L’Encyclopédie/1re édition/CHEVAL
* CHEVAL, s. m. equus, (Hist. nat. Manege & Maréchallerie.) animal quadrupede, domestique, ou sauvage, du genre des solipedes, plus grand que l’âne, mais à plus petites oreilles, à queue garnie de crins depuis son origine, & à cou garni en-dessus d’un pareil poil. Voyez l’article Quadrupede.
Cheval sauvage. La domesticité du cheval est si ancienne & si universelle, qu’on ne le voit que rarement dans son état naturel. Quand cet animal n’a pas été brisé par les travaux, ou abâtardi par une mauvaise éducation, il a du feu dans les yeux, de la vivacité dans les mouvemens, de la noblesse dans le port ; cependant l’âne a cet avantage sur lui, qu’il ne paroît pas fier de porter l’homme.
Hérodote dit que sur les bords de l’Hispanis en Scythie, il y avoit des chevaux sauvages blancs ; & que dans la partie septentrionale de la Thrace au-delà du Danube, il y en avoit d’autres qui avoient le poil long de cinq doigts sur tout le corps. Aristote assûre la même chose de la Scythie ; Pline, des pays du nord ; & Strabon, de l’Espagne & des Alpes.
Parmi les modernes, Cardan prétend qu’il y a eu des chevaux sauvages aux Orcades & en Ecosse ; Olaüs, dans la Moscovie ; Dapper, dans l’île de Chypre ; Struis, dans l’île de May au Cap verd ; Léon l’Africain, dans les deserts de l’Afrique & de l’Arabie, & dans les solitudes de Numidie, où cet auteur & Marmol disent qu’il y a des chevaux à poil blanc & à criniere crêpue. Voyez les lettres édifiantes & curieuses.
Il n’y a plus de chevaux sauvages en Europe. Ceux de l’Amérique sont des chevaux domestiques & Européens d’origine, que les Espagnols y ont transportés, & qui se sont multipliés dans les deserts de ces contrées, où il y a quelque apparence que ces animaux étoient inconnus. Les auteurs parlent très-diversement de ces chevaux de l’Amérique, devenus sauvages de domestiques. Il y en a qui assûrent que ces affranchis sont plus forts, plus legers, plus nerveux que la plûpart de nos chevaux esclaves ; qu’ils ne sont pas féroces ; qu’ils sont seulement fiers & sauvages ; qu’ils n’attaquent pas les autres animaux ; qu’ils les repoussent seulement quand ils en sont attaqués ; qu’ils vont par troupe ; que l’herbe leur suffit, & qu’ils n’ont aucun goût pour la chair des animaux. D’autres racontent qu’en 1685, il y avoit près de la baie de Saint-Louis des chevaux si farouches, qu’on ne pouvoit les approcher. L’auteur de l’histoire des Flibustiers dit qu’on en voit dans l’île de Saint-Domingue, des troupes de plus de cinq cents qui courent ensemble ; que lorsqu’ils apperçoivent un homme, ils s’arrêtent ; que l’un d’eux s’approche à une certaine distance, souffle des naseaux & prend la fuite ; que les autres le suivent ; qu’ils descendent de la race des chevaux d’Espagne, mais qu’elle paroît avoir dégénéré en devenant sauvage ; qu’ils ont la tête grosse, ainsi que les jambes qui sont encore raboteuses, les oreilles & le cou longs ; qu’on se sert pour les prendre de lacs de corde, qu’on tend dans les endroits où ils fréquentent ; qu’ils s’y engagent facilement ; que s’il leur arrive de se prendre par le cou, ils s’étranglent dans le lacs, à moins qu’on n’arrive assez tôt pour les secourir ; qu’on les arrête par le corps & par les jambes ; qu’on les attache à des arbres, où on les laisse deux jours sans boire ni manger ; que cette épreuve suffit pour les rendre dociles ; qu’ils cessent d’être sauvages pour ne le plus devenir, ou que s’ils le deviennent encore par hasard, ils reconnoissent leur maître, & se laissent approcher & reprendre. En effet, les chevaux sont naturellement doux & disposés à se familiariser avec l’homme ; les mœurs de ceux qui nous servent, viennent presque entierement de l’éducation qu’on leur donne. Quand on a négligé un poulain, il arrive souvent lorsqu’il est cheval, que l’approche & l’attouchement de l’homme lui cause une grande frayeur, qu’il se défend de la dent & du pié, & qu’il est presque impossible de le panser & de le ferrer. Mais le moyen que M. de Garsault indique pour l’apprivoiser, rend très-croyable celui dont on se sert pour dompter ceux de l’Amérique : on lui tourne le derriere à la mangeoire ; on lui met toute la nuit un homme à sa tête, qui lui donne de tems en tems une poignée de foin, & l’empêche de dormir & de se coucher jusqu’à ce qu’il tombe de foiblesse. Il ne faut pas huit jours de ce régime aux plus farouches pour les adoucir.
Cheval domestique. Il paroît que le caractere des chevaux sauvages varie selon les contrées qu’ils habitent : la même variété se remarque dans les chevaux domestiques, mais augmentée par une infinité de causes différentes. Pour juger plus sûrement des occasions où les défauts sont où ne sont pas compensés par les qualités, il est à-propos d’avoir dans l’esprit le modele d’un cheval parfait, auquel on puisse rapporter les autres chevaux. La nécessité d’un modele idéal s’étend à tout, même à la critique vétérinaire. Voici l’esquisse de ce modele.
Le cheval est de tous les animaux celui qui avec une grande taille a le plus de proportion & d’élégance dans les parties de son corps. En lui comparant les animaux qui sont immédiatement au-dessus & au-dessous, on trouve que l’âne est mal fait, que le lion a la tête trop grosse, que le bœuf a la jambe trop menue, que le chameau est difforme, & que le rhinoceros & l’éléphant ne sont, pour ainsi dire, que des masses. Dans le cheval bien fait, la partie supérieure de l’encolure dont sort la criniere, doit s’élever d’abord en ligne droite en sortant du garrot, & former ensuite en approchant de la tête, une courbure à-peu-près semblable à celle du cou d’un cygne. La partie inférieure de l’encolure ne doit former aucune courbure ; il faut que sa direction soit en ligne droite, depuis le poitrail jusqu’à la ganache, & un peu panchée en-devant : si elle étoit perpendiculaire, l’encolure seroit fausse. Il faut que la partie supérieure du cou soit mince, & qu’il y ait peu de chair auprès de la criniere, qui doit être médiocrement garnie de crins longs & déliés. Une belle encolure doit être longue & relevée, & cependant proportionnée à la taille du cheval : trop longue & trop menue, le cheval donne des coups de tête ; trop courte & trop charnue, il est pesant à la main. La tête sera placée avantageusement, si le front est perpendiculaire à l’horison ; elle doit être seche & menue, non trop longue. Les oreilles seront peu distantes, petites, droites, immobiles, étroites, déliées, bien plantées au-haut de la tête. Il faut que le front soit étroit & un peu convexe ; que les salieres soient remplies ; les paupieres minces ; les yeux clairs, vifs, pleins de feu, assez gros, avancés à fleur de tête ; la prunelle grande ; la ganache décharnée & un peu épaisse ; le nez un peu arqué ; les naseaux bien ouverts & bien fendus ; la cloison du nez mince ; les levres déliées ; la bouche médiocrement fendue ; le garrot élevé & tranchant ; les épaules seches, plates, & peu serrées ; le dos égal, uni, insensiblement arqué sur la longueur, & relevé des deux côtés de l’épine qui doit paroître enfoncée ; les flancs pleins & courts ; la croupe ronde & bien fournie ; la hanche bien garnie ; le tronçon de la queue épais & ferme ; les cuisses & les bras gros & charnus ; le genou rond en-devant & large sur les côtés ; le nerf bien détaché ; le boulet menu ; le fanon peu garni ; le paturon gros & d’une médiocre longueur ; la couronne peu élevée ; la corne noire, unie, & luisante ; la fourchette menue & maigre, & la sole épaisse & concave.
Chevaux Arabes. Les chevaux Arabes sont de tous ceux qu’on connoisse en Europe, les plus beaux & les plus conformes à ce modele ; ils sont plus grands & plus étoffés que les Barbes, & sont aussi bien faits. Si ce que les voyageurs nous racontent est vrai, ces chevaux sont très-chers même dans le pays, & il n’y a aucune sorte de précautions qu’on ne prenne pour en conserver la race également belle.
Chevaux Barbes. Les chevaux Barbes sont plus communs que les Arabes ; ils ont l’encolure longue, fine, peu chargée de crins, & bien sortie du garrot ; la tête belle, petite, & assez ordinairement moutonnée ; l’oreille belle & bien placée ; les épaules légeres & plates ; le garrot menu & bien relevé ; les reins court, & droits ; le flanc & les côtes rondes, sans trop de ventre ; les hanches bien effacées ; la croupe un peu longue ; la queue placée un peu haut ; la cuisse bien formée & rarement plate ; les jambes belles, bien faites & sans poil ; le nerf bien détaché ; le pié bien fait, mais souvent le paturon long. Il y en a de tous poils, mais communément de gris. Ils ont un peu de négligence dans leurs allures ; ils ont besoin d’être recherchés ; on leur trouve beaucoup de vîtesse & de nerf ; ils sont legers & propres à la course. Ils paroissent être très-bons pour en tirer race ; il seroit à souhaiter qu’ils fussent de plus grande taille ; les plus grands ont quatre piés huit pouces, très-rarement quatre piés neuf pouces. En France, en Angleterre, &c. ils sont plus grands qu’eux. Ceux du royaume de Maroc passent pour les meilleurs.
Chevaux Turcs. Les chevaux Turcs ne sont pas si bien proportionnés que les Barbes ; ils ont pour l’ordinaire l’encolure éfilée, le corps long, les jambes trop menues : mais ils sont grands travailleurs, & de longue haleine. Quoiqu’ils ayent le canon plus menu que ceux de ce pays, cependant ils ont plus de force dans les jambes.
Chevaux d’Espagne. Les chevaux d’Espagne qui tiennent le second rang après les Barbes, ont l’encolure longue, épaisse, beaucoup de crins, la tête un peu grosse, quelquefois moutonnée ; les oreilles longues, mais bien placées ; les yeux pleins de feu ; l’air noble & fier ; les épaules épaisses ; le poitrail large ; les reins assez souvent un peu bas ; la tête ronde ; quelquefois un peu trop de ventre ; la croupe ordinairement ronde & large, quelquefois un peu longue ; les jambes belles & sans poil ; le nerf bien détaché ; la paturon quelquefois un peu long, comme le Barbe ; le pié un peu allongé, comme le mulet ; souvent le talon trop haut. Ceux de belle race sont épais, bien étoffés, bas de terre, ont beaucoup de mouvement dans la démarche, de la souplesse ; leur poil le plus ordinaire est noir ou bai marron, quoiqu’il y en ait de toutes sortes de poil ; ils ont rarement les jambes blanches & le nez blanc. Les Espagnols ne tirent point de race de chevaux marqués de ces taches qu’ils ont en aversion ; ils ne veulent qu’une étoile au front ; ils estiment autant les zains que nous les méprisons. On les marque tous à la cuisse, hors le montoir, de la marque du haras d’où ils sont sortis ; ils ne sont pas communément de grande taille ; il s’en trouve de quatre piés neuf ou dix pouces. Ceux de la haute Andalousie passent pour les meilleurs ; ils sont seulement sujets à avoir la tête un peu trop longue. Les chevaux d’Espagne ont plus de souplesse que les Barbes ; on les préfere à tous les chevaux du monde pour la guerre, la pompe, & le manege.
Chevaux Anglois. Les chevaux Anglois, quand ils sont beaux, sont pour la conformation assez semblables aux Arabes & aux Barbes, dont ils sortent en effet ; ils ont cependant la tête plus grande, mais bien faite & moutonnée ; les oreilles plus longues, mais bien placées : par les oreilles seules, on pourroit distinguer un Anglois d’un Barbe ; mais la grande différence est dans la taille. Les Anglois sont bien étoffés & beaucoup plus grands : on en trouve communément de quatre piés dix pouces, & même de cinq piés. Ils sont généralement forts, vigoureux, hardis, capables d’une grande fatigue, excellens pour la chasse & pour la course ; mais il leur manque de la grace & de la souplesse : ils sont durs, & ont peu de liberté dans les épaules.
Chevaux d’Italie. Les chevaux d’Italie ne sont plus distingués, si l’on en excepte les Napolitains ; on en fait cas sur-tout pour les attelages. Ils ont en général la tête grosse, l’encolure épaisse, sont indociles & difficiles à dresser ; mais ils ont la taille riche & les mouvemens beaux : ils sont fiers, excellens pour l’appareil, & ont de la disposition à piaffer.
Chevaux Danois. Les chevaux Danois sont de si belle taille & si étoffés, qu’on les préfere à tous les autres pour l’attelage ; il y en a de parfaitement bien moulés : mais ils sont rares, & ont ordinairement la conformation irréguliere, l’encolure épaisse, les épaules grosses, les reins un peu longs & bas, la croupe trop étroite pour l’épaisseur du devant ; mais ils ont les mouvemens beaux : ils sont de tous poils, pie, tigre, &c. Ils sont aussi bons pour l’appareil & la guerre.
Chevaux d’Allemagne. Les chevaux d’Allemagne sont en général pesans, & ont peu d’haleine, quoique descendans de chevaux Turcs & Barbes. Ils sont peu propres à la chasse & à la course. Les Transilvains, les Hongrois, &c. sont au contraire bons coureurs. Les Housards & les Hongrois leur fendent les naseaux pour leur donner, dit-on, plus d’haleine & les empêcher de hennir à la guerre. Les Hongrois, Cravates, & Polonois, sont sujets à être beguts.
Chevaux de Hollande. Les chevaux Hollandois sont bons pour le carosse ; les meilleurs viennent de la province de Frise : les Flamands leur sont fort inférieurs ; ils ont presque tous la taille grosse, les piés plats, & les jambes sujettes aux eaux.
Chevaux de France. Il y a en France des chevaux de toute espece ; mais les beaux n’y sont pas communs. Les meilleurs chevaux de selle viennent du Limosin ; ils ressemblent assez aux Barbes, sont excellens pour la chasse, mais lents dans leur accroissement : on ne peut guere s’en servir qu’à huit ans. Les Normands ne sont pas si bons coureurs que les Limosins ; mais ils sont meilleurs pour la guerre. Il vient du Cotentin de très-beaux & très-bons chevaux de carrosse ; du Boulonois & de la Franche-Comté, de bons chevaux de tirage. En général, les chevaux de France ont le défaut contraire aux Barbes ; ceux-ci ont les épaules trop serrées ; les nôtres les ont trop grosses.
Des haras. La beauté & la bonté des chevaux répondront toûjours aux soins qu’on prendra des haras. S’ils sont négligés, les races s’abâtardiront, & les chevaux cesseront d’être distingués. Quand on a un haras à établir, il faut choisir un bon terrein & un lieu convenable ; il faut que ce lieu soit proportionné à la quantité de jumens & d’étalons qu’on veut employer. On le partagera en plusieurs parties, qu’on fermera de palis ou de fossés, avec de bonnes haies ; on mettra les jumens pleines & celles qui alaitent leurs poulains, dans la partie où le pâturage sera le plus gras ; on séparera celles qui n’ont pas conçu ou qui n’ont pas encore été couvertes ; on les mêlera avec les jumens poulines dans un autre parquet où le pâturage soit moins gras, parce que si elles prenoient beaucoup d’embonpoint, elles en seroient moins propres à la génération ; on tiendra les jeunes poulains entiers ou hongres dans la partie du terrein la plus seche & la plus inégale, pour les accoûtumer à l’exercice & à la sobriété. Il seroit à désirer que le terrein fût assez étendu, pour que chaque parquet pût être divisé en deux, où l’on enfermeroit alternativement d’année en année des chevaux & des bœufs ; le bœuf répareroit le pâturage que le cheval amaigrit. Il faut qu’il y ait des mares dans chaque parquet, les eaux dormantes sont meilleures pour les chevaux que les eaux vives ; il faut y laisser quelques arbres, ce sera pour eux une ombre qu’ils aimeront dans les grandes chaleurs. Il faudra faire arracher les troncs & les chicots, & combler les trous : ces pâturages nourriront les chevaux en été. Ils passeront l’hyver dans les écuries, sur-tout les jumens & les poulains. On ne sortira les chevaux que dans les beaux jours seulement. On les nourrira avec le foin ; on donnera de la paille & du foin aux étalons ; on exercera ceux-ci modérément jusqu’au tems de la monte, qui les fatiguera assez. Alors on les nourrira largement.
Des étalons & des jumens poulinieres. Dès l’âge de deux ans ou deux ans & demi, le cheval peut engendrer. Les jumens, ainsi que toutes les autres femelles, sont encore plus précoces : mais on ne doit permettre au cheval de trait l’usage de la jument, qu’à quatre ans ou quatre ans & demi, & qu’à six ou sept ans aux chevaux fins. Les jumens peuvent avoir un an de moins. Elles sont en chaleur au printems, depuis la fin de Mars jusqu’à la fin de Juin ; le tems de la plus forte chaleur ne dure guere que quinze jours ou trois semaines. L’étalon qu’il faut avoir alors à leur donner, doit être bien choisi, beau, bien fait, relevé du devant, vigoureux, sain par tout le corps, de bon pays.
Si l’on veut avoir des chevaux de selle fins & bien faits, il faut prendre des étalons étrangers, comme Arabes, Turcs, Barbes, chevaux d’Andalousie ; ou à leur défaut, chevaux Anglois ou Napolitains : ils donneront des chevaux fins avec des jumens fines, & des chevaux de carrosse avec des jumens étoffées. On pourra prendre encore pour étalons des Danois, des chevaux de Holstein, de Frise : on les choisira de belle taille ; il faut qu’ils ayent quatre piés huit, neuf, dix pouces, pour les chevaux de selle, & cinq piés pour le carrosse. Quant au poil, on préférera le noir de jais, le beau gris, le bai, l’alsan, l’isabelle doré, avec la raie de mulet, les crins & les extrémités noires : tous les poils mal teints & d’une couleur lavée doivent être bannis des haras, ainsi que les chevaux à extrémités blanches.
Outre les qualités extérieures, il ne faut pas négliger les autres. L’étalon doit être courageux, docile, ardent, sensible ; agile, libre des épaules, sûr des jambes, souple des hanches, &c. car le cheval communique par la génération presque toutes ses bonnes & mauvaises qualités naturelles & acquises.
On prendra les jumens bonnes nourrices ; il faut qu’elles ayent du corps & du ventre. On donnera à l’étalon des jumens Italiennes & Espagnoles, pour avoir des chevaux fins ; on les lui donnera Normandes ou Angloises, pour avoir des chevaux de carrosse. Il n’est pas inutile de savoir, 1°. que dans les chevaux, on croit que le mâle contribue plus à la génération que la femelle, & que les poulains ressemblent plus au pere qu’à la mere : 2°. que les haras établis dans des terreins secs & legers, donnent des chevaux sobres, legers, vigoureux, à jambe nerveuse, à corne dure ; au lieu que dans les pâturages gras & humides, ils ont la tête grosse, le corps épais, les jambes chargées, la corne mauvaise, le pié plat : 3°. que de même qu’on change les graines de terreins pour avoir de belles fleurs, il faut pour avoir de bons chiens & de beaux chevaux, donner aux semelles des mâles étrangers ; sans quoi la race s’abâtardira. Dans ce croisement des races, il faut corriger les défauts les uns par les autres ; quand je dis les défauts, j’entens ceux de la conformation extérieure, ceux du caractere, ceux du climat, & les autres, & donner à la femelle qui peche par un défaut, un étalon qui peche par l’excès. L’usage de croiser les races, même dans l’espece humaine, qu’on ne fonde que sur des vûes politiques, a peut-être une origine beaucoup plus certaine & plus raisonnable. Quand on voit chez les peuples les plus grossiers & les plus sauvages, les mariages entre proches parens si rarement permis, ne seroit-ce pas que, par une expérience dont on a perdu toute mémoire, les hommes auroient connu de très-bonne heure le mauvais effet qui résulteroit nécessairement à la longue de la perpétuité des alliances du même sang ? Voyez, dans le 3e volume de l’histoire naturelle de MM. de Buffon & Daubenton, au chapitre du cheval, des conjectures très-profondes sur la cause de cet effet, & une infinité de choses excellentes, qu’il ne nous a pas été possible de faire entrer ni par extrait, ni en entier dans cet article : par extrait, parce que belles également par-tout, il nous étoit impossible de choisir ; en entier, parce qu’elles nous auroient mené trop au-delà de notre but. Il faut dans l’accouplement des chevaux, assortir les poils, les tailles, opposer les climats, contraster les figures, & écarter les jumens à queue courte ; parce que ne pouvant se défendre des mouches, elles se tourmentent, & ont moins de lait. Il seroit à propos d’en avoir qui eussent toûjours pâturé, & qui n’eussent jamais fatigué.
Quoique la chaleur soit depuis le commencement d’Avril jusqu’à la fin de Juin, cependant il y a des jumens qui avancent & d’autres qui reculent. Il ne faut point exposer le poulain à naître ou dans les grands froids, ou dans les grandes chaleurs.
Lorsque l’étalon & les jumens seront choisies, on aura un autre cheval entier qui ne servira qu’à faire connoître les jumens qui seront en chaleur, ou qui contribuera seulement à les y faire entrer ; on sera passer les jumens les unes après les autres devant ce cheval ; il voudra les attaquer toutes ; celles qui ne seront pas en chaleur, se défendront ; les autres se laisseront approcher : alors on lui substituera l’étalon. Cette épreuve est bonne, sur-tout pour connoître la chaleur des jumens qui n’ont pas encore produit.
Quand on menera l’étalon à la jument, on commencera par le panser : il faudra que la jument soit propre & déferrée des piés de derriere, de peur qu’étant chatouilleuse, elle ne rue : un homme la tiendra par un licol ; deux autres conduiront l’étalon par des longes ; quand il sera en situation, on aidera à l’accouplement en le dirigeant, & en détournant la queue de la jument : un crin qui s’opposeroit pourroit blesser l’étalon, & même dangereusement. Il arrive quelquefois que l’étalon ne consomme pas ; on le connoîtra si le tronçon de sa queue n’a pas pris un mouvement de balancier : ce mouvement accompagne toûjours l’émission de la liqueur séminale. S’il a consommé, il faudra le ramener tout de suite à l’écurie, & l’y laisser jusqu’au sur-lendemain. Un bon étalon peut couvrir une fois tous les jours pendant les trois mois que dure la monte ; mais il vaut mieux le ménager, & ne lui donner une jument qu’une fois tous les deux jours.
On lui présentera donc dans les sept premiers jours quatre jumens différentes. Le neuvieme jour on lui ramenera la premiere ; & ainsi des autres, tant qu’elles set ont en chaleur. Il y en a qui retiennent des la premiere, la seconde, ou la troisieme fois. On compte qu’un étalon ainsi conduit, peut couvrir quinze ou dix-huit jumens, & produire dix à douze poulains dans les trois mois de cet exercice. Dans ces animaux la quantité & l’émission de la liqueur séminale est très-grande. Il s’en fait aussi une émission ou stillation dans les jumens. Elles jettent au-dehors une liqueur gluante & blanchâtre qu’on appelle des chaleurs, & qui disparoît dès qu’elles sont pleines. C’est à cette liqueur que les Grecs donnoient le nom d’hippomane de la jument, & dont ils faisoient des filtres. Voyez Hippomane. On reconnoît encore la chaleur de la jument au gonflement de la partie inférieure de la vulve, aux hennissemens fréquens, & à l’ardeur avec laquelle elle cherche les chevaux.
Au lieu de conduire la jument à l’étalon, il y en a qui lâchent l’étalon dans le parquet, & l’y laissent choisir celles qui ont besoin de lui : cette maniere est bonne pour les jumens, mais elle ruine l’étalon.
Quand la jument a été couverte par l’étalon, on la remene au pâturage sans autre précaution ; peut-être retiendroit-elle mieux, si on lui jettoit de l’eau fraîche, comme c’est l’usage de quelques peuples. Il faut donner la premiere fois à une jument un gros étalon ; parce que sans cela, son premier poulain sera petit : il faut aussi avoir égard à la réciprocité des figures, corriger les défauts de l’étalon ou de la jument par le contraste, comme nous avons dit, & ne point faire d’accouplemens disproportionnés.
Quand les jumens sont pleines, & que le ventre commence à s’appesantir, il faut les séparer des autres qui pourroient les blesser ; elles portent ordinairement onze mois, & quelques jours ; elles accouchent debout, au contraire de presque tous les autres quadrupedes. On les aide en mettant le poulain en situation ; & quelquefois même, quand il est mort, on le tire avec des cordes. Le poulain se présente la tête la premiere, comme dans toutes les especes d’animaux ; il rompt ses enveloppes en sortant ; les eaux s’écoulent ; il tombe en même tems plusieurs morceaux solides qu’on appelle l’hippomane du poulain : la jument lêche le poulain, mais ne touche point à l’hippomane.
Quand on veut tirer de son haras tout le produit possible, on peut faire couvrir la jument neuf jours après qu’elle a pouliné ; cependant nourrissant son poulain né & son poulain à naître dans le même tems, ses forces seront partagées ; & il vaudroit mieux ne laisser couvrir les jumens que de deux années l’une.
Elles souffrent l’accouplement, quoique pleines ; mais il n’y a jamais de superfétation. Elles portent jusqu’à l’âge de quatorze ou quinze ans ; les plus vigoureuses sont fécondes jusqu’au-delà de dix-huit ; les chevaux jusqu’à vingt, & même au-delà. Ceux qui ont commencé de bonne heure, finissent plûtôt.
Des poulains. Des le tems du premier âge, on sépare les poulains de leurs meres : on les laisse teter cinq, six, ou tout au plus sept mois. Ceux qu’on ne sevre qu’à dix ou onze mois ne sont pas si bons, quoiqu’ils prennent plus de chair & de corps. Après les mois de lait, on leur donne du son deux fois par jour avec un peu de foin, dont on augmente la quantité à mesure qu’ils avancent en âge. On les tient dans l’écurie tant qu’on leur remarque de l’inquiétude pour leurs meres. Quand cette inquiétude est passée, & qu’il fait beau, on les conduit aux pâturages. Il ne faut pas les laisser paître à jeun ; il faut leur avoir donné le son, & les avoir abreuvés une heure avant que de les mettre à l’herbe, & ne les exposer ni à la pluie, ni au grand froid.
Ils passeront de cette maniere le premier hyver. Au mois de Mai suivant, on leur permettra tous les jours les pâturages ; on les y laissera coucher pendant l’été jusqu’à la fin d’Octobre, observant de les écarter des regains, de peur qu’ils ne s’accoûtument à cette herbe trop fine, & ne se dégoûtent du foin. Le foin sera leur nourriture principale pendant le second hyver, avec du son mêlé d’orge ou d’avoine moulus. On les dirigera de cette maniere, les laissant paître le jour pendant l’hyver, la nuit pendant l’été, jusqu’à l’âge de quatre an, qu’on les tirera du pâturage pour les nourrir à l’herbe seche. Ce changement de nourriture demande quelque précaution. On ne leur donnera pendant les huit premiers jours que de la paille ; d’autres y ajoûtent quelques breuvages contre les vers. Mais à tout âge & dans tous les tems, l’estomac de tous les chevaux est farci d’une si prodigieuse quantité de vers, qu’ils semblent faire partie de leur constitution. Ils sont dans les chevaux sains comme dans les chevaux malades ; dans ceux qui paîssent l’herbe comme dans ceux qui ne mangent que de l’avoine & du foin. Les ânes ont aussi cette prodigieuse quantité de vers, & n’en sont pas plus incommodés. Ainsi peut-être ne faut-il pas regarder ces vers comme une maladie accidentelle, comme une suite des mauvaises digestions, mais plûtôt comme un effet dépendant de la nourriture & de la digestion ordinaire de ces animaux.
C’est à deux ou trois ans, selon l’usage général, & dans certaines provinces, à un an ou dix-huit mois qu’on hongre les poulains. Pour cette opération, on leur lie les jambes ; on les renverse sur le dos ; on ouvre les bourses avec un bistouri ; on en tire les testicules ; on coupe les vaisseaux qui y aboutissent, & les ligamens qui les soûtiennent ; on referme la plaie ; on fait baigner le cheval deux fois par jour pendant quinze jours ; on l’étuve souvent avec de l’eau fraîche, & on le nourrit avec du son détrempé dans beaucoup d’eau : on ne hongre qu’au printems & en automne. On n’hongre point en Perse, en Arabie, & autres lieux du Levant. Cette opération ôte aux chevaux la force, le courage, la fierté, &c. mais leur donne de la douceur, de la tranquillité, de la docilité. L’hongre peut s’accoupler, mais non engendrer. Voyez l’article Chatrer.
Quand on a sevré les jeunes poulains, il faut les mettre dans une écurie qui ne soit pas trop chaude, de peur de les rendre trop sensibles aux impressions de l’air ; leur donner souvent de la litiere fraiche, les bouchonner de tems en tems, mais ne les attacher & panser à la main, qu’à l’âge de deux ans & demi ou trois ans ; un frottement trop rude les feroit dépérir. Il ne faut pas leur mettre le ratelier trop haut, de peur qu’ils n’en contractent l’habitude de tenir mal leur tête. On leur tondra la queue à un an ou dix-huit mois ; on les séparera à l’âge de deux ans ; on mettra les femelles avec les jumens, & les mâles avec les chevaux.
Dresser un cheval. C’est à l’âge de trois ans ou trois ans & demi qu’on commencera à les dresser. On leur mettra d’abord une selle légere & aisée ; on les laissera sellés pendant deux ou trois heures chaque jour ; on les accoûtumera de même à recevoir un bridon dans la bouche, & à se laisser lever les piés sur lesquels on frappera quelques coups, comme pour les ferrer. S’ils sont destinés aux carrosses ou au trait, on leur mettra un harnois & un bridon ; dans les commencemens il ne faut point de bride, ni pour les uns, ni pour les autres. On les fera troter ensuite à la longe avec un caveçon sur le nez sur un terrein uni, sans être montés, & seulement avec la selle & le harnois sur le corps. Lorsque le cheval de selle tournera facilement & viendra volontiers auprès de celui qui tient la longe, on le montera & on le descendra dans la même place, & sans le faire marcher, jusqu’à ce qu’il ait quatre ans. Avant cet âge, il n’est pas encore assez fort pour le poids du cavalier. A quatre ans on le montera pour le faire marcher au pas, au trot, & toûjours à petites reprises.
Quand le cheval de carrosse sera accoûtumé au harnois, on l’attelera avec un autre cheval fait, en lui mettant une bride, & on le conduira avec une longe passée dans la bride jusqu’à ce qu’il commence à être sage au trait ; alors le cocher essayera de le faire reculer, ayant pour aide un homme devant, qui le poussera en arriere avec douceur, & même lui donnera de petits coups. Tout cela se fera avant que les chevaux ayent changé de nourriture ; car quand une fois ils sont engrainés, ou au grain ou à la paille, ils deviennent plus difficiles à dresser.
Monter un cheval. Nous commandons aux chevaux par le mors & par l’éperon : le mors rend les mouvemens plus précis, l’éperon les rend plus vîtes. La bouche est si sensible dans le cheval, que la moindre pression du mors l’avertit & le détermine : la grande sensibilité de cet organe veut être ménagée ; quand on en abuse, on la détruit. On ne parle point au cheval au manege : tirer la bride, & donner de l’éperon en même tems, c’est produire deux effets contraires, dont la combinaison est de cabrer le cheval. Quand un cheval est bien dressé, la moindre pression des cuisses, le moindre mouvement du mors, suffisent pour le diriger, l’éperon devient presque inutile.
Les anciens surent très-bien se faire entendre à leurs chevaux, sans la bride & sans l’éperon, quand ils les monterent ; ce qui n’arriva que tard. Il n’y a presque pas un seul vestige d’équitation dans Homere : on ne voit dans les bas-reliefs, du moins pour la plûpart, ni bride ni éperon, il n’est point parlé d’étriers dans les auteurs Grecs & Latins. Un Grec, du tems de Xénophon, pour monter à cheval, prenoit de la main droite la criniere avec les renes ; & quand li étoit trop pesant, un écuyer l’aidoit à monter, à la mode des Perses. Les Perses avoient appris aux chevaux à s’accroupir. Les Romains s’apprenoient à monter sur des chevaux de bois ; ils montoient à droite, à gauche, sans armes d’abord, puis armés. L’usage de ferrer les chevaux est ancien, mais il fut peu fréquent jadis ; les mules & les mulets l’ont été de tout tems. Le luxe fut porté sous Néron jusqu’à ferrer les chevaux d’argent & d’or. Il paroît qu’on ne les ferroit pas chez les Grecs, puisque Xénophon prescrit la maniere dont on durcira la corne aux chevaux : cependant il est parlé d’un fer à cheval dans Homere, liv. II. iliad. vers 151.
Les chevaux bridés à la Romaine ont un mors sans renes. Les Romains montoient aussi à nud, sans bride & sans selle. Les Massagetes couvroient de fer la poitrine de leurs chevaux. Les Numides couroient à nud, & étoient obéis de leurs chevaux comme nous le sommes de nos chiens. Les Perses les couvroient aussi de fer au front & à la poitrine. Les chevaux de course étoient estimés au tems d’Homere & des jeux olympiques, comme une grande richesse : ils ne l’étoient pas moins des Romains ; on gravoit sur des pierres, on exécutoit en marbre ceux qui s’étoient signalés par leur vîtesse, ou qui se faisoient remarquer par l’élégance de leurs formes : on leur érigeoit des sépulcres, où leurs noms & leurs pays étoient inscrits ; on les marquoit à la cuisse : les Grecs avoient deux lettres destinées à cet usage, le coppa, & le san ; le coppa étoit fait comme notre Q, & les chevaux ainsi marqués s’appelloient coppariæ : le san étoit le sigma , mais ils le marquoient comme notre grand C, & les chevaux marqués du san s’appelloient samphoræ. On a vû plus haut que c’étoit aussi l’usage de nos jours en quelques contrées de marquer les chevaux.
On donne à la tête du cheval, par le moyen de la bride, un air avantageux ; on la place comme elle doit être ; & le signe le plus leger fait prendre sur le champ au cheval ses différentes allures, qu’on s’applique à perfectionner.
Monter à cheval. Pour monter à cheval, il faut s’approcher assez près de l’épaule du cheval, raccourcir les renes avec la main droite jusqu’au point d’appuyer le mors sur la barre, saisir alors une poignée de la criniere avec les renes de la main gauche, porter la main droite à l’endroit où l’étriviere joint l’étrier, pour tourner l’étrier du bon côté afin d’y passer le pié gauche ; porter ensuite la main droite au trousquin de la selle, élever le corps, & passer la jambe droite, de façon qu’en passant elle chasse la main droite, sans tomber à coup sur la selle.
Descendre de cheval. Pour descendre de cheval, il faut se soulever sur la selle, en appuyant la main droite sur la bâte droite du devant de la selle, dégager auparavant le pié de l’étrier, passer ensuite la jambe par-dessus la croupe, en la faisant suivre par la main droite qui s’appuiera sur le trousquin de la selle, comme on avoit fait en montant, & donnera la facilité de poser doucement le pié droit par terre. Au reste il paroît utile d’avoir un cheval de bois sur lequel on mette une selle pareille à celles dont on se sert ordinairement, & d’apprendre sur ce cheval à monter & descendre dans les regles : on y placera aussi facilement le corps, les cuisses & les jambes du cavalier, dans la meilleure situation où elles puissent être : ce cheval ne remuant ni ne dérangeant le cavalier, il restera dans la meilleure attitude aussi longtems qu’il lui sera possible, & en prendra ainsi plus aisément l’habitude. S’il s’agissoit d’instruire un régiment de cavalerie, il faudroit absolument choisir un certain nombre de cavaliers qui auroient le plus de disposition & d’intelligence, & après leur avoir appris, leur ordonner de montrer aux autres ; observant dans les commencemens que cet exercice s’exécutât devant soi, afin de s’assûrer que ceux qu’on a instruits rendent bien aux autres ce qu’ils ont appris.
Se tenir à cheval, ou posture du corps à cheval : Dans la posture du corps à cheval, il faut le considérer comme divisé en trois parties ; le tronc, les cuisses, & les jambes.
Il faut que le tronc soit assis perpendiculairement sur le cheval, de maniere que la ligne qui tomberoit du derriere de la tête tout le long des reins soit perpendiculaire au cheval. Comme il faut prendre cette position sans avoir égard aux cuisses, le moyen de savoir si on l’a bien prise, c’est de soulever les deux cuisses en même tems ; si l’on exécute aisément ce mouvement, on peut en inférer que le tronc est bien assis.
On laisse descendre les cuisses aussi bas qu’elles peuvent aller, sans déranger l’assiette du tronc. Il ne faut pas s’opiniâtrer à les faire descendre à tous les hommes au même point : elles descendent plus bas aux uns qu’aux autres ; cela dépend de la conformation ; l’exercice peut aussi y contribuer : il ne faut point les forcer ; on ne le pourroit sans déranger l’assiette du corps.
Pour les jambes, auxquelles il ne faut passer qu’après l’arrangement du tronc & des cuisses, il faut les laisser descendre naturellement suivant leur propre poids. Lorsqu’on dit qu’il faut qu’elles soient sur la ligne du corps, on ne veut pas dire qu’elles doivent faire partie de la ligne du corps, cela est impossible en conservant l’assiette du corps telle qu’on l’a prescrite ; ce qu’il faut entendre, c’est qu’en les laissant descendre sans conserver aucune roideur dans le genou, elles doivent former deux lignes paralleles à la ligne du tronc.
C’est à l’extrémité de ces paralleles qu’il faut fixer les étriers, qui ne doivent que supporter simplement les piés à plat, & dans la situation où ils se trouvent, sans les tourner, sans peser sur les étriers : ces actions mettroient de la roideur dans le genou & dans la jambe, fatigueroient & empêcheroient le liant qui doit être dans les différens mouvemens qu’on est obligé de faire des jambes pour conduire le cheval.
En général, quand on est obligé de serrer les cuisses, il faut que ce soit sans déranger l’assiette du corps, & sans mettre de roideur dans les jambes ; & quand on est obligé d’approcher les jambes, il faut que ce soit doucement, sans déranger ni les cuisses ni le corps en aucune façon.
Faire partir le cheval. Pour faire partir le cheval, il faut employer les jambes & la main en même tems. Si c’est pour aller droit devant soi, on approche également les deux jambes, & on rend un peu la main ; s’il faut tourner, on tire un peu la rene du côté qu’on veut tourner, afin d’y porter la tête du cheval, & on approche les deux jambes en même tems, observant d’approcher plus ferme celle du côté qu’on veut tourner le cheval : si on n’en approchoit qu’une, le derriere du cheval se rangeroit trop à coup du côté opposé. La main en dirigeant la tête du cheval, en conduit les épaules, & les deux jambes en conduisent les hanches & le derriere. Quand ces deux actions ne sont pas d’accord, le corps du cheval se met en contorsion, & n’est pas ensemble. Quand il s’agit de reculer, on leve doucement la main, & on tient les deux jambes à égale distance, cependant assez près du cheval pour qu’il ne dérange pas ses hanches, & ne recule pas de travers.
Voilà les principaux mouvemens, les plus essentiels : nous ne finirions jamais si nous entrions dans le détail de tout ce qu’on exige du cheval & du cavalier dans un manege ; on le trouvera distribué aux différens articles de ce Dictionnaire. Voyez les articles Manege, Volte, Passeger, &c. Nous allons seulement exposer des allures du cheval, les premieres, les moins composées, & les plus naturelles, telles que le pas, le trot, le galop ; nous ajoûterons un mot de l’amble, de l’entrepas, & de l’aubin. Le cheval prend ces différentes allures, selon la vitesse avec laquelle on le fait partir.
Des allures du cheval. Du pas. Le pas est la plus lente ; cependant il doit être assez prompt ; il ne le faut ni allongé ni raccourci. La légereté de la démarche du cheval dépend de la liberté des épaules, & se reconnoît au port de la tête : s’il la tient haute & ferme, il est vigoureux & léger ; si le mouvement des épaules n’est pas libre, la jambe ne se leve pas assez, & le cheval est sujet à heurter du pié contre le terrein : si les épaules sont encore plus serrées, & que le mouvement des jambes en paroisse indépendant, le cheval se fatigue, fait des chûtes, & n’est capable d’aucun service, Le cheval doit être sur la hanche, c’est-à-dire hausser les épaules & baisser la hanche en marchant.
Quand le cheval leve la jambe de devant pour marcher, il faut que ce mouvement soit facile & hardi, & que le genou soit assez plié : la jambe pliée doit paroître comme soûtenue en l’air, mais peu ; sans quoi elle retomberoit trop lentement, & le cheval ne seroit pas leger. Quand la jambe retombe, le pié doit être ferme, & appuyer également sur la terre, sans que la tête soit ébranlée : si la tête baisse quand la jambe retombe, c’est ordinairement afin de soulager l’autre jambe qui n’est pas assez forte pour soûtenir le poids du corps ; défaut considérable, aussi bien que celui de porter le pié en-dehors ou en-dedans. Quand le pié appuie sur le talon, c’est marque de foiblesse ; s’il pose sur la pince, l’attitude est forcée & fatigante pour le cheval.
Mais il ne suffit pas que les mouvemens du cheval soient fermes & legers, il faut qu’ils soient égaux & uniformes dans le train de devant & celui de derriere. Le cavalier sentira des secousses si la croupe balance, tandis que les épaules se soûtiennent ; il en arrivera de même s’il porte le pié de derriere au-delà de l’endroit où le pié de devant a posé. Les chevaux qui ont le corps court sont sujets à ce défaut : ceux dont les jambes se croisent ou s’atteignent, n’ont pas la démarche sûre : en général ceux dont le corps est long sont plus commodes pour le cavalier, parce qu’il se trouve plus éloigné des centres du mouvement.
Les quadrupedes marchent ordinairement en portant à la fois en avant une jambe de devant & une jambe de derriere : lorsque la jambe droite de devant a parti, la jambe gauche de derriere suit & avance : ce pas étant fait, la jambe gauche de devant part à sen tour, puis la jambe droite de derriere, & ainsi le suite. Comme leur corps porte sur quatre points d’appui qui seroient aux angles d’un quarré long, la maniere la plus commode de se mouvoir est d’en changer deux en diagonale, de façon que le centre de gravité du corps de l’animal ne fasse qu’un petit mouvement, & reste toûjours à-peu-près dans la direction des deux points d’appui qui ne sont pas en mouvement.
Cette regle s’observe dans les trois allures naturelles du cheval, le pas, le trot, & le galop : dans le pas, le mouvement est à quatre tems & à trois intervalles, dont le premier & le dernier sont plus courts que celui du milieu ; si la jambe droite de devant a parti la premiere, l’instant suivant partira la jambe gauche de derriere, le troisieme instant la jambe gauche de devant, & le quatrieme instant la jambe droite de derriere : ainsi le pié droit de devant posera à terre le premier ; le pié gauche de derriere le second ; le pié gauche de devant le troisieme ; & le pié droit de derriere le quatrieme & le dernier.
Du trot. Dans le trot il n’y a que deux tems & qu’un intervalle : si la jambe droite de devant part, la jambe gauche de derriere part en même tems, sans aucun intervalle ; ensuite la jambe gauche de devant, & la jambe droite de derriere en même tems : ainsi le pié droit de devant & le pié gauche de derriere posent à terre ensemble, & le pié gauche de devant avec le pié droit de derriere en même tems.
Du galop. Dans le galop il y a ordinairement trois tems & deux intervalles : comme c’est une espece de saut où les parties antérieures du cheval sont chassées par les parties postérieures, si des deux jambes de devant la droite doit avancer plus que la gauche, le pié gauche de derriere posera à terre pour servir de point d’appui à l’élancement : ce sera le pié gauche de derriere qui fera le premier tems du mouvement, & qui posera à terre le premier ; ensuite la jambe droite de derriere se levera conjointement avec la jambe gauche de devant, & elles retomberont à terre en même tems ; & enfin la jambe droite de devant qui s’est levée un instant après la gauche de devant & la droite de derriere, se posera à terre la derniere, ce qui fera le troisieme tems. Dans le premier des intervalles, quand le mouvement est vîte, il y a un instant où les quatre jambes sont en l’air en même tems, & où l’on voit les quatre fers du cheval à la fois. Si la cadence de ce pas est bien reglée, le cheval appuiera le pié gauche de derriere au premier tems ; le pié droit de derriere retombera le premier, & fera le second tems ; le pié gauche de devant retombera ensuite, & marquera le troisieme tems ; & enfin le pié droit de devant retombera le dernier, & fera un quatrieme tems. Mais il n’est pas ordinaire que cette cadence soit aussi réguliere, & soit à quatre tems & à trois intervalles, au lieu d’être, comme nous l’avons dit d’abord, à deux intervalles & à trois tems.
Les chevaux galopent ordinairement sur le pié droit, de la même maniere qu’ils partent de la jambe droite de devant pour marcher & pour troter : ils entament aussi le chemin en galopant par la jambe droite de devant ; cette jambe de devant est plus avancée que la gauche ; de même la jambe droite de derriere qui suit immédiatement la droite de devant, est aussi plus avancée que la gauche de derriere, & cela constamment tant que le galop dure : d’où il résulte que la jambe gauche qui porte tout le poids, & qui pousse les autres en avant, est la plus fatiguée. Il seroit donc à propos d’exercer les chevaux à galoper indifféremment des deux piés de derriere, & c’est aussi ce que l’on fait au manege.
Les jambes du cheval s’élevent peu dans le pas ; au trot elles s’élevent davantage ; elles sont encore plus élevées dans le galop. Le pas pour être bon doit être prompt, leger, & sûr ; le trot, prompt, ferme, & soûtenu ; le galop, prompt, sûr, & doux.
De l’amble. On donne le nom d’allures non naturelles aux suivantes, dont la premiere est l’amble. Dans cette allure, les deux jambes du même côté partent en même tems pour faire un pas, & les deux jambes de l’autre côté en même tems, pour faire un second pas ; mouvement progressif, qui revient à-peu-près à celui des bipedes. Deux jambes d’un côté manquent alternativement d’appui, & la jambe de derriere d’un côté avance à un pié ou un pié & demi au-delà de la jambe du devant du même côté. Plus cet espace, dont le pié de derriere d’un côté gagne sur celui de devant du même côté, est grand, meilleur est l’amble. Il n’y a dans l’amble que deux tems & un intervalle. Cette allure est très fatiguante pour le cheval, & très-douce pour le cavalier. Les poulains qui sont trop foibles pour galoper la prennent naturellement, de même que les chevaux usés, quand on les force à un mouvement plus prompt que le pas. Elle peut donc être regardée comme défectueuse.
De l’entrepas & de l’aubin. Ces deux allures sont mauvaises ; on les appelle trains rompus ou desunis. L’entrepas tient du pas & de l’amble, & l’aubin du trot & du galop. L’un & l’autre viennent d’excès de fatigue ou de foiblesse des reins. Les chevaux de messagerie prennent l’entrepas au lieu du trot ; & les chevaux de poste, l’aubin au lieu du galop, à mesure qu’ils se ruinent.
Quelques observations sur la connoissance des chevaux ; âge, accroissement, vie, &c. On juge assez bien du naturel & de l’état actuel d’un cheval par le mouvement des oreilles. Il doit, quand il marche, avoir la pointe des oreilles en avant ; s’il est fatigué, il a l’oreille basse ; s’il est en colere & malin, il porte alternativement l’une en-avant, l’autre en-arriere, Celui qui a les yeux enfoncés, ou un œil plus petit que l’autre, a ordinairement la vûe mauvaise : celui qui a la bouche seche n’est pas d’un si bon tempérament que celui qui l’a fraîche & écumeuse. Le cheval de selle doit avoir les épaules plates, mobiles, & peu chargées ; le cheval de trait doit les avoir grosses, rondes & charnues. Si les épaules d’un cheval de selle sont trop seches, & que les os paroissent trop avancer sous la peau, ses épaules ne seront pas libres, & il ne pourra supporter la fatigue. Il ne faut pas qu’il ait le poitrail trop avancé, ni les jambes de devant retirées en-arriere ; car alors il sera sujet à se peser sur la main en galopant, même à broncher & à tomber. La longueur des jambes doit être proportionnée à la taille ; si celles de devant sont trop longues, il ne sera pas assûré sur ses piés ; si elles sont trop courtes, il sera pesant à la main. Les jumens sont plus sujettes que les chevaux à être basses de devant, & les chevaux entiers ont le cou plus gros que les jumens & les hongres. Les vieux chevaux ont les salieres creuses ; mais cet indice de vieillesse est équivoque : c’est aux dents qu’il faut recourir. Le cheval a quarante dents, vingt-quatre machelieres, quatre canines, douze incisives. Les jumens ou n’en ont point de canines, ou les ont courtes. Les machelieres ne servent point à désigner l’âge ; c’est par les dents de devant, & ensuite par les canines qu’on en juge. Les douze de devant commencent à pousser quinze jours après la naissance ; elles sont rondes, courtes, peu solides, tombent en différens tems, & sont remplacées par d’autres. A deux ans & demi, les quatre de devant du milieu tombent les premieres, deux en-haut & deux en-bas ; un an après il en tombe quatre autres, une de chaque côté des premieres remplacées ; à quatre ans & demi il en tombe quatre autres, toûjours à côté de celles qui sont tombées & qui ont été remplacées. Ces quatre dernieres dents sont remplacées par quatre qui ne croissent pas à beaucoup près aussi vîte que celles qui ont remplacé les huit premieres. Ce sont ces quatre dernieres dents qu’on appelle les coins, qui remplacent les quatre dernieres dents de lait, & qui marquent l’âge du cheval. Elles sont aisées à reconnoître, puisqu’elles sont les troisiemes tant en-haut qu’en-bas, à compter depuis le milieu de la machoire. Elles sont creuses, & ont une marque noire dans leur concavité. A quatre ans & demi ou cinq ans, elles ne débordent presque plus au-dessus de la gencive ; & le creux est fort sensible. A six ans & demi il commence à se remplir ; la marque commence aussi à diminuer & à se retrécir, & toûjours de plus en plus jusqu’à sept ans & demi ou huit ans, que le creux est tout-à-fait rempli, & la marque noire effacée. A huit ans passés, comme ces dents ne marquent plus l’âge, on cherche à en juger par les dents canines ou crochets ; ces quatre dents sont à côté de celles-ci. Les canines, non plus que les machelieres, ne sont pas précédées par d’autres dents qui tombent ; les deux de la machoire inférieure poussent ordinairement les premieres à trois ans & demi, & les deux de la machoire supérieure à quatre ans ; & jusqu’à l’âge de six ans, ces dents sont fort pointues. A dix ans, celles d’en-haut paroissent déjà émoussées, usées, & longues, parce qu’elles sont déchaussées ; & plus elles le sont, plus le cheval est vieux. Depuis dix jusqu’à treize ou quatorze ans, il n’y a plus d’indice. Seulement les poils des sourcils commencent à devenir blancs ; mais ce signe est équivoque. Il y a des chevaux dont les dents ne s’usent point, & où la marque noire reste toûjours ; on les appelle béguts ; mais le creux de la dent est absolument rempli. On les reconnoit encore à la longueur des dents canines. Il y a plus de jumens que de chevaux béguts. L’âge efface aussi les sillons du palais.
La durée de la vie des chevaux, ainsi que des autres animaux, est proportionnée à la durée de l’accroissement. Le cheval, dont l’accroissement se fait en quatre ans, peut vivre six ou sept fois autant, vingt-cinq ou trente ans. Les gros chevaux vivent moins que les fins, aussi s’accroissent-ils plus vîte.
Les chevaux, de quelque poil qu’ils soient, muent une fois l’an, ordinairement au printems, quelquefois en automne. Il faut alors les ménager ; il y en a qui muent de corne.
On appelle hennissement le cri du cheval, & l’on reconnoit assez distinctement cinq sortes de hennissemens, relatifs à cinq passions différentes.
Le cheval leche, mais rarement ; il dort moins que l’homme. Quand il se porte bien, il ne demeure guere que trois heures de suite couché sans se relever ; il y en a qui ne se couchent point. En général, les chevaux ne dorment que trois ou quatre heures sur vingt-quatre. Ils boivent par le seul mouvement de déglutition, en enfonçant profondément le nez dans l’eau. Il y a des auteurs qui pensent que la morve, qui a son siége dans la membrane pituitaire, est la suite d’un rhûme occasionné par la fraîcheur de l’eau.
De toutes les matieres tirées du cheval, & célebrées par les anciens comme ayant de grandes vertus médicinales, il n’y en a pas une qui soit en usage dans la medecine moderne, excepté le lait de jument. Voyez Lait.
Les principales marchandises que le cheval fournit après sa mort, sont le crin, le poil, la corne, & le cuir. On fait du crin, des boutons, des tamis, des toiles, & des archets d’instrumens à corde ; on en rembourre les selles & les meubles, & on le commet en cordes. Les Tabletiers-Peigners font quelques ouvrages de corne de cheval. Le cuir passe chez les Tanneurs & les Selliers-Bourreliers.
Le cheval, chez les anciens, étoit consacré à Mars ; c’étoit un signe de guerre. Les Poëtes supposent quatre chevaux au soleil, qu’ils ont appellés Eoüs, Pyroïs, Aëton & Phlegon. Le cheval est le symbole de Carthage dans les médailles Puniques. On désigne la paix par des chevaux paissans en liberté. Le cheval bondissant sert d’emblème à l’Espagne. Le coursier étoit celle des victorieux aux jeux olympiques. Bucéphale servoit de symbole aux rois de Macédoine. Le cheval étoit l’empreinte presque ordinaire des monnoies Gauloises. Les Germains avoient des chevaux sacrés qui rendoient des oracles par le hennissement ; ils étoient entretenus aux dépens du public, & il n’y avoit que les prêtres & le roi qui en approchassent.
Il y a peu d’animaux qu’on ait autant étudié que le cheval. La Maréchallerie, qui pourroit très-bien faire une science d’observations & de connoissances utiles relatives à cet animal, sans avoir sa nomenclature particuliere, n’a pas négligé cette petite charlatannerie. Il n’y a presque pas une partie du cheval qui n’ait un nom particulier, quoiqu’il n’y ait presque pas une de ces parties qui n’ait sa correspondante dans l’homme, & qui ne pût être nommée du même nom dans ces deux animaux. On trouvera aux différens articles de ce Dictionnaire l’explication de ces noms. Voyez Avives, Larmiers, Chanfrein, Ganache, &c.
La différence des poils a considérablement augmenté cette nomenclature ; chaque couleur & chaque teinte a son nom. Un cheval est ou aubere, ou alzan ou zain, &c. Voyez ces articles.
Il en est de même des exercices du manege, relatifs soit à l’homme, soit au cheval. On trouvera ces exercices à leurs mots.
Après l’homme, il n’y a point d’animal à qui l’on reconnoisse tant de maladies qu’au cheval. Voyez ces maladies à leurs différens articles. Voyez aussi, pour une connoissance plus entiere de l’animal, Aldrovand. de quadrup. & soliped. Le nouveau parfait Maréchal, par M. de Garsault. L’école & les élémens de cavalerie, de M. de la Gueriniere. Le Neucastle. Le véritable & parfait Maréchal, par M. de Solleysel ; & sur-tout le troisieme volume de l’histoire naturelle de MM. de Buffon & d’Aubenton. C’est dans cette derniere source que nous avons puisé la meilleure partie de cet article.
Cheval de rencontre, (Jurisprud.) Dans la coûtume de Poitou, art. 187. est la prestation d’un cheval de service, qui est due par le vassal au seigneur, lorsque dans une même année il y a eu deux ouvertures pour ce droit ; une par mutation de vassal, une par mutation de seigneur. Il n’est dû en ce cas qu’un seul cheval, dit la coûtume, pourvû que les deux chevaux se rencontrent dans un arc ; & le cheval qui est fourni est nommé dans ce cas cheval de rencontre, parce que la rencontre de ce cheval abolit l’autre qui auroit été dû pour la mutation. Voyez Cheval de service, & Rachat rencontré (A)
Cheval de service, (Jurisprud.) c’est un cheval qui est dû par le vassal au seigneur féodal. L’origine de ce devoir est fort ancienne : on voit dans une constitution de Conrard II. de beneficiis, qui est rapportée au liv. V. des fiefs, que les grands vassaux faisoient des présens de chevaux & d’armes à leur seigneur : majores valvassores dominis suis, quos seniores appellant, solemnia munera offerunt, arma scilicet & equos. Il y est dit aussi qu’à la mort du vassal c’étoit la coûtume que ses enfans & successeurs donnoient au seigneur ses chevaux & ses armes ; & encore actuellement, en plusieurs lieux de l’Allemagne, après le décès du pere de famille, son meilleur cheval ou habit est dû au seigneur. L’ancienne coûtume de Normandie, chap. xxxjv. parle du service de cheval qui est dû par les valvasseurs ; mais il ne faut pas confondre, comme font plusieurs auteurs, le service de cheval avec le cheval de service ; le premier est le service militaire que le vassal doit faire à cheval pour son seigneur ; le second est la prestation d’un cheval, dûe par le vassal au seigneur, pour être quitte du service militaire sa vie durant ; c’est ce que l’on voit dans Beaumanoir, ch. xxviij. p. 142. & dans une charte de Philippe Auguste de l’an 1222, où le fief qui doit le cheval de service est appellé fief franc, ou liberum feodum per servitium unius runcini. Voyez Service de cheval.
Il est parlé du cheval de service dans plusieurs coûtumes, telles que Montargis, Orléans, Poitou, grand Perche, Meaux, Anjou, Maine, Châteauneuf, Chartres, Dreux, Dunois, Hainaut. Quelques-unes l’appellent roucin de service. V. Roucin.
Le cheval de service est dû en nature, ou du moins l’estimation ; c’est ce que Bouthillier entend dans sa somme rurale, lorsqu’il dit qu’aucuns fiefs doivent cheval par prix.
Dans les coûtumes d’Orléans & de Montargis, il est estimé à 60 sols, & est levé par le seigneur une fois en sa vie ; & n’est pas dû, si le fief ne vaut par an au moins dix livres tournois de revenu.
La coûtume de Hainaut, ch. lxxjx. dit que quand le vassal qui tenoit un fief-lige, est décédé, le seigneur ou son bailli prend le meilleur cheval à son choix, dont le défunt s’aidoit, & quelques armures ; & qu’au défaut de cheval le seigneur doit avoir 60 sols.
Dans les coûtumes d’Anjou & du Maine il est dû à toute mutation de seigneur & de vassal, & est estimé cent sols.
Dans celle du grand Perche, il est dû à chaque mutation d’homme ; le vassal n’est tenu de le payer qu’après la foi & hommage, & il est estimé à 60 sols & un denier tournois. Il n’est pas dû pour simple renouvellement de foi.
Enfin, par les coûtumes de Château-neuf, Chartres, & Dreux, le cheval de service se leve à proportion de la valeur du fief. Quand le fief est entier, c’est-à-dire quand il vaut 60 sols de rachat, le cheval est dû ; & le cheval entier vaut 60 sols. Si le fief vaut moins de 60 s. de revenu, le cheval se paye à proportion ; il se demande par action, & ne peut se lever qu’une seule fois en la vie du vassal, lorsqu’il doit rachat & profit de fief.
Anciennement le cheval de service devoit être essayé avec le hautbert en croupe, qui étoit l’armure des chevaliers ; il falloit qu’il fût ferré des quatre piés ; & si le cheval étoit en état de faire douze lieues en un jour, & autant le lendemain, le seigneur ne pouvoit pas le refuser sous prétexte qu’il étoit trop foible. Voyez le chap. 129. des établissemens de France. Voy. aussi la Bibliot. du droit Fr. par Bouchel ; & le gloss. de M. de Lauriere, au mot cheval de service. (A)
Cheval traversant, (Jurisp.) est le cheval de service que le vassal qui tient à hommage plein, doit par la mutation du seigneur féodal en certains endroits du Poitou ; savoir, dans le pays de Gastine, Fontenay, Douvant & Mervant. Il ne faut pas confondre ce cheval avec celui qui est dû par la mutation du vassal. On appelle le premier, cheval traversant, parce que étant dû pour la mutation du seigneur, & devant être payé par le vassal dès le commencement de la mutation, ce cheval passe & traverse toûjours au sujet médiat & suserain qui leve le rachat du fief-lige du seigneur féodal & immédiat du vassal ; au lieu que le cheval qui est dû par la mutation du vassal ne devant être payé qu’a la fin de l’année de la mutation, ce cheval ne passe ou ne traverse pas toûjours au seigneur suserain & médiat, mais seulement lorsque la mutation de la part du vassal qui tient par hommage plein, précede celle qui arrive de la part du seigneur féodal immédiat qui tient par hommage lige du seigneur suserain. Il en est parlé dans l’article 168 & 183 de la coûtume de Poitou.
Lorsque la mutation arrive de la part du vassal dont le fief est tenu par hommage plein, l’héritier du vassal, suivant l’article 165 de la même coûtume, doit dans les mêmes endroits du Poitou, au seigneur féodal immédiat, à la fin de l’année de la mutation, un cheval de service, si dans l’an de la mutation du vassal qui tient par hommage plein, le seigneur féodal immédiat vient à déceder ; & si son fief tenu à hommage lige court en rachat, l’héritier du vassal dont le fief est tenu à hommage plein, par l’article 168. de la coûtume de Poitou, est obligé de payer ce cheval de service non à l’héritier du seigneur féodal décedé, mais au seigneur suserain & médiat qui leve le rachat du fief-lige ; & ce cheval passant ainsi au seigneur médiat à l’exclusion de l’héritier du seigneur immédiat, il semble qu’on pourroit l’appeller aussi cheval traversant comme le premier dont on a parlé ; cependant on n’appelle proprement cheval traversant que celui qui est dû pour la mutation du seigneur féodal par le vassal qui tient à hommage plein. Voy. le glossaire de M. de Lauriere, au mot cheval traversant. (A)
Cheval marin, s. m. hippocampus, (His. nat. Ichthiolog.) poisson de mer : selon Arthedi, on l’avoit mis ou nombre des insectes. Il est d’une figure si singuliere, qu’on a prétendu qu’il ressembloit à une chenille par la queue, & à un cheval par le reste du corps ; c’est pourquoi on l’a nommé cheval marin : ce qui a donné lieu à ces comparaisons, c’est que la queue de cet insecte se contourne en différens sens comme les chenilles, & que le reste du corps a quelque rapport à la tête, à l’encolure & au poitrail d’un cheval pour la figure. Cet insecte a des entailles sur tout le corps ; sa longueur est de neuf pouces au plus ; il n’est pas plus gros que le pouce ; il a un bec allongé en forme de tuyau creux qui se ferme & s’ouvre par le moyen d’une sorte de couvercle qui est dans le bas ; ses yeux sont ronds & saillans ; il a sur le sommet de la tête des poils hérissés & d’autres poils sur le corps ; ils sont tous si fins qu’on ne peut les voir que lorsque l’insecte est dans l’eau ; la tête & le cou sont fort menus & le ventre fort gros à proportion ; il a deux petites nageoires qui ressemblent à des oreilles, & qui sont placées à l’endroit où se trouvent les oüies des poissons ; il y a deux trous plus haut que les nageoires, & deux autres sous le ventre. Les excrémens sortent par l’un de ceux-ci, & les œufs par l’autre. La queue est plus mince que le corps ; elle est quarrée & garnie de piquans, de même que le corps qui est composé d’anneaux cartilagineux joints les uns aux autres par des membranes. Le cheval marin est brun & parsemé de points blancs ; le ventre est de couleur blanchâtre, Rondelet. Il y a sur le dos une nageoire composée de trente-quatre piquans. Voyez Arthedi, Ichthiolog. gen. pisc. pag. 1. Voyez Insecte. (I)
Cheval marin, voyez Hippopotame.
Cheval, petit Cheval, ou equuleus, (Astron.) nom que donnent les Astronomes à une constellation de l’hémisphere du nord. Les étoiles de cette constellation sont au nombre de quatre dans le catalogue de Ptolomée & dans celui de Tycho, & elles sont au nombre de dix dans celui de Flamsteed. (O)
Cheval de bois, (Art. milit.) est une espece de cheval formé de deux planches élevées sur des treteaux, sur lequel on met les soldats & les cavaliers pour les punir de quelques fautes legeres. Voy. Chatimens militaires. (Q)
Cheval de frise, (Art milit.) c’est dans la guerre des sieges & dans celle de campagne, une grosse piece de bois percée & traversée par d’autres pieces de bois plus petites & taillées en pointe. On s’en sert pour boucher les passages étroits, les breches, &c. Ils servent aussi d’une espece de retranchement, derriere lequel les troupes tirent sur l’ennemi qui se trouve arrêté dans sa marche ou dans son attaque par l’obstacle que ce retranchement lui oppose. On les appelle chevaux de frise, parce qu’on prétend que l’usage en a commencé dans cette partie des Provinces-unies.
Le cheval de frise a ordinairement douze ou quatorze piés de long & six pouces de diametre. Les chevilles ou pointes de bois dont il est hérissé ou garni, ont cinq ou six piés de long ; elles sont quelquefois armées de fer. Voyez Pl. XIII. de Fortific. (Q)
Cheval de terre, (Marbrier.) c’est ainsi que ces ouvriers appellent les espaces remplis de terre qui se découvrent quelquefois dans le solide des blocs & qui peuvent gâter leurs plus beaux ouvrages.