L’Encyclopédie/1re édition/RÉFUTATION

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RÉFUTATION, (Art orat.) c’est la partie d’une piece d’éloquence qui répond aux objections de la partie adverse, & qui détruit les preuves qu’elle a alléguées.

La réfutation demande beaucoup d’art, parce qu’il est plus difficile de guérir une blessure que de la faire.

Quelquefois on retorque l’argument sur son adversaire. Protagore, philosophe, sophiste & rhéteur, étoit convenu avec Euathlus son disciple d’une somme qui lui seroit payée par celui-ci lorsqu’il auroit gagné une cause. Le tems paroissant trop long au maître, il lui fit un procès ; & voici son argument : ou vous perdrez votre cause, ou vous la gagnerez ; si vous la perdez, il faudra payer par la sentence des juges ; si vous la gagnez, il faudra payer en vertu de notre convention. Le disciple répondit : ou je perdrai ma cause, ou je la gagnerai ; si je la perds, je ne vous dois rien en vertu de notre convention ; si je la gagne, je ne vous dois rien en vertu de la sentence des juges.

Quand l’objection est susceptible d’une réfutation en regle, on la fait par des argumens contraires, tirés ou des circonstances, ou de la nature de la chose, ou des autres lieux communs.

Quand elle est trop forte, on feint de n’y pas faire attention, ou on promet d’y répondre, & on passe légerement à un autre objet : on paye de plaisanteries, de bons mots. Un orateur athénien entreprenant de réfuter Démosthène, qui avoit mis tout en émotion & en feu, commença en disant qu’il n’étoit pas surprenant que Démosthène & lui ne fussent pas de même avis, parce que Démosthène étoit un buveur d’eau, & que lui il ne buvoit que du vin. Cette mauvaise plaisanterie éteignit tout le feu qu’avoit allumé le prince des orateurs.

Enfin, quand on ne peut détourner le coup, on avoue le crime, & on a recours aux larmes, aux prieres, pour écarter l’orage. Cours des Belles-Lettres, tome IV. (D. J.)