L’Encyclopédie/1re édition/MONTER

MONTER, (Gram.) ce verbe a un grand nombre d’acceptions, il est tantôt actif, tantôt neutre. On dit monter à cheval ; la mer monte ; monter une pendule ; cet instrument est monté trop haut ; ce mur monte au-dessus du voisin ; monter la garde ; monter un vaisseau ; monter en graine ; monter en couleur ; monter une machine ; la somme de ces nombres monte haut ; les astres montent sur l’horison ; il est monté sur le théâtre ; le luxe est monté à un haut excès ; la voix de l’innocence est montée au ciel ; il est monté de cette classe à une autre avec distinction ; le blé monte, &c. d’où l’on voit que dans presque toutes ces acceptions il exprime ou simplement ou figurément l’action de passer d’une situation à une plus élevée. Voyez les articles suivans.

Monter, dans le Commerce, signifie augmenter de prix, devenir plus cher : en ce sens on dit, le blé monte beaucoup ; on n’a jamais vû le vin monter si haut en si peu de tems.

On se sert aussi de ce terme pour exprimer les encheres considérables qui se mettent sur une chose qu’on vend au plus offrant : cette tapisserie a beaucoup monté. Diction. de Comm.

Monter, en terme de Compte, signifie ce à quoi peut aller le produit de plusieurs sommes particulieres réunies ensemble pour n’en faire qu’un total : ces quatre articles montent à deux mille huit cens trente livres. Id. ibid.

Monter la tranchée, (Art militaire.) c’est dans l’attaque des places entrer de service à la tranchée pour la garantir ou la défendre. Voyez Tranchée.

Monter la garde, la tranchée, à la breche, &c. signifie être de service, être de garde dans les tranchées, aller à la breche. Voyez Garde & Tranchée.

Monter un canon, un mortier, &c. c’est le mettre sur son affut ou en élever la bouche. Voyez Canon, Mortier. Chambers.

Monter au vent, (Marine.) c’est louvoyer pour prendre l’avantage du vent.

Monter le gouvernail, c’est attacher le gouvernail à l’étambord par le moyen des roses & des vitres : on fait le contraire quand on le démonte.

Monter, v. n. in Musique, vocem intendere, c’est faire succéder les sons du grave à l’aigu, ou du bas en haut : cela se présente à l’œil par notre maniere de noter. Voyez Clé, Lignes, Portée

Monter, en terme de Bijoutier, c’est proprement l’action d’assembler & de souder toutes les pieces qui entrent dans la composition d’un ouvrage. On commence, dans une tabatiere, par exemple, par la batte : l’on dresse d’abord deux pans, voyez Dresser, que l’on a eu soin de laisser plus grands pour avoir de quoi limer ; on les lie ensemble avec du fil de fer ; on les mouille avec de l’eau & un pinceau ; on met les paillons, voyez Paillons, & l’on soude à la lampe avec un chalumeau, voyez Lampe & Chalumeau. On fait la même chose pour toutes les parties d’une tabatiere les unes après les autres, c’est-à-dire que si la boîte est à huit angles de huit morceaux, on n’en fait plus que quatre, de quatre deux, & de deux le contour entier de là boîté.

Monter, en Boisselerie, c’est couvrir l’ouvrage, comme un soufflet, de la couleur qu’il plaît à l’ouvrier de choisir.

Monter, (Coutellerie.) c’est assembler les parties d’un ouvrage, c’est quelquefois emmancher, comme aux couteaux de table, & autres instrumens semblables, c’est ajuster la lame, le ressort & les côtes, & les fixer solidement aux couteaux de poche ; le monter en général est une opération qui se fait lorsque toutes les pieces sont prêtes, & ce n’est pas une des plus aisées ; c’est en vain qu’un ouvrier aura bien forgé, bien limé, bien émoulu, & bien poli toutes les pieces ; inutilement il leur aura donné une belle proportion, s’il leur ôte la grace, ou s’il gâte le tout par un mauvais assemblage.

Monter, en terme de Layetier, c’est assembler toutes les parties d’une piece, & en faire le tout que l’ouvrier s’étoit proposé.

Monter à cheval, l’art de, (Arts modernes.) Voyez Cheval, Équitation, Manege

C’est assez de dire ici que Benjamin de Hanniquez introduisit le premier à la cour de France, sur la fin du xvj. siecle, les rudimens de l’art de monter à cheval.

Le sieur Pluvinel, gentilhomme du Dauphiné, ouvrit ensuite à la noblesse du royaume des leçons de cet art, qu’il avoit apprises lui-même à Naples, sous J. B. Pignatelli. A son retour Henri de France, duc d’Anjou, le fit son premier écuyer ; ensuite Henri IV. lui donna la direction de sa grande écurie : après la mort de ce prince il mit à cheval Louis XIII. & mourut à Paris en 1620, ayant donné au public son livre de l’art du Manege.

Soleisel (Jacques de), gentilhomme du Forès, né dans une de ses terres en 1617, suivit l’inclination qu’il avoit pour le manege, & en montra les exercices avec un grand succès : c’est lui qui est l’auteur du parfait Maréchal, livre original de son tems, & qui brilloit encore sous Louis XIV. Il z aussi augmenté le beau livre du manege de M. le duc de Nevcastle, dont il adopta la méthode : il mourut en 1680, âgé de 65 ans. (D. J.)

Monter à cheval, Monter un cheval, (Gram.) quand on va d’un lieu à l’autre, ou que l’on s’exerce dans un même lieu, sans avoir égard à la qualité du cheval : on dit monter à cheval ; je montai hier à cheval avant le jour ; il monte tous les matins à cheval ; les médecins lui ont ordonné de monter à cheval pour sa santé. Quand on a égard à la qualité du cheval, & qu’on parle d’un cheval, ou de plusieurs chevaux particuliers, on dit monter un cheval ; je n’ai jamais monté de cheval plus rude ; les Académistes de la Guériniere montent d’excellens chevaux ; je montai hier un cheval d’Espagne admirable. (D. J.)

Monter sur cire, opération de metteur-en-œuvre, qui consiste à assembler toutes les pieces d’un ouvrage quelconque, & à les ranger sur la cire, selon l’élévation & l’inclination qu’elles doivent avoir toutes montées. Il y a fort peu d’ouvrages de metteur-en-œuvre qui ne soit composé d’un nombre considerable de parties séparées, quelquefois même de métaux differens, tels que les aigrettes, les nœuds, les colliers, &c. dans lesquels souvent il y a des pierres de couleurs entremêlées, & à qui il faut des sertissures d’or. L’ouvrier prépare séparément tous les morceaux de son ouvrage, conformément à son dessein, & lorsque tous les chatons & ornemens sont disposés, il prend une plaque de tôle, sur laquelle il y a un bloc de cire ; on donne à cette cire avec l’ébauchoir la forme en relief du dessein ; sur ce bloc ramolli l’ouvrier pose toutes ses pieces, chatons, ornemens, &c. chacune dans l’ordre que lui est assigné ; il donne à chacune d’elles l’élévation ou l’inclinaison qu’elle doit avoir en les enfonçant plus ou moins dans la cire ; & de cette opération dépend le goût & la grace d’un ouvrage, parce qu’il ne sort plus de-là que pour être mis en terre, voyez Mettre en terre, pour être arrêté par la soudure ; & que toutes ces pieces une fois soudées, il n’est pas possible d’en changer le mouvement.

Monter, en terme d’Orfevre, on dit monter un ouvrage, quand on assemble & qu’on joint toutes les pieces par le moyen de la soudure. Voyez Soudure.

Monter une perruque, terme de Perruquier, qui signifie coudre avec une aiguille les tresses de cheveux sur la coëffe ou rézeau, pour en faire une perruque.

Pour monter une perruque, l’ouvrier commence par assujettir sur une tête de bois un ruban qui doit faire le bord de la perruque, ensuite il ajuste sur cette tête un rézeau qu’il coud sur le ruban, après quoi il applique un autre ruban par-dessus la coëffe ou rézeau depuis le front jusqu’à la nuque du cou ; cela fait, il commence à coudre les tresses de cheveux sur la coëffe, en commençant par les bords, & continuant ainsi tout-au-tour à placer les autres rangs les uns après les autres, jusqu’à ce que la coëffe soit entierement couverte de tresses. Voyez l’article Perruquier.

Monter, en terme de Planeur, se prend pour l’action de recommencer à planer une piece enfoncée ; les coups de marteau sont moins sensibles dans cette seconde opération, & la piece par-là plus facile à finir.

Monter le métier, (Rubanier.) c’est le garnir généralement de tout ce qui lui est nécessaire, mais plus particulierement y passer le patron ; ainsi on dit monter ou démonter le métier, lorsque l’on passe ou dépasse le patron.

Monter, en terme de Raffinerie, n’est autre chose que de porter de main en main par les tracas de l’empli dans les greniers les formes que l’on a emplies. On ne monte ordinairement que le soir du même jour de l’empli, ou le lendemain matin. Voyez Empli & Tracas.