L’Encyclopédie/1re édition/DRESSER

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* DRESSER, ce terme a dans les Arts un grand nombre d’acceptions différentes. Nous allons donner les principales, celles auxquelles on pourra rappeller les autres ; ensorte que ce terme n’ait dans aucun article de ce Dictionnaire, un sens entierement différent de tous ceux qu’on lui remarquera dans les articles suivans.

Dresser un mémoire, (Commerce.) c’est parmi les marchands en détail, extraire de leur livre journal, & écrire article par article les marchandises qui ont été fournies, avec leur qualité, leur poids, leur aunage, leur prix, & la date de leur fourniture, pour en demander le payement à ceux à qui on les a délivrées à crédit. Voyez les dictionn. du Comm. & de Trév.

Dresser un inventaire, voyez Inventaire.

Dresser un compte, voyez Compte.

Dresser un cheval, (Maréch.) c’est lui apprendre tous les exercices qu’on exige de lui.

Se dresser ; un cheval qui se dresse, est celui qui se leve tout droit sur les piés de derriere.

Dresser, v. act. (Jardinage.) se dit d’un terrein, d’un parterre, d’une allée, d’une planche, que l’on unit ou de niveau, ou en pente douce, ou en la coupant par différentes chûtes qui forment des terrasses, suivant sa situation naturelle.

On commence par labourer tout le terrein à la charrue, pour couper les mauvaises herbes ; on y passe ensuite la herse, pour araser les buttes & remplir les cavités. Cette terre ainsi ameublie, est plus facile à transporter. On fait ensuite, suivant l’alignement, des rigoles, des rayons, des repaires en cette maniere : choisissez, à l’une des extrémités du terrein, l’endroit le plus uni ; vous y poserez deux jalons à cinq ou six piés l’un de l’autre, & dont les têtes soient bien applaties, pour y placer une regle de maçon de 8 à 10 piés de long, & vous poserez dessus un niveau de maçon, qui établira vos deux jalons de niveau ; ensuite à l’extrémité opposée du terrein, vous mesurerez le jalon qui a été posé dans l’alignement, & qui sera de quelques pouces plus haut ou plus bas que celui qui soûtient votre niveau, en faisant butter ou décharger ce jalon à la hauteur de l’autre, vous aurez le moyen de faire apporter des terres suivant le cordeau, & de dresser avec le rateau une rigole d’un pié ou deux de large, qui vous servira de repaire pour tout le reste ; vous enfoncerez rez-terre au pié des jalons, des piquets que l’on appelle taquets ; multipliant ensuite ces rigoles en plusieurs endroits du terrein, & posant la regle & le niveau en-travers de l’un à l’autre, elles serviront à le dresser entierement, en faisant apporter des terres de tous côtés, & ôtant ce qui est de trop dans certains endroits.

Les rigoles qu’on suppose à demi dressées, demandent d’être plombées en marchant dessus pour affermir la terre ; ensuite on y passe le rateau fin jusqu’à ce que le cordeau touche & effleure également la superficie de la terre sans être forcé.

Quelquefois ces rigoles se coupent en terre ferme, quand le terrein est en pente, tel que seroit celui d’un talud ; alors au lieu de faire apporter des terres, on les ôte & on les enleve suivant les repaires tracés.

Quand il s’agira de dresser un terrein en pente douce, il ne faudra point poser de regle, ni de niveau ; il suffira de mettre plusieurs jalons à même hauteur sur un alignement pris sur les jalons des extrémités qui sont les points de sujétion qui reglent la ligne de pente ; & en les examinant l’un après l’autre avec votre jalon d’emprunt (Voyez Jalon), vous les ferez butter ou décharger suivant le besoin : vous dresserez ensuite des rigoles de pente dans toute l’étendue de votre terrein, ainsi qu’il vient d’être dit.

Si l’on coupe un terrein en terrasse, la maniere de le dresser reviendra à l’une des deux précédentes. On dresse un petit talud, soit d’une terrasse ou d’un boulingrin, dont les terres sont ou en masse, ou rapportées & plombées grossierement, en alignant des piquets de deux toises en deux toises, & en mettant en pareil nombre & à même distance, des piquets sur la ligne d’en-bas qui termine le pié du talud. Tendez un cordeau de haut en bas d’un jalon à son opposé, & faites une rigole ou repaire d’un pié de large, suivant le cordeau ; coupez la terre aussi par rigoles, en tendant le cordeau de piquet en piquet ; pour achever de dresser ce talud qui est entrecoupé par des rigoles, passez la boucle du cordeau dans un piquet, il n’importe lequel ; traînez & promenez ce cordeau de tous sens, & d’une rigole à une autre ; faites suivre un homme qui coupera & arasera à la bêche les endroits où il y aura trop de terre, en suivant exactement le cordeau sans le forcer, ou bien en faisant rapporter de la terre dans les endroits où il en manquera : ainsi donnant communication d’une rigole à une autre, on unira & applanira tout le talud avec le rateau.

On ne donnera point ici la maniere de dresser un côteau en amphithéatre ; comme ces morceaux sont composés de terrasses, de taluds, & de glacis de gason, on n’aura qu’à suivre ce qui a été enseigné à ce sujet.

S’il s’agit de dresser un potager, on le coupera en différentes planches par le moyen du cordeau & de la toise, bien entendu que ces planches seront élevées un peu au-dessus des sentiers qui les entourent.

Quand la place du parterre a été dressée comme le reste du jardin, il convient de la passer au rateau fin ; & s’il s’y trouve des pierres, on passera la terre à la claie pour la mettre en état d’être maillée, & qu’on y puisse aisément planter le buis.

On observera sur-tout de tenir le milieu des allées en dos-d’âne, afin de donner l’écoulement aux eaux. Voyez Allées & Sabler. (K)

Dresser, en Architecture, c’est élever à plomb quelque corps, comme une colonne, un obélisque, une statue, &c. Dresser d’alignement, c’est lever un mur au cordeau. Dresser de niveau, c’est aplanir un terrein. Dresser une pierre, c’est l’équarrir, rendre ses paremens & ses faces opposées paralleles, & la disposer à recevoir le trait. (P)

Dresser de lime, terme d’Aiguillier, c’est limer l’aiguille après que l’ouvrier en a formé la pointe avec la lime, & qu’il l’a marquée de son poinçon. La dresser de marteau, c’est la faire passer sous le marteau pour la redresser, après qu’elle a été recuite ; car il arrive souvent que la fraîcheur de l’eau la fait déjetter ou tortuer. Voyez Aiguille.

Dresser, chez les Bijoutiers, Orfévres, Metteurs-en-œuvre, c’est rendre à la lime ou à l’échoppe des pieces de Bijouterie, assemblées ou non assemblées, exactement droites & plates sur toutes leurs faces.

Dresser, chez les Bottiers, c’est polir la tige d’une botte encore en blanc, pour la cirer & la rendre plus claire, ce qui se fait en y passant la main à plusieurs reprises, après qu’elle a été rapée.

Dresser, en terme de Cardier, c’est rendre les pointes égales & les renverser les unes autant que les autres, & toutes de même côté. On se sert pour cela d’un outil qui s’appelle dresseur. Voyez les art. Dresseur & Cardes.

Dresser, chez les Chapeliers, c’est donner au feutre la figure d’un chapeau, après qu’il a été foulé. Cette opération se fait en le mettant sur une forme de bois pour en faire la tête. On se sert pour cette manœuvre de la piece, voyez Piece ; du choc, voy. Choc ; & de l’avaloire, voyez Avaloire. C’est avec ces instrumens qu’on fait descendre jusqu’au bas de la forme une ficelle qu’on avoit attachée en-haut, & qui entraîne avec elle en descendant le feutre, & l’oblige à s’appliquer exactement sur la forme.

Dresser, chez les mêmes ouvriers, c’est encore en unir & applatir les bords & le haut de la tête, en les tournant & passant souvent sur une plaque de fer ou de cuivre, qui est échauffée par un fourneau placé dessous.

Mais pour empêcher que la chaleur de la plaque ne brûle le chapeau & le rendre plus ferme, on prend la précaution d’étendre sur la plaque une feuille de papier, & de la couvrir d’une toile qu’on arrose de tems en tems avec le goupillon. V. l’art. Chapeau.

Dresser, en terme de Cloutier d’épingle, c’est rendre le fil droit en le faisant passer sur l’engin entre plusieurs pointes de fer de côté & d’autre. Voyez Engin, & les fig. de la Pl. du Cloutier d’épingle.

Dresser, se dit dans les cuisines, d’un potage & autre mets semblable. C’est verser le bouillon, le coulis, la sauce, sur le pain, ou plus généralement sur ce qui doit en être arrosé, trempé, humecté.

Dresser, c’est en terme d’Epinglier, tirer le fil de laiton de dessus le tourniquet & le faire passer entre les clous de l’engin, pour détruire les sortes de cercles ou orbes qu’il avoit pris sur la bobille, au tirage, & le réduire en brins parfaitement droits. La longueur de ces brins n’est ordinairement déterminée que par celle de la chambre où on les dresse. On les coupe avec des tenailles tranchantes fort près de l’engin, & ils tombent au-dessous sur une planche qui est placée de sorte qu’elle leur fait faire un coude. Voyez Tourniquet, Engin, & Bobille, & les Planches de l’Epinglier ; d l’engin fortement attaché sur une table dont les piés sont scelles en terre ; e les tenailles avec lesquelles l’ouvrier tient le bout du fil de laiton pour le tirer ; ff dressées déjà tirées & étendues de leur long par terre ou sur une planche. La fig. 17 de la même Planche représente l’engin en particulier ; H l’engin, KI les pointes ou clous entre lesquels on fait passer le fil de laiton, ensorte qu’il forme plusieurs angles ; G le tourniquet sur lequel est monté le fil que l’on veut redresser ; t le pié du tourniquet posé & cloüé sur une partie de l’établi. Voyez l’article Epinglier.

Dresser, en terme de Charpentier, Menuisier, Tabletier, & ouvriers en bois, c’est unir les planches par les côtés, pour les rapprocher & les pouvoir mieux assembler.

Dresser, se dit proprement chez les Layettiers, de la manœuvre par laquelle ils redressent les douves de tonneau, ce qu’ils exécutent par le moyen d’un feu sombre devant lequel ils les exposent.

Dresser, en terme de Graveur en pierres fines, c’est polir le caillou sur une plaque de fer, de maniere que tous les traits de la scie en soient effacés, & qu’il soit en état d’être ou gravé ou monté tout uni.

Dresser, chez les Serruriers, Taillandiers, Couteliers, & presque tous les ouvriers en fer, c’est rendre droit, applanir, mettre toutes les faces de niveau, &c. ce qui se fait au feu ou à chaud, & à la forge & au marteau, ou à froid & à l’étau, & à la lime & au marteau, comme dans les cas où une piece s’est déjettée à la trempe ; ou à l’eau & à la meule, lorsqu’on commence l’ouvrage.

Dresser, v. act. en terme de Masson-Paveur, c’est enfoncer le pavé également, en le battant avec la demoiselle, lorsqu’il est placé, & que les joints en sont garnis de sable.

Dresser, chez les Orfévres en grosserie, c’est unir au marteau de bois & achever de bien profiler, en applanissant les pieces à bouges & à contour.

Dresser, chez les Plumassiers, c’est la premiere façon qu’on donne aux plumes, en les recevant de la premiere main. Cela se fait en pressant la plume de haut en bas entre les doigts, & en redressant la côte, pour estimer sa largeur & sa longueur, & pouvoir lui donner telle forme & tel usage que l’ouvrier jugera à propos.

Dresser, en terme de Tabletier-Cornetier, c’est donner la largeur, la grandeur & l’épaisseur à toutes les parties d’une piece, avant de la mettre sur l’âne pour l’évuider. V. Ane & Evuider. Ce qui se fait avec différens outils du tabletier, sur-tout avec l’écoüane. Voyez Ecouane.

Dresser, en terme de Vergetier, c’est restituer des soies tortues & mal tournées dans leur état naturel, en les laissant dans l’eau pendant quelque tems, en les peignant & les faisant sécher.

* Dresser les cannes, (Verr.) c’est un préliminaire dont les garçons qui servent dans les verreries doivent s’occuper, avant que les maîtres se mettent à l’ouvrage. Voici en quoi il consiste. Si les cannes sont nouvellement raccommodées par le maréchal, le garçon les met dans l’ouvroir, & les laisse exposées au feu jusqu’à ce qu’elles soient presque blanches. Alors il plonge le bout blanc dans de l’eau ; & quand il est refroidi, il ratisse & enleve les pailles de fer qui se sont formées à sa surface. Cela fait, il cueille à verre. Voyez l’article Cueiller. Il souffle afin que le vent n’entre pas dans la canne & n’en bouche pas le trou ; il laisse refroidir la canne & la serre en cet état dans la cassette. Si les cannes ont servi, il les réchauffe aussi dans le four, puis il ôte le bouchon de verre qui est dans le bout de la canne ; il se sert pour cela de la pincette, des bequettes ou du marteau. Si les cannes sont crochues, il les redresse, il cueille ensuite, il souffle, il laisse refroidir, & serre les cannes dans la cassette. Alors elles sont dressées & prêtes à servir.