L’Encyclopédie/1re édition/ARGUMENT

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ARGUMENT, s. m. en Rhétorique. Ciceron le définit une raison probable qu’on propose pour se faire croire. Ratio probabilis & idonea ad faciendam fidem. Voyez Probabilité, Sentiment. Les Logiciens le définissent plus scientifiquement : un milieu, qui, par sa connexion avec les deux extrèmes, établit la liaison que ces deux extrèmes ont entr’eux. V. Milieu & Extreme. On distingue les argumens par rapport à la source d’où ils sont tirés, en argumens tirés de la raison, & argumens tirés de l’autorité. Et par rapport à leur forme, les Rhéteurs aussi-bien que les Logiciens, les divisent en syllogismes, entimèmes, inductions ou sorites, & dilemmes. V. ces mots à leur place.

Un argument en forme est un syllogisme formé selon les regles de la Logique, à laquelle cette espece d’argumentation est principalement affectée. Tous les Rhéteurs, après Aristote, disent que l’enthymème est l’argument de la Rhétorique, parce que c’est la forme de raisonnement la plus familiere aux Orateurs. La Rhétorique n’étant, selon leur définition, que l’art de trouver en chaque sujet des argumens propres à persuader, ils distinguent deux especes principales d’argumens par rapport aux sources qui peuvent les fournir : les uns intrinseques ou artificiels, les autres extrinseques ou naturels. Les argumens intrinseques ou artificiels appellés par les Grecs ἔντεχνα, & par les Latins insita, sont ceux qui dépendent de l’industrie de l’orateur, & qu’il tire ou de sa propre personne, ou de celle de ses auditeurs, ou du fond même du sujet qu’il traite. L’orateur persuade à l’occasion de sa personne & de ses mœurs, lorsque son discours donne à ses auditeurs une grande idée de sa vertu & de sa probité, parce qu’on ajoûte volontiers foi aux paroles d’un homme prudent, éclairé & vertueux, sur-tout en matiere douteuse & problématique ; c’est pourquoi Caton regardoit la probité comme la premiere base de l’éloquence : orator vir bonus dicendi peritus. Les argumens qui se tirent de la part de l’auditeur, ont pour but de le porter à quelque passion qui incline son jugement pour ou contre. C’est par-là que l’orateur exerce un empire absolu sur ceux qui l’écoutent, & qu’il peut déterminer le jugement qu’il en sollicite. Cette partie demande une connoissance approfondie des mœurs & des passions. Voyez Mœurs & Passion.

Enfin les argumens qui naissent du sujet, consistent à le faire envisager par son propre fond, sa nature, ses circonstances, ses suites, sa conformité, ou son opposition avec d’autres, & delà ces ressources qu’on nomme lieux communs.

Les argumens naturels ou extrinseques, ἄτεχνα, que Ciceron appelle assumpta, c’est-à-dire, moyens extérieurs, sont ceux qui ne dépendent point de l’orateur, & qu’il trouve, pour ainsi dire, tous faits, comme les arrêts & jugemens, les lois, les preuves par écrit, les registres publics, la déposition des témoins, les procès-verbaux, &c. qui lui fournissent des autorités d’où il tire des conséquences.

Un auteur moderne distingue encore les lieux communs ou chefs d’argumens, par rapport aux trois genres de Rhétorique : 1°. en ceux qui servent à persuader ou à dissuader, & qui sont ordinairement fondés sur des motifs de profit, d’honneur & d’équité : 2°. ceux qui ont pour but la loüange ou le blâme (Voyez Panegyrique) ; & 3°. ceux qu’on employe pour accuser ou pour défendre. Voyez Réfutation, Accusation, Confirmation, &c.

Argument, terme usité pour signifier l’abrégé, le sommaire d’un livre, d’une histoire, d’une piece de théatre. Voyez Sommaire. On a presque perdu l’usage des prologues, qui contenoient pour l’ordinaire l’argument d’une tragédie ou d’une comédie. Les prologues d’un grand nombre de nos opéras sont même totalement étrangers à la piece. (G)

Argument dialectique, en Logique, c’est le nom qu’on donne à des raisonnemens qui sont uniquement probables ; c’est-à-dire, qui ne convainquent pas l’esprit, ou qui ne le déterminent pas absolument à l’affirmative ou à la négative d’une question. Voyez Dialectique & Probabilité. (X)

Argument, argumentum, s. m. terme d’Astronomie ; l’argument de la latitude d’une planete quelconque est l’angle qui mesure la distance de son lieu vrai à son nœud, c’est-à-dire, la distance du point qu’elle occupe dans son orbite, au point où cette orbite coupe l’orbite terrestre. Les degrés de cet angle se comptent suivant l’ordre des signes ; & le nœud dont on prend la distance au lieu vrai, est le nœud ascendant L’argument de la latitude s’appelle encore argument de l’inclinaison. Voyez Inclinaison.

Argument menstruel de la latitude de la lune, est la distance du vrai lieu de la lune, au vrai lieu du soleil. Voyez Lieu. C’est par l’argument menstruel de la latitude, qu’on trouve la grandeur d’une éclipse, c’est-à-dire, combien il y aura de doigts d’éclipsés de la lune ou du soleil. Voyez Eclipse.

Argument de la longitude menstruelle de la lune, ou argument menstruel de la longitude, dans l’Astronomie ancienne, est un arc de son excentrique LP, (Planche Astr. fig. 32.) intercepté entre son vrai lieu L, déterminé par une premiere équation, & une ligne droite PQ, tirée par le centre de l’excentrique B parallélement à la ligne menstruelle des apsides. L’argument annuel de la longitude est représenté par l’angle DAH. L’un & l’autre ne sont plus d’usage.

Argument annuel de l’apogée de la lune, ou simplement argument annuel, dans la nouvelle Astronomie, est la distance du lieu du soleil au lieu de l’apogée de la lune ; c’est-à-dire, l’arc de l’écliptique compris entre ces deux lieux. (O)