Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/761-770

Fascicules du tome 2
pages 751 à 760

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 761 à 770

pages 771 à 780


si grandes exactions, sous prétexte de remplir leur devoir, qu’Honorius les supprima par une loi du 18 Août 412.

Cassien appelle aussi compulseurs ceux qui dans les Monastères indiquoient les heures de l’Office Canonique, & qui avoient soin que les Moines se rendissent à l’Eglise à ces heures.

Les loix des Visigots font mention des compulseurs de l’armée. Les Gots appeloient ainsi ceux qui obligeoient les soldats d’aller au combat, ou à l’attaque.

Ce nom est pris du latin compulsor, qui vient de compellere, obliger, contraindre.

COMPULSOIRE. s. m. Lettres de Chancellerie, que le Roi accorde à des parties pour contraindre un Greffier, un Notaire, ou des personnes publiques, à leur délivrer des actes dont elles ont besoin ; qui porte commission pour appeler les parties adverses, afin de les voir collationner. Mandatum signatoriæ cathedræ quo tabellio adigitur ad instrumenta litiganti necessaria exhibenda. ☞ C’est en général un acte de Justice, qui enjoint à un homme public de communiquer les Registres dont il est dépositaire.

Les Procureurs appellent burlesquement un morceau de fromage affiné, un compulsoire, parce qu’il oblige à boire.

COMPUT. s. m. terme de Chronologie. Computatio. Il ne se dit que des supputations des temps qui servent à régler le Calendrier & les Fêtes de l’Eglise, comme le Cycle Solaire, le Nombre d’Or, l’Epacte, l’Indiction Romaine, & le temps des Fêtes mobiles, aussi-bien que les Calendes, Ides, Quatre-temps, Bissexte, &c. Scaliger dit que c’est Julius Firmicus, qui le premier s’est servi du mot de computus en ce sens, lequel dans la basse latinité a aussi signifié un chapelet, ou plusieurs grains enfilés,

COMPUTISTE. s. m. Celui qui travaille au comput, & à la composition du Calendrier. Qui computat, computator, computorum auctor.

Computiste. Officier de la Cour de Rome, dont la fonction est de recevoir les revenus du sacré collège. Encyc.

COMTAL, ALE. adj. Qui appartient à un Comte. Comitalis. Ce mot se dit de la couronne que les Comtes mettent sur leurs armes, & qu’on appelle couronne Comtale, comme celle des Ducs s’appelle couronne Ducale. Si le Roi vouloit mettre une capitation sur les usurpateurs des couronnes Ducales & Comtales, il en tireroit des millions. Amelot de la H. Mém.

☞ On le dit aussi de la taille, taille comtale. Voyez Taille ; & des bénéfices fondés par des Comtes ; fondation comtale.

COMTAT. s. m. Le Comtat est le territoire, ou l’Etat d’Avignon. Comitatus Vindascinus. On dit, le Comtat Venaissin, ou le Comtat tout court, comme on dit la Comté tout court, pour la Franche-Comté, ou le Comté de Bourgogne. Ce nom signifie Comté, & s’est formé de l’Italien Contado, depuis que le Pape est maître de ce Pays. Le Comtat a le Dauphiné au nord, la Provence au levant & au midi, & le Languedoc au couchant. La Capitale du Comtat est Avignon. La principauté d’Orange est renfermée dans le Comtat. Nous disons ordinairement le Comté d’Avignon.

COMTADIN, INE, ou CONTADIN, INE. s. m. & f. Qui est du Comtat. Avenionensis.

COMTE. s. m. Homme noble, qui possède une terre érigée en comté en sa faveur, ou en faveur de ses ancêtres. Comes. Le Comte de Soissons, d’Auvergne. L’Evêque de Beauvais est Comte & Pair, aussi-bien que ceux de Noyon & de Châlons sur Marne. Les Comtes tiennent le milieu entre les Ducs & les Barons. Ils ont droit de porter une couronne perlée sur leurs armes. La couronne de Comte est une lame en cercle, ornée de trois pierres précieuses, & surmontée de trois grosses perles ou d’un rang de perles, qui au milieu & aux extrémités de la lame se doublent, ou se triplent, & sont plus élevées que les autres. Voyez Paschal, dans son L. IXe des couronnes, ch. 22.

Comte se dit aussi des Chanoines qui sont nobles & fondés en qualité de Comtes. Les Chanoines de la Cathédrale de S. Jean de Lyon, ceux de Brioude en Auvergne, ceux de saint Pierre de Mâcon, ☞ sont qualifiés Comtes, parce qu’ils étoient autrefois Seigneurs temporels des endroits où leurs Eglises sont situées. On a appelé autrefois Comtes, des Capitaines, gens du Conseil, Secrétaires & Juges des villes sous Charlemagne ; & le Comte différoit du Duc, en ce que le Comte n’avoit qu’une ville sous lui, & le Duc une Province.

Ce mot vient du latin comes, parce que c’étoient d’abord des Seigneurs qui étoient à la Cour, ou à la suite de l’Empereur, ainsi appelés à comitando, vel commeando : d’où vient qu’on a appelé les Comtes Palatins, ceux qui étoient toujours au Palais au côté du Prince, qu’on nommoit aussi Comites à latere. Au tems de la République on appeloit Comtes chez les Romains tous ceux qui accompagnoient les Proconsuls & les Propréteurs dans les Provinces, pour y servir la République, comme les Tribuns, ceux qu’on nommoit Præfecti, les Ecrivains, &c. Cela paroît par l’Oraison de Cicéron, pro C. Rabirio postumo, n. 13. Sous les Empereurs, les Comtes étoient tous les Officiers de la Maison de l’Empereur. Il semble qu’on peut faire commencer les Comtes dès le tems d’Auguste, qui prit plusieurs Sénateurs pour être ses Comtes, ainsi que Dion le rapporte, L. LIII, c’est-à-dire, pour l’accompagner dans ses voyages, & pour l’assister dans les affaires qui se jugeoient ainsi avec la même autorité que si elles eussent été jugées en plein Sénat. Gallien paroît avoir aboli ce Conseil, en défendant aux Sénateurs de se trouver dans les armées, & ses successeurs ne le rétablirent pas. Mais s’ils n’avoient pas avec eux un corps de Sénateurs, ils ne pouvoient pas manquer d’avoir un Conseil de gens de mérite. Décébale, Roi des Daces sous Trajan, voulant peut-être imiter les Empereurs, avoir aussi ses Comtes, qui étoient considérables, mais qui n’étoient pas les premiers. C’est Dion qui nous l’apprend, L. LXVIII.

Ces Conseillers des Empereurs étoient donc véritablement Comtes, c’est-à-dire, Compagnons du Prince, & ils en prenoient quelquefois le titre, mais en y ajoutant le nom du Prince qu’ils accompagnoient. Ainsi c’étoit plutôt une marque de leur emploi, qu’un titre de dignité. Constantin en fit une dignité, & c’est sous lui qu’on commence à le donner absolument au Comte Denis, & à divers autres ; & cet usage étant une fois établi, on le donna assez indifféremment, non-seulement à ceux qui suivoient la Cour, & qui accompagnoient l’Empereur, mais généralement presque à toutes sortes d’Officiers, comme on le peut voir par la longue liste qu’en a fait Du Cange. Comes ærarii ; Comes sacrarum largitionum ; Comes sacri consistorii ; Comes curiæ ; Comes capellæ ; Comes archiatrorum ; Comes commerciorum ; Comes vestiarius ; Comes horreorum ; Comes opsoniorum, aut annonæ ; Comes domesticorum ; Comes equorum regiorum, aut Comes stabuli ; Comes domorum ; Comes excubitorum ; Comes notariorum ; Comes legum, seu Professor in Jure ; Comes limitum, aut marcarum ; Comes maritimæ ; Comes portus Romæ ; Comes patrimonii. C’étoient des Officiers en chef, dont il est parlé en plusieurs endroits du Droit Romain. On donnoit aussi le titre de Comte pour honorer ceux qui avoient bien servi le public, par exemple, dans le Code, cette qualité est donnée aux Avocats, & aux Professeurs en Jurisprudence, qui avoient servi vingt ans. Ainsi, quoique le titre ou le nom de Comte fût en usage avant Constantin, ce n’étoit point encore le nom d’une dignité particulière & déterminée. C’est cet Empereur qui en fit une dignité, & qui divisa les Comtes en trois ordres, ainsi que nous l’apprend Eusèbe dans la vie de ce Prince. Les premiers portoient le titre d’Illustres, Illustres. Les seconds celui de Clarissimes, Clarissimi & ensuite Spectabiles. Les troisièmes se nommoient très-Parfaits, Perfectissimi. Le Sénat étoit composé des deux premiers Ordres ; ceux du dernier n’y entroient point, mais ils joissoient de plusieurs des privilèges des Sénateurs. Il y avoit plusieurs espèces de Comtes, dont les uns servoient sur terre, & les autres sur mer. Le premier de tous s’appela dans le bas Empire, Protocomte, Protocomes. Consultez Spelman, Glossar. Archæol. & Du Cange, qui fait un catalogue de tous les différens genres & noms des Comtes. Les François, lorsqu’ils passèrent dans les Gaules, n’abolirent point la forme du Gouvernement des Romains. Comme les Gouverneurs des Villes & des Provinces s’appeloient Comtes & Ducs, ils ne voulurent point y apporter de changement. Ces Gouverneurs commandoient à la guerre, & pendant la paix ils rendoient la justice. Ainsi les Comtes, du temps de Charlemagne, n’étoient autre chose que les Juges ordinaires, & tout ensemble Gouverneurs de villes. Ils étoient au dessous des Ducs & des Comtes, qui étoient aussi Gouverneurs de Provinces. Ces derniers avoient sous eux des Comtes constitués dans les villes particulières, & ne cédoient point aux Ducs, qui n’étoient, comme les Comtes, que simples Gouverneurs de Provinces. Ces Comtes rendirent leur dignité héréditaire sous les derniers Rois de la II Race, qui étoient trop foibles pour se faire obéir. Ils usurpèrent même la souveraineté, lorsque Hugues Capet parvint à la Couronne, son autorité n’étant ni assez reconnue, ni assez affermie, pour s’opposer à ces usurpations. C’est de-là qu’est venu le privilège des Comtes, de porter une couronne sur leurs Armes. Ils la prirent alors, comme jouissans de tous les droits des Souverains. Mais peu-à-peu les Rois ont remis ces Comtés sous leur obéissance, & les ont réunis à leur Couronne. Ainsi la qualité de Comte aujourd’hui est bien différente de ce qu’elle étoit autrefois : ce n’est plus qu’un titre que le Roi accorde, en érigeant une terre en Comté, avec la réserve du ressort, & de la souveraineté. D’abord, l’on n’employoit point dans les Lettres d’érection la clause de réversion du Comté à la Couronne, au défaut d’enfans mâles ; mais Charles IX, pour empêcher que ces érections ne fussent trop fréquences, ordonna en 1564, que les Duchés & Comtés retourneroient à la Couronne, au défaut d’hoirs mâles. Voyez Loyseau. On a autrefois disputé si le Marquis a la préséance sur le Comte. Une raison de douter, c’est qu’il y a des Comtes qui sont Pairs, & qu’il n’y a nul Marquis qui le soit. Alciat a traité cette question. Aujourd’hui la chose est décidée. Le Marquis précède le Comte. Lorsque les Comtes étoient Gouverneurs de Provinces, ils n’auroient pas cédé la préséance aux Marquis. Voyez Du Tillet, dans son Recueil ; il y parle en plusieurs endroits de la dignité de Comte, & Lymnæus, Notitia Regni Franciæ, L. IV, C. 8, & le Glossaire Salique de Chiflet au mot Comes.

Les Allemands appellent un Comte, Graff, qui, si l’on en croit un Critique moderne, signifie proprement Juge, & est dérivé de Gravio ou Graffio, qui se trouve souvent dans les loix Saliques & Ripuaires, & vient de γράφω, ne s’étant fait que depuis la translation de l’Empire à Constantinople, au sentiment de Chiflet, Gloss. Salic. Il y a en Allemagne plusieurs sortes de Comtes, les Landgraves, les Margraves, les Burgraves, & les Psaltgraves, ou Comtes Palatins. Ces derniers sont de deux sortes : les uns sont du corps des Princes, & ce sont ceux qui ont eu l’investiture d’un Palatinat ; les autres n’ont que le titre de Comte Palatin, & n’ont pas l’investiture d’un Palatinat. On appelle les premiers de plusieurs noms différens Comtes Palatins Impériaux, Comites Palatini Cæsarei, Comtes du S. Palais de Latran, Comites S. Palatii Lateranensis, Comtes de la Cour Impériale, Comites Aulæ, ou Curiæ Cæsareæ, Comtes du Consistoire Impérial, Comites Consistorii Imperialis, & quelquefois simplement Palatins, Palatini. En Allemand on ne les appelle pas simplement Psaltsgraffen, c’est-à-dire, Comte du Palais ; mais Des heil Romischen Reichs Psalts {{|and|und}} hoff Graffen, c’est-à-dire, Comte de la Cour & du Palais du S. Empire Romain, ou simplement Reichshoff-Graffen, Comtes de la Cour de l’Empire, ou de la Cour Impériale. Quelques-uns prétendent qu’en professant publiquement pendant vingt-ans les loix Impériales, on acquiert la dignité de Comte Palatin, & il y a des exemples de Professeurs des loix, qui après vingt ans se sont donné ce titre. D’autres, cependant révoquent ce sentiment en doute. Les Privilèges des Comtes Palatins sont de créer des Notaires publics, de légitimer les bâtards, de donner des Curateurs & des Tuteurs, & de les confirmer, ou de les ôter, pour de justes causes ; d’accorder dispense d’âge. Voyez les différens degrés des Comtes de l’Empire, leurs séances, leurs droits & privilèges, dans Imhoff, Introd. ad L. VI, L. VIII ad L. IX.

☞ Il y a eu aussi des Comtes Palatins en France, sous la IIe & IIIe Race. Il y en a eu de même en Angleterre, en Aquitaine, en Sicile, en Toscane ; & les Papes mêmes ont eu leurs Comtes Palatins. Voyez Du Cange.

Comte du Palais. Ancien Officier de nos Rois. Il étoit Comte, Juge, & connoissoit de toutes les affaires qui regardoient le Roi, l’Etat, le Public. Comes Palatii ou Palatinus. Ce Comte avoit pour conseillers des gens d’épée, comme lui, qu’on nomnoit Echevins du Palais. Quand le Roi, assisté d’Evêques, d’Abbés & de Ducs, présidoit à ce Tribunal, le Comte faisoit le rapport, & le Roi recueilloit les voix.

On a appelé aussi Comtes, les Chefs des troupes militaires, qui menoient la Noblesse à l’armée, & même plusieurs Capitaines : d’où vient qu’on a encore conservé le nom de comite à celui qui commande aux forçats. Comme on a dit qu’on donnoit le nom de Comte aux Juges de plusieurs villes ; de-là, sont venus les Vicomtes, qui sont encore des Juges en Normandie. L’Empereur Maurice, parlant des Comtes, dit qu’ils sont comme des Tribuns des soldats, & les chefs des bandes & des troupes de soldats. L’Empereur Léon dit à peu près la même chose. Voyez Curopalates, qui rapporte les fonctions des Comtes à la Cour, & auprès de la personne de l’Empereur.

Comte Consistorial. Nom d’une dignité dans l’Empire Romain. Comes Consistorii, ou Consistorialis. C’étoient les Conseillers d’Etat de l’Empereur. On envoya à saint Ambroise des Comtes Consistoriaux, qui étoient comme des Conseillers d’Etat, afin qu’il donnât la Basilique. Fleury. C’est de-là que nous appelons aujourd’hui en France un Conseiller d’Etat, Comes Consistorialis, en écrivant en latin.

Comte de Constantinople. Titre d’honneur que les Empereurs d’Orient donnoient aux personnes illustres par leur savoir, comme les Empereurs d’Occident ont accordé dans les derniers siècles le titre de Comte Palatin à de semblables sujets. Fel.

Comte des Domestiques. Nom d’un Officier de la Cour des Empereurs de Constantinople : Commandant de la Cavalerie ou de l’Infanterie Prétorienne. Comes Domesticorum. Ammien Marcellin parle souvent de cet Officier. Dioclétien & Justinien avoient été Comtes des Domestiques avant que de parvenir à l’Empire. Magnifique étoit le titre ou la qualité que l’on donnoit à cet Officier. Le Magnifique Comte des Domestiques.

Comte des largesses. Comes largitionum. Nom de dignité chez les Empereurs Grecs de Constantinople. Grand Trésorier de l’Empire, Surintendant des Finances. La mort d’Ursule, Comte des largesses, c’est-à-dire, Grand Trésorier, fut odieuse. Fleury. Le Comte Julien exécuta cet Ordre avec Félix, Comte des largesses, ou Grand Trésorier. Id.

Comte du Palais. Ancien Officier de nos Rois. Il étoit Comte-Juge, & connoissoit de toute affaire qui regardoit le Roi, l’Etat, le Public Comes Palatii, ou Palatinus. On voit dans Grégoire de Tours, un Goncilion Comte du Palais, sous Sigebert, Roi d’Austrasie, un Trudulphe, sous Childebert II. Tassillon, sous Dagobert ; Aigulphe, sous Clovis II. Ce Comte avoit pour Conseillers des gens d’épée, comme lui, qu’on nommoit Echevins du Palais. Quand le Roi, assisté d’Evêques, d’Abbés & de Ducs, présidoit à ce Tribunal, le Comte faisoit le rapport, & le Roi recueilloit les voix. Dans les Formules de Marculphe, L. II, c. 25. Il y en a une d’un Jugement tel que le Roi doit le prononcer sur la Relation du Comte. Le Gendre.

En Angleterre on appelle Comtes, les fils des Ducs ; Vicomtes, les fils des Comtes.

☞ COMTE-Maréchal, en Angleterre, est un Officier de la Couronne, qui juge à la Cour de la Maréchaussée, les criminels pris dans les endroits privilégiés.

Comte s’est dit quelquefois pour Vicomte, selon la remarque de M. Ménage, dans son Hist. de Sablé, L. II, c. 1, p. 18. & dans ses remarques sur cet endroit, p. 328. M. de Marca a remarqué, dans son Hist. de Bearn, L. III, C 3, §. 4. & prouve que le mot Consul est pris dans les Auteurs du moyen âge pour signifier un Comte, & celle de Proconsul, ou Viceconsul, pour un Vicomte.

☞ COMTÉ. s. m. autrefois féminin, Comitatus, titre d’une terre, en vertu duquel celui qui est Seigneur de la terre prend ordinairement la qualité de Comte. Voyez Comte. Comté de Champagne. Comté d’Artois. Terre érigée en Comté. Quelques-uns, comme Otho Frisingensis, ont dérivé ce mot ex commanendi potestate, & prétendent qu’il a signifié d’abord habitation & territoire, dont les Lombards ont fait les mots de contado & contadi, qui signifient village & villageois. D’autres prétendent que Comté a signifié aussi une assemblée de Juges, que d’un autre nom on a appelé assises : & de-là vient qu’on parle si souvent en Angleterre d’un Comité ; pour dire, l’assemblée de quelques Juges délégués ; & qu’on se trompe quand on croit que ce mot vient de Juges commis.

Comté-Pairie. Grand fief qui relève immédiatement de la Couronne ; au nom près, c’est la même chose que Duché-Pairie. Il y avoit autrefois un grand nombre de Comtés-Pairies, on en a érigé la plupart en Duchés-Pairies. Il ne subsiste plus que trois titres de cette dignité, attachés aux Evêchés de Beauvais, de Châlons & de Noyon.

☞ Le mot de Comté a conservé le genre féminin dans le mot de Franche-Comté. La Franche-Comté a été conquise deux fois par Louis XIV. La Comté de Bourgogne, ou tout simplenent la Comté, ou le Comté, signifié la Franche-Comté. Voyez ce mot.

COMTESSE. s. f. La femme d’un Comte, ou celle qui de son chef possède un comté. Comitissa. On trouve le nom Comitissa, Comtesse, femme d’un Comte, dans le VIII siècle, comme on l’a remarqué dans les Acta Sanct. Bened. Sæc. IV, P. II, p. 304. Nous n’avons point d’autre mot latin.

COMTOIS, OISE. adj. Ce mot s’est formé de Comté, & se dit pour Franc-Comtois, comme Comté pour Franche-Comté. Les Comtois sont ceux qui habitent la Franche-Comté. Sequani. Les collateurs Comtois ont été maintenus en leur droit sur les bénéfices dépendants d’eux.

COMUS. s. m. Dieu de la joye, des festins, des danses nocturnes. Comus. Vossius, de Idol. L. II, t. 8. croit que c’est le même que le Chamos des Moabites, & que son nom s’est formé de celui-ci. Sa raison est que, Chamos est le même que le Διόνυσος des Grecs ; c’est-à-dire, Bacchus, qui certainement est le Dieu des festins. Quoi qu’il en soit, c’étoit à ce Dieu que les jeunes gens qui faisoient des débauches de nuit, & qui donnoient des sérénades à leurs maîtresses, se dévouoient particulièrement. On le représentoit couronné de roses, soit parce que c’étoit la coutume de s’en couronner dans les festins, comme on le voit dans les Poëtes, & sur-tout dans Anacréon ; soit parce que la rose est consacrée à Vénus, & que Comus étoit un Dieu favorable aux nouveaux mariés, qu’on le mettoit à la porte de leur chambre, qu’on le regardoit comme le conciliateur des deux mariés, & l’auteur de l’union conjugale ; qu’enfin il étoit un des Dieux des amans, à la suite desquels on le peignoit. Philostrate, Carolus Paschalius, Coronarum, L. II, c. 6, c. 16. L. III, c. 5, c. 6. Comus étoit un Dieu pétulant & brutal.

CON.

CON. Particule, ou préposition qui signifie avec. Elle ne s’emploie jamais seule, mais se met au commencement des mots, & signifie une action faite avec une autre, ou reçue en deux sujets ensemble, ou une qualité possédée de pair avec un autre, selon les mots auxquels elle est jointe ; Concourir, confondre, concerter, converser, consulter, conduire, congrégation, consubstantiel. Quelquefois on change l’n dans la lettre suivante, ou en une autre qui lui convienne. Collatif, collatérale, collectif, corrélatif, correspondance, commotion, commune, commutation. Quelquefois on retranche l’n, & l’on met seulement co. Cohabiter, cohéritier, coopérer, coopération, coobligé, cohérence, cotuteur.

Souvent elle ne signifie point d’action, ou de qualité ou de rapport avec un autre, comme convertir, connoître.

Cette Particule, com ou con, vient de cum, qui en Latin signifie la même chose, & a les mêmes usages.

CONARD, ARDE. adj. Ce mot se disoit autrefois pour sot, sotte. Fatuus, stolidus. De conard on avoit fait conardise, pour dire sottise : ces mots ne sont plus en usage.

☞ CONARDS. (Les) Abbé des Conards. Voyez Cornards.

CONARIUM. s. m. terme de Médecine. Voyez Conoïde.

CONCAPITAINE. s. m. Capitaine avec un autre. Ducis Collega. Centurionis Collega. Les habitans de Châlons en Bourgogne ayant droit d’élire un Capitaine pour leur ville, parce qu’il arrivoit souvent pendant la guerre que ce Capitaine, qui étoit un Gentilhomme des environs de Châlons, allât à l’armée, & quittât Châlons, les habitans obtinrent que leurs Echevins seroient Concapitaines. De S. Julien, Antiq. de Châlons. On ne sait point que ce mot se dise d’autres que de ces Echevins de Châlons.

☞ CONCARNEAU, petite Ville de France, en basse Bretagne, au pays de Cornouaille, sur la mer, à quatre lieues de Quimper.

☞ CONCASSATION. s. f. terme de quelque usage en Pharmacie, pour désigner l’action de concasser, de réduire en morceaux quelque substance. Voyez Concasser.

CONCASSÉ. s. m. On appelle absolument du concassé, du poivre qui n’est pas pilé, mais seulement brisé par morceaux.

CONCASSER, v. a, terme de Pharmacie. Casser à moitié, briser par morceaux avec un marteau, un pilon, des racines, du bois, ou autres choses dures, afin d’en extraire plus aisément les sels, les huiles, les principes dans les infusions ou coctions qu’on en fait ensuite. Terere, conterere. On concasse des noix, des amandes, de la casse, &c. La réglisse concassée fait une meilleure tisanne, que lorsqu’on la fait bouillir ou infuser toute entière, ou coupée par filets,

CONCASSÉ, ÉE. part. On appelle poivre concassé, celui dont les grains sont brisés par petits morceaux sans être réduits en poudre. C’est ainsi qu’on le sert sur les tables. Ce mot vient du Latin conquassare.

CONCATÉNATION. s. f. terme de Philosophie absolument hors d’usage. Enchaînement. Connexio. La concaténation des causes secondes est un effet de la Providence.

Ce mot vient de concatenatio, de catena, chaîne.

CONCAVE, adj. m. & f. surface intérieure d’un corps creux, ou cave. Concavus. est l’oppose de convexe. Il y a des miroirs sphériques, convexes, & d’autres concaves, des cylindres & des cônes concaves. Le verre sphérique concave est moins épais en son milieu qu’en ses extrémités. Le foyer d’un miroir concave est le point où se réunissent les rayons qu’il réfléchit, qui est environ le tiers du diamètre, & non pas le centre, comme plusieurs ont estimé. Les corps sublunaires sont ceux qui sont compris dans la surface concave du ciel de la lune. La surface concave d’un costre, d’un boisseau.

☞ Ce mot est aussi employé substantivement. Le concave d’un cube, d’un globe. Aristote a cru que Dieu ne se mêle point du détail de tout ce qui se passe sous le concave de la lune. Malb.

CONCAVITÉ. s. f. L’espace creux, la figure creuse de quelque corps qui en forme la capacité. Pars concava, cava. Concavité d’un globe ; concavités de la terre, des montagnes. On dit en Médecine, les concavités du cerveau ; pour dire, les creux ou ventricules qui sont dans le cerveau. Les concavités des verres sphériques sont dites, égales, plus grandes, ou moindres, respectivement à l’habitude qu’ont entr’eux les diamètres de leurs sphères. Curvatura, convexitas.

CONCÉDER, v. a. accorder une grâce, un privilège. Concedere, annuere. Il jouit de cette pension en vertu des privilèges concédés à un tel Ordre de Chevalerie. Le Pape a concédé de grandes indulgences à une telle Confrérie, à une telle Congrégation. Le Privilège de Noblesse a été concédé aux Secrétaires du Roi, aux Echevins de certaines villes. Le mot de concéder ne se dit guère que dans les cas où il est question de graces, droits, bienfaits, privilèges, &c. accordés par le Souverain. On le dit aussi en style de Pratique.

Concédé, ée, part.

☞ CONCENTRATION. s. f. terme didactique. L’action de concentrer, ou l’effet de ce qui est concentré. La concentration de la chaleur.

CONCENTRATION, en Chimie. Opération par laquelle on rapproche sous un moindre volume les parties d’un corps qui étoient étendues dans un fluide. Intima commixtio, adhæsio. Selon le Docteur Grew, concentration est le plus haut degré de mixtion, ou de mêlange, qui puisse être, & elle se fait lorsque deux ou plusieurs atomes, ou particules d’un mixte, sont unies par la réception ou l’intrusion de l’une dans l’autre. Et au sentiment du même Auteur, la concentration est la cause de tous les corps fins qui n’ont ni goût, ni odeur, dont la constitution est si ferme, que jusqu’à ce que leurs parties soient déliées, & désunies par un autre corps, elles ne peuvent faire d’impression sur aucun des sens. Harris.

Concentration, terme de Médecine, qui se dit du pouls. La concentration du pouls. C’est la qualité d’un pouls bas, petit, qui se fait peu sentir, opposé à un pouls élevé & résistant au doigt. Voyez les Observations sur la peste de Marseille.

CONCENTRER, v. a. rapprocher, réunir vers le centre, le milieu. Le froid extérieur concentre la chaleur au dedans des corps. Permiscere, in unum cogere, colligere.

☞ On dit au figuré, concentrer son esprit, sa vivacité, sa colère ; pour retenir, ne pas faire paroître. Il est peu usité dans cette acception.

Il est aussi réciproque. Les rayons du soleil se concentrent dans le foyer du miroir ardent.

CONCENTRÉ, ÉE. part. Permissus, in unum coactus, collectus.

☞ Acide concentré, en Chimie, c’est un acide très-fort.

CONCENTRIQUE. adj. m. & f. terme de Géométrie & d’Astronomie, qui a le même centre. Cui commune cum aliis centrum est : concentricus. Il se dit principalement des corps & des figures courbes, comme circulaires, elliptiques, & autres. On le peut dite pourtant des Polygones parallèlement tracés sur un même centre. Toutes les orbites des Planètes ne sont pas concentriques avec la terre. Les poids de marc qui s’enchassent les uns dans les autres sont concentriques.

Ce mot vient de la préposition cum, & de centrum, le centre. Il est opposé à excentrique.

CONCEPT. s. m. terme didactique. Idée, simple vue de l’esprit. Idea, conceptus mentis. La Philosophie devint pointileuse sous les Arabes par ces précisions & ces concepts abstraits qu’elle introduisit dans l’École. Le Pere Rap.

Crains, d’un brillant concept cherchant l’éclat trompeur,
De donner pour lumière une fausse lueur. Vill.

CONCEPTION. s. f. action par laquelle un enfant est conçu dans le ventre de sa mère. Conceptio. Les Médecins n’ont pû encore découvrir le moment de la conception ; comment se fait la conception. Il se dit aussi des animaux. Jacob fit mettre des baguettes de diverses couleurs devant les brebis, afin qu’au moment de la conception, elles, &c.

La Conception immaculée de la Sainte Vierge, est une Fête de la Sainte Vierge qui se célèbre le huit Décembre. Dies Mariæ sine labe peccati conceptæ sacer, Festum Conceptionis B. Mariæ Virginis. Allatius, dans ses prolégomènes sur S. Jean Damascene, nous apprend que la Fête de l’immaculée Conception de la Sainte Vierge, telle que toute l’Eglise la célèbre aujourd’hui, étoit solennisée en Orient par plusieurs Eglises dès le VIIIe siècle. Le Concile de Trente, Sess. Ve, dans le Décret du péché originel, déclare, que ce n’est point son intention d’y comprendre la Sainte Vierge, qu’il appelle Immaculée, & il ordonne qu’on observe les Constitutions de Sixte IV sur cela. Raimond Lulle a fait un Traité par lequel il prouve la Conception de la Vierge sans péché originel. Les Jacobins ont autrefois soutenus avec beaucoup de fermeté, que c’étoit une erreur de croire qu’elle eût été conçue sans péché originel. Ils furent condamnés par le Pape Clément VII, en 1308, à la poursuite de l’Université de Paris, & contraints de se rétracter. L’opinion qui tient pour l’Immaculée Conception, est une opinion pieuse. Quelques uns prétendent que S. Thomas a été contraire à cette opinion.

A une demi-lieue d’Angers, en un lieu nomme Bamette, sur la rivière de Mayenne, les RR. PP. Récollets conservent soigneusement une édition ancienne de Saint Thomas, où la Conception immaculée de la Très-Sainte Vierge est établie. Le sentiment de Saint Thomas sur cela ne peut plus guère paroître douteux depuis la Dissertation du P. Souciet, dans ses Notes sur la Critique des Auteurs Ecclésiastiques de Du Pin, par M. Simon, Tom. I, pag. 707. Il y cite beaucoup d’exemplaires de S. Thomas, où l’exception de la Sainte Vierge est expresse. Il suit les Editeurs à la piste, & examinant toutes les éditions des Ouvrages de S. Thomas, il découvre celui qui a le premier ôté de ses ouvrages l’exception de la Sainte Vierge, & les paroles de S. Thomas, qui assurent son immunité de tout péché. Maldonat n’a point nié l’immaculée Conception de la Sainte Vierge. Il ne s’opposoit aux Sorbonistes qu’en ce qu’ils prétendoient que c’étoit un article de foi.

Dans les trois Ordres de S. Jacques de l’Epée, de Calatrava, & d’Alcantara, les Chevaliers font vœu de tenir, défendre & soutenir, en public & en particulier, l’immaculée Conception de la Sainte Vierge. Ce fut l’an 1652 qu’ils prirent cette résolution, & qu’ils ajoutèrent ce quatrième vœu à ceux qu’ils avoient déjà faits. Ils consultèrent auparavant le Roi Philippe IV, comme Administrateur perpétuel de leurs Ordres, & ils en firent la cérémonie à Madrid avec beaucoup de solennité, pendant 9 jours chacun ; l’Ordre de S. Jacques d’abord ; celui de Calatrava ensuite, & celui d’Alcantara le dernier ; & ils firent un règlement dans leurs Chapitres Généraux, que dorénavant tous ceux que l’on recevroit à la profession, feroient ce vœu avec les trois autres, de pauvreté, d’obéissance, & de chasteté conjugale.

Les Imagers appellent conception, une taille douce qui représente le mystère de la Conception de la Sainte Vierge. Imago Mariam exhibens sine peccati labe conceptam.

Conception de Notre-Dame. Ordo Monalium ab immaculata Mariæ virginis Conceptione nuncupatus. Nom d’un Ordre de Religieuses, fondé en Espagne par Bréatrix de Silva, sœur de Jacques, premier Comte du Portalègre, & du B. Amédée, Instituteur des Amédéistes, & parente d’Elisabeth de Portugal, femme de Jean II, Roi de Castille. Elle institua cet Ordre vers l’an 1494 par le désir d’honorer & de faire honorer le mystère de l’immaculée Conception de la Sainte Vierge. Cet Ordre ne fut cependant formé que cinq ans après qu’Innocent VIII en eut accordé la permission, à la prière de la Reine Elisabeth, par une Bulle de l’an 1489, qui leur permit de prendre la règle de Citeaux, de réciter tous les jours l’Office de la Conception de la Sainte Vierge, & de demeurer sous l’obéissance de l’Ordinaire. Alexandre VI, à la sollicitation du Cardinal Ximénès & de la Reine Isabelle, les exempta de la juridiction de l’Archevêque de Tolède, & les mit sous la direction des Frères Mineurs. L’an 1306 Jules II confirma ce que ses prédécesseurs Innocent VIII & Alexandre VI avoient fait. L’an 1511 il leur donna une règle particulière. Voyez Le P. Hélyot, T. VII, c. 46. Marie-Therese d’Autriche, femme de Louis XIV, permit aux filles de la Conception de Notre-Dame au fauxbourg S. Germain à Paris, d’embrasser cet Institut, qui n’avoit point été en France jusque-là.

Conception. Filles Théatines de l’immaculée Conception de la Sainte Vierge, dites de l’immaculée Congrégation. Voyez Théatine.

Conception (Ordre de la) de la bienheureuse Vierge Marie immaculée. Chevaliers de la Conception de la bienheureuse Vierge Marie immaculée. Ordo ou Equites B. Mariæ sine labe conceptæ. Cet Ordre fut institué, à ce que l’on prétend, par Jean-Baptiste de Pétrignan, qui vint en France en 1608, passa ensuite à la Cour de l’Empereur, & conjointement avec Charles Gonzague de Clèves, Duc de Nevers, & Adolfe, Comte d’Athlan, institua l’Ordre militaire de la Conception, pour procurer l’honneur de Dieu, la défense & la délivrance des Chrétiens qui sont parmi les infidèles, la paix & la bonne intelligence entre les Princes & l’agrandissement de la Chrétienté. Ordo militaris à B. Mariæ Conceptione nuncupatus. Cet Ordre fut confirmé en 1623 par une Bulle d’Urbain VIII, en date du 12 de Février. Ce Pape mit cet Ordre sous la règle de S. François. Il ne fait dans sa Bulle aucune mention de Pétrignan, & n’attribue l’établissement de cet Ordre qu’à Ferdinand, Duc de Mantoue, à Charles, Duc de Nevers, & à Adolfe, Comte d’Athlan. Le même Pape, par une autre Bulle du 14e de Novembre 1624, permit au Grand-Maître de recevoir dans cet Ordre les Patriarches, Archevêques, Evêques, Auditeurs de Rote, Clercs de la Chambre Apostolique, Protonotaires, Référendaires de l’une & de l’autre signature, & autres Prélats de la Cour de Rome, pourvu qu’ils eussent exercé leurs Offices pendant deux ans, auquel cas ils seroient dispensés de l’année de Noviciat. Les Chevaliers portoient une croix émaillée de bleu, où d’un côté étoit l’image de la Conception de la Sainte Vierge, entourée d’un cordon de S. François, & de l’autre l’image de S. Michel, & cette croix étoit attachée à un cordon bleu tissu d’or. Ils portoient, outre cela, sur leur manteau une croix pareille, au milieu de laquelle étoit une image de la Sainte Vierge, entourée du cordon de S. François. Entre les angles de la croix, il y avoit comme de petites langues de feu, d’où sortoit un foudre ou pointe de dard. Les Compagnons d’armes portoient une croix de velours, au milieu de laquelle il y avoit une image de la Sainte Vierge, avec une bordure d’or.

Il y a encore d’autres figures de ces croix, comme on le peut voir dans l’Abbé Justiniani, T. II, c. 84, où il traire de cet Otdre.

Conception, (La) terme de Géographie. C’est le nom que l’on a donné à plusieurs lieux dans l’Amérique, en l’honneur de l’immaculée Conception de la Sainte Vierge. La Conception dans le Chili, est une des plus considérables villes du pays, & la résidence du Gouverneur. La Conception dans le Paraguay, au confluent de la rivière Urvaig dans celle de Plata, est une ville presque ruinée. La Conception, dans l’Audience de Guatimala, capitale de la Province de Veragna, est une petite ville peu considérable, sur la mer du nord, vers l’isthme de Panama. La Conception de la Vegua, est une petite ville dans l’Île de S. Domingue au nord. La Conception de Salaya, est un bourg de l’Audience du Mexique. La Baie de la Conception, est dans l’Amérique septentrionale vers le milieu de la côte orientale de l’Île de Terre-Neuve.

Conception se dit figurément de la facilité qu’a l’esprit de comprendre, de concevoir les pensées d’autrui, ou d’en produire de son chef. Mens, mentis acies. C’est un esprit pesant & tardif, qui a la conception dure. Celui-là a la conception prompte & vive. Cet Orateur a l’esprit net, il exprime facilement ses conceptions. Comme il avoit la conception aisée, la mémoire heureuse, l’esprit pénétrant, il avança extrêmement en peu d’années. Bouh.

☞ La conception est cette opération de l’entendement, par laquelle il lie les idées des choses, en les considérant sous certaines faces, en saisit les différentes branches, les rapports & l’enchaînement. Elle est nette & prompte, elle épargne les longues explications ; donne beaucoup d’ouverture pour les sciences & pour les arts ; met de la clarté dans les expressions, & de l’ordre dans les ouvrages. La conception fait goûter les conversations instructives & savantes. Voyez Esprit, Raison, bon Sens, Jugement, Entendement, Intelligence.

Conception est aussi un terme de Logique ; & c’est la simple idée qu’on a des choses, laquelle n’enferme ni affirmation ni négation. Conceptio mentis.

Conception signifie aussi les pensées bonnes ou mauvaises que l’esprit humain forme sur quelque sujet. Cogitatio, idea. La simple conception du crime, & même le consentement de la volonté, n’est point du ressort de la justice humaine. De Launay. Cet Orateur a de riches conceptions. Je vais vous dire ma conception là-dessus. Voilà une plaisante conception. Fort bien ! Belle conception ! Mol. Dans ce sens il est vieux.

CONCEPTIONNAIRE. s. m. & f. Pendant la dispute qui s’éleva au XVIe siècle entre Maldonat & l’Université de Paris sur l’immaculée Conception de la Sainte Vierge, on appela Conceptionnaires ceux qui soûtenoient qu’il étoit de soi que la Sainte Vierge avoit été conçue sans péché. Conceptionarius, a. Il se trouva des Prédicateurs qui déclamèrent publiquement contre les Conceptionnaires. Du Pin.

Concernant. Qui concerne. Spectans, pertinens, attinens. Participe que l’usage a rendu indéclinable, & qui signifie la même chose que sur, touchant, au sujet de. Il y a cette différence entre concernant & touchant, que concernant doit être précédé d’un substantif auquel il ait rapport, & que touchant s’emploie indifféremment à la suite d’un substantif ou d’un verbe. J’ai à vous dire quelque chose concernant cette affaire-là. Acad. Fr. 1740.

Le Parlement a fait plusieurs règlemens concernant la Police, l’administration des Finances.

☞ CONCERNER, v. a. Être de la dépendance de quelqu’un, de quelque chose, lui appartenir en quelque façon. Ad aliquem, ad aliquid pertinere, spectare, attinere. On dit assez indifféremment, & sans beaucoup de choix, qu’une chose nous regarde, nous concerne ou nous touche, pour marquer la part que nous y avons. Il paroît néanmoins qu’il y a entre ces trois expressions, une différence délicate. Quoique nous ne prenions qu’une légère part à la chose, nous pouvons dire qu’elle nous regarde ; mais il en faut prendre davantage, pour dire qu’elle nous concerne ; & lorsqu’elle nous est plus sensible & personnelle, nous disons qu’elle nous touche. Il paroît aussi qu’on se sert plus communément du mot regarder, lorsqu’il est question de choses sur lesquelles on a des prétentions ou des démêlés d’intérêt ; qu’on emploie avec plus de grâce celui de concerner, lorsqu’il s’agit de choses commises au soin & à la conduite ; & que celui de toucher, se trouve mieux placé dans les affaires de cœur, d’honneur & de fortune. Il n’est pas des biens publics comme des particuliers ; la succession regarde toujours ceux même qui y ont renoncé. Toutes les opérations du gouvernement concernent le premier Ministre ; mais chacune de ces parties ne concerne que celui qui en est particulièrement chargé ; la conduite de la femme touche d’assez près le mari, pour qu’il doive y avoir l’œil. M. l’Abbé Girard, Syn.

CONCERT. s. m. Harmonie composée de plusieurs voix ou de plusieurs instrumens, ou des deux ensemble ; assemblée de voix & d’instrumens qui exécutent des morceaux de musique. Concentus. Il y a des concerts de voix, de luths, de violes, ou de plusieurs instrumens mêlés ensemble. Il n’y a point de concert qui vaille les représentations de l’Opera. Platon, & les Anciens, se sont imaginés que le mouvement des astres faisoit un agréable concert, une harmonie.

☞ Le mot de concert ne s’emploie, ne peut être employé, que pour désigner au moins sept à huit Musiciens, & une musique à plusieurs parties. Les anciens avoient leurs concerts aussi bien que nous. La description qu’en fait Sénèque, ne permet pas d’en douter : voyez-vous, dit-il, cette multitude de voix qui composent nos grands chœurs de musique ? Elles se joignent toutes si parfaitement, qu’il semble qu’elles ne rendent à l’oreille qu’un seul & unique son. Vides quàm multorum vocibus chorus constet ; unus tamen ex omnibus sonus auditur. Parmi ces voix, il y a des dessus, il y a des basses, il y a des voix moyennes de tous les degrés. On entend celles des hommes avec celles des femmes, les unes & les autres entremêlées du son des flûtes qui les accompagnent. Chacune de ces voix est, pour ainsi dire, cachée dans la multitude ; & cependant elles paroissent toutes avec le caractère qui ses distingue. Aliqua illic acuta vox est, aliqua gravis, aliqua media. Accedunt viris feminæ, interponuntur tibiæ : singulorum illic latent voces : omnium apparent. Je ne parle encore que des chœurs qui étoient connus aux anciens Philosophes. Il y a plus dans les nôtres, continue Senèque, dans les concerts solemnels que nous donnons au Public, il y a plus de Chanteurs, que le théâtre n’avoit autrefois de Spectateurs. De choro dico, quem veteres Philosophi noverant : in commissionibus nostris plus Cantorum est, quàm in theatris olim spectatorum fuit. Outre ce grand nombre de voix, nos amphitéâtres sont environnés de trompettes, & nos orchestres pleines d’une infinité d’instrumens de toute espèce, à vent & à cordes. Voilà une multitude qui semble nous menacer d’une horrible discordance. Ne craignez rien : il s’en forme un concert. Cum omnes vias ordo canentium implevit, & cavea Æneatoribus cincta est, & ex pulpito omne tibiarum genus organorumque consonuit, sit concentus ex dissonis.

☞ C’est ainsi que nos Orphées, anciens & modernes, ont trouvé l’art magique de réduire cette multitude à l’unité, c’est-à-dire, de composer un total sonore, qui, malgré la multitude de ses parties, devient parfaitement un, par une espèce de prodige. Rem prodigialiter unam.

☞ On dit figurément un concert de louanges. Combien de grands hommes généralement applaudis ont gâté le concert de leurs louanges en y mêlant leurs voix. Fonten.

Je destine ma voix à de plus saints concerts,
Et ce n’est plus, Seigneur, qu’à votre seule gloire
Que je veux consacrer mes vers. L’Abbé Tétu.

Concert se dit aussi du chant des oiseaux, sur tout dans la Poësie. Le concert des oiseaux. Les bois retentissoient de leurs charmans concerts.

Concert se dit aussi au figuré, de l’harmonie du discours. On trouve dans les oraisons funèbres de M. Fléchier, outre la pureté du langage & la solidité des pensées, un heureux arrangement de paroles, qui, par le mélange de leurs accords, par la variété des sons & des cadences, forment un concert aussi ravissant que celui de la musique la plus parfaite.

Concert est aussi le lieu où se tient le concert. Aller au concert.

Concert signifie figurément l’accord de plusieurs personnes pour l’exécution de quelque dessein ; intelligence, union de plusieurs personnes qui conspirent, qui tendent à une même fin. Consensus. Cette famille périra bien vîte, parce qu’il n’y a pas de concert. Concert d’opinions.

☞ De concert, se dit adverbialement ; pour dire, d’intelligence. Conspiratè. Agir de concert.

Les grandes affaires ne réussissent point, à moins que tous les intéressés n’agissent de concert. On le dit aussi des choses inanimées. Dans cette tempête la mer & les vents étoient, ce semble, de concert pour causer le naufrage.

Concert spirituel. Spectacle public dans lequel on exécute pendant les temps que les autres spectacles sont fermés, des motets & des symphonies, dans la Salle des Suisses des Thuilleries. Son nom lui vient des compositions sacrées qu’on y exécute.

Quelques-uns dérivent ce mot de concentus, d’autres de concertare. M. Huet croit qu’il vient de consertum, quasi ex variis sonis contextum & compositum. Il vient, de même que concerter, de concertare, combattre ensemble, de compagnie, & par métaphore, agir ensemble, travailler ensemble à une même chose.

CONCERTANT, ANTE. adj. ordinairement employé substantivement. Musicien qui concerte ; ☞ il signifie proprement un Musicien qui exécute, qui chante ou qui joue sa partie dans un Concert. Acad. Fr. Nous étions huit Concertans.

☞ L’Abbé Brossard appelle parties concertantes, celle$ qu’on appelle aujourd’hui parties recitantes.

Concertant. Ce mot se trouve employé dans Pomey, pour signifier celui qui s’exerce & qui combat pour la gloire dans un carrousel. Certantes ludicrâ decursione Equites. Les concertans du carrousel.

CONCERTER, v. a. Faire l’essai, la répétition des pièces qu’on doit jouer dans un concert, avant que de le faire entendre au Public. Præludere, præparare se ad concentum, voces, instrumenta musica privatim componere, consociare. Ces Musiciens ont plusieurs fois concerté ensemble ces mêmes pièces.

Concerter est quelquefois neutre, & signifie aussi faire sa partie dans un concert. Tout le monde n’est pas né pour concerter, mais pour avoir au moins le goût de la musique.

☞ Et quelquefois tenir concert, faire un concert. On concerte souvent chez un tel. Ils concertent ensemble.

Concerter se dit figurément pour conférer ensemble sur les moyens de faire réussir une affaire, une intrigue. Consultare, deliberare, consilia conferre, commiscere, conjungere. On ne sauroit trop concerter les grandes entreprises. On le dit même d’une personne seule qui raisonne en elle-même sur l’éxécution de quelque chose. Il a long temps concerté dans son esprit, il a bien examiné toutes les circonstances de ce dessein, avant que de l’entreprendre. Les desseins du Cardinal de Richelieu étoient plus vastes, mais moins justes, & moins concertés que ceux du Cardinal Mazarin. S. Evr. Il entre toujours quelque chose du tempérament dans les desseins les plus concertés. Id. Ce sont des témoins fidèles (les Evangélistes) qui ne se sont point enfermés ensemble pour concerter ce qu’ils avoient à dire. Peliss.

CONCERTÉ, ÉE. part. On dit figurément qu’une personne est bien concertée ; pour dire, qu’elle affecte un certain extérieur modeste & prudent, que toutes ses actions & ses paroles sont étudiées, affectées, & souvent hypocrites. Dans les affaires solides & sérieuses, on a l’esprit concerté ; & on ne connoît pas ceux qui les font : c’est dans les plaisirs qu’on connoît les gens jusqu’au fonds du cœur. M. Scud. La clémence de Néron étoit feinte & concertée. Les amitiés qui nous paroissent les plus fortes, ne sont que des intérêts concertés. S. Evr.

Ses gestes concertés, ses regards de mesure,
Ne laissoient aucun mot aller à l’avanture. Corn.

☞ CONCERTO. s. m. terme de Musique, emprunté de l’italien. Pièce de symphonie faite pour être exécutée par tout un orchestre, & dans laquelle quelque instrument joue seul de temps en temps avec un simple accompagnement. Jouer un concerto, exécuter un concerto.

☞ CONCESSION. s. f. Don, octroi que fait un Souverain ou un Seigneur, de quelque terre, de quelque droit ou privilège. Concessio. Cette Abbaye jouit d’une telle terre, d’une telle exemption, par la concession de S. Louis. Le Pape fait des concessions d’indulgences plénières. On appelle aussi concession la chose même qui est accordée. Les grands droits dont jouissent les Abbayes, sont des concessions des Seigneurs qui les ont fondées, ou de ceux qui s’y sont faits Religieux.

Concession est aussi une figure de Rhétorique, par laquelle on accorde quelque chose à son adversaire, soit pour ne pas former d’incidens inutiles, soit pour en tirer quelque avantage. Concessio.

☞ Je vous passe qu’il soit honnête homme ; cela le rend-il capable de son emploi ? Elle est belle, il est vrai ; mais fait-elle un bon usage de sa beauté ?

Concession se dit aussi du terrain que le Roi accorde dans les Colonies Françoises soit à une compagnie, soit à des particuliers pour le défricher, le cultiver, le posséder. Campus, ager, à Rege concessus in Coloniis. Faire valoir sa concession de la manière la plus pacifique. Pacificè agrum sibi concessum exercere. Etre dépossédé de sa concession. Id. Un tel a deux concessions au Mississipi qui lui font un bon revenu. Il n’y a guère que les habitans d’une Colonie qui puissent faire valoir les concessions.

CONCESSIONAIRE. s. m. Celui en faveur de qui une concession a été faite.

CONCESSUM ut petitur. Voyez Signature.

CONCETTI. s. m. pl. C’est un mot italien, qui au singulier concetto, signifie une pensée ingénieuse, délicate, brillante. Nous employons le pluriel pour signifier des pensées d’esprit, où il y a de l’affectation, & plus de brillant que de solidité, comme on en trouve sur tout dans les Auteurs italiens. Acumen, fulgor, inanis scintilla. Ce mot n’est point du style oratoire. Par un ouvrage rempli de clinquant, on entend communément un ouvrage fleuri, mais dont les fleurs sont de courte durée : un ouvrage rempli de pensées plus spécieuses que solides : plein d’un faux brillant qui séduit d’abord, mais qui ne tient guère contre une attention sérieuse ; un ouvrage où la raison & le jugement ont eu moins de part que l’imagination : un ouvrage enfin rempli de ce que les Italiens appellent concetti, dont le sérieux de notre langue condamne l’usage. Avare de ces concetti si prodigués en Italie, l’Auteur de la Jérusalem fait à peine sentir qu’il étoit Italien. Cette harangue est pleine de concetti & de faux brillans.

Dans un goût différent la brillante Italie
Fait de ses concetti la beauté du génie ;
Mais dans cette carrière on en a vû plus d’un,
En cherchant de l’esprit, perdre le sens commun.

☞ Chez les Italiens ce mot n’est pas pris en mauvaise part comme parmi nous,

☞ On dit aussi concetto.

Car ainsi qu’à la Comédie
A chaque brillant concetto
On vous claque à l’Académie,
Mais on n’y siffle qu’in petto.

CONCEVABLE. adj. m. & f. Ce que l’esprit peut aisément concevoir. Comprehensibilis. L’attrait de la nouveauté a un pouvoir qui n’est pas concevable. M. Esp.

CONCEVOIR. v. a. Je conçois, j’ai conçu, je conçus, je concevrai. Que je conçoive, je concevrois, que je conçusse. ☞ Ce mot se dit particulièrement des femmes, & signifie devenir grosse d’enfant. Filium, fœtum concipere. La Sainte Vierge a conçu Notre-Seigneur dans ses entrailles. On le dit d’ordinaire absolument. La Sainte Vierge a conçu par l’opération du Saint-Esprit. Suivant le cours ordinaire de la nature les femmes ne sont en état de concevoir qu’après la première éruption des règles ; & la cessation de cet écoulement à un certain âge les rend stériles pour le reste de leur vie.

☞ On le dit aussi des femelles des animaux, mais seulement en parlant de l’espèce en général. Les brebis conçoivent plus ordinairement au printemps qu’en autonne. Les biches conçoivent vers la fin de l’autonne. On ne diroit pas qu’une brebis, qu’une biche a conçue ; mais qu’elle est devenue pleine.

☞ On le dit aussi de la plupart des passions qui naissent dans le cœur. Concevoir de l’amour, de la haine, de l’horreur, du dépit, &c. On lui a fait concevoir de belles espérances. Il a conçu de l’amour pour cette fille. Il en est devenu amoureux. Il a conçu de l’ambition, il est devenu ambitieux.

Concevoir se dit aussi figurément de la simple vue que nous avons des choses qui se présentent notre esprit, sans en former aucun jugement. Log. Il signifie aussi, avoir l’intelligence prompte, facile, se former des idées justes relativement à l’ordre & au dessein de ce qu’on se propose. Aliquid animo concipere, cogitatione capere. Pour croire les choses qui sont de la foi, il n’est pas nécessaire de les concevoir. Une chose est avilie auprès de bien des gens dès qu’elle est facile à concevoir. Font. Le Lecteur prend d’ordinaire pour galimatias ce qu’il ne conçoit pas. Boil.

Peux-tu bien concevoir, dans ces tristes momens,
La rigueur de mon sort, mes craintes, mes tourmens ? Capistron.

Concevoir, dit M. l’Abbé Girard, exprime une conformité d’idées, avec les objets présentés, comme entendre & comprendre ; & c’est-là leur signification commune ; mais celle qu’exprime le mot de concevoir, regarde plus particulièrement l’ordre & le dessein de ce qu’on se propose. On l’emploie avec grâce pour les formes, les arrangemens, les projets, les plans ; enfin tout ce qui dépand de l’imagination se conçoit. On entend les langues, on comprend les sciences ; & l’on conçoit ce qui regarde les arts. Il est difficile de concevoir ce qui est confus. Pour concevoir, il faut un esprit net & méthodique.

☞ L’architecture conçoit le plan & l’Economie de ses édifices. Il faut mettre, autant que la conversation le permet, de l’ordre dans son discours, afin d’aider l’idée des autres à concevoir la nôtre.

☞ Mais souvent nos Auteurs n’y regardent pas de si près, & emploient indifféremment ces mots l’un pour l’autre.

Concevoir, en style de Pratique, signifie exprimer d’une certaine manière. La clause du testament qui fait le procès, est conçue en ces termes. Il faut concevoir ainsi la pensée, le jugement des arbitres. La commission étoit conçue en ces termes. Maucroix. Il reçut des Lettres de Darius conçues en des termes si superbes, qu’il s’en offensa. Vaug.

Concevoir, infinitif, s’est dit autrefois pour pensée, conception. Cogitatio, intelligentia.

CONÇU, UE. part. pass. & adj. Conceptus. L’Homme est conçu dans le péché. Conçu signifie quelquefois exprimé ; un ordre conçu en ces termes, c’est-à-dire, exprimé en ces termes. Cette phrase est mal conçue.

CONCHE. s. f. vieux mot qui signifioit autrefois le bon ou le mauvais état d’une personne, relativement à les habits, à son équipage. J’ai vû autrefois ce Gentilhomme en bonne conche, il avoit grand équipage ; maintenant il est en fort mauvaise conche, il n’a pas un habit, un valet.

Quelques-uns dérivent ce mot de l’italien conchiare, ou acconchiare, quasi conchiliare à conchiliis, à cause que les riches ornemens des Anciens se tiroient des poissons à coquilles, comme les perles & la pourpre ; ce qui témoignoit la richesse & la bonne fortune des personnes. On a aussi-tôt fait de le dériver du latin concha.

Conche. s. m. terme de salines. C’est le nom des seconds réservoirs des marais où l’on fabrique le sel. Le premier de ces réservoirs s’appelle Jas, le second s’appelle Conche. L’eau de la mer se communique du jas dans les conches par des tuyaux de bois, & après s’être un peu échauffée dans les conches, elle passe dans un autre réservoir nommé le mort, par un canal qu’on appelle ame d’eau.

☞ CONCHES. Petite Ville de France en Normandie, dans le pays d’Ouche, à trois ou quatre lieues d’Evreux.

☞ CONCHI. s. m. Espèce de cannelle, dont il se fait un assez grand commerce au Caire : on la tire des Indes par la Mer Rouge.

CONCHIER. v. a. Chier en quelque endroit, le remplir de son ordure. Concacare. Les Harpies conchioient tous les lieux où elles passoient. Ce mot est très-bas & peu usité.

CONCHIERES. Vieux mot qui signifie poltron ; on ne s’en sert plus.

CONCHILE. s. f. terme de Géométrie. C’est une ligne courbe qui s’approche toujours d’une ligne droite sur laquelle elle est inclinée, & qui ne la coupe jamais. On la décrit ainsi. On tire deux lignes à angles droits, sur l’une desquelles on choisit un point pour centre, duquel on tire une infinité de lignes ou rayons qui coupent la transversale. Puis on prend sur chacune de ces lignes ou rayons des parties égales, à commencer au-delà de l’intersection de la ligne transversale ; & alors on a plusieurs points marqués, par lesquels, si l’on décrit une ligne, elle s’appellera conchile, & approchera toujours de la ligne droite transversale, sans jamais la pouvoir couper. Voyez-en les figures dans Betinus in Apiario, & dans François Barocio, Sénateur de Venise, qui a fait un excellent livre des lignes Asymptotes, dont la conchile est une espèce, où il a démontré en treize façons la solution du problème de deux lignes, qui s’approchent toujours, & qui ne se coupent jamais.

CONCHITE. s. f. terme d’Histoire Naturelle. Pétrification qui ressemble à la coquille qui s’appelle concha, conchites. M. Tournefort, qui prétend que les pierres sont végétales, soûtient dans les Mémoires de l’Académie, 1702, p. 241, que les conchites ne sont que de véritables pierres, dont les germes liquides sont entrés dans le creux de ces coquilles que l’on appelle concha, & dont ils ont pris le relief. Mais, sans supposer de germe, il est clair par l’inspection de ces pétrifications & de toutes les autres semblables, que c’est une espèce de marne, qui délayée par les eaux de la mer, s’est insinuée dans ces coquilles vides, & ensuite par l’évaporation de l’humidité, s’est durcie & pétrifiée, & a pris la forme de la coquille où elle étoit renfermée. Cela est si vrai, que l’on trouve souvent sur la superficie de ces pétrifications les restes de la coquille où elles ont été renfermées, & qui en a été le moule. On voit encore à Mégare plusieurs ruines de bâtimens de cette belle pierre blanche appelée conchites, qu’on trouvoit seulement à Mégare. Du Loir, p. 138. Prononcez Conquite.

CONCHOÏDAL. adj. Ce qui appartient & provient de la ligne conchoïde. C’est une question en Géométrie de savoir si l’espace conchoïdal, c’est-à-dire, l’aire comprise dans la ligne conchoïde, est fini ou non.

CONCHOÏDE. s. f. terme de Géométrie. C’est une ligne courbe, dont Nicomède est inventeur, & dont il a fait la démonstration. Voyez Pappus Alexandrinus. Conchoïde, demi-circulaire, conchoïde hyperbolique. Conchoïs semicircularis, conchoïs hyperbolica. C’est une espèce de conchile, ou plutôt la même chose. Du Ry, Architecte de Paris, donna en 1585, un nouveau Traité Géométrique, & une nouvelle Méthode très-aisée pour tracer le profil du fust de la colonne qu’on appelle conchoïde irrégulière, parce que c’est une ligne qui tient en sa forme & en la manière de la décrire, de la conchoïde de Nicomède, mais elle en diffère pourtant, en ce qu’étant prolongée, elle s’éloigne toujours de son axe, au lieu que la véritable conchoïde s’approche du sien continuellement.

☞ CONCHOS. (Les) Peuples de l’Amérique septentrionale aux frontières du vieux Mexique & du nouveau.

☞ CONCHUCOS. Peuple de l’Amérique méridionale au Pérou, dans l’Audience de Lima.

CONCHYLE. s. m. Poisson dont on tire le suc pour teindre en écarlate. Danet. Conchyle, conchylium.

CONCHYLIOLOGIE. s. f. Science qui traite des coquillages.

☞ CONCHYLIOLOGIQUE. adj. Qui appartient aux coquillages, qui traite des coquillages. Traité Conchyliologique.

☞ CONCHYLIOLOGISTE, CONCHYLIOLOGRAPHE. Naturaliste qui s’applique à la science des coquillages, qui les décrit, qui les distribue en différentes classes.

☞ CONCHYLIOTIPOLITE. Nom par lequel on désigne les empreintes de la figure extérieure des coquilles de mer sur la pierre. Tous ces mots viennent de conchylium, coquillage.

CONCIERGE. s. m. & f. Celui ou celle qui a la garde, les clefs d’un Château, d’un Hôtel, d’un Palais. Custos Domus Regiæ, Palatii Præfectus. On l’appelle aujourd’hui plus ordinairement Capitaine. L’on nommoit autrefois Concierges, ceux que l’on a depuis nommés Capitaines, & ensuite Gouverneurs des Maisons Royales. Le Palais de nos Rois avoit son Concierge, mais sans aucune Juridiction. Quand Louis Hutin abandonna ce Palais au Parlement pour y administrer la Justice, il y resta toujours un Concierge, avec tous les droits utiles attachés à cet Office, mais sans aucune Juridiction, non plus qu’auparavant. Ce n’est que sous Charles, Duc de Normandie, Régent du Royaume, pendant la prison du Roi Jean son pere, qu’il commença à se former la Juridiction qu’il a eue depuis, comme nous l’avons expliqué au mot Bailli du Palais, qui est le nom qu’il porte depuis Charles VI.

Ménage dérive ce mot de Conservius, à conservando. Il dit que dans les vieux livres on trouve Consierge par une s, Remarq. sur la Sat. Ménippée.

Du Cange, le dérive de consergius ou conservus : il ajoûte qu’on a dit aussi Concierge de forêt ; pour dire, Garde-forêt.

Concierge se dit souvent pour signifier un Géolier ; le garde des prisons. Custos carceris. On a rendu le Concierge responsable de l’évasion d’un tel prisonnier.

Concierge se dit aussi par les Comédiens, d’une espèce d’Officier qui a soin d’ouvrir & de fermer la porte. Janitor.

☞ CONCIERGERIE. s. f. demeure, appartement d’un Concierge. Ædes custodis, vel Præfecti domùs regiæ. La Conciergerie de Fontainebleau, de Choisi. C’est aussi la charge, la commission d’un Concierge d’une Maison-Royale d’un Palais. On lui a donné la Conciergerie de tel endroit.

Conciergerie. Prisons de la Conciergerie. Nom qu’on donne en quelques endroits, particulièrement à Paris, à la prison où le Parlement tient ses prisonniers. Ce nom lui fut donné, parce que c’étoit autrefois une partie du Palais de nos Rois, où demeuroit le Concierge ; ainsi il ne doit point être étendu aux autres geôles ou prisons qui sont dans un Palais. Carcer. On a amené ce prisonnier à la Conciergerie, c’est-à-dire aux prisons royales du Parlement de Paris.

CONCILE. s. m. Assemblée d’Evêques Catholiques, légitimement convoquée pour décider les questions de foi, ou régler ce qui concerne la discipline. Concilium. Un Concile Provincial, est l’assemblée des Evêques d’une Province, sous leur Métropolitain. Un Concile National, est l’assemblée des Prélats d’une nation sous un Patriarche ou un Primat. Un Concile Général, est une assemblée de tous les Evêques de la Chrétienté. Pour que le Concile soit Œcuménique ou Général, il n’est pas nécessaire que tous les Evêques de la Chrétienté y soient effectivement présens, il suffit qu’ils puissent s’y trouver, qu’ils y soient appelés. Les Conciles Généraux sont quelquefois appelés par les Auteurs Ecclésiastiques Conciles pléniers. On compte dix-huit Conciles Généraux : deux de Nicée, quatre de Constantinople, un d’Ephèse, un de Chalcédoine, cinq de Latran, de Lyon, un de Vienne, un de Florence, le dernier de Trente, tenu depuis 1545, jusqu’en 1563. ☞ En France on met les Conciles de Pise, de Constance & de Bâle au nombre des Conciles Généraux. Ammien Marcellin reproche à l’Empereur Constance, qu’il étoit insatiable de Conciles. Les quatre premiers Conciles Généraux & Œcuméniques sont approuvés par les Protestans. Les Conciles Nationaux ou particuliers ont apporté de grandes utilités à l’Eglise pour sa discipline. Quoique le Concile de Trente ait ordonné d’assembler des Conciles Provinciaux tous les trois ans, on n’en a point tenu en France depuis celui de Bourdeaux en 1624. Les Conciles Diocésains ou Episcopaux, composés de l’Evêque & de son Clergé s’appellent Synodes.

Les Canons, les Décrets, les Sessions du Concile de Nicée, de Trente. Les Actions d’un Concile sont différentes des Sessions ; car dans une seule Session il peut y avoir plusieurs Actions, & une Action pourroit occuper plusieurs Sessions. Au Concile de Chalcédoine les six premières Sessions qui contiennent autant d’Actions : mais la Session VII comprend trois Actions. L’Action est l’examen & le Jugement d’une cause.

Ce mot vient de Concilium en latin, qui ne signifie autre chose qu’assemblée ; car on a dit Concilium Deorum, Concilium Martyrum, &c. Il y a plusieurs Éditions des Conciles, celle du Docteur Merline, imprimé à Paris en 1524. Il y en a deux du Père Crabe de l’Ordre de S. François en 1536 & 1551. Celle de Surius en 1567. Celle de Venise en 1585. Celle de Rome en l’an 1608. Deux de Binius, Chanoine de Cologne en 1606 & 1618 en dix volumes. Celle du Louvre 1643 en 37 volumes. Et enfin celle du P. Labbe & du P. Cossart, Jésuites, achevée en l’an 1672 qui est en 17 volumes, & plus ample que les autres. Il en a paru depuis une nouvelle faite par les soins du P. Hardouin, Jésuite.

Concile se prend aussi pour les Décrets, pour les Canons, pour les réglemens qui se font dans un Concile. Decretum. Le Concile de Trente n’est pas reçu en France pour les choses de discipline.

CONCILIABULE. s. m. Assemblée de Prélats irrégulière, illicite, tumultueuse, qui n’a pas été convoquée légitimement & selon les ordres de l’Eglise. Conciliabulum, conventiculum. On appelle en général, conciliabules, les assemblées des Hérétiques qui n’ont aucune autorité.

☞ On le dit ironiquement d’une assemblée de gens occupés de quelque mauvais complot.

Conciliabule. Terme d’histoire ancienne. Conciliabulum. Endroit d’une Province où les Préteurs, les Propréteurs, les Proconsuls faisoient assembler les peuples de leur Province, pour leur rendre la justice.

CONCILIANT, ANTE. adj. Qui se plaît à concilier les esprits, qui est propre à la conciliation. Je suis conciliante ; j’aime à resserrer les liaisons que le temps & l’absence dénouent quelquefois à tel point, qu’on ne se connoît plus. Mad. de Sévigné. Ismaal Pacha, nouveau Séraskier de Bender, étoit d’un tempérament doux & d’un esprit conciliant qui lui avoit attiré la bienveillance de Charles, & l’amitié de tous les Suédois. M. de Volt. Et d’ailleurs, dit la Présidente, d’un air conciliant, elle est sa maîtresse, cette fille ; & ce jeune homme n’a dans le fond que sa jeunesse contre lui. M. de Marivaux.

☞ CONCILIATEUR, TRICE. s. Conciliator, conciliatrix. Celui, celle qui concilie, qui remet bien ensemble des personnes qui avoient de l’éloignement, qui ont des intérêts différens. Il a fait les fonctions d’un bon Conciliateur. S. Louis étoit le Conciliateur des Princes Chrétiens, entre les Princes Chrétiens. L’intérêt commun est le grand Conciliateur des esprits.

☞ En Jurisprudence, on appelle Conciliateur des antinomies, un Auteur qui a travaillé pour concilier les loix qui paroissent se contredire. Cujas est un grand Conciliateur des antinomies.

CONCILIATION. s. f. action de concilier les esprits qui ont de l’éloignement, ou les passages qui paroissent se contredire. Les Commentateurs se donnent la torture pour la conciliation des partages contraires de leur Auteur. Travailler à la conciliation des esprits.

Concilier, v. a. remettre bien ensemble des personnes qui avoient de l’éloignement les unes pour les autres. Conciliare. Voyez Accorder.

Concilier signifie aussi lever les contradictions apparentes dans quelqu’ouvrage, entre quelques partages. Voyez Accorder. On accorde les opinions qui se contrarient. On concilie les passages qui semblent se contredire.

☞ On dit se concilier les bonnes grâces de quelqu’un ; se concilier l’amitié des honnêtes gens ; se concilier l’attention des Auditeurs, c’est-à-dire, gagner les bonnes grâces, l’amitié, l’attention, &c. Sibi conciliare. On dit aussi concilier à quelqu’un l’amitié de tout le monde. Il ne sort aucune parole de votre bouche, qu’elle ne vous concilie généralement tout les Esprits. S. Evr. Dans le sens dont on vient de parler, concilier ne se dit qu’en parlant de la disposition position favorable des esprits. On ne diroit pas se concilier la haine, le mépris du Public.

Concilie, ée, part.

CONCION. s. f. Discours, harangue. Ce mot qui se voit dans Nicot, Monct & Cotgrave, est hors d’usage à présent. Il vient du latin concio.

CONCIS, ISE. adj. Concisus. Il ne se dit que du discours, du style serré. Un style concis & laconique, qui est serré & énergique, qui dit beaucoup en peu de mots. Démosthène est si parfait dans sa manière serrée & concise, & Cicéron dans toute l’étendue de son discours, qu’on ne peut rien retrancher à l’un, & rien ajouter à l’autre. P. Rap. Il est concis dans ses harangues, & n’opine que du bonnet. Main. Voyez Court & Succinct.

CONCISION. s. f. ☞ Ce terme est nouveau, mais il est reçu pour signifier le laconisme, un style serré & énergique, la qualité de ce qui est concis. Verborum concisio. On ne sauroit se soûtenir dans une égale élévation, dans une égale concision, dans une égale netteté pendant quinze ou vingt pages. Je ne hazarde une expression que pour donner plus de feu, plus de concision, plus de netteté à ce que j’exprime. Grimarest. La Poësie est un ornement dont l’abbé du Resnel a cru ne pouvoir se dispenser, pour approcher de plus près de la concision de la langue angloise. Goujet, Bibl. franc. Voyez Précision.

CONCITOYEN. s. m. terme relatif, qui se dit de deux ou de plusieurs citoyens de la même ville. Civis. Ce Magistrat étoit bien zélé pour la défense de ses concitoyens. J’aime mieux renoncer à l’Empire que de répandre le sang de mes concitoyens. Vaug. Voyez Citoyen.

CONCLAMATION. s. f. cérémonie que les Romains pratiquoient lorsqu’il mouroit quelqu’un, qui consistoit à sonner du cor ou de la trompette, pour annoncer que le malade venoit de rendre le dernier soupir. Dom Jacques Martin dit que la conclamation étoit le premier de tous les devoirs que les Romains rendoient aux morts, que l’origine de son usage remonte au de-là de la fondation de Rome, que c’est celle de toutes les cérémonies, qui a été le plus généralement & religieusement observée, puisqu’elle ne s’est éteinte qu’avec le Paganisme ; que c’étoit une cérémonie purement civile, qui ne faisoit point partie de leur religion, & que cet usage de sonner du cor ou de la trompette étoit continué pendant huit jours. Kirchmann dit qu’on appeloit à grands cris le mort par son nom avant que de brûler le cadavre, afin d’arrêter l’ame fugitive, ou pour la réveiller, si elle étoit cachée dans le corps qui n’avoit aucun signe de vie. ☞ Et pour signifier qu’il n’avoit point répondu, parce qu’il étoit décédé, on disoit conclamatum est. Et on appeloit conclamata corpora, les corps appelés ainsi à haute voix avant que de les mettre sur le bûcher.

☞ On appeloit aussi conclamation, le signal qu’on donnoit aux Soldats romains, pour plier bagage & décamper. De-là, l’expression conclamare vasa ; conclamare ad arma étoit le signal contraire de se tenir prêts à donner.

CONCLAVE. s. f. assemblée des Cardinaux pour l’élection du Pape. Sacer Patrum purpuratorum concessus. Ce Pape a été élu presque tout d’une voix par le Conclave. Il n’y a point de mer plus agitée qu’un Conclave ; les passions comme les flots, s’y poussent successivement. Hist. des Concl. Les choses changent de face mille fois dans un Conclave, & la situation des esprits est à tout moment différente. La cabale, les intrigues, & tout ce que l’expérience d’une Cour raffinée peut avoir appris d’artifices & de subtilité, est là mis en usage. Id. Le Conclave n’a commencé qu’en 1270. Clément IV étant mort à Viterbe en 1268, les Cardinaux furent deux ans sans pouvoir convenir de l’élection d’un Pape. Les choses allèrent si loin, qu’ils furent sur le point de se retirer sans vouloir rien conclure. Les habitans de Viterbe ayant eu connoissance de ce dessein, par le conseil de S. Bonaventure qui étoit alors à Viterbe, fermèrent les portes de leur ville, & enfermèrent les Cardinaux dans le Palais pontifical qui étoit proche de l’Eglise Cathédrale. De-là est venue ensuite la coutume d’enfermer les Cardinaux en un seul Palais, jusqu’à ce qu’ils aient élu le Pape ; & tels furent les commencemens & l’origine du Conclave, rapporté par Onuphrius Panvinus, par Ciaconius,& par le P. Papebroch.

Conclave est aussi le lieu où s’assemblent les Cardinaux pour l’élection du Pape ; c’est à S. Pierre au Vatican, quoique Grégoire X & Clément V aient ordonné qu’il se feroit où le dernier Pape seroit décédé. On en mure routes les portes & les fenêtres en hiver, excepté un panneau pour les éclairer, & pour y porter une lumière fort sombre. En été on ne les ferme point. On y laisse seulement la première porte de la salle fermée de quatre serrures & quatre verrouils, où il y a une ouverture par où l’on sert à manger aux Prélats enfermés. On dresse dans les salles, qui sont fort amples, des cellules pour autant de Cardinaux qu’il y en a de présens à l’élection, qui ne sont séparées que par des planches de sapin. Elles sont marquées par des lettres de l’alphabet, & distribuées par sort aux Cardinaux. Chaque Cardinal fait mettre ses armes sur la cellule qui lui est échue. Après trois jours d’assemblée, on ne sert plus que d’une viande, & ; après cinq autres jours que du pain & du vin. Cette règle ne s’observe pas à la rigueur. Voyez Conringius, Vavre en son Histoire de la Cour Romaine. Matthieu Paris dit que ce mot conclave signifioit autrefois la Garderobe du Pape. C’est un proverbe assez commun en Italie, que qui entre Pape au Conclave, en sort Cardinal. Chi entra Papa, esce Cardinale ; pour dire, que celui qui, suivant le bruit commun, sera élu Pape, pour l’ordinaire ne l’est pas.

On dit, le Conclave d’un tel Pape ; pour dire, le Conclave où un tel Pape a été élu. Le Conclave de Clément IX. Acad. Fr.

☞ Conclave se dit aussi de l’assemblée des Chevaliers de Malte pour l’élection d’un grand Maître. Les Partisans du Prieur de Capoue, renfermés dans le conclave, firent valoir son courage, sa valeur & son expérience. Vertot.

CONCLAVISTE. s. m. domestique qu’un Cardinal choisit pour le servir, & qui s’enferme avec lui dans le Conclave. Domesticus Cardinalis cum eodem in Conclavi conclusus. Les Conclavistes portent tous une robe de chambre d’une même parure. Chaque Cardinal à deux Conclavistes. On en accorde un troisième par privilège à un Cardinal Prince. ☞ Le nom de domestique présente une idée humiliante ; mais les fonctions d’un Conclaviste ne le sont pas. Les Conclavistes sont tous de jeunes Abbés de distinction, auxquels on accorde, après le conclave, le gratis pour les bulles des bénéfices qu’ils peuvent obtenir par la suite.

CONCLUANT, ANTE. adj. Qui conclud, qui prouve. Decretorius. Une démonstration, est un argument concluant. Une déposition de deux témoins non reprochés, est une preuve concluante.

On appelle au Palais, un défaut concluant, un défaut qu’on donne à juger, où l’on met des conclusions, & qui emporte profit.

CONCLURE. v. a. Il se conjugue ainsi, je conclus, tu conclus, il conclut ou il conclud, j’ai conclu, je conclus, je conclurai, que je conclue, que je conclurois. Finir, terminer. Conclure un discours, un livre, un traité, une affaire. Concludere, finire, absolvere. L’Orateur doit conclure son discours vivement & pathétiquement.