du malade, son tempérament, les accidens qui compliquent sa maladie. Enfin la maniere de la faire est une quatrieme condition qu’on remplit par l’attention à suivre les regles que l’art prescrit pour chaque opération.

Quand on a eu égard à ces choses, & qu’on est déterminé à entreprendre une opération, il faut considerer ce qui doit se faire avant, pendant & après. Avant l’opération, toutes les choses nécessaires pour la bien exécuter seront disposées, voyez Appareil. Pendant qu’on la fait, on sera exact à mettre en pratique les differens préceptes qui concernent chaque opération ; & après qu’on l’a faite, on appliquera méthodiquement l’appareil : le malade sera mis en situation, & l’on apportera tous les soins convenables pour le conduire à une parfaite guérison.

Toutes les opérations de chirurgie ne sont pas des secours urgens ; il y en a qui toutes nécessaires qu’elles sont, peuvent être différées, & remises à une saison plus favorable, comme le printems & l’automne : l’hiver & l’été ne jouissent pas des mêmes avantages pour obtenir une heureuse guérison. L’opération de la taille, de la cataracte & autres ; l’extirpation d’une loupe dont les progrès sont lents, &c. peuvent se remettre. Mais lorsqu’il y a des accidens qui peuvent mettre la vie du malade en danger, on n’a plus d’égards aux saisons : on est quelquefois obligé de faire l’opération de la taille pendant l’hiver, au plus fort du froid, comme on la fait aussi dans les chaleurs les plus excessives, lorsque les accidens pressent. Mais alors on doit avoir l’attention d’empêcher, par des précautions convenables, que les malades ne ressentent les effets de ces differentes dispositions de l’air.

Quoique l’opération soit le principal caractere de la Chirurgie, on n’est point chirurgien pour avoir acquis quelque facilité dans l’art d’opérer ; ou plutôt quelque adresse qu’on ait, on ne possede jamais l’art d’opérer sans une infinité de connoissances que l’ignorance a voulu faire croire étrangeres à cet égard ; & qui sont néanmoins les lumieres sans lesquelles les opérations ne se feront que par une routine, plus souvent meurtriere qu’utile. L’opération ne convient point dans toutes les maladies chirurgicales, c’est un moyen extrème qu’il ne faut mettre en usage que lorsqu’il n’est pas possible de guérir la maladie par des voies moins douloureuses. Lors même que les opérations ont lieu, elles ne sont qu’un point du traitement, & pendant toute sa durée, il faut que par une conduite intelligente & méthodique, on dispose le malade à l’opération ; qu’on prévienne ou qu’on détruise les accidens qui pourroient en empêcher le succès ; & enfin que par le concours de tous les moyens sagement administrés, on guérisse après l’opération, laquelle indépendamment de la cause fâcheuse, & souvent mortelle qui la prescrit, est souvent par elle même une maladie tres dangereuse. Voudroit on faire consister la capacité & le mérite d’un chirurgien à savoir mutiler avec hardiesse ? Le succès des grandes opérations est à la vérité le triomphe des Chirurgiens ; mais ce triomphe même peut être la honte de la Chirurgie. L’opération est la premiere & l’unique ressource d’un prétendu chirurgien, qui n’est qu’opérateur. Toute sa gloire & son profit se trouvent dans les opérations qu’il fait ; il cherche à les multiplier ; il trouve qu’il n’en fait jamais assez ; au contraire un vrai chirurgien, un homme savant & expérimenté cherche à ne compter ses succès que par les opérations qu’il a sçu prévenir, & par les membres qu’il a pu conserver. (Y)

Opération césarienne, opération de Chirurgie, par laquelle on incise le ventre & la matrice d’une femme pour en tirer l’enfant. Nous avons parlé de cette opération au mot Césarienne ; nous allons ajouter ce qui manque dans l’article où nous renvoyons, à la doctrine nécessaire pour être instruit de tout ce qui regarde une matiere aussi importante.

Le second tome de l’Encyclopédie où se trouve notre premier article, a paru en 1751, & nous y avons fait mention d’un mémoire publié en 1743 dans le premier tome des Mémoires de l’académie royale de Chirurgie, sur l’opération césarienne, dans lequel on prouve son utilité & sa possibilité ; cette académie n’a mis au jour le second volume de ses Mémoires qu’en 1753 : il contient une dissertation fort étendue sur les cas qui exigent l’opération césarienne ; car on ne peut se dissimuler que parmi les faits de pratique qui ont fourni les preuves de sa possibilité, il n’y en eût quelques-uns qui montroient qu’on s’étoit déterminé trop légerement & sans motif suffisant à entreprendre une opération aussi dangereuse sur la femme vivante. C’est donc rendre un important service à l’humanité que de discuter les cas où cette opération doit être pratiquée, je n’en ferai que l’énumération ; on aura recours à la dissertation pour les détails. Ces cas sont, 1°. la mauvaise conformation des os du bassin de la mere, par l’applatissement des os pubis, le rapprochement des tubérosités des os ischion, enfin quand le passage est trop étroit pour laisser sortir l’enfant. S’il étoit mort & qu’on pût l’avoir par parties avec le crochet, il ne faudroit pas exposer la mere aux risques de l’opération césarienne ; il n’est question d’opérer sur la femme vivante que pour sauver la vie à la mere & à l’enfant. 2°. L’étroitesse du vagin par des tumeurs ou callosités. Il faut avant que d’en venir à l’opération être bien assuré que l’obstacle est absolument insurmontable ; les observations de M. de la Motte montrent qu’on a incisé avec succès les parties molles qui resistoient au passage, & que les accouchemens se sont faits ensuite sans difficulté de cette part. 3°. Dans les efforts inefficaces de la femme en travail, la matrice se déchire quelquefois vers le ventre : ce déchirement & le passage de l’enfant dans le ventre exigent l’opération césarienne. 4°. Les conceptions ventrales dans certains cas assez rares : communément l’opération seroit plus dangereuse que profitable, par la difficulté de détacher l’enfant des adhérences qu’il a contractées aux différentes parties. 5°. L’opération césarienne est indiquée dans quelques cas de la hernie de la matrice par une éventration. Il est certain qu’on peut abuser de l’opération césarienne ; en général le grand principe est de ne la pratiquer que dans les cas où il est nécessaire de terminer l’accouchement, & où il y a impossibilité physique de le pouvoir faire par les voies ordinaires : cette regle bien méditée fera juger de tous les cas.

En parlant du manuel de l’opération à l’article Césarienne, au second tome de ce Dictionnaire, nous avons dit qu’il falloit inciser avec précaution lorsqu’on coupe le péritoine, de crainte de blesser les intestins ; on évitera cet inconvénient très-dangereux si l’on fait l’opération suivant la méthode que je vais prescrire. La femme étant en situation, on fera l’incision dans le lit désigné, & l’on ne coupera d’abord que la peau & la graisse, ensuite on pénétrera dans le bas-ventre en incisant seulement dans le tiers inférieur de la premiere division, par ce moyen on ne rencontrera que la matrice, dont le fond soutient les intestins, l’on incise la matrice, & l’on étend son incision entre deux doigts de bas en haut, en achevant de couper ce qui reste des parties contenantes à diviser dans la longueur de la premiere incision, de dedans en dehors ; par ce moyen la matrice est toujours soutenue, les intestins ne se présentent point dans la plaie, & ne sont point exposés à être blessés : cette méthode rend l’opération plus prompte, plus sure, & moins embarrassante. (Y)

Opérations chimiques ; elles sont définies dans l’article Chimie, pag. 417. col. 1. en ces termes : « nous appellons opérations tous les moyens particuliers employés à faire subir aux sujets de l’art les deux grands changemens énoncés dans la définition de la Chimie, même page, même colonne, c’est-à-dire à effectuer des séparations & des unions.

» Ces opérations, est-il dit tout-de-suite, ou sont fondamentales, & essentiellement chimiques, ou elles sont simplement préparatoires & méchaniques ».

Les opérations proprement & essentiellement chimiques sont celles qui s’exécutent par les instrumens proprement & essentiellement chimiques, savoir la chaleur & les menstrues, & qui operent l’union ou la séparation des sujets proprement & essentiellement chimiques, savoir des corpuscules des parties primitives, & chimiquement constitutives des corps ; & les opérations simplement préparatoires & méchaniques sont celles qui s’exécutent à l’aide de divers instrumens méchaniques & qui n’agissant que sur l’aggrégation des corps, unissent ou séparent des molécules. Voyez Feu, Menstrues, Union, Séparation, Mixte, Principes, l’article Chimie, & la suite de cet article.

M. Cramer observe dans la premiere partie de sa Docimastique, qu’il est difficile de construire un système régulier & philosophique des opérations chimiques. Tous les auteurs d’institutions chimiques, sans en excepter Juncker, qui est d’ailleurs très-méthodique ; tous ces auteurs, dis-je, ou conviennent expressément de cette difficulté, ou l’annoncent en ce qu’ils y ont évidemment succombé.

La division la plus naturelle, la plus simple & la plus réelle, est celle qu’on en fait en opérations divisantes ou diacritiques, & en opérations unissantes ou syncritiques ; car tous les effets, toutes les actions, toutes les passions chimiques se ramenent à ces deux évenemens généraux, séparer & unir, diacrise & syncrise.

Mais ce qui a arrêté ou embarrassé les chimistes qui ont considéré le plus attentivement & le plus philosophiquement les divers changemens introduits dans les corps par les diverses opérations chimiques ; c’est cette considération très-fondée & très grave en soi, qui est rapportée à l’article Chimie, pag. 417. col. 2. savoir, « qu’il est très-peu d’opérations chimiques qui appartiennent exactement à la diacrise ou à la syncrise : la plûpart au contraire sont mixtes, c’est-à-dire qu’elles produisent des séparations & des unions, qui sont entre elles dans un rapport de cause & d’effet ».

Mais cette considération n’empêche point qu’on ne puisse diviser très-exactement & très-utilement, & par conséquent qu’on ne doive diviser les opérations chimiques en unissantes & en séparantes ; car premierement on ne peut douter qu’il ne soit essentiel à un art philosophique d’avoir un système régulier & scientifique d’instrumens ou de moyens d’action. Voyez l’article Art. 2°. Il est tout aussi évident que ces moyens doivent être co-ordonnés par leur identité d’effets. 3°. Il est clair que quelques opérations chimiques ne produisent que des séparations ; ou des unions pures & simples ; & que dans la plûpart de celles qui produisent les deux effets, il en est un si évidemment principal relativement à l’intention de l’ouvrier, que l’autre n’est absolument que secondaire ou purement instrumental. Or c’est uniquement à l’intention de l’artiste qu’on doit avoir égard en évaluant l’effet direct & externe d’une opération ; la considération des effets intermédiaires & cachés appartient à la théorie de cette opération, mais est vraiement étrangere à la connoissance de cette opération considérée comme instrument de l’art, comme moyen d’action ; car il est tout aussi indifférent au chimiste qui se propose de séparer l’acide nitreux de l’alkali fixe, par le moyen de l’acide vitriolique, que ce dernier acide agisse en s’unissant à l’alkali fixe, & que par conséquent la séparation d’un principe soit dûe dans ce cas à l’union qu’a contractée l’instrument employé, cet événement est aussi indifférent, dis-je, à l’effet principal & direct de l’opération, ou ce qui est la même chose, à l’objet unique de l’artiste, qu’il est indifférent à l’ouvrier qui a dessein de soulever une masse, à l’aide d’un levier, que cette machine reste après l’opération collée ou non à son point d’appui ; ce n’est pas que l’artiste ne soit obligé de connoître ces événemens cachés & intermédiaires, & que lorsqu’il emploie, du-moins dans des vûes philosophiques, des agens qui sont également enclins, prompts à subir des unions & à opérer de séparations, il ne doive prévoir & modifier les circonstances dans lesquelles ces agens se trouveront pendant le cours des opérations : mais on voit bien que cette connoissance qui constitue la théorie fondamentale & pratique de l’art, est d’un tout autre ordre que cette notion unique & positive, que ce point de vûe simple & distinct, d’après lequel on doit dresser la table ou le système des opérations.

D’après cette vûe nous divisons d’abord très-généralement les opérations chimiques, tant essentielles que préparatoires, en unissantes, en divisantes ou séparantes, & en mixtes ou plutôt complexes.

Secondement, nous renvoyons à la fin de cet article la considération des opérations complexes & des opérations préparatoires, & nous subdivisons les opérations chimiques, tant unissantes que divisantes, en celles qui attaquent la seule aggrégation des corps & en celles qui portent jusques sur leurs mixtions. Cette subdivision nous fournit quatre chefs, savoir les opérations aggrégatives, les opérations disgrégatives, les opérations combinantes ou mixtives, & les opérations résolvantes.

Opérations aggrégatives. Ce sont celles qui rapprochent les particules des corps simplement raréfiés, ou qui ramassent en une seule masse des particules dispersées : on doit rapporter à cette classe,

1°. Le refroidissement des vapeurs, par lequel on les réduit en état de liqueur, qui fait une partie essentielle de la distillation. Voyez la suite de cet article, & l’article Distillation.

2°. La fusion par laquelle les régules, soit simples, soit composés, rapprochent les particules des corps simplement raréfiés (car l’union que contractent les différentes matieres métalliques dans les régules composés, & dans les alliages, doit être rapportée à l’aggrégation), où la limaille des métaux, ou même des masses considérables & distinctes, sont réduites par le secours d’un feu violent en une seule masse liquide qui devient consistante par le refroidissement ; & la liquation qui n’en differe que par une distinction purement arbitraire, & qui désigne le même changement opéré sur des sujets qui confluent à un moindre degré de feu, comme le soufre, certains sels aqueux, &c.

3°. La sublimation qui produit exactement le même effet sur des sujets volatils dont les parties sont directes, réduites en poudre plus ou moins grossiere, c’est-à-dire qui réunit ces parties en une seule masse solide, comme dans la préparation de la panacée mercurielle, &c.

Ces deux dernieres opérations, la fusion & la sublimation, operent des unions pures & simples.

4°. L’inspissation, appellée aussi coagulation, par laquelle des particules homogenes dispersées & soutenues dans un liquide, au moyen de leur miscibilité avec ce liquide, sont réunies & ramassées en une seule masse solide par la dissipation de ce liquide ; c’est ainsi que sont réunis les extraits des végétaux dissous dans leurs sucs ou dans leurs décoctions, les résines dissoutes dans ce qu’on appelle leurs teintures, &c.

Dans ce cas la réunion n’est opérée qu’au moyen d’une séparation, savoir celle du corps solide retenu & du liquide dissipé ; mais il n’en est pas moins vrai que l’inspissation est une opération aggrégative par rapport à son objet.

5°. La crystallisation qui a la plus intime analogie avec l’opération précédente, ou pour mieux dire qui n’est au fond qu’une seule & même opération avec la précédente, dont elle ne differe que par la circonstance accidentelle de présenter son produit sous la forme de petits amas distincts & figurés régulierement, chose principalement propre aux sels concrescibles, tandis que l’inspissation ne fournit qu’une seule masse informe.

Sixiemement, la concentration qui est encore véritablement identique avec l’inspissation, & par laquelle, en enlevant une certaine portion d’eau d’un liquide composé aqueux, la portion restante devient plus saturée du principe qui spécifie ce liquide, meracior evadit. L’enlevement de cette aquosité superflue s’opere par l’évaporation, ou par la gelée ; c’est par le premier moyen qu’on concentre, par exemple, l’acide vitriolique ; par le second, qu’on concentre le vin & le vinaigre. Il est évident ici que la contraction de l’aggrégation, c’est-à-dire une union, est l’objet principal, & que la séparation du liquide qui s’opposoit à cette union, est l’action subsidiaire.

Opérations disgrégatives. Outre les moyens mécaniques que les Chimistes emploient pour rompre l’aggrégation, & qui ne la rompent que grossierement, comme nous l’avons déja observé, & comme nous l’exposerons encore en parlant des opérations que nous avons appellées mécaniques, préparatoires, & improprement chimiques. Outre ces moyens, dis-je, ils operent la disgrégation des corps par l’emploi des agens chimiques ; & cette disgrégation est alors radicale, parfaite, atomique. Les opérations exécutées avec ces agens, & qui produisent cet effet, sont les opérations disgrégatives vraiment chimiques. Telles sont,

1°. La dissolution menstruelle suivie de la précipitation que plusieurs chimistes appellent pulvérisation philosophique. L’application du menstrue rompt l’aggrégation per minima : mais les parties disgrégées restent unies au menstrue ; la précipitation les en dégage ensuite. Dans cette opération l’objet principal est la division ; l’union qui y est survenue est subsidiaire & accidentelle.

2°. La vaporisation, soit à l’air libre, ou proprement dite, soit dans les vaisseaux fermés, ou distillation des matieres volatiles, soit simples, soit indestructibles, par le feu qu’on employe à cette opération. Cette opération differe de l’évaporation employée dans l’inspissation, la crystallisation, la concentration, la dessication, &c. en ce que la réduction de son sujet en vapeur est l’objet principal ; au lieu que dans l’évaporation, la réduction en vapeur est subsidiaire.

3°. La sublimation de certains corps denses qu’on convertit en fleurs par ce moyen, & cela sans toucher à leur mixtion ; les fleurs de soufre qu’on obtient par une opération de cette espece, ne sont, par exemple, que du soufre disgrégé.

4°. On doit encore rapporter aux opérations disgrégatives l’éliquation, opération par laquelle on retire par le moyen d’un certain degré de feu, d’une masse métallique composée, une des substances métalliques qui se liquéfie à ce feu, tandis que l’autre ou les autres substances métalliques restent solides à cette même chaleur.

5°. On doit y rapporter encore par la même raison ; savoir, parce que les diverses substances métalliques alliées, ne peuvent être regardées que comme unies par une espece d’aggrégation : on doit y rapporter, dis-je, sous ce point de vue toutes les especes de départs & de purifications des métaux parfaits, mais toujours quant à l’objet direct & principal ; car il intervient dans toutes ces opérations des mixtions & des résolutions.

6°. Enfin, la rectification qui est la séparation de deux liquides inégalement volatils dans un appareil distillatoire (voyez Distillation.), ne peut être regardée que comme une opération disgrégative. Voyez Mixtion, Chimie.

Opérations mixtives. Toute opération qui dispose prochainement les sujets chimiques à la combinaison ou mixtion, ou qui place des substances miscibles affines dans la sphere de leur miscibilité, est appellée à juste titre opération mixtive ou combinante. On doit compter parmi celles-ci,

1°. La solution, dissolution, ou solution humide, qui est l’application convenable d’une substance liquide à une autre substance, soit liquide, soit consistante, avec laquelle elle est miscible, & subit en conséquence la mixtion ou union chimique.

La digestion, l’insolation, la macération, sont des especes de solution humide ; elles ne different entre elles que par les divers degrés de chaleur qu’on y emploie, & par le plus ou le moins de promptitude dans l’action.

La circulation ne differe non plus des autres especes de solutions lentes, que par la circonstance accidentelle d’être exécutée dans des vaisseaux tellement disposés, que des vapeurs qui se détachent de la liqueur employée, sont reportées dans le sein de cette liqueur.

L’amalgamation ou dissolution des substances métalliques par le mercure, est encore une espece de solution humide.

2°. La vaporation qui est l’application d’un menstrue réduit sous forme de vapeur, à un corps solide, auquel il s’unit chimiquement, comme cela arrive dans la préparation du verdet, de la céruse, &c. L’opération est la même si l’on fait rencontrer deux vapeurs miscibles ; comme on peut concevoir que cela arrive dans la préparation vulgaire du beurre d’antimoine, & dans celle du sublimé corrosif, ou comme cela arriveroit manifestement si on préparoit ce dernier sel métallique, en adaptant à un récipient commun deux vaisseaux, dont l’un exhaleroit du mercure, & l’autre de l’acide marin.

3°. La solution par voie seche ou par fusion ; c’est par ce moyen qu’on unit le soufre à diverses substances métalliques, à l’alkali fixe ; & cette opération ne differe de la solution humide, que comme la liquidité ignée differe de la liquidité aqueuse. Voyez Liquidité, Chimie.

4°. La vitrification qui a lieu lorsque différentes matieres salines, pierreuses, terreuses & métalliques, ou deux d’entre elles seulement ayant été fluidifiées ensemble par un feu très violent, sont changées par le réfroidissement en un corps sensiblement homogene, fragile, fixe, résistant à un grand nombre de menstrues très efficaces ; en un mot, en ce corps généralement connu sous le nom de verre ; que la vitrification même d’une substance sensiblement unique, comme celle de la chaux d’antimoine sans addition, opere très-vraissemblablement une nouvelle mixtion.

5°. Enfin, la réduction qui est le rétablissement dans son ancienne forme, d’une chaux ou terre métallique, par l’addition, la combinaison du principe phlogistique.

Remarquez que dans toutes les opérations mixtives, l’aggrégation des sujets est nécessairement lâchée, ou même absolument vaincue : mais cet évenement est purement instrumental.

Opérations résolvantes. Ce sont celles qui attaquent la mixtion des sujets chimiques, qui les décomposent chimiquement, qui désunissent des principes chimiques. Celles-ci doivent se subdiviser en celles qui s’exécutent par la seule force du feu, & en celles qui s’exécutent par les menstrues qui supposent toujours la coopération du feu. Voyez Feu, Chimie, Menstrues, & l’article Chimie, page 417. colonne deux.

Du premier genre sont premierement l’abstraction qui s’exécute en appliquant un certain degré de feu à des sujets dont la base est un liquide capable d’être volatilisé par ce feu, & qui tient en dissolution une substance ou plusieurs substances plus fixes auxquelles il adhere, cependant si légerement, que l’action dissociante du feu employé, surmonte cette adhérence. La cuite des syrops aromatiques, &c. dans les vaisseaux fermés, la distillation de l’esprit-de-vin précedemment employé à l’extraction d’une résine, &c. sont des abstractions. Remarquez que l’objet principal devant déterminer la spécification de l’opération, ce n’est qu’en tant que l’artiste a en vue d’obtenir le liquide volatil séparé dans cette opération, qu’elle appartient à la classe des opérations résolvantes : ainsi il est essentiel à l’abstraction d’être exécutée dans les vaisseaux fermés. Si on l’exécutoit à l’air libre, ce ne seroit plus l’abstraction ; ce seroit la concentration, une opération aggrégative. Remarquez encore que l’abstraction n’est proprement & strictement résolvante, que lorsqu’elle sépare la portion du liquide volatil vraiment & chimiquement unie avec le principe fixe, par exemple, dans le dernier des exemples proposés, que lorsqu’elle sépare & enleve les dernieres portions d’esprit-de-vin tellement & si immédiatement uni à la résine, qu’après cette séparation, la résine reste absolument pure & nue. Voyez Etude, Chimie. Et comme il arriveroit encore dans le premier si on outroit la cuite du syrop, & qu’on la poussât jusqu’au candi. Car tant qu’elle ne sépare que la portion surabondante du menstrue (voyez Surabondant, Chimie) comme cela arrive dans la cuite exacte du syrop, ce n’est plus qu’une espece de disgrégation que cette opération procure. Voyez Liquidité, Chimie, Menstrues, & Mixtion. Remarquez 3°. que l’abstraction est une diacrise pure.

2°. L’édulcoration philosophique qui est une espece d’abstraction prise dans le sens le plus rigoureux, & qui rompt par la simple action dissociante du feu, l’union vraiment mixtive des acides & des substances métalliques, dans la distillation des sels métalliques exécutée sans intermede vrai. Voyez Intermede, Chimie, & Distillation. Il est bien clair que cette opération produit aussi une séparation pure & simple.

3°. Enfin, toutes les especes d’incendie, les sublimations de fleurs métalliques, qui sont toujours des chaux, calcinations, inflammations, détonations, &c. dans lesquelles le phlogistique en contractant le mouvement d’ignition, s’échappe de ses anciens liens, se sépare de certains principes avec lesquels il étoit uni chimiquement.

Les opérations résolvantes exécutées par les menstrues, comprennent toutes les especes de précipitation qui est la plus étendue de toutes les opérations chimiques, & qui est déguisée sous un grand nombre de diverses formes, & de différens noms, qui comprend l’extraction, la distillation avec intermede vrai, la précipitation commune ou humide, la précipitation par fusion ou préparation des régules, la cémentation.

Tel est le tableau des opérations chimiques proprement dites, qu’on peut appeller simples, en ce qu’elles peuvent être dénommées par un but, un objet premier & essentiel bien distinct.

Opérations mixtes ou complexes Celles dans lesquelles on ne peut distinguer un objet unique & dominant, une fin simple, & que nous avons appellé pour cela mixtes ou complexes, sont,

1°. La distillation des sujets très-composés, soit naturels, soit artificiels ; car les divers produits de ces opérations sont dûs à une suite très-compliquée, & jusqu’à présent indéfinie d’unions & de dégagemens.

2°. Toutes les diverses especes de fermentations des produits desquelles on peut assûrer exactement la même chose.

Opérations préparatoires & mécaniques. Celles ci sont toutes disgrégatives, & ne séparent les sujets chimiques qu’en molécules grossieres, comme nous l’avons déja exposé ; il en existe même un certain ordre qui ne sépare que des matieres simplement confuses.

Celles de la premiere espece, les disgrégatives sont la limation, la raspation, la trituration, & ses especes, savoir, la porphyrisation, le broyement par des moulins, par la machine de Langelot, la pulvérisation vulgaire, la pulvérisation à l’eau par le pilon, par les moussoirs de la garaye, &c. la granulation, la lamination, le hacher, couper par tranches, &c. Celles-ci sont si connues aussi bien que les suivantes, qu’on a jugé inutile de les définir.

Celles de la seconde espece, les opérations qui séparent des matieres, qui ne sont que confuses, sont la filtration, la despumation, la cribellation, ou passage au tamis, le lavage, & la dessication.

On trouvera dans ce Dictionnaire des articles particuliers, non-seulement pour chacune des opérations mentionnées dans cet article général, mais encore pour tous leurs instrumens propres. Voyez ces articles. (b)