L’Encyclopédie/1re édition/ANGE

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ANGE, s. m. (Théol.) substance spirituelle, intelligente, la premiere en dignité entre les créatures. Voyez Esprit, Substance.

Ce mot est formé du Grec ἄγγελος, qui signifie messager ou envoyé ; & c’est, disent les Théologiens, une dénomination non de nature, mais d’office, prise du ministere qu’exercent les anges, & qui consiste à porter les ordres de Dieu, ou à annoncer aux hommes ses volontés. C’est l’idée qu’en donne Saint Paul, Hebr. ch. j. vers. 14. Nonne omnes angeli sunt administratorii spiritus in ministerium missi propter eos qui hæreditatem capient salutis ? C’est par la même raison que ce nom est quelquefois donné aux hommes dans l’Ecriture ; comme aux prêtres dans le prophete Malachie, ch. xj. & par saint Matthieu à saint Jean-Baptiste, chap. xj. vers. 10. Jesus-Christ lui-même, selon les Septante, est appellé dans Isaïe, ch. ix. vers. 6. l’ange du grand conseil ; nom, dit Tertull. Lib. de carn. Christi, ch. iv. qui déclare son ministere & non pas sa nature. Le mot Hébreu employé dans les Ecritures, pour exprimer ange, signifie à la lettre un ministre, un député, & n’est par conséquent qu’un nom d’office. Cependant l’usage a prévalu d’attacher à ce terme l’idée d’une nature incorporelle, intelligente, supérieure à l’ame de l’homme, mais créée, & inférieure à Dieu.

Toutes les religions ont admis l’existence des anges, quoique la raison naturelle ne la démontre pas. Les Juifs l’admettoient, fondés sur la révélation, si l’on en excepte les Sadducéens : cependant tous ceux de cette secte ne l’ont pas niée, témoin les Samaritains & les Caraïtes, comme il paroît par Buzard, auteur d’une version Arabe du Pentateuque, & par le commentaire d’Aaron, Juif Caraïte, sur le même Livre, ouvrages qui se trouvent dans les manuscrits de la Bibliotheque du Roi. Voyez Sadducéens & Caraites.

Les Chrétiens ont embrassé la même doctrine : mais les anciens Peres ont été partagés sur la nature des anges ; les uns, tels que Tertullien, Origene, Clement d’Alexandrie, &c. leur ayant donné des corps, quoique très-subtils ; & les autres, comme saint Basile, saint Athanase, saint Cyrille, saint Grégoire de Nysse, saint Chrysostome, &c. les ayant regardés comme des êtres purement spirituels. C’est le sentiment de toute l’Eglise.

Les Auteurs ecclésiastiques divisent les anges en trois hiérarchies, & chaque hiérarchie en trois ordres. La premiere hiérarchie est des séraphins, des chérubins & des thrones. La seconde comprend les dominations, les vertus, les puissances ; & la derniere est composée des principautés, des archanges & des anges. Voyez Hiérarchie, Séraphin, Chérubin, &c.

Ange s’entend donc particulierement d’un esprit du neuvieme & dernier ordre du chœur céleste, & est devenu un nom commun à tous ces esprits bienheureux. Les Chrétiens croyent que tous les anges ayant été créés saints & parfaits, plusieurs sont déchûs de cet état par leur orgueil ; qu’ils ont été précipités dans l’enfer & condamnés à des peines éternelles, pendant que les autres ont été confirmés en grace, & qu’ils sont bienheureux pour toûjours : on nomme ceux-ci les bons anges, ou simplement les anges ; & l’on sait que Dieu a donné à chacun de, nous un ange gardien. Les autres sont appellés les mauvais anges, ou les diables & les démons ; chez les Juifs on les nommoit satans ou ennemis, parce qu’ils tentent les hommes, & les poussent au mal. Voyëz Gardien, Démon, Diable, Satan.

Les Théologiens ont agité différentes questions plus curieuses qu’utiles sur le nombre, l’ordre, les facultés & la nature des anges, qui ne peuvent être décidées ni par l’Ecriture ni par la Tradition.

Dans l’Apocalypse le titre d’ange est donné aux Pasteurs de plusieurs églises ; ainsi l’évêque d’Ephese y est appellé l’ange de l’église d’Ephese ; l’évêque de Smyrne, l’ange de l’église de Smyrne, &c. M. du Cange remarque qu’on a aussi donné autrefois le nom d’ange à quelques Papes & à quelques Evêques à cause de leur éminente sainteté.

Les Philosophes payens, & entre autres les Platoniciens & les Poëtes, ont admis des natures spirituelles mitoyennes entre Dieu & l’homme, qui avoient part au gouvernement du monde. Ils les appelloient démons ou génies, & en admettoient de bons & de mauvais. Saint Cyprien en parle au long dans son Traité de la Vanité des idoles, & quelques Ecrivains chrétiens, d’après Lactance, Instit. lib. I. ch. xv. alleguent les énergumenes & les opérations de la magie comme autant de preuves de leur existence. Saint Thomas l’appuie sur d’autres considérations, qu’on peut voir dans son ouvrage contra gentes, Lib. II. ch. xlvj. Voyez Démon, Génie, Oracle, Magie, Énergumene, &c.

L’Alcoran fait souvent mention des bons & des mauvais anges, que les Musulmans divisent en différentes classes, & auxquels ils attribuent divers emplois, tant au ciel que sur la terre. Ils attribuent particulierement un très-grand pouvoir à l’ange Gabriel, comme de descendre du plus haut des cieux en une heure, de fendre & de renverser une montagne du coup d’une seule plume de son aile. Ils disent que l’ange Asrael est préposé à saisir les ames de ceux qui meurent. Ils en représentent un autre qu’ils nomment Etraphill, se tenant toûjours debout avec une trompette qu’il embouche pour annoncer le jour du jugement. Ils débitent encore bien d’autres rêveries sur ceux qu’ils appellent Munkir & Nekir. V. Munkir & Nekir. Voyez aussi Alcoran, Mahométisme, &c. (G)

Ange, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer appellé en Latin squatina. Il est cartilagineux & plat ; il devient quelquefois aussi grand qu’un homme ; son corps est étroit, sa peau est assez dure & assez rude pour polir le bois & l’ivoire. Le dessus du corps de ce poisson est brun & de couleur cendrée, le dessous est blanc & lisse ; la bouche est grande, les mâchoires sont arrondies par le bout, la langue est pointue & terminée par un tubercule charnu. Ce poisson a les dents petites, fort pointues, & rangées autrement que dans les autres poissons ; elles sont disposées en plusieurs rangs qui sont à quelque distance les uns des autres : dans chaque rang les dents se touchent de si près, qu’on croiroit qu’il n’y en auroit qu’une seule : mais il est aisé de les séparer avec la pointe d’un coûteau. Il y a dans l’intérieur de la mâchoire inférieure un endroit dégarni de dents, qui est occupé par la langue ; tout le reste est hérissé de dents ; la mâchoire supérieure l’est en entier, sans excepter l’endroit qui se rencontre sur la langue. Toutes ces dents sont recourbées en arriere ; le bout de la mâchoire supérieure n’est pas recouvert de peau ; il y a deux barbillons qui y pendent ; les yeux sont petits, placés sur la tête, & disposés pour voir de côté. Il se trouve derriere les yeux des trous comme dans les raies ; les oüies sont sur les côtés. Ce poisson a deux nageoires de chaque côté ; la premiere est auprès de la tête, & l’autre est à l’endroit où le corps se retrécit ; il y en a deux petites sur la queue qui est terminée par une autre nageoire. Il y a des aiguillons sur le milieu du dos, & d’autres autour des yeux. L’ange fait des petits deux fois l’an, & il en a sept ou huit à chaque fois. Ce poisson se tient caché dans le sable, & se nourrit de petits poissons qu’il attire avec ses barbillons ; sa chair est dure & d’assez mauvais goût. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

On emploie ses œufs desséchés pour arrêter le dévoiement ; on prépare avec sa peau un savon ou smegma pour le psora & la gale ; les cendres servent contre l’alopécie & les achores. (N)

Ange, subst. m. on appelle boulets à l’ange, dans l’Artillerie, des boulets enchaînés. Ce sont deux boulets, ou plûtôt deux demi-boulets attachés ensemble par une chaîne ; leur usage est d’abattre les vergues & les mâts, & de couper les manœuvres, ou les autres cordages d’un vaisseau. (Q)

* Ange, (Saint) (Géog. mod.) ville d’Italie au royaume de Naples, dans la Capitanate. Long 33-38. lat. 41-43.

Il y a en Italie deux autres villes du même nom ; l’une dans la principauté ultérieure, au royaume de Naples, l’autre dans les terres du Pape & le duché d’Urbin.

Il y a encore deux châteaux appellés Château-Saint-Ange ; l’un à Rome qui n’est pas fort, l’autre à Malte qui passe pour imprenable.