Histoire naturelle des cétacées/Le Physétère orthodon

LE PHYSÉTÈRE ORTHODON[1].



La tête de l’orthodon, conformée à peu près comme celle des autres physétères, a une longueur presque égale à la moitié de la longueur du cétacée. L’orifice commun des deux évents est placé au-dessus de la partie antérieure du museau. L’œil paroît aussi petit que celui de la baleine franche ; mais sa couleur est jaunâtre, et il brille d’un éclat très-vif.

La mâchoire inférieure, plus étroite et plus courte que celle d’en-haut, a cependant près de six mètres de longueur, lorsque le cétacée est long de vingt-quatre mètres. Elle forme un angle dans sa partie antérieure.

Elle est garnie de cinquante-deux dents fortes, droites, aiguës, pesant chacune plus d’un kilogramme, et dont la forme nous a suggéré le nom spécifique d’orthodon[2], par lequel nous avons cru devoir distinguer le cétacée que nous décrivons.

Chacune de ces dents est reçue dans un alvéole de la mâchoire supérieure ; et comme on peut l’imaginer aisément, il en résulte une application si exacte des deux mâchoires l’une contre l’autre, que lorsque la bouche est fermée, il est très-difficile de distinguer la séparation des lèvres.

La gueule n’est pas aussi grande à proportion que celle de la baleine franche. La langue, que sa couleur d’un rouge très-vif fait aisément appercevoir, est courte et pointue ; mais le gosier est si large, qu’on a trouvé dans l’estomac de l’orthodon, des squales requins tout entiers et de plus de quatre mètres de longueur. Ce physétère vaincroit sans peine des ennemis plus puissans. Sa longueur, voisine de celle de plusieurs baleines franches, peut s’étendre, en effet, à plus de trente-trois mètres.

Ses pectorales néanmoins sont beaucoup plus petites que celles du microps : elles, n’ont souvent qu’un demi-mètre de longueur. On a compté sept articulations ou phalanges au doigt le plus long des cinq qui composent l’extrémité de ces nageoires.

Une bosse très-haute s’élève sur la partie antérieure du dos, à une certaine distance de la nageoire dorsale,

La peau, très-mince, n’a pas quelquefois deux centimètres d’épaisseur ; mais la chair est st compacte, qu’elle présente au harpon une très-grande résistance, et rend l’orthodon presque invulnérable dans la plus grande partie de sa surface.

Ce physétère est ordinairement noirâtre ; mais une nuance blanchâtre règne sur une grande partie de sa surface inférieure. Par combien de différences n’est-il pas distingué du microps ? Sa couleur, ses dents, sa bosse dorsale, la brièveté de ses pectorales, ses dimensions et la nature de ses muscles, l’en éloignent. Il en est séparé, et par des traits extérieurs, et par sa conformation intérieure.

On a vu un orthodon dont la grande cavité de la tête contenoit plus de cinquante myriagrammes de blanc ou d’adipocire[3]. On l’avoit pris dans l’Océan glacial arctique, vers le soixante-dix-septième degré et demi de latitude[4].


  1. Physeter orthodon.
    Physeter microps, var. B. Linné, édition de Gmelin.
    Cetus tripinnis, dentibus acutis, rectis. Brisson, Regn. anim. p. 362, n. 9.
    Zweyte species der cachelotte. Anderson, Island. p. 246.
    Variété A du cachalot trumpo. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique.
    Balæna macrocephala in inferiore tantùm maxillâ dentata, dentibus acutis, humanis non prorsus absimilibus, pinnam in dorso habens. — Plusieurs auteurs du Nord.
  2. Orthos, en grec, signifie droit ; odoys signifie dent, etc.
  3. Consultez, au sujet de l’adipocire, l’article du cachalot macrocéphale.
  4. Anderson ; et Histoire des pêches des Hollandois dans les mers du Nord, traduite par le citoyen Dereste, tome I, p. 173.