Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/751-760

Fascicules du tome 2
pages 741 à 750

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 751 à 760

pages 761 à 770


☞ On appelle Componende, non-seulement le Bureau où l’on compose, c’est-à-dire, où l’on règle les taxes, dues à la Chambre Apostolique, pour certains actes, dispenses, pensions, unions ; mais encore l’espèce de composition ou de taxe que l’on paye.

☞ COMPONURE, terme de Blason. Voyez Componé.

COMPORTEMENT. s. m. manière de se conduire, de se comporter. Agendi ratio, mores. On donne des Gouverneurs & des Maîtres à la jeunesse pour prendre garde à leur comportement. Ce mot est très-vieux & suranné.

☞ COMPORTER, v. a. signifie la même chose que permettre, souffrir, pati, ferre, sinere. La langue trançoise ne comporte pas un style coupé.

Pline le jeune, & les Orateurs de son caractère, ont employé le style disert ; mais ils l’on fait dans des temps où la mode le comportoit. Buffier. Nos premiers Avocats qui se sont acquis de la réputation, ont senti la nécessité de l’éloquence, & s’en sont servi avec autant d’avantage, que le goût de leur siècle pouvoit le comporter. Goujet. Il seroit à souhaiter que ce plan fît naître à quelqu’un la pensée d’y ajouter ce qui y manque, en entrant dans un détail qu’une simple lettre ne comporte pas. Mém. de Trév. 1742, p. 543. Il est dit dans les Observations sur les écrits modernes, que M. de Maupertuis travaille à un ouvrage sur les étoiles nébuleuses, dans lequel il se flatte de n’avoir omis aucune des grâces que comporte un tel sujet. La terre fourniroit à l’homme assez de quoi vivre aussi longtemps que la nature peut le comporter. Daube. S’il fait telle dépense, sa qualité le comporte.

Comporter, est aussi neutre. La dignité de Magistrat ne comporte pas qu’il s’abaisse jusque-là. Le caractère d’Ambassadeur ne comporte pas qu’il en use autrement. Le temps, le lieu, &c. ne comportent pas que je vous entretienne plus long temps. Quand une matière n’a pu comporter d’être tournée d’une autre façon, & traitée moins à fond qu’elle n’étoit dans les mémoires, on a été réduit à la passer sous silence. Font. Hist. de l’Acad. Préf.

Comporter, (Se) v. récip. signifie, se conduire d’une certaine manière. Se gerere. Il s’est bien comporté dans cette affaire. Il s’est comporté en honnête homme, en bon ami.

☞ On se sert de ce mot, en style de Pratique, pour marquer l’état actuel des lieux, des choses qu’on loue ou qu’on vend. Je lui ai loué, vendu cette Maison avec ses dépendances, ainsi que le tout se poursuit & comporte ; ut res se habet. Formule usitée dans les baux, dans les contrats.

COMPOSÉ. s. m. ☞ C’est un tout formé de l’assemblage de plusieurs parties distinctes l’une de l’autre. Totum ex diversis partibus constans. Le corps humain est un composé formé de l’assemblage de différentes parties ; chaque membre est à son tout un composé par rapport aux parties dont il est formé.

☞ L’homme pris physiquement, est un composé de corps & d’ame. Considéré méthaphysiquement, c’est un composé d’animalité & de rationalité.

☞ En Chymie, ce mot désigne un corps formé par l’union de plusieurs mixtes. La thériaque est un composé d’un grand nombre de drogues.

Composé se dit aussi en toutes sortes d’autres matières, morales, spirituelles, politiques, &c. & signifie mêlange, tout ce qui résulte de l’union ou de l’assemblage de plusieurs choses politiques, &c. Le Gouvernement d’Angleterre est un composé de Monarchie & de République. Cet ouvrage bizarre est un composé de grand & de bas, de sérieux & de comique. La langue françoise est un composé de l’ancien celtique, du franc ou du vieux langage tudesque, du grec & du latin. C’est tantôt l’opinion de Calvin, tantôt celle de Zuingle, ou tout au plus je ne sai quel composé des deux, qui est sujet à mille variations. Peliss. parlant de l’opinion de Mestrezat, sur l’Eucharistie.

COMPOSER, v. a. assembler plusieurs parties ensemble pour en faire un tout, dont l’essence consiste dans la manière dont ces parties sont liées entr’elles. Componere. Le corps humain est composé de plusieurs organes, d’os, de chair, de nerfs, de membranes, &c. Les nombres sont composés d’unités. Ce mot est fait du verbe poser, & de la particule com.

Composer se dit aussi de l’assemblage de plusieurs choses artificielles. Les machines qui sont les moins composées, sont les plus belles. La sphère artificielle est composée de six grands cercles & de quatre petits.

Composer se dit, en termes d’Arithmétique & de Négoce, du produit que font plusieurs sommes ajoutées ensemble. 44 & 56 composent le nombre de cent. Le principal & les intérêts composent un capital de onze mille liv. Conficere.

Composer une somme totale. C’est réunir en une somme toutes les sommes particulières qui forment les différens articles d’un compte, de la recette ou de la dépense.

Composer une facture. Exprimer dans un état appelé facture, différens articles de marchandises.

Composer, en termes de Pharmacie, signifie mixtionner, & se dit des drogues, des remèdes. Le catholicon double est composé de tels ingrédiens. Les Apothicaires composent leurs syrops, leurs remèdes de diverses façons.

Composer se dit en Morale, pour former un tout par l’assemblage de personnes propres à un même dessein. Les armées sont composées de sujets naturels & d’étrangers. Les Etats sont composés du Clergé, de la Noblesse & du Tiers-Etat, c’est-à-dire, des Députés des villes. On a composé la Chambre de Justice des plus notables Officiers de tous les Parlemens.

Composer signifie encore en Morale, régler ses mœurs, ses actions, ses paroles, quelquefois concerter sa mine, son geste, les accommoder à l’état où l’on veut paroître. Mores, vitam, vultum præponere, fingere. Une mere, après avoir passé ses meilleures années dans les vanités, se plaît à composer de ses propres mœurs, les mœurs d’une fille qu’elle idolâtre. Flech. Il faut savoir composer son visage & ses actions, suivant la profession qu’on a embrassée. Il y a des femmes qui rient avec art, qui composent leurs regards, & qui ont une langueur artificielle. Bouh. Ce Philosophe, qui marque tant de fermeté, feroit voir le désordre où il est, si son orgueil ne lui donnoit la force de composer son visage. M. Esp. C’est un grand embarras que d’avoir toujours à se composer. S. Evr. Voyez un dévot, avec quelle circonspection il compose son extérieur. S. Evr. Il y a des gens qui passent toute leur vie à se composer, & qui tiennent leurs vices captifs sous l’obéissance de leurs vertus.

Composer se dit figurément pour faire quelqu’ouvrage d’esprit. Componere, scribere. Ciceron a composé des Oraisons. M. Fléchier a composé ses Oraisons funèbres avec beaucoup d’exactitude. Il s’emploie aussi absolument. Il y a une infinité d’Auteurs qui composent trop négligemment.

La femme qui compose, en sait plus qu’il n’en faut. Mol.

Tu dois, en composant, varier ton discours. Vill.

On le dit de même des moindres productions d’esprit, de celle des Ecoliers qui traduisent d’une langue en une autre. Il a composé son thème en deux façons. Il a composé pour les places, pour les prix.

Composer, signifie quelquefois inventer, ajouter à la vérité. Fingere, invenire, comminisci. C’est une médisance, une histoire que vous avez composée, que vous dites de votre crû. On dit aussi d’un homme occupé de rêveries creuses, qu’il compose des almanachs.

Composer, en termes de musique, savoir inventer des chants agréables, & mêlanger plusieurs sons ensemble, qui produisent un bon effet ; donner à chacun de ces sons une progression convenable ; bien connoître le rapport que tous les intervalles & tous les accords ont ensemble : en un mot, c’est savoir mettre en pratique tout ce qui peut servir à rendre une musique parfaite. Rameau. Musicum, musicæ notas scribere, componere. Il faut plus de génie que d’art pour bien composer en musique. C’est, dit Zarlin, mettre ensemble les consonnances qui sont la matière des pièces de musique. C’est aussi, dit M. de Brossart, inventer de beaux chants.

Composer sur le clavecin, sur le théorbe. C’est se servir du clavecin, du théorbe pour composer la musique.

Composer signifie aussi en Grammaire, ajouter une particule à un mot pour en augmenter, diminuer, ou en changer la signification. Jungere, adjungere.

Composer, en termes d’Imprimerie, signifie assembler les caractères pour en former des mots, des lignes & des pages, suivant la copie. Fusiles litteras, litterarum typos in tabella componere, connectere, disponere. Il a composé une feuille d’un tel caractère, en tant de temps.

Composer est aussi v. a. & dans cette occasion, il signifie faire un accommodement sur quelqu’objet de contestation, en traiter à l’amiable. Pacisci, transigere controversiam. Voyez Accommodement. Un tel a composé avec ses créanciers. Composons à l’amiable. On compose de ses droits, de ses intérêts, de ses prétentions. Les receveurs d’un Seigneur, composent ordinairement des lods & ventes, du quint & requint, au tiers, au quart, quand les ventes sont volontaires. Dans cette acception, composer paroît supposer une grâce faite au débiteur, la remise d’une partie de ce qu’on pourroit à la rigueur exiger de lui. Voyez Composition dans cette signification.

Composer, dans l’art Militaire, convenir qu’on se rendra, qu’on rendra une place sous de certaines conditions. Le Gouverneur se pressa de composer, au lieu d’attendre le secours qu’on lui envoyoit. Capituler est mieux, Voyez ce mot.

COMPOSÉ, ÉE. part. Il a toutes les significations de son verbe, en latin comme en françois. Un corps composé de diverses matières : une assemblée composée d’honnêtes gens : un visage composé, un accord composé, cadence composée : intervalle composé. Ceux qui paroissent si composés & si tranquilles, sont quelquefois aussi agités dans l’ame, que les personnes les plus tumultueuses. Bell. Cette femme a un maintien sérieux, mais naturel, & qui n’a rien de composé. S. Evr. Un livre, un air, un mot composé. Une forme d’Imprimerie composée. Cette machine ne réussira pas, elle est trop composée, il y a trop de pièces pour la faire mouvoir. Il est nécessaire de conduire ses pensées par ordre, en commençant par les objets les plus simples & les plus aisés à connoître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connoissance des plus composés. Ce verbe simple a plusieurs composés & dérivés. On dit encore qu’un corps est bien composé ; pour dire, d’un bon tempérament, qu’il a une santé vigoureuse.

En termes de Philosophie, on appelle sens composé, le sens qui résulte de tous les termes d’une proposition prise selon la liaison qu’ils ont ensemble : & on l’appelle ainsi par opposition à sens divisé, qui se dit d’une proposition dont on prend séparément les termes. Ainsi quand on dit que ce qui se meut, ne peut pas être en repos, cette proposition est vraie dans le sens composé, parce qu’une même chose ne peut pas se mouvoir & être en repos en même temps ; mais elle est fausse dans le sens divisé, parce qu’une chose qui se meut, a pau être en repos auparavant, & y peut être ensuite. Acad. Fr.

En termes d’Arithmétique, un nombre composé, est celui qui peut être mesuré par quelqu’autre nombre, excepté l’unité ; par exemple, 10 est mesuré par 5 & 2, 15 par 5 & 3, 20 par 5 & 4. Les quantités composées sont celles qui sont jointes ensemble par les signes + plus & — moins, & qui sont exprimées par plus d’une lettre ou par la même lettre répétée d’une autre manière, par exemple, , ou , sont des quantités composées. Harris.

☞ La raison composée est celle qui résulte du produit des antécédens de deux ou de plusieurs raisons, & de celui de leurs conséquens. Ainsi 6 est à 12 en raison composée de 2 à 6, & de 3 à 2.

☞ On appelle mouvement composé en Méchanique, celui qui résulte de plusieurs autres mouvemens ou de l’action de plusieurs puissances concourantes ou conspirantes, c’est-à-dire dont la direction de l’une, n’est pas directement opposée à celle de l’autre. Voyez Mouvement.

En Architecture, on appelle colonne composée, celle dont la composition & les ornemens sont extraordinaires, & ne laissent pas d’avoir leur beauté, tant à cause de la nouveauté, que du génie de l’Architecte. Columna mixta, composita. Ainsi on appelle encore ordre composé, une composition arbitraire, & différente de celle des cinq ordres d’Architecture, soit capricieuse ou régulière. Ordo mixtus, compositus.

Composé signifie quelquefois en Musique, figuré, quelquefois redoublé.

Composé, en Botanique, compositus. Ce mot convient aux fleurs, aux feuilles, aux tiges, aux racines. Les fleurs composées, suivant Tournefort, sont celles qui sont formées de l’agrégation de plusieurs fleurons ou demi-fleurons, ou des deux ensemble.

☞ Une feuille composée est formée par plusieurs folioles attachées à un filet commun.

☞ Les tiges & les racines composées se séparent en plusieurs branches. C’est pourquoi on dit caulis brachiatus, radix brachiata. Voyez Fleurs, Feuilles, Tiges, Racines. Umbella composita. Voyez Ombel.

COMPOSEUR. s. m. Qui compose. Il se prend ordinairement en mauvaise part, & ne se dit guère que des méchans Ecrivains, des méchans Auteurs qui composent des almanachs, des chansons du Pont-neuf, de méchans vers. Insulsus Auctor, malus, ineptus Scriptor. Le monde est plein de faiseurs de dissertations, de Composeurs de nouvelles, d’Auteurs de lettres galantes & de billets doux. Voilà l’occupation la plus ordinaire de ceux qui font aujourd’hui profession d’écrire. Parnasse reformé, p. 50. Nous voulons que les Composeurs de Romans fassent donner des soufflets à leurs Héroïnes, & abrogeons toutes sortes de nudités, p. 156, art. 18 de l’édit d’Apollon. C’est un mauvais Composeur de livres. Ce mot ne se dit qu’en plaisantant.

☞ COMPOSITE. adj. terme d’Architecture, souvent employé substantivement, dont on se sert pour désigner un des cinq ordres d’Architecture. Ordre composite. Ordo compositus, mixtus. On l’appelle composite, parce que sa corniche est mêlée des ornemens ou des deux rangs de feuilles du chapiteau corinthien & des volutes de l’ionique. Le véritable nom de l’ordre composite, est l’ordre romain, parce que les Romains l’ont inventé. Ils est constant que le composite a moins d’éclat que le corinthien ; cependant l’expérience a fait voir que ceux qui ont prétendu ramasser toutes les richesses de l’Architecture, ont mis le composite sur le corinthien, & qu’on ne voit point d’édifice où le composite porte le corinthien. Voyez Daviler & les Ecrivains modernes d’Architecture. M. Perrault, dans son Vitruve, a fort bien distingué l’ordre composé d’avec l’ordre composite. Il a aussi remarqué que l’ordre corinthien est le premier ordre composite, parce qu’il est composé du dorique & de l’ionique ; le corinthien moderne est aussi un ordre composé. L’ordre composite étoit inconnu avant Vitruve, c’est-à-dire, l’ordre que nous appelons maintenant composite, car nous venons de dire que Vitruve remarque lui-même que l’ordre corinthien est composé du dorique & de l’ionique. C’est au livre quatre, ch. 1.

☞ On appelle non-seulement ordre composite, celui qui est composé du corinthien & de l’ionique ; mais encore tout ordre qui est composé de plusieurs autres, soit dorique, corinthien ou ionique. Ainsi l’on dit un chapiteau composite, une corniche composite, &c. Le chapiteau composite. Le composite participe des autres ordres.

COMPOSITEUR. s. m. ☞ Quoique le terme de composition se dise dans tous les arts libéraux dont les produictions supposent de l’invention & du génie : les bons Auteurs ne se servent du mot de Compositeur qu’en Musique. Rarement on le dit aujourd’hui pour Auteur, ou celui qui compose un ouvrage d’esprit. Auctor.

Compositeur, savant Musicien qui compose des airs, des parties de musique, soit pour jouer sur les instrumens, soit pour chanter. Peritus scribendæ Musicæ. Il y a des Compositeurs qui n’ont point de voix & qui ne jouent d’aucun instrument. Un bon, un savant, un habile Compositeur.

Compositeur, terme d’imprimerie, se dit de celui qui arrange les lettres pour en faire des formes propres à imprimer. Typorum Dispositor. On disoit autrefois Composteur.

On appelle aussi Compositeur, & mieux Composteur, la petite règle de cuivre ou de fer, dans laquelle il arrange des lettres pour former des mots & des lignes.

Compositeur. Amiable Compositeur est celui qui accommode une affaire à des conditions équitables, & qui ne sont pas suivant la rigueur de la loi. Arbiter. Les arbitres établis par compromis, doivent juger suivant la rigueur des loix ; mais les amiables compositeurs peuvent se relâcher, & trouver des adoucissemens par des considérations d’équité. Voyez Arbitre & amiable Compositeur.

COMPOSITION. s. f. ☞ action de composer, d’assembler plusieurs parties pour en former un tout. Compositio, coagmentatio, copulatio, compactio, conjunctio. La composition, la structure d’une horloge est une merveilleuse invention. Si les bêtes sont des automates, est-il concevable que la sagesse de Dieu ait construit une machine incapable d’agir par sa nature & par sa composition. Fonten.

Composition se prend aussi pour ☞ l’ouvrage même qui résulte de cette action de composer, pour l’assemblage de plusieurs parties qui ne font qu’un tout. La composition du corps humain est merveilleuse.

Composition se dit aussi du mélange & de l’incorporation des drogues. Il entre dans la composition de la thériaque plusieurs drogues, la plupart fort chaudes, mêlées avec du miel.

☞ On le dit à peu-près dans ce sens, de certaines préparations que l’on fait pour imiter certaines choses. On fait des compositions pour imiter toutes sortes de pierreries, pour imiter les perles, l’or, l’argent, &c.

Composition se dit aussi dans l’usage ordinaire, pour l’action de composer un ouvrage d’esprit. Cet Auteur est occupé à la composition d’un nouvel ouvrage. Cela lui est échappé dans la chaleur de la composition. Dans la composition, l’art est souvent emporté & tyrannisé par le génie qui prend l’essor. Vall. Il faut que les diverses pièces qui entrent dans la composition d’une Histoire, fassent un tout bien assorti & bien entendu. Le P. Dan. Le plus habile Ecrivain n’est pas maître de ses pensées ni de ses expressions. Il est des temps où elles se présentent & s’arrangent d’elles-mêmes, sans qu’il se tourmente à les chercher. Il en est d’autres où il ne trouve rien, quelques efforts qu’il fasse pour se contenter. Le bon lui échappe, & si après un long travail, il s’offre quelque chose, ce n’est que du médiocre ou du mauvais, qui ne mérite pas d’être recueilli, & qu’il met bientôt au rebut. C’est donc à lui à bien démêler ces temps, & à demeurer tranquille jusqu’à ce que l’heure du berger sonne ; car il y en a une dans la composition, aussi bien que dans la galanterie. Réfl. div.

Composition se dit aussi des ouvrages, des productions d’esprit. Opus. Une belle, une savante composition. Cet Auteur nous a fait voir plusieurs de ses compositions.

On le dit aussi en Musique ☞ de l’art d’unir les différentes parties de la musique, suivant les règles ; de l’art d’inventer & de noter des chants, & de les accompagner d’une harmonie convenable.

Le Pere Paran, Jésuite, le Père Mersenne, Minime, ont donné des règles pour la composition de la Musique, & n’ont jamais pû faire aucun air. Scribendæ musicæ regulæ. Monsieur Nivers a fait un petit traité fort méthodique de la composition de la Musique.

Composition, en Peinture. C’est, selon M. De Piles, l’art d’inventer & de disposer les objets, les personnages, les groupes, en un mot toutes les parties d’un tableau. Inventio, dispositio, collocatio. Un tableau bien composé, est un tableau bien inventé & bien disposé, c’est un tout renfermé sous un seul point de vue, où les parties concourent à un même but, & forment par leur correspondance mutuelle un ensemble aussi réel, que celui des membres dans un corps animal. Composition riche, noble, savante, chargée, forcée, bizarre, extravagante, confuse, froide.

Composition, en Grammaire, se dit de la jonction des mots à d’autres mots, & à quelques particules qui en changent, augmentent ou diminuent la force ou la signification. Additio, adjunctio. Creve-cœur, serre-file, Gentil-homme, sont des mots faits par composition. On reproche à Du Bartas la composition de quantité de mots ridicules ; comme dans ce vers,

Du moulin brise-grain la pierre ronde-plate.

Les particules, ad, con, ex, in, trans, & autres, entrent dans la composition des noms & des verbes latins.

Composition, terme de Collège. C’est l’ouvrage que le Régent fait faire à ses écoliers, pour juger au juste de leur capacité & de leur avancement : c’est sur cet ouvrage qu’on leur donne des places qui les distinguent les uns des autres, ou des prix. Scriptio decretoria. Un thème de composition ; des vers de composition.

Composition, en Rhétorique, est l’arrangement, & la disposition des parties du discours. Ordo, dispositio partium. Elle en fait l’harmonie, la grandeur & la majesté. Il en est des discours comme des corps qui doivent ordinairement leur principale excellence à l’assemblage, & à la juste proportion de leurs membres. Boil. Térence est plus châtié dans sa composition que Plaute, & plus sage dans la conduite de ses sujets. Dac.

☞ Toute composition doit être une peinture, & une peinture animée pour soûtenir l’attention du lecteur ou de l’auditeur. C’est une peinture : il y faut donc des images, des sentimens. Ces images, ces sentimens, nous les puisons dans l’imagination & dans le cœur, les deux sources naturelles des agrémens du discours. L’imagination tient le pinceau, & le cœur le conduit, Voyez Image, Sentiment, Imagination et Cœur.

Composition, en Logique. Compositio, Complexio. Connoître par composition, c’est joindre ensemble plusieurs idées, pour se représenter une chose qui est différente de ce que ces idées représentent naturellement.

En Arithmétique, la proportion de composition de raison, est une comparaison de l’antécédent, & du conséquent pris ensemble au seul conséquent dans deux raisons égales : comme s’il y a même raison de 2 à 3, que de 4 à 6, en conclut qu’il y a aussi même raison de 5 à 3, que de 10 à 6. Compositio, comparatio, collatio.

On appelle composition en Géométrie, l’art de chercher la vérité ou la démonstration d’une proposition par des raisonnemens tirés des principes, jusqu’à ce qu’on soit venu à la dernière proportion qu’on appelle conclusion. Argumentatio ab antecedentibus ad consequentia.

Composition, en termes d’Imprimerie, s’entend de l’arrangement des lettres, des caractères pour en former des mots, des lignes, des pages. C’est l’ouvrage du Compositeur. Litterarum fusilium, typorum dispositio, constructio, compositio.

Composition, en Jurisprudence, signifie accord, accommodement dans lequel l’une des deux parties, ou toutes les deux ensemble, se relâchent d’une partie de leurs prétentions. Les procès seroient bientôt terminés, si les plaideurs vouloient entrer en composition. On dit en ce sens que des Créanciers ont fait une composition à un débiteur ; qu’un homme a eu une terre à bonne composition, à un prix honnête, qu’on s’est relâché sur le prix.

☞ On dit encore qu’un homme est de bonne Composition, qu’on lui fait faire ce qu’on veut ; qu’il est de difficile composition ; qu’il est mal-aisé de le réduire au point où l’on veut.

☞ Madame de Sévigné dit en parlant d’un Prédicateur à morale sévère : c’est un homme bien rude ; il ne fait aucune composition.

Composition, terme de Guerre. Conventions que fait une place qui veut se rendre, conditions qu’elle propose. Capitulation. Se rendre par composition. Voyez Capitulation.

Composition, terme d’Histoire. Acte par lequel on compose, on convient ; Traité. Pactum, pactio. L’abonnement des Artésiens avec le Souverain s’appeloit anciennement la composition d’Arras.

Composition, en terme d’Oiseleur, est le past ou la mangeaille que l’on donne à plusieurs oiseaux, composée de mie de pain pilée avec du persil, & du chenevi. Les alouettes, les cochevis, & les calendres, se nourrissent de composition, quand elles sont en cage, ou en volière. On y met aussi quelquefois du caillé ou fromage frais.

COMPOSITOIRE. s. m. Voyez Compositeur, en termes d’Imprimerie. Le premier n’est plus en usage.

COMPOST, terme d’Almanach. Computatio. La science de compter le temps par le mouvement des astres, par rapport à l’Eglise, s’appeloit autrefois Compost Ecclésiastique. Il a été établi principalement pour la célébration exacte de la Pâque, qui règle toutes les autres Fêtes mobiles. En Chronologie on l’appelle le Comput Ecclésiastique. Voyez Comput. Il y a aussi un livre trivial qu’on appelle le grand Compost des Bergers. Il y en a un autre in-4o en caractères gothiques, intitulé, Compotus cum commento, & imprimé à Paris par Pierre Levet en 1492.

On appelle encore aujourd’hui, en termes de Marine ou d’Hydrographie, compost, l’Art de trouver les jours de la lune, & ensuite les marées, pour l’usage de la navigation. Le compost est sur tout nécessaire pour le cabotage, c’est-à-dire, pour naviger en suivant toujours les côtes. Les Pilotes côtoyers doivent savoir le compost. Les Professeurs Royaux d’Hydrographie doivent apprendre le compost aux jeunes gens qui se destinent à la mer. Il y a des livres pour les Pilotes sous le titre de compost manuel. On y met la situation des Ports pour la connoissance des marées, &c.

Compost, autrefois avoit une signification plus étendue, & signifioit en général une composition, un recueil. C’est de-là qu’est venu l’usage d’aujourd’hui, qui donne à ce mot la signification particulière expliquée ci-dessus.

Compost est aussi un terme d’Agriculture, qui signifie le bon état d’une terre.

COMPOSTELLE. Compostella. Ville Capitale du Royaume de Galice en Espagne. Compostelle est située sur une colline entre les petites rivières de Sar & de Sarela. Quelques-uns la prennent pour l’ancien Janasum de Pomponius Mela, comme a remarqué Vossius, p. 231, & d’autres pour le Brigantium d’Antonin. Cette ville, dont on ne sait point l’origine, s’accrût des ruines d’Iria Flavia. Les reliques de S. Jacques ayant été apportées en cette ville, on y bâtit une Eglise sous le nom de ce saint Apôtre, qui donne aussi son nom à la ville, que nous appelons souvent S. Jacques de Compostelle, ou S. Jacques en Galice. Les Espagnols l’appelèrent aussi de-là San Giacomo postolo, d’où s’est formé par corruption le nom de Compostelle.

La nouvelle Compostelle est une autre ville de l’Amérique septentrionale dans l’Audience de Guadalajara. L’air y est mal-sain. Elle a porté le nom de ville du Saint Esprit, & elle avoit un Evêché, qui a été transféré à Guadalajara.

COMPOSTER, v. a, vieux terme d’Agriculture. Mettre une terre en bon compost, en bon état.

COMPOSTEUR. s. m. terme d’Imprimerie. C’est une petite règle sur laquelle le Compositeur arrange ses lettres. Regula ferrea typis ordinandis accommodata.

☞ Chez les Fondeurs de caractères d’Imprimerie, c’est l’instrument dont on se sert pour donner aux lettres les dernières façons.

☞ C’est aussi un terme de Manufacture en soie. On entend par là une petite baguette de bois, sur laquelle on passe les portées de la chaîne pour la plier.

COMPOTATEUR. s. m. Compagnon de bouteille. Ce mot ne se dit qu’en plaisantant. Combibo, compotor. L’Abbé de Chaulieu décrit fort agréablement, dans une Epître à l’Abbé Courtin, la résolution de feu M. le Grand-Prieur de Vendôme de ne plus faire de vers, & de tenir table ouverte.

Quant à notre Père Prieur,
Qui sans avertir, souvent pince
Jusqu’à son humble serviteur ;
Il ne veut plus être rimeur,
Et s’est mis à faire le Prince :
De sa table, qui n’est pas mince,
A de joyeux compotateurs
Il fait lui-même les honneurs
Mieux qu’aucun Seigneur de Province.

L’Abbé de Chaulieu.

COMPOTATION. s. f. Ce mot signifie littéralement un repas ou régal où plusieurs personnes se réjouissent. Compotatio. On ne peut le dire qu’en plaisantant. Quelques-uns ont rendu par ce mot les Symposiaques de Plutarque, par la raison qu’il est plus intelligible.

☞ COMPOTE. s. f. terme d’Office, qui se dit d’un certaine manière d’apprêter les fruits avec du sucre & quelques autres ingrédiens, pour être mangés sur le champ. Condimentum. C’est une espèce de confiture moins cuite & moins sucrée que les confitures qui sont faites pour être gardées. On fait des compotes de poires, de pommes, de cerises, d’abricots, de pêches, &c.

Compote, terme de Cuisine. Manière de faire cuire certaines viandes, comme les pigeons & les canards, avec du lard & des assaisonnemens convenables. On fait des compotes de pigeonneaux, on les met en compote. On nous feroit une compote de pigeonneaux.

☞ On dit d’une viande trop bouillie, qu’elle est en compote.

☞ On dit populairement avoir les yeux, le visage en compote, meurtris de coups.

☞ Il me prend des tentations d’accommoder son visage à la compote. Mol.

☞ COMPOTIER. s. m. Vase qui sert à mettre des compotes de fruit, ou des confitures.

COMPOU. s. m. terme de Relation. Cour Souveraine de Pekin & de l’Empire de la Chine. Le Compou ordonne des ouvrages publics & des bâtimens royaux. P. le Comte.

COMPRÉHENSEUR. s. m. terme de Théologie. Créature raisonnable dans l’état du bonheur éternel, qui jouit de la vision béatifique, de la vue claire & instinctive de Dieu. Comprehensor. Les Compréhenseurs voient Dieu, & voient tout en Dieu. Un Compréhenseur n’a point de crainte de perdre le bonheur dont il jouit.

☞ Ce terme, qui n’est point usité en françois, ne se dit pas des bienheureux, parce qu’ils comprennent Dieu ; Dieu ne peut être compris par la créature ; mais parce qu’ils ne sont plus dans la voie, qu’ils sont arrivés au terme de la béatitude. Comprehenderunt finem, terminum beatitudinis.

Ce mot vient du latin comprehendere, dont S. Paul se sert. 1 Cor. IX, 24 ; & Philip. III, 12 & 13, pour exprimer la victoire d’un Athlète, qui remporte le prix à la course, & qui l’applique par métaphore à un homme qui entre en possession de la gloire.

☞ COMPRÉHENSIBLE. adj. de t. g. qui peut être compris. Terme particulièrement relatif aux objets dont l’esprit peut connoître la nature. Comprehensibilis. Voyez le mot Comprendre. Il est ordinairement employé avec la négative. Cela n’est pas compréhensible. Les choses trop abstraites ne sont pas compréhensibles.

☞ COMPRÉHENSION. s. f. Ce n’est pas précisément, comme le disent nos Vocabulaires, la faculté de concevoir, mais celle de comprendre, c’est-à-dire, de se faire des idées conformes à la nature des objets. Comprehensio. La compréhension suppose un esprit pénétrant. On dit d’un homme qu’il a la compréhension aisée, facile, ou qu’il est de dure compréhension. Cela ne signifie pas qu’il conçoit facilement les choses, mais que, par l’attention & la réflexion, il les approfondit, & se fait des idées conformes à la nature.

Compréhension se dit, dans le style didactique, d’une connoissance par laquelle on connoît d’une chose tout ce qu’on en peut connoître. Comprehensio. Ce mot, en ce sens, n’est en usage qu’en Théologie. ☞ Ainsi c’est que la compréhension des mystères est réservée à l’autre vie.

Compréhension, en Rhétorique, trope par lequel on donne au tout le nom de la partie, ou à la partie le nom du tout ; ou à une chose un nombre déterminé pour un nombre indéterminé.

COMPRENDRE, v. a. Il se conjugue comme prendre. Contenir ou renfermer en foi. Complecti. L’univers comprend toutes les parties du monde. Le globe de la terre comprend les quatre parties du monde, l’ancien & le nouveau monde. L’Empire Romain comprenoit la plupart des Royaumes d’aujourd’hui. L’Europe comprend plusieurs grands Royaumes. La France, plusieurs provinces ; chaque Province, des Généralités ; chaque Généralité, des Elections ; chaque Election, des Paroisses, des Villes, des Bourgs & des Villages.

☞ On le dit, dans le même sens, des choses morales. La Justice en général comprend toutes les vertus. La Philosophie comprend la Logique, la Morale, la Métaphysique & la Physique. L’Histoire Naturelle comprend le Règne animal, le Règne végétal & le Règne minéral.

Comprendre signifie quelquefois exprimer, faire mention d’une chose à la suite de plusieurs autres. Un tel a été compris dans le rôle des tailles. On a compris dans ces inventaires plusieurs effets qui n’appartenoient pas au défunt. Il a compris dans son bilan toutes ses dettes actives & passives. Tel Prince n’est point compris dans le Traité. Dans ce que je vous abandonne, je ne comprens pas telle & telle chose.

Comprendre, dans le sens figuré, signifie avoir une connoissance exacte d’une chose. Comprehendere, mente, cogitatione, animo complecti. Il y a des questions métaphysiques qu’il est difficile de comprendre. Nous ne saurions comprendre les mystères de la Religion. Nous ne pourrions pas nous porter à croire ce qui est au dessus de notre raison, si la raison même ne nous avoit persuadé qu’il y a des choses que nous faisons bien de croire, quoique nous ne soions pas encore capables de les comprendra Port.-R. En disant que Dieu ne peut faire ce que nous ne pouvons, comprendre, c’est se figurer que notre imagination a autant d’étendue que sa puissance. S. Evr. La plûpart des hommes estiment ce qu’ils ne comprennent pas, & révèrent comme des mystères tout ce qui les passe. Maleb. Il y a beaucoup d’adresse à laisser comprendre certaines choses, sans les dire. Ch. de Mer.

Comprendre, c’est appercevoir la liaison des idées dans un jugement, ou la liaison des proportions dans un raisonnement. C’est se faire des idées conformes à la nature des objets présentés.

☞ Se faire des idées conformes aux objets présentés, dit M. l’Abbé Girard, c’est la signification commune des mots entendre, comprendre, concevoir : mais entendre marque une conformité qui a précisément rapport à la valeur des termes : comprendre en marque une qui répond directement à la nature des choses qu’on explique : & celle qu’exprime le mot de concevoir, regarde plus particulièrement l’ordre & le dessein de ce qu’on se propose. Comprendre paroît mieux convenir en fait de principes, de leçons, de préceptes, de connoissances spéculatives. Ces choses se comprennent. Il est difficile de comprendre ce qui est abstrait. La facilité de comprendre désigne un esprit pénétrant. Tout le monde ne comprend pas ce qui est relevé.

On dit d’un homme qui a une conduite extraordinaire & bizarre, ou qui fait des choses qui portent dans l’esprit quelque sorte d’étonnement, de surprise, qu’on ne le comprend pas. Acad. Fran.

Mais en vain à l’esprit croit-il se faire entendre,
Si, sans être savant, je ne puis le comprendre. Vill.

Comprendre, en Théologie, a une signification particulière ; il veut dire, connoître une chose autant qu’on peut la connoître : c’est en ce sens qu’il se prend lorsque les Théologiens demandent si les bienheureux qui voient Dieu clairement dans le Ciel, le comprennent. Comprehendere ; les Théologiens disent rem aliquam totam & totaliter cognoscere. En ce sens-là les bienheureux ne comprennent point Dieu, parce que la connoissance qu’ils ont de Dieu seroit infinie, ce qui est impossible. ☞ Ils connoissent de cet Etre infini tout ce qu’en peut connoître une créature finie.

COMPRIS, ISE. part. Il a les significations de son verbe, en latin comme en françois.

Y compris, non compris. Espèce de formule dont on sert, pour dire, en y comprenant, sans y comprendre. Il a dix mille livres de revenu, y compris les profits de sa charge, non compris la maison où il loge. Acad. Fr.

COMPRESSE, s. f. terme de Chirurgie. C’est un linge plié en plusieurs doubles, qu’on met sous les bandages, pour empêcher que les plaies ne saignent, ou ne s’enflent, ou pour y arrêter les médicamens qu’on y a appliqués. Penicillum, penicillus, splenium. Schulter dit, dans son Armam. Chirur. que les Anciens composoient les compresses d’étoupe cardée, ou de plumes cousues entre deux linges, & qu’ils les appeloient coussinets ou plumaceaux.

Ce mot vient du latin comprimere, presser fortement.

COMPRESSIBILITÉ, s. f. terme Didactique. Qualité d’un corps qui peut être comprimé. Compressibilitas. La compressibilité de l’air est la cause de son élasticité, de son ressort. On peut voir les effets de la compressibilité & de la dilatabilité de l’air dans un mémoire de M. de Réaumur sur les Thermomètres de l’année 1731.

COMPRESSIBLE. adj. Qui est capable de compression. Quod comprimi potest. L’air est compressible, l’eau ne l’est pas, ou l’est très-peu.

Ce mot vient du latin compressibilis, mot impropre.

☞ COMPRESSIF, IVE. adj. terme de Chirurgie, qui s’applique à ce qui sert à comprimer. On met un bandage compressif sur l’ouverture de la veine pour empêcher le sang de couler. On met un appareil compressif sur les plaies pour y tenir les médicamens appliqués.

☞ COMPRESSION. s. f. terme particulièrement d’usage en Physique où il signifie l’action de comprimer, de serrer un corps, de sorte que ses parties se rapprochent les unes des autres, & qu’il occupe moins d’espace ; ou l’effet qui est produit dans ce qui est comprimé. Compressio. L’eau purgée d’air est incapable de compression. La compression de l’air par son propre poids est surprenante. Le degré de compression où il peut être porté par le secours de l’art, est bien plus surprenant encore.

☞ Dans ce sens ce mot est synonyme à condensation. Les Encyclopédistes prétendent cependant que la compression est proprement l’action d’une force qui presse un corps, soit qu’elle le réduise en un moindre volume ou non ; & que la condensation est l’état d’un corps qui par l’action de quelque force est réduit à un moindre volume. Ainsi ces deux mots expriment, l’un la force, l’autre l’effet, qu’elle produit, ou tend à produire.

Compression du cerveau. Terme de Médecine, par lequel on désigne un accident qui survient dans les fractures du crâne & dans les coups qu’on reçoit à la tête, lorsque que quelques vaisseaux viennent à se rompre, & versent le fluide qu’ils contiennent. Ce fluide extravasé, comprime la substance du cerveau, & trouble ses fonctions. Accident souvent mortel, auquel on ne peut remédier que par les saignées du pié & par l’usage des délayans propres à résoudre l’humeur extravasée, quelquefois même par l’opération du trépan.

☞ COMPRIMER. v. a. Presser un corps avec force, de manière que ses parties se trouvant plus près les unes des autres, il occupe moins d’espace. Comprimere. L’air que l’on comprime dans les arquebuses à vent, fait presque autant d’effet que la poudre.

Comprimé, ée part. Compressus.

☞ COMPRIMÉ, terme de Botanique. Qui porte la même empreinte des deux côtés opposés. Voyez Feuille.

COMPRINS, INSE, Vieux mot, pour compris, comprise.

☞ COMPROMETTRE, v. n. qui se conjugue comme mettre. Faire un compromis, consentir réciproquement par acte de se rapporter au jugement d’un ou de plusieurs arbitres, sur un différend, un procès qu’on a ensemble, ou de payer une somme dont on convient. Compromittere, compromissum facere. Ces deux parties ont enfin compromis de tous leurs différends entre les mains de deux arbitres. Ils ont compromis sur tous les chefs de leur procès.

Compromettre est aussi actif, & signifie exposer quelqu’un à recevoir quelque chagrin, quelque dégoût, soit en se servant de son nom, sans son aveu, soit en l’embarrassant dans des affaires. Je ménagerai si bien les choses, que je ne vous compromettrai pas. Acad. Fr.

☞ On dit à peu près dans ce sens, compromettre son autorité, sa dignité, l’exposer à recevoir quelque déchet, quelque diminution. Voyez Compromis.

☞ Se compromettre, se mettre au hasard, s’exposer, exponere se, adire perculuum, venire in discrimen.

☞ Se compromettre, signifie aussi, avoir des querelles avec ses inférieurs. Venire in controversiam. Un honnête homme ne doit pas se compromettre avec des coquins, ni un maître avec ses domestiques.

Compromis, ise, part.

☞ COMPROMIS. s. m. Acte par écrit, signé des patries, par lequel elles conviennent d’une ou de plusieurs personnes pour décider leur différend ou leur procès, & promettent réciproquement de s’en tenir à leur décision, sous quelque peine pécuniaire, contre le contrevenant, laquelle doit être spécifiée dans l’acte. Compromissum. Ceux qui sont choisis par les parties en conséquence d’un compromis, sont appelés arbitres, bien différens des arbitrateurs ou aimables Compositeurs. Voyez ces mots. Leur décision, Sentence arbitrale. On peut appeler d’une Sentence arbitrale ; mais l’appel interjetté emporte le payement de la peine, sans retour, en faveur de celui qui acquiesce à la Sentence. Mettre une affaire en compromis, dresser, faire, passer, signer un compromis. Les compromis doivent porter un certain temps, & une peine payable par celui qui ne voudra point acquiescer au jugement. Les compromis se doivent mettre entre les mains des arbitres. Un compromis est inutile, ou à raison des parties qui compromettent, ou à raison de ceux qu’on prend pour arbitres, ou à raison des causes pour lesquelles on fait un compromis. Un esclave ne peut faire de compromis, sans l’aveu de son maître, ni un pupille sans l’autorité de son tuteur, ni une femme pour les affaires d’autrui. On ne sauroit par un compromis prendre pour arbitre un esclave, un pupille, un sourd, un muet, ni celui qui est Juge naturel de l’affaire pour laquelle on fait un compromis, ni celui qui a intérêt dans l’affaire, ni un mineur de vingt ans, ni un laïque dans une cause purement Ecclésiastique, à moins qu’on ne l’ait choisi conjointement avec une personne Ecclésiastique, & que le compromis n’ait été passé par autorité du Supérieur Ecclésiastique. Les choses pour lesquelles on ne peut faire de compromis sont une restitution en entier, une cause de mariage, une affaire criminelle, une question d’Etat, & généralement toutes les choses où il s’agit plutôt de l’intérêt du Public, que des Particuliers. Inst. du Droit.

On dit aussi au figuré, qu’il ne faut point mettre son honneur en compromis ; pour dire, au hasard. Honorem, famam, auctoritatem in periculum adducere. Mettre quelqu’un en compromis avec un autre, le compromettre. On ne doit point se mettre en compromis avec ses inférieurs ; pour dire, avoir des querelles avec eux. Contendere, rixari ; venire in controversiam cum aliquo. Mettre en compromis, signifie aussi, mettre en balance, contester. De se aliqua cum aliquo contendere. Il mit toutes ses affaires en compromis. Vaug. Alexandre ne pouvoir souffrir qu’il y eût une nation qui lui mît en compromis le titre d’invincible. Id. Est-ce ainsi qu’on met en compromis devant la raison humaine, les merveilles & la puissance de Dieu ? Péliss.

On dit aussi compromis en matière bénéficiale, & c’est un acte par lequel ceux qui ont droit d’élection transmettent à une ou à plusieurs personnes d’entr’eux le droit d’élire un sujet capable de remplir un bénéfice, ou une dignité. Ainsi, on dit que des élections de Prélats sont faites par compromis, lorsque des électeurs ne pouvant s’accorder, donnent le pouvoir à quelques-uns d’entr’eux de faire l’élection, en les obligeant par ferment de choisir le plus digne. Rem alicujus arbitrio, judicio permittere.

Ce mot, compromis, vient du latin promittere, promettre, & de la préposition cum, avec ; chacun de ceux qui font un compromis promettant les mêmes choses, s’engageant aux mêmes choses. C’est une promesse commune, mutuelle de plusieurs personnes, que font plusieurs personnes ensemble, & réciproquement.

COMPROMISSAIRE. adj. employé aussi substantivement. Compromissarius. Celui que l’on choisit par compromis pour terminer une affaire, décider quelque chose, faire une élection, &c. Juges compromissaires, arbitres.

COMPROTECTEUR. s. m. Comprotector. Qui est protecteur conjointement avec quelque autre. Ce mot ne le dit que des Cardinaux, à l’égard des Etats dont ils sont protecteurs avec quelqu’autre, ou des Cardinaux & Prélat, à l’égard des Ordres Religieux.

COMPROVINCIAL. adj. Qui est de la même Province. Comprovincialis. Les Evêques comprovinciaux se sont assemblés.

☞ COMPS, petite ville de France en Provence, Diocèse de Frejus, viguerie de Draguignan.

☞ COMPTABILITÉ. s. f. terme usité dans les Chambres des Comptes, pour désigner une nature particulière de recette & de dépense dont on doit rendre compte. Comptabilité des tailles, des domaines du Roi, &c.

COMPTABLE. adj. & s. m. & f. Le p de ce mot, ni de ceux qui suivent, ne se prononce point. Il y a même de bons auteurs qui écrivent comtable, d’autres contable ; mais il faut écrire comptable, aussi bien que compte, pour distinguer ce mot de Comte, qui est un titre, & un nom de dignité, comes. Comptable, est celui ou celle ☞ qui gèrent ou ont géré les affaires d’autrui ; qui ont reçu les effets ou les deniers qui leur appartiennent, dont ils sont obligés de rendre compte. Qui rei alicujus rationem debet reddere ; à quo rei alicujus ratio repeti jure potest, reddendæ rationi obnoxius. Tout Procureur, tout Commis, est comptable à son maître de son administration, de son maniement. Un tuteur est comptable à ses mineurs. Les Receveurs des droits du Roi sont comptables à la Chambre des Comptes. Il est dangereux de prêter de l’argent à un comptable.

Ce mot vient de computabilis, de computare.

Comptable signifie aussi responsable. Nous sommes comptables envers Dieu, nous lui rendrons compte un jour de toutes nos actions, des paroles oiseuses que nous avons dites. Souvenez-vous, Caton, que vous êtes comptable à la postérité de l’estime que Rome vous a accordée. Vill.

☞ Puisque l’homme est l’auteur immédiat de ses actions, il en est comptable, & elles peuvent raisonnablement lui être imputées ; on peut les mettre sur son compte : on est en droit de lui en faire rendre compte, & de rejeter sur lui tous les effets qui en sont les suites naturelles. Voyez Imputation & Imputer.

On appelle quittances comptables, les quittances en parchemin, revêtues des formes nécessaires pour être reçues dans un compte, pour faire décharger un comptable de quelque partie. Apocha quæ solvendæ pro debito pecuniæ habere locum possit.

COMPTABLIE. s. f. terme de Commerce. Ce mot est en usage à Bordeaux. On appelle comptablie, le Bureau où l’on paye les droits que les marchandises doivent au Roi.

Ce mot vient de comptable & de compte.

COMPTANT. adj. m. Argent qui est présent, réel, effectif. Les offres sur le retrait lignager se doivent faire à toutes expéditions de la cause en deniers comptans, à découvert, & à parfaire. Il a payé en deniers comptans. En ce sens, il est opposé à crédit.

Comptant, s. m. se dit du fonds qui se trouve en argent dans la caisse d’un Marchand, d’un Banquier, d’un Financier. Pecunia præsens, numerata. Il s’est trouvé chez lui cent mille écus de comptant, & deux fois autant en effets. Cet homme a bien du comptant. Avoir du comptant. La Font. Il est populaire, quand il est employé de cette dernière façon.

Ordonnance de comptant est, en termes de Finances, une ordonnance que le Roi donne pour faire payer comptant à son Trésor une certaine somme qui passe ensuite dans les comptes, sans qu’il y soit fait mention de sa destination, & sans avoir besoin d’autres formalités, supposant que c’est pour les affaires secrètes & importantes de l’Etat : Mandatum regium de numerandâ statim pecuniâ. Une ordonnance de comptant de cent mille écus sur le Trésor Royal.

☞ On appelle grand comptant, le Bureau du Trésor Royal où l’on paye les sommes au dessus de 1000 liv. & petit comptant, celui où l’on paye les sommes au dessous de 1000 liv.

On dit adverbialement, payer comptant, sur le champ, & sans demander crédit. Alicui numerare, pecuniam numerare.

On dit au figuré, qu’un homme a payé un autre tout comptant, lorsqu’il a repoussé sur le champ quelque offense qui lui a été faite, soit par des coups de mains, soit par une prompte & piquante repartie. Vim vi reppellere.

COMPTE. s. m. Synonyme de calcul, supputation. Computatio. On lui a donné de l’argent sans compte ni mesure. J’ai fait le compte de mon argent. Numerum inire. Le compte est juste. On donne à un domestique l’argenterie en compte, par compte.

Compte est aussi une supputation par quelque opération d’arithmétique, addition, soustraction, multiplication ou division. Il faut qu’il y ait quelque erreur dans cette addition, je n’y trouve pas mon compte. Numerus. J’ai mon compte, je trouve mon compte, j’ai compté juste cette fois-ci. Numerum nunc sedulo habui.

Compte signifie aussi le papier où l’on a mis le calcul & la supputation de ce qu’on a mis ou de ce qu’on a reçu, ou de tous les deux ensembles. Porter une chose en compte. Rationibus inferre. Demander compte, sommer de rendre compte. Ad computationem vocare.

☞ On dit qu’un homme est de bon compte ; pour dire, qu’il est fidèle, qu’il ne trompe point dans ses comptes. Faire un compte rond. Rotundare Summam.

☞ On appelle vulgairement compte rond, un nombre sans fractions, c’est-à-dire, qui n’est composé que de dixaines, de centaines, de milliers. Dix, vingt, trente, quarante, cent, mille, &c. sont des comptes ronds. Onze, vingt-deux, cinquante cinq, cent-un, &c, ne sont pas des comptes ronds.

☞ Mais quand on compte par espèces, on appelle compte rond, un certain nombre de ces espèces sans fractions, quatre, cinq, dix, trente, cent écus, ou louis font un compte rond ; cinq sols, dix sols, vingt sols, &c, sont un compte rond ; dix livres cinq sols, deux sols six deniers, &c. ne sont pas un compte rond.

Compte borgne, se dit aussi familièrement d’un compte mal-fait, ou qui n’est pas clair.

Comptes faits, se dit de certaines tables ou tarifs, dans lesquels on trouve des réductions toutes faites, de poids, des mesures, de changes, d’escomptes, d’intérêts, de monnoie, &c. Tels sont ceux de Barrême.

Compte, en termes de Marchands, se dit des registres respectifs qu’ils tiennent de leur négoce, & des affaires qu’ils ont ensemble. Accepti & expensi codex. Ainsi, on dit, qu’un homme enseigne à tenir les livres de compte, quand il montre la manière de les tenir en bon ordre, à mettre l’avoir d’un côté d’un feuillet, & le débit vis-à-vis. Il faut qu’un Marchand représente ses livres de compte en bon état, toutes fois & quantes. On appelle entr’eux, solder un compte, ce qu’on appelle ailleurs l’arrêter.

Compte, en termes de Palais, est l’état qu’on donne en Justice de ce qu’on a reçu, ou dépensé pour quelqu’un, dont on a eu les biens en maniement. Rationes accepti & expensi. Un compte est composé de trois parties ; savoir, d’une préface ; qu’on appelle communément le préambule du compte, & de deux autres parties ; savoir, de la recette & de la dépense : on y ajoûte la reprise, lorsqu’on n’a pas reçu tout ce qu’on étoit chargé de recevoir. Cette division d’un compte est ce qu’on appelle ordre de compte.

Compte de Communauté, est le dénombrement des effets de la Communauté entre mari & femme, contenant l’état auquel cette Communauté se trouve au jour de sa dissolution, pour les biens de la dite Communauté être partagés entre l’un des conjoints & les héritiers du prédécédé.

Compte de Tutelle, est celui qui se rend par le tuteur de l’administration des biens de son mineur, dont il a été chargé par l’acte de tutelle. Un tuteur ne peut traiter avec son mineur, qu’il n’ait rendu son compte de tutelle.

Les débats, les soûtenemens des comptes, sont les écritures qu’on fournit respectivement pour défendre ou combattre les articles des comptes. Scripta utrinque ad tuendas debiti & expensi rationes. Affirmer un compte, c’est jurer qu’il est véritable, quand on le présente. Rationes tueri, defendere. Examiner un compte, c’est y mettre des apostilles pour allouer ou débattre les articles. Rationes excutere, expendere. Clorre un compte, c’est arrêter le reliquat à la fin d’un compte. Consolidare. Ordre de compte, c’est diviser un compte en chapitres de recette, de dépense & de reprise. Accepti vel expensi rationes inire, rationes subducere. Apurer un compte, c’est en faire juger tous les débats, en faire lever les souffrances. Conficere, consolidare. Débet de compte, c’est la somme dont la recette excède la dépense par le finito d’un compte. Supputatis utrinque rationibus excedens summam.

Compte par bref état, est celui qui se rend par simple mémoire, sans être divisé en chapitres de recette, de dépense & de reprise.

Compte de Clerc à Maître, est celui où le comptable porte en recette & en dépense tous les profits, toutes les pertes, tous les frais qu’il a pû faire dans sa commission.

Compte en Banque. C’est le fonds que des négocians ou des particuliers déposent dans la caisse commune d’une banque.

Compte en participation. Espèce de compte qui se fait entre deux Marchands ou Banquiers, pour raison d’une société anonyme, qu’on appelle société participe, ou société par participation. Voyez ces mots.

Compte. (Bordereau de) Extrait d’un compte, qui comprend tous les articles tirés hors de ligne, tant de la recette que de la dépense.

Compte. (Ouvrir un) Placer un compte pour la première fois dans le grand livre, en désignant la personne avec laquelle on entre en compte.

Compte. (Passer en) Tenir compte à quelqu’un d’une somme qu’on lui doit.

Compte. (Papier de) Sorte de grand papier fin, connu sous ce nom dans les Papeteries, sur lequel on écrit communément les comptes.

Compte, (Ligne de) est la somme qu’on tire en une marge blanche qu’on laisse exprès au côté d’un compte. Subducta ex rationibus expensis summa. Elle contient en chiffre Romain la partie couchée au long dans l’article qui y répond. Dans le calcul, on ne regarde que ce qui est tiré en ligne de compte. Les Trésoriers de France ne sont Juges que de la ligne de compte. Ils n’ont point de Juridiction contentieuse.

On dit figurément en ce sens, mettre en ligne de compte, mettre sur son compte ; pour dire, faire valoir les bons offices que nous rendons, ou qu’on nous a rendus. Beneficiorum in numero aliquid ponere. Il faudra, s’il vous plaît, que vous mettiez en ligne de compte tout ce que j’ai fait pour vous.

☞ Prendre une chose sur son compte. Dans le sens propre, c’est se charger de l’exécuter. Aliquid inse recipere. Je prends cela sur mon compte, ne vous inquiétez de rien.

Compte ne se dit pas seulement des affaires d’intérêt, mais en toutes les autres choses dont on est tenu de rendre raison, ou à soi-même, ou à ses supérieurs. Alors il est pris figurément. Ratio. Je ne prends point ce que vous avez dit sur mon compte, c’est-à-dire, je ne m’en fais point d’application. Dieu nous demandera compte des talens que nous n’avons pas fait profiter. Il est nécessaire de rentrer quelquefois en soi, & de se rendre un compte exact de ses paroles, de ses sentimens, & du progrès qu’on a fait dans la sagesse. S. Evr. Avertis par l’Evangile de tenir nos comptes prêts, combien peu d’attention avons-nous à les régler ? P. Gail. La dévotion qui se déploie en démonstrations & en actes, dont l’amour propre se flatte que Dieu lui tiendra compte, est une fausse vertu. Fléch.

Maître de mon destin, libre dans mes soupirs,
Je ne rendrois qu’à moi compte de mes désirs. Racine.

Qu’heureux est le mortel, ......
Qui de sa liberté forme tout son plaisir,
Et ne rend qu’à lui seul compte de son loisir. Boil.

On dit encore au figuré, mettre quelque chose sur le compte de quelqu’un ; pour dire, lui imputer. Imputare. C’est injustement pour l’ordinaire qu’on met les fautes de la jeunesse sur le compte de ceux qui les instruisent : on pourroit souvent, avec bien plus de raison, les mettre sur le compte des parens, qui, faute d’application, ou par trop d’indulgence, sont cause de leur dérèglement.

☞ Avoir à bon compte, faire bon compte, avoir à bon marché, faire bon marché ; vous aurez cela à bon compte. Ce marchand vous fera bon compte : on dit dans le même sens vivre à bon compte. Modico pretio.

☞ On dit figurément faire son compte, trouver son compte, trouver du profit, de l’avantage. Utilitas, commodum. Il a bien fait son compte dans cette ferme, dans cette affaire. Il y a des amis agréables qui amusent, mais ils n’ont que l’écorce ; pour peu qu’on approfondisse, on n’y trouve pas son compte. M. Sc.

☞ On dit encore figurément, avoir son compte, avoir ce qu’on désire, ou ne manquer de rien. Il est bien aisé de philosopher quand on a son compte.

Gardez-vous de rien dédaigner,
Sur-tout quand vous avez à peu près votre compte. La Font.

Rendre compte signifie encore dans le figuré, rapporter ce qu’on a fait dans une affaire, & en rendre raison. Rationem subjicere. On rend compte de sa conduite à ses supérieurs. Rendez-nous compte de cette affaire.

Quelquefois c’est faite un simple récit. Narrare. Rendez-nous compte de ce que vous avez vû, de ce qui vous est arrivé.

☞ On dit aussi qu’un homme fait bien son compte, entend bien son compte ; pour dire, qu’il entend bien ses intérêts.

☞ Faire compte, tenir compte d’une personne ou d’une chose, en faire cas, l’avoir en quelque considération. On fait grand compte d’un tel, on n’en tient aucun compte.

☞ On dit encore qu’une femme ne tient pas compte d’elle ; pour dire, qu’elle a peu de soin de se parer, de s’ajuster. La plupart de ces expressions figurées ne sont que du style familier.

Compte se dit aussi de plusieurs petites choses qu’on prend à la main, ou qu’on jette ensemble pour compter avec plus de promptitude. Numerus. Les prunes, les mûres se comptent deux à deux, trois à trois ; les espèces d’or & d’argent deux à deux, trois à trois, quatre à quatre ; & chaque prise ou jet s’appelle un compte.

☞ On appelle bois de compte, celui qu’on vend à tant de bûches par corde. Voyez Bois.

Dans le commerce de la morue, on appelle grand compte ou compte marchand, un certain nombre de poignées de morues ; à Orléans le grand compte est de soixante-six poignées ou 132 poissons, le petit compte est le plus petit nombre de morues qu’on donne au cent ; à Paris le cent de morues, petit compte est de 54 poignées, ou 108 morues.

Compte en termes d’Horlogerie. On appelle Roue de compte, certaine roue qui n’est point dans la cage de l’horloge. Elle est attachée en dehors, & contre l’usage des autres roues ; ses dents ne sont pas à l’extrémité extérieure, mais en dedans : elles sont au nombre de 78, parce qu’une horloge en douze heures frappe 78 coups. Il y a des coches sur le tour extérieur de cette roue, dans lesquelles entre la détente, quand l’horloge a sonné le nombre de coups nécessaires. Encre ces coches il y a des espaces qui sont plus ou moins grands, selon le nombre des coups que l’horloge a à sonner. Lorsqu’elle ne doit sonner qu’une heure ou deux, les espaces sont fort courts, & pour le peu que la roue de compte tourne, la détente trouve une coche où elle tombe, mais lorsqu’elle doit sonner beaucoup d’heures, comme onze ou douze, ces espaces sont grands pour donner le temps à l’horloge de sonner tous les coups requis, avant que la détente trouve une hoche où se reposer.

Compte ou Goutte de lait. Verroterie dont on se sert sur la côte d’Afrique, pour faire la traite avec les Noirs.

Compte brodé ou Contre-brodé. C’est une autre verroterie qui sert au même commerce ; il y en a de bleu à fleurs blanches, & de rouge, les uns aussi à fleurs blanches, & d’autres à fleurs jaunes.

Chambre des Comptes, est une Cour Souveraine fort ancienne, & qui dans les cérémonies marche à côté du parlement ; c’est où se rendent les comptes des deniers du Roi, où l’on enregistre & où l’on garde ce qui concerne son Domaine, le compte du Trésor Royal des parties casuelles des recettes générales, &c. Rationum regiarum Curia. Curia ratiociniorum, Curia rationalium magistratuum. Il y a des Présidens & Maîtres des comptes en chaque semestre. In regiarum rationum Curia Præses, Magister, Judex ; ratiociniorum Magister, Præfectus rationum regiarum, ou ratiociniorum. Au grand Bureau ils jugent & vérifient les Lettres-Patentes, sermens de fidélités, aveus & dénombremens. Au second Bureau se jugent les comptes de tous les Comptables. Les Auditeurs des Comptes sont ceux qui examinent les comptes & les quittances, & les rapportent au Bureau, qui mettent les apostilles, arrêts & finito des comptes. Regiarum rationum Auditor. Il y a des Correcteurs qui sont établis pour revoir & corriger les comptes, quand il y a eu de l’erreur en leur jugement. Regiarum rationum Corrector, emendator. Il y a des Chambres des Comptes établies à Paris, à Rouen, à Dijon, à Montpellier, en Provence, &c. Celle de Rouen fut établie en 1580, par Henri III. Il y en a une à Blois pour l’apanage de Monsieur de Duc d’Orléans. La Chambre des Comptes n’a été fixée à Paris, & rendue sédentaire que sous Philippe le Bel. Avant ce temps là, elle faisoit partie du Conseil du Roi. Elle avoit la direction des Finances. Ce Conseil du Roi fut partagé en deux, le Parlement qu’on appeloit aussi Chambre, & la Chambre des Comptes. C’est pourquoi elles ont eu d’abord des Avocats & des Procureurs Généraux, qui étoient communs aux deux Compagnies. Voyez Chambre. La Chambre des Comptes étoit anciennement ce qu’est aujourd’hui le Conseil des Finances. Il y a eu de tout temps, des Présidens à la Chambre des Comptes ; l’un étoit Ecclésiastique, & l’autre Laïque ; quelquefois l’un & l’autre ont été Prélats. Le Président Laïque étoit toujours un des principaux Seigneurs de la Cour. Quand on eut ôté le Président Evêque ou Archevêque, le Grand Bouteillier de France fut quelque temps premier Président de la Chambre des Comptes.

Compte se dit adverbialement en ces phrases. Recevez cela à bon compte ; pour dire, à la charge de le déduire sur ce que je vous dois. Aliquid rationibus inferre, in rationes inducere. En fin de compte ; pour dire, on verra par la suite, à la fin du temps, ce qui en sera. Ut res cadat. Au bout du compte, façon de parler familière dont on se sert à la fin d’un discours, pour dire après tout, tout bien considéré. Au bout du compte, que peut-il en arriver ? Ut res pessimè cedat. A mon compte, à son compte. Selon son opinion, selon qu’il suppose. Opinione meâ, tuâ, suâ.

A Compte s’emploie dans le même sens qu’à bon compte, pour signifier ce qu’on donne, ou ce qu’on reçoit sur une somme d’argent due. J’ai reçu cinq cens livres à compte des mille livres qui m’étoient dûes. On en fait même souvent un substantif. Je n’ai encore reçu aucun à compte. J’ai reçu plusieurs à compte.

Compte se dit proverbialement en ces phrases. Les bons comptes font les bons amis ; pour dire, qu’on ne peut être ami sans garder la foi & la justice les uns aux autres. On dit, qu’un homme est bien loin de son compte, lorsqu’il avoit raisonné sur un faux principe, & que le succès ne répond pas à son attente. On dit aussi, à tout bon compte revenir ; pour dire, qu’on est toujours reçu à compter de nouveau. On dit qu’un homme est Trésorier sans rendre compte ; pour dire, qu’il dispose du bien d’autrui comme il lui plaît, & sans qu’il s’en soit chargé par compte. On dit aussi, qu’un homme en a pour son compte, quand il lui est arrivé quelque malheur, quelque disgrace, quand il a reçu quelque mauvais traitement. On dit aussi dans le même sens, en tenir pour son compte.

Seigneur Prélat, vous en auriez sans doute
Quelque regret, ou je vous connais mal.
Et vous diriez ; c’est dommage, il m’en coute
Un serviteur, zelé certe & loyal :
Moi cependant, j’en tiendrois pour mon compte. P. du Cerc.

On dit aussi, vous ne trouverez pas votre compte avec cet homme-là ; pour dire, ne contestez pas contre lui, il est plus fort, plus habile que vous. On dit, qu’un homme ne tient ni compte ni mesure, quand il laisse aller ses affaires en confusion, sans en prendre soin. On dit aussi, que chacun veut avoir son compte ; pour dire, que personne ne veut relâcher de ses intérêts.

COMPTE-PAS. s. m. Instrument de Géométrie qui sert à mesurer les distances, à compter combien on a fait de pas en allant d’un lieu à un autre. Voyez Podomètre : c’est la même chose. Podometrum.

COMPTER, v. a. Faire le dénombrement de plusieurs choses, ou quantités séparées de même nature. Numerare, dinumerare, annumerare. Les voix se pèsent & ne se comptent pas. Une grande ame ne doit point compter ses bienfaits. Ch. de Mer.

Ah ! souffrez qu’un Couvent, dans les austérités,
Use les tristes jours que le Ciel m’a comptés. Mol.

Nicod dérive ce mot de computare.

Compter signifie aussi, calculer, supputer par les règles d’Arithmétique, exécuter les différentes opérations d’Arithmétique. Computare, rationem supputare, putare. On compte tous les temps des mouvemens des astres, des éclipses de Soleil & de Lune.

Compter se dit aussi relativement aux arrêtés de payement ou de compte que font entr’eux ceux qui ont eu des affaires ensemble, des sociétés, des charges, des commissions & des manimens. Les Marchands doivent compter tous les six mois, tous les ans, avec leurs chalands, pour empêcher les fins de non-recevoir : les Receveurs sont amendables, quand ils ne comptent point à la Chambre dans les délais de l’Ordonnance. Dans cette acception il s’emploie absolument. On dit en ce sens, quand on compte sans son hôte, on compte deux fois ; pour dire, que quand on fait un compte à son avantage, & en l’absence de la partie intéressée, on est sujet de se tromper.

On dit compter par un bref-état, quand on compte sur des mémoires, bordereaux, ou états du Roi sommairement. Compter en forme, lorsqu’on présente un compte libellé, & qu’on l’examine avec un légitime contradicteur. Compter de Clerc à Maître, se dit dans les traités & recouvremens qu’on ne peut pas faire à fort fait, où le Receveur n’est responsable que de ce qu’il a reçu. On dit aussi, on lui a compté cela, on lui en a tenu compte, on lui a alloué cet article.

Compter signifie quelquefois, payer. Numerare. On a renvoyé un tel Officier supprimé au Trésor Royal où on lui comptera le prix de la charge. On dit aussi en ce sens d’un méchant payeur, c’est un homme qui ne veut ni compter, ni payer.

Compter signifie aussi la manière de faire un compte. Computare, numerare, supputare. Dans les affaires de succession on compte tantôt par souches, tantôt par têtes. ☞ Dans les hôtelleries & dans les lieux où l’on donne à manger, on dit compter par tête, compter par pièce ; pour dire, compter la dépense selon le nombre des personnes qui ont mangé, ou selon le nombre des pièces qui ont été servies.

Compter, construit avec pour, signifie quelquefois, estimer, réputer. C’est un homme qu’il faut compter pour mort, compter pour rien, qui n’est capable de faire ni bien ni mal. Pour combien comptez-vous les travaux qu’il a soufferts en ce voyage ? On doit compter pour rien tout ce qui ne contribue pas à rendre la vie agréable. Ch. de Mer. Vous devriez compter pour quelque chose la violence que je me fais. Pasc. Ceux qui se donnent la mort, ne la comptent pas pour si peu de chose. Rochef.

Quoi ! lorsque vous voyez périr votre patrie,
Pour quelque chose, Esther, comptez-vous votre vie ? Racine.

Je jouis d’une paix profonde ;
Et pour m’assurer le seul bien
Que l’on doit estimer au monde,
Tout ce que je n’ai pas, je le compte pour rien.

L’Ab. Regn. des Mar.

Je les compte pour chose vaine ;
Et compte enfin pour un malheur
Tout ce qu’on acquiert avec peine,
Qu’on possède en tremblant, qu’on perd avec douleur. Ibid.

Compter, se proposer ; je compte partir demain.

Compter, construit avec sur, signifie s’assurer ; faire fond sur quelqu’un, ou sur quelque chose. Alicui confidere, in aliquo multum ponere. Vous pouvez compter sur moi ; pour dire, vous assurer que je vous servirai en toutes occasions. Je comptois là dessus ; pour dire, je m’attendois à cela. On ne peut compter sur l’amitié des Tyrans. Ils comptoient beaucoup, & faisoient un grand fond sur le courage & la fidélité de Théodore. Jouissez du temps présent, sans compter sur l’avenir. Un jeune Avocat qui veut briller, compte plus sur un passage de Sénèque, que sur une bonne raison. P. Rap.

On dit, compter les morceaux à quelqu’un ; pour dire, lui reprocher la nourriture qu’on lui donne. Impensum alicui victum exprobare, impensum victum commemorare.

Compter se dit aussi des distances des temps & des lieux, & des différentes manières de les distinguer. Dinumerare, recensere, numerare. On compte 1800 lieues d’ici à Surate. On compte en France par lieues, en Italie par milles, en Grèce par stades, en Orient par journées, aux Indes par cos. En Chronologie on compte par Olympiades, Lustres, Indictions. On compte tant de Dynasties & tant de Rois en une telle Monarchie. On dit aussi qu’un homme compte toutes les heures, tous les momens ; pour dire, qu’il s’ennuie fort, qu’il a grande impatience que quelque chose arrive : qu’il compte ses pas ; pour dire, qu’il marche fort lentement ; & au figuré, qu’il fait les choses avec beaucoup de circonspection. On dit, tout compté, tout rabatu ; pour dire, après avoir compensé les avantages & les inconvéniens de quelque chose. Omnibus expensis.

Compter se trouve, sur-tout en Poësie, pour répéter. Repetere, numerare.

Compter se dit figurément de la conduite qu’on tient les uns à l’égard des autres, & à l’égard de Dieu. Gerere se erga aliquem. Je ne compte point avec Dieu, avec mes amis. Non ita me gero erga Deum. Non ita cum Deo discepto. Des ames dévouées à Dieu doivent-elles donc compter si exactement avec Dieu ? Bourdal. Exh. T. I, p. 212.

COMPTÉ, ÉE. part. Numeratus. Le chapitre de reprise des comptes est composé des deniers comptés, & non reçus. L’Evangile dit que nos cheveux sont comptés, qu’il n’en tombe pas un que par l’ordre de la Providence. On dit, brebis comptées, le loup les mange. Peine de vilain n’est de rien comptée. On dit aussi, tout compté, tout rabatu ; pour dire, toute déduction faite.

COMPTEUR. s. m. Celui qui compte. Numerarius, computator. Il faut qu’un Caissier soit habile compteur. Ce mot est peu en usage. ☞ Compteur en Angleterre, synonyme à receveur, officier de l’Echiquier chargé de recevoir tous les deniers dûs à la Couronne.

A Paris on appelle jurés compteurs & déchargeurs de poisson de mer frais, sec & salé, des Officiers de Police dont les fonctions sont de décharger & de compter tous les poissons qu’on vend, moyennant le droit qui leur est atribué.

Compteur. s. m. Terme d’Horlogerie, Nom que les Horlogers en gros donnent à la détente d’une sonnerie, qui entre dans les entailles de la roue de compte.

COMPTOIR. s. m. Banc ou Bureau fermé, sur lequel les Marchands étalent leurs marchandises, ou comptent leur argent, & où le plus souvent ils l’enferment. Mensa.

Comptoir, en termes de Relations, est un Bureau général de Commerce, établi dans différentes villes des Indes pour chaque nation de l’Europe. A Surate, à Amadabat, il y a des comptoirs de Hollandois, d’Anglois, de François ; des Bureaux où chacun d’eux fait son trafic à part. Les plus fameux comptoirs sont ceux des Marchands des villes Hanséatiques, établis à Anvers, à Berghen, à Novogrod, & autres villes de l’Europe ; car, ce sont de grandes maisons magnifiquement bâties, qui ont trois ou quatre cens chambres superbement meublées, qui entourent une grande cour avec plusieurs cabinets, portiques, galeries, magasins & greniers, pour y recevoir toutes sortes de Marchands & de marchandises. Ils y ont un Consul ou Juge avec plusieurs Officiers & serviteurs de leur nation, même des Colléges & des Précepteurs entretenus, parce qu’ils y envoient leurs enfans pour apprendre les langues & le négoce, & faire rendre compte à leurs Facteurs & Commissionnaires.

COMPTORISTE, s. m. terme de quelque usage parmi les Négocians. Il signifie homme de cabinet, ou plutôt un habile calculateur, un habile teneur de livres.

COMPULSER, v. a. terme de Pratique. Prendre communication de quelqu’Acte en vertu d’une Ordonnance du Juge : obliger un Notaire, un Greffier, ou autre personne publique, en vertu d’une Ordonnance du Juge, à délivrer des Actes, dont il garde les minutes, à une partie qui a intérêt de les produire en Justice. Compellere. Compulser les minutes d’un Notaire. Compulser les Registres du Greffe.

Ce mot vient du latin compello, compuli, compulsum.

Compulsé, ée, part.

COMPULSEUR. s. m. nom d’Office sous les Empereurs Romains. Compulsor. Les compulseurs étoient des gens envoyés par la Cour dans les Provinces, pour faire payer ce qui n’avoit pas été payé à l’épargne dans le temps prescrit. ☞ Ces compulseurs firent de