Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/691-700

Fascicules du tome 1
pages 681 à 690

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 691 à 700

pages 701 à 710


après lesquelles ils étoient en liberté, ils n’étoient plus Ecoliers. C’est ainsi qu’on donnoit autrefois un baton aux Gladiateurs à qui l’on donnoit leur congé ; ce que Horace appelle Donatus rude. C’est ainsi encore que l’on conféroit une dignité, qu’on en donnoit l’investiture en présentant une verge, ou une lance, ou un bâton ; ce qui s’est fait même pour les Royaumes. Et encore aujourd’hui tous les contrats qui se passent en Angleterre, dans les cours des Barons, entre le Seigneur & les Vassaux qu’on appelle tenans verge, sont accompagnés de la cérémonie de donner un bâton. Spelman ne croit pas néanmoins que ce soit là la véritable origine de ce nom, parce qu’on ne trouve nulle part que ç’ait été l’usage de créer des Bacheliers dans les Universités, en leur mettant un bâton en main. De Laurière prétend qu’ils ont été ainsi nommés du nom que l’on donnoit autrefois à ceux qui servoient à la guerre pour s’avancer.

Le Pape Grégoire IX est le premier qui, vers le commencement du XIIIe siècle ait distingué les degrés de Bachelier, de Licencié & de Docteur.

Bachelier. On donnoit autrefois ce nom aux jeunes Ecuyers, aux Chevaliers qui faisoient leur première campagne & qui recevoient la ceinture militaire. Justi imperii Dynastes equestris adhuc cinguli ac vexilli exsors. Militiæ candidatus. Janes hom estes, & encore Bachelier. Rom. de Garin. Dans les coutumes d’Anjou, du Maine & autres, on appelle Bacheliers, les Seigneurs qui ont châteaux, forteresses, ou maisons sorties des comtés, vicomtés, baronnies, ou châtellenies, & qui ont pareille-Justice ; & on appeloit Bachele ou Bacele, la châtellenie ou seigneurie tenue par un Bachelier qui n’avoit pas encore droit de bannière. Avant que les Ordonnances des gens de cheval fussent dressées en ce Royaume par Charles VII, dit du Tillet, il y avoit deux sortes de Chevaliers ; le Banneret, qui avoit assez de vassaux pour lever bannière, & le Bachelier, qui n’ayant pas assez de bien, de vassaux, ou d’âge, pour faire porter la bannière devant lui, étoit obligé d’aller à la guerre sous la bannière d’un autre. Charles V ayant donné la Lieutenance générale de son armée à Bertrand du Guesclin, il voulut s’excuser de l’accepter, parce qu’il n’étoit que Bachelier. Mais le Roi ordonna que tous les Grands du royaume lui obéissent. En Angleterre il n’en étoit pas de même ; & dans les anciennes constitutions de l’Amirauté de ce Royaume, le titre de Bachelier est attribué à toutes les dignités qui sont au-dessous de celle de Baron.

Les Chevaliers Bacheliers, ou Chevaliers dorés, dit Larrey, sont ainsi nommés en Angleterre à cause des éperons dorés qu’ils avoient droit de porter, & qu’on leur mettoit aux pieds le jour de leur création. Cette dignité ne se donnoit autrefois qu’à des gens d’épée, qui l’avoient méritée par leurs services ; on l’a donnée depuis à des gens de robe. La cérémonie s’en fait sans beaucoup d’appareil : le Chevalier se met à genoux, & le Roi le touche légèrement d’une épée nue. Il ajoutoit autrefois ces paroles : Sois Chevalier au nom de Dieu : & celles-ci ensuite ; avance Chevalier.

La Bachelerie étoit autrefois un degré au-dessous de la Chevalerie, & le Bachelier étoit entre le Chevalier & l’Ecuyer. Le Banneret, dit Froissard, avoit deux payes du Bachelier, & le Bachelier deux de l’Ecuyer. Depuis Charles VII, on n’a point oui parler de Bannerets ni de Bacheliers. Le Gendre. Voyez l’occasion de leur abolissement au mot Banneret.

Fauchet, Justiniani, & le Docteur Chamberlayne, croient que ce mot vient de bas Chevalier. Loyseau, dans le même sens, le dérive de bas eschelon, parce que c’étoit le dernier des Ordres Militaires. Cujas croit qu’il vient de Buccelarius, nom d’anciens Chevaliers fort estimés. Ménage dit que ce mot vient des vieux François & des Picards, qui appeloient Bacheliers & Bachelettes, les jeunes garçons & les jeunes filles. Rhenanus dit qu’il vient de Bacillus, du nom d’un petit bâton qu’on mettoit à la main de ceux à qui on donnoit permission de lire, ou à qui on donnoit l’investiture de quelques fiefs. On les a nommés d’abord Baciliers en latin Bacularii. On trouve Bacelareus, dans la vie de S. Thomas écrite par G. Thocus, contemporain du Saint, c. 3 n. 15 pour signifier Bachelier dans une Université. On trouve aussi Bacalarius, Bachilarius, &c Bacillarius.

Du Cange croit avec plus d’apparence, que ce mot vient de baccalaria, qui étoient des espères de métairies, quiconsistoient en plusieurs mas, ou pièces de terre, dont chacun contenoit deux arpens, ou le labourage de deux bœufs ; & qu’ainsi on appeloit Bacheliers, ceux qui possédoient, ou qui cultivoient ces bacheleries. Il y a encore des Gentils’hommes qu’on appelle de la Bachelerie, du nom de leurs terres. Il ajoute que Bachelier signifioit quelquefois Laboureur, & quelquefois Bourgeois d’une ville. On appeloit aussi autrefois Bachelier, ou Bachelier d’armes, celui qui avoit vaincu en un tournois la première fois qu’il avoit combattu. Voyez Justiniani, Histor.di tutti gl. Ord. Milit. Tom. I, p. 134.

Caseneuve dérive Bachelier de baculus, bâton ; & de Hauteserre aussi, parce qu’ils s’exerçoient à combattre avec des bâtons & des boucliers. Ce qu’il prouve par Adrevaldus Floriac, L. I, de mirac. S. Bened. c. 15, par la vie de S. Outrillet qui est dans Surius, T. III, 23 de Mai ; par les Capitulaires de Charlemagne, L. III, C. dern. Et ce qui le confirme dans ce sentiment, c’est qu’ils sont appelés Bacculares dans Orderic Vitalis, Hist. Eccl. L. X, a. C. 1100, & Bacularii par Valsingham, dans Richard II, 1383, mais il ne croit pas que ce soit à cause du bâton avec lequel on leur donnoit l’investiture de leur Fief. Ce sentiment paroit le plus vraisemblable. Voyez Altaser. De Ducib. & Comit. Provinc. c. 8, p. 169, & 170.

Alciat & Vivès disent que le mot de Baccalaureat vient de ce qu’on couronnoit autrefois les Poëtes de laurier, à baccis lauri, comme Pétrarque le fut à Rome en 1341. Gregorius Iholosanus, & Gosselin, disent que ce mot vient à Vassis, & qu’on a dit Bacellarii, quasi Vassallarii, aut minores Vassi.

Quelques-uns l’ont tiré du mot turc Ballassar, qui signifie un homme considérable, qui est du conseil du Prince, & qui le suit toujours. Voyez ! Lymnæus, Lib. VIII, c. 8.

Bachelier, est aussi parmi les artisans, & dans tous les corps de metier, un Maître élu pour assister les Jurés en la fonction de leurs charges. On élit tous les ans deux Jurés & deux Bacheliers du métier. En l’ancienne Coutume de Paris on a appelé Bacheliers, tous ceux qui étoient gradués & passés Maîtres en quelque art que ce fut.

On a encore donné ce nom autrefois à des paysans, ou plutôt à des gens qui conduisoient & gouvernoient les paysans qui cultivoient une terre ou une métairie, ou ferme, appelés dans la basse latinité mansa, mansus ou mansum, & en François, mas. C’étoient des Métayers, ou Fermiers, que l’on mettoit au nombre des paysans, quoiqu’ils fussent au-dessus d’eux. Ils étoient appelés Bachelies, en latin Bachelarii ou Baccalarei, de Baccalaria, qui signifioit une espèce de métairie, ou de ferme qui contenoit quelquefois dix mas. Le mas, mansum, contenoit douze arpens de terre.

BACHELIERAT. s. m. Vieux mot inusité aujourd’hui, qui signifie la même chose que Baccalauréat, degré de Bachelier.

BACHER une charrette. Terme de Voiturier. C’est mettre la bache avec du foin par-dessus les marchandises. On dit aussi débacher une charrette, pour dire en ôter la bache.

BACHEVALEUREUX. adj. Vieux mot. Guerrier.

☞ BACHIE. Voyez Baku.

BACHIQUE. adj. m. & f. Bacchicus. Qui appartient à Bacchus. Ode ou chanson bachique, c’est une chanson à boire. Liqueur bachique, le vin. Troupe bachique, se dit poëtiquement d’une troupe de buveurs qui font la débauche. Plutarque dit, que Marc Antoine, qui vouloit imiter Bacchus, fit une entrée solennelle dans Ephèse avec une pompe bachique très-superbe.

Ensuite avec solennité
Toute notre bachique bande
But un grand verre à ta santé. La Chap.

BACHOT. s. m. Petit bateau qui sert à passer les rivières pour les gens de pied, & qui est aussi de service pour porter les cordages des grands bateaux, ou les décharger. Cymba.

BACHOTAGE. s. m. Conduite d’un bachot. Emploi de ceux qui ont droit de voiturer sur la rivière, dans des bachots.

BACHOTEUR. s. m. Batelier qui conduit un bachot. Il y a une Sentence de ville du 20 de Sept. 1735, qui condamne un Bachoteur en 50 liv. d’amende, pour avoir conduit dans son bachot au-dessous de Paris, vingt-trois personnes au lieu de seize, portées par les Ordonnances & Règlemens, & qui lui fait défenses de récidiver, à peine d’être exclus pour toujours du Bachotage, & de plus grandes peines, s’il y échoit. Merc. Déc. 1735.

BACHOU. s. m. Espèce de vaisseau de bois, large par le haut, & qui va en étrécissant, dans lequel les Boyaudiers portoient les boyaux de la boucherie dans leurs ateliers.

BACHTAN. Nom d’une pierre que les Ismaélites, c’est-à-dire, les Arabes, adoroient autrefois comme une Idole de Vénus. Ils disoient qu’Agar avoit conçu Ismaël sur cette pierre, ou bien qu’Abraham y attacha son chameau quand il voulut sacrifier Isaac. On y avoit représenté la forme d’une tête. Voyez Euthymius Zigabenus dans sa Panoplie, & dans le catéchisme des Sarrasins, ou bien Seldenus, de Diis Syr. Synt. II. C. 4.

☞ BACHU. Voyez Baku.

BACIAN. Une des principales Îles des Moluques. Bacianum.

BACICOTER. v. a. Vieux mot. Tromper.

BACILE, ou FENOUIL MARIN. s. m. Crête marine. Crithmum, ou Fœniculum maritimum, creta marina. Plante ombellifére qui croît sur les côtes maritimes dans des fentes de rochers, ou auprès des vieilles masures, & qu’on cultive dans les jardins. Sa racine est longue, épaisse, blanchâtre, vivace, d’un goût & d’une odeur âcre, agréable, cependant aromatique ; ses feuilles sont à peu-près semblables à celles de la queue de porreau, toujours découpées par trois segmens courts, charnus, d’un vert de porreau, & d’un goût salin & aromatique:sa tige est haute d’un pied, branchue à son extrémité, & garnie de feuilles plus petites que celles qui partent de la racine. Ses fleurs sont en ombelles, blanc sale, petites, & ses fruits sont composés de deux semences ovales, aplaties & crénelées sur leur dos. Cette plante est apéritive, diurétique. On la confit dans le vinaigre, & on la mange en salade; elle excite l’appétit.

BACINET. s. m. Sorte d’armure ancienne. On trouve dans Monstrelet:y avoit six bannières & deux cens bacinets, six cens bibaux ou petaux. Selon Fauchet, ces bacinets étoient des chapeaux de fer assez légers, que portoient les soldats, qu’on appeloit bacinets, du nom de cette sorte de chapeau. Ainsi on disoit six cens bacinets, comme on dit quelquefois, il y avoit cent cuirasses ; pour dire, cent hommes armés de cuirasses.

☞ BACIO-SARAI. Voyez Bacca-sarai.

BACIS. s. m. Taureau consacré au Soleil, qu’on adoroit à Hermunthi, ville d’Egypte. Macrobe dit qu’il changeoit de couleur à chaque heure du jour, & que son poil croissoit en haut, ensorte qu’il étoit toujours hérissé, contre l’ordinaire des autres animaux.

☞ BACKWEEN. Bourg, ou petite ville des Pays-Bas, dans la province de Frise, dans l’Osterland, près d’un grand Marais

☞ BACKOU, dans la plûpart des cartes BRACCOW, ou BRAISLOW. Ville de la Moldavie, sur la rivière d’Arari, proche les frontières de la Valachie.

BACLAGE. s. m. T. de Commerce de rivière, particulièrement en usage sur les ports de la ville de Paris. Il signifie l’arrangement des bateaux dans un port, que l’on y fait entrer les uns après les autres, pour faire la vente des marchandises dont ils sont chargés. On le dit aussi du droit qui se paye à ceux qui sont chargés de cet arrangement. Naviculæ in portu collocatio.

☞ BACLAN. Contrée de Perse, dans le Chorassan, vers la rivière de Gihon, ou Gihun.

BACLE. s. m. Nom d’homme. Baculus. S. Bacle est un des cinq protecteurs de Sorente, dont il a été Evêque. Son nom signifie la même chose que Scipion. Chast. C’est-à-dire, bâton.

BACLER. v. a. Fermer une porte ou une fenêtre avec chaînes, barres, barreaux, ou autres choses. Ligneam pro pessulo subscudem foribus obdere, catenis, repagulis obstruere, occludere. Il s’est dit originairement des ports & des rivières, lorsque le passage en est fermé & bouché, ou par des bacs ou des bateaux, ou par les glaces, ou par des chaînes & des barrières. Il s’est dit ensuite de toutes sortes de passages & d’ouvertures, comme de portes de boutiques, de fenêtres. En temps de guerre on bacle les portes. En temps de peste on bacle les maisons & les boutiques où il y a eu de la contagion. On bacle les portes par derrière avec des barres & des chevilles.

Bacler un bateau. Terme de rivière. C’est le placer dans le port, le mettre en lieu commode & sûr pour la charge & décharge des marchandises, & l’y arrêter avec des cables & cordages aux anneaux de fer destinés à cet usage. Naviculam in portu collocare.

Nicot croit que ce mot vient de baculus, & de baculare.

Bacler une affaire, au figuré, la conclure, l’arrêter. Expression populaire.

Baclé, ée, part. Occlusus, obseratus, ligneâ subscude, catenâ ferreâ.

On dit figurément & bassement, c’est une affaire baclée, c’est-à-dire, conclue & arrêtée, on n’y peut plus revenir.

BACON. s. m. Vieux mot françois, qui se disoit d’un porc engraissé & salé. Il est encore en usage dans quelques Provinces. Du Cange le dérive de l’Anglois bacon, ou de baccho & bacho, qu’on a dit dans la basse latinité en la même signification. Chotier dit qu’il vient du mot grec πακος. On juge par cet Auteur que bacon se dit encore en Dauphiné.

☞ BACONISME. s. m. Philosophie de Bacon, qui le premier combatoit la Philosophie de l’École.

☞ BACOTI. s. f. Nom de la grande Magicienne que les peuples de Tonquin consultent, outre les deux Magiciciens Tai-Bou & Tai-Phomoui. Lorsqu’une mere après la mort de son enfant, veut savoir en quel état est son ame, elle va trouver cette Bacoti, qui se met aussi-tôt à battre son tambour pour appeler l’ame du défunt, qui ne manque pas de paroître devant elle, & de lui dire si elle est bien ou mal. Mor. qui cite Tavernier. Voyage des Indes.

BACQUET. Voyez Baquet.

BACS. s. m. pl. On nomme ainsi dans les sucreries une espèce de grands coffres de bois, dans lesquels on pile le sucre au sortir de l’étuve.

BACTES, ou BABACTES. s. m. Surnoms de Bacchus, qui signifient, crieur, criailleur, de Βάζειν, crier ; parce que les gens qui ont bu, crient ordinairement beaucoup.

BACTRE. Bactrus. C’est, selon quelques Auteurs, le nom anciens d’un fleuve qui a donné son nom à la ville de Bactres. Ils ajoutent que c’est celui qu’on appelle aujourd’hui Bachera nigro, ou celui que quelques Modernes nomment Buschiun ; qu’il se joint au Géhon. Saumaise (Exercitat. in Solinum, p. 985) a prétendu que les Anciens n’ont jamais parlé d’un fleuve qui se nommoit Bactrus ; que Solin, qui en parle, a mal entendu Pline, & mal ponctué le texte de cet Auteur; & que ç’a été la source de cette erreur. Mais Lucain, Liv. III, v. 267, avoit-il aussi mal ponctué & mal entendu le texte de Pline, lui qui vivoit avant Pline ? Q. Curce, qui vivoit en même temps que Pline, dit que le Bactrus passoit au milieu de Bactres, & donnoit son nom à cette ville & à toute la province.

Bactre, se met aussi quelquefois au singulier pour la ville de Bactres, ou pour la Bactriane.

Et met sous ses drapeaux avec la Sythonie
Les Sauvages de Bactre, & ceux de l’Hircanie. Bréb.

BACTRÉOLE. s. f. Terme de Batteurs d’or. On appelle de ce nom les rognures de feuilles d’or. Auri ramenta, laciniæ, tæniæ. On broie avec du miel ces bactréoles, ou rognures, & ensuite on les met dans de petites coquilles de moules ; & cet or ainsi préparé, s’appelle or en poudre, ou en coquille : on s’en sert pour peindre en miniature.

BACTRES. Bracta, orum. Nom d’une ancienne ville d’Asie, capitale d’une province de l’Empire des Perses, nommée Bactriane. Samson & quelques autres disent que c’est Termend, ville peu considérable, au pied du mont Caucase, à 360 milles d’Alexandrie, & à 630 d’Antioche. D’autres croient que c’est Bag-Dasan. Elle a aussi été nommée Zariaspe, Zariaspa. Voyez Saumaise sur Solin, p. 985, & p. 1173.

BACTRIANE. Bactriana. Province de l’ancienne Perse, qui répond à ce que nous appelons aujourd’hui Corasan, ou Carrassan, entre la Perse, les États du Mogol, le royaume de Thibet, & la Tartarie, dont proprement elle fait partie. Elle tiroit son nom de Bactres sa capitale. On disoit au temps de Pline que la Bactriane portoit du blé, dont chaque grain étoit aussi gros que l’est ailleurs un épi entier. Zoroastre, Roi de la Bactriane, passe pour l’inventeur de la Magie & de l’Astrologie. C’est pour cela qu’on le nomme aussi Astrothéates ; c’est-à-dire, Contemplateur des Astres.

BACTRIEN, ENNE. s. m. & f. Peuples qui habitoient autrefois la Bactriane. Bactrius, Bactronus. Mercerus dit que les Cares, les Arcananiens & les Bactriens descendoient de Gether, comme si ces peuples eussent été voisins. Les Bactriens étoient, dit Q. Curce, les meilleurs soldats du monde ; mais ils étoient brutaux, & n’avoient rien de la politesse des Perses.

BACTROPÉRATE, ou BACTROPÉRÈTE. s. m. C’est un nom que l’on donnoit autrefois aux Philosophes par mépris. Il signifie un homme à bâton & à besace ; de βάκτρον, bâton ; & πήρα, poche, besace. C’est S. Jérôme sur le ch. X de S. Matthieu, qui nous apprend qu’on donnoit autrefois ce nom aux Philosophes. Du Cange croit qu’il faut dire Bractopérite, & que c’étoient des voyageurs qui portoient un bâton & du vin dans des outres, ainsi que l’explique Papias, qui les appelle Bactroperitæ. Voyez encore Hérodien, Liv. I, Martial Liv. IV, épigr. 53, & Laërce à l’entrée des vies des Philosophes. Savaron & le P. Sirmond ont aussi parlé du bâton Philosophique sur l’épître II du Liv. IV de Sidonius Apollinaris, & sur la neuvième du Livre neuvième.

☞ BACU. Voyez Baku.

BACUL. s. m. Vieux mot. Ample croupière de bête de voiture, battant sur les cuisses. Bacul de mulet, en latin postilena, à batuendo culo. Ménage. Le cheval dit à l’âne : Pauvre & chétif baudet, j’ai de toi pitié & compassion, tu travailles journellement beaucoup, je l’apperçois à l’usure de ton bacul. Rabelais.

☞ BACULAIRES. Nom qu’on donna à certains Anabaptistes du seizième siècle, qui ajoutoient aux erreurs de ces hérétiques, que c’étoit un crime de porter d’autres armes qu’un bâton, & qu’il n’étoit pas permis de repousser la force par la force, ni de poursuivre quelqu’un en justice pour quelque cause que ce fut.

BACULE. Voyez Bascule.

BACULER. C’est frapper à coups de bâton : de Baculare, qui se trouve en plusieurs endroits, & qu’on peut voir dans le Glossaire de M. Du Cange. Ménage. Le bon Chevalier se print aux cornes de ce diable, & lui en arracha une, dont il le bacula trop bien, & maulgré lui comme victorieux, se départit du lieu, & le laissa comme recreu. Nouvelle nouvelle. On ne le dit plus.

BACULOMÉTRIE. s. f. Science par laquelle on mesure des hauteurs accessibles & inaccessibles avec des bâtons. Ce mot est composé de baculus, bâton, & μετρεῖν, mesurer,

BACUNE. Bacuneus, L’Abbé Serenus appelle un Démon bacuné, un Démon qui tente les hommes de vanité.

BACURDE, ou BACURDUS. Nom d’un faux Dieu, qui ne se trouve que dans deux inscriptions rapportées par Gruter, p. LXXXVI, n.9 & 10.

La première est,
BACVRDO
SACRVM
M. ALBANUS
PATERNVS
OPTIO
V. S. L. M.
TT. SIL. CONS.

Et la seconde,
BACVRDO
SACRVM
T. JVL. FORTVNATVS
PRO SE ET SVIS
V. S. L. M.

Comme ces deux inscriptions ont été prises à Cologne sur deux petits autels, & que ce nom ne se trouve point ailleurs, il est à croire que ce Bacurdus étoit un Dieu particulier de ce pays.

BAD.

BADAGE. s. m. & f. Nom de peuple. Badaga. Les Badages sont un grand peuple de voleurs dans le royaume de Bisnagar, idolâtres & ennemis du nom Chrétien, naturellement féroces, toujours en querelle les uns avec les autres, & toujours en guerre avec leurs voisins. Bouh. Vie de Xav. Liv. II.

BADAJOX. s. m. Ville d’Espagne dans l’Estramadoure, sur le Guadiane, à huit ou dix lieues de Mérida. ☞ Aujourd’hui Badajocium, autrefois Pax Augusta, selon quelques Géographes, & Colonia pacentis, selon d’autres. Quelques-uns écrivent Badajoz, & c’est ainsi qu’on le prononce plus ordinairement. Ce mot s’est formé par corruption du nom latin, qui en Espagnol se dit Paz de Augusto ; d’où l’on a fait Padaugusto, Padajust, Padajos, Badajox. Il ne faut donc pas dire que ce sont les Maures qui lui ont donné ce nom moderne, comme ont fait les Auteurs du Moreri. Badajox a un évêché suffragant de Compostelle. Maty. Badajox est très-bien fortifié, & défendu par le fort de S. Christophle, & par une citadelle. Le Roi (Jean I.) donna à Martin Alphonse la conduite de quelques troupes pour aller former le siége de Badajox. De la Neuv.

☞ BADARA, ou BAGARA, comme écrit Dellon dans son voyage aux Indes orientales. Petite ville des Indes, capitale du pays ou Royaume de même nom, dans la presqu’ile de l’Inde, de çà le Gange, ou Malabar, proche Calicut.

☞ BADASCHIAN, BADACHXAN, ou BUDASCAN, en latin Badachxium. Ville d’Asie, dans le Maurenahar, capitale de la province du même nom. Quelques Géographes la prennent pour l’ancienne Bactres.

BADAUD, AUDE. s. m. & f. Sot, niais, qui s’amuse à tout, & admire tout. Stolidus, stupidus, bardus. C’est un sobriquet injurieux qu’on a donné aux habitans de Paris, à cause qu’ils s’attroupent, & s’amusent à voir, & admirer tout ce qui se rencontre en leur chemin, pour peu qu’il leur semble extraordinaire. Un Charlatan a bientôt amassé autour de lui plusieurs badauds.

Il est un lieu de Mimes habité.
Et de badauds en tout temps fréquenté. R.

Ce moc vient apparemment du moc latin barbare badaldus, fait de badare, qui signifie béer, ou de l’italien badar, qui ne signifie autre chose que regarder ; comme le mot de hâbleur qui vient de l’espagnol hablar, qui ne signifie que parler. On disoit autrefois en françois, bader ; pour dire, tenir la bouche ou la gueule ouverte & béante. Quelques Auteurs dérivent ce mot à bagaudis, qui étoient des rebelles qui firent bien des désordres en France du temps de Dioclétien. M. Huet dit que badaud se dit par corruption pour bidaut, & que bidaut est le même que bedeau.

BADAUDAGE. s. m. Entretien & action, manière de badaud. Stoliditas, stupor. Il a dit, il a fait cela par pur badaudage. On peut voir dans Marot l’épître du Biau fy de Pazy avec la réponse de la Dame, où le vulgaire badaudage & Parisien est fort bien représenté. Mascur.

BADAUDER. v. n. Faire le badaud, s’arrêter à une chose qui n’en vaut pas la peine. Ineptire, oscitare.

BADAUDERIE. s. f. Ineptia. Action, qualité, discours de badaud, sottise. Ce que vous dites là est une franche badauderie. Journel, qui a été mon Imprimeur, ne vouloit pas imprimer ce que j’ai écrit dans mes Origines de la langue française touchant la badauderie de Paris, à cause qu’il en étoit. A Dieu ne plaise, disoit-il, que j’imprime rien contre ma patrie. Sa naïveté m’inspira ces quatre vers.

De peur d’offenser sa patrie
Journel, mon Imprimeur, digne enfant de Paris,
Ne veut rien imprimer sur la badauderie.
Journel est bien de son pays. Menagiana.

BADE. C’est le nom de quelques villes d’Allemagne. Bada, ou Badena. En allemand Baden. Quelques-uns écrivent même Baden en françois mais il est mieux d’écrire Bade, & l’on prononce toujours ainsi.

Bade. Petite ville en Suisse, sur la rivière de Limmal à cinq lieues au-dessous de Zurich. Bada, Badenæ aqua, Castellum aquarum, aqua Helvetia, Therma superiores. Elle est renommée pour ses eaux chaudes & médicinales, & capitale d’un petit comté dans l’Argow. Maty.

Bade en Suabe, à une lieue du Rhin, dans le marquisat de Bade-Baden, à cinq lieues de Strasbourg, & à huit de Spire. Bada, Therma inferiores. Bade est une jolie ville. Elle a des bains renommés. Le marquisat de Bade, Badensis marchionatus, est du cercle de Suabe. Il a au nord le Palatinat du Rhin & l’évêché de Spire, au levant le duché de Wittemberg, & le comté d’Eberstrein, au midi l’Ortnaw ; & au couchant l’Alsace, dont il est séparé par le Rhin. Il est divisé en Marquisat supérieur, ou de Bade Baden, dont Bade est capitale ; & en marquisat inférieur, ou de Bade-Dourlach dont Dourlach est la capitale. Maty. La Maison de Bade est très-noble & très-ancienne. Les uns la font descendre des Rois Goths, d’autres des Ursins, & d’autres des Ducs de Zéringhen, ou des Seigneurs de Véronne. La branche de Bade-Baden est catholique. Celle de Bad Dourlach est de la confession d’Ausbourg. Maty. Le Prince Louis de Bade a été un des plus grands Généraux qu’ait eu l’Allemagne. Voyez Imhoff sur le Marquis de Bade, Notit. Imper. Procer. Lib. IV, C. VIII.

Il y a encore une petite ville nommée Bade, dans l’Autriche, à six lieues de Vienne au midi.

En allemand bad signifie un bain, & baden, se baigner. Tous ces lieux, & beaucoup d’autres, portent ce nom, parce qu’ils ont des bains.

Bade (les dez de). Tessera badentes lusoriæ, qui se trouvent dans beaucoup de collections, ne sont point de véritables pierres. Ces dez sont factices, & quoiqu’on en ait trouvé un assez grand nombre répandus dans les campagnes, aux environs de la ville de Bade, en Allemagne, ils n’en sont pas plus réels. On pourroit présumer que les soldats des légions romaines qui ont campé autrefois dans ces cantons, se sont servi de ces dez pour jouer. D’autres disent que l’on avoit institué dans ces mêmes pays des jeux en l’honneur de la Déesse Isis, & que ces dez étoient de quelque usage dans ces sortes de fêtes.

BADEAU. Voyez & écrivez BADAUD.

☞ BADEBOU. Petit pays d’Afrique, sur la côte de l’Océan, dans le pays des Nègres, au nord de la rivière de Gambie.

BADELAIRE, ou BAUDELAIRE. Terme de Blason, qui se dit d’une épée courte, large & courbée comme un sabre, ou cimeterre ancien, qui étoit fort en usage chez les Huns. Acinaces. Ce mot se trouve dans plusieurs Auteurs françois, & on croit qu’il vient de baltearis, parce qu’on appeloit autrefois baudel un baudrier.

☞ BADENOTH, ou BADENOCH. Badenacha. ou Badenocha. Province méditerranée d’Ecosse, au sud-ouest de Murray. Riven sur le Spey en est la capitale. Etats près de la grande Bretagne.

☞ BADENWEILER. Bourg & Seigneurie d’Allemagne, en Suabe. Ce lieu appartient au bas Margraviat de Bade.

☞ BADGHIS. Ville d’Asie, dans la Province de Coralsan. Elle donne son nom à une grande étendue de pays, dont Hérat & Meru sont toutes deux capitales.

☞ BADIANE. s. f. Zingi ou Anisum indium. Sorte de fruit qui nous vient de la Chine, de la Tartarie & des Philippines. Il est composé de six à sept capsules disposées en rayons, qui partent du même centre, chacune de ces capsules est un peu oblongue, aplatie, brune ou rougeâtre, & s’ouvre en deux pour laisser sortir une semence lenticulaire, luisante. Ce fruit a l’odeur du fenouil ou de l’anis. On en met dans le chocolat des Indes. L’arbre qui le porte s’appelle Pansi-pansi ; son tronc est gros & branchu ; il s’élève à la hauteur de deux brasses & plus. De ses branches sortent quinze feuilles alternes, & rarement crénelées, pointues, longues d’une palme, et larges d’un pouce & demi. Les fleurs sont, dit-on, en grappes, grandes comme celles du poivre & paroissent comme un amas de plusieurs chatons.

BADIGEON. s. m. Terme de Maçonnerie. Prononcez comme s’il s’écrivait badijon, sans faire sonner l’e. Couleur jaunâtre dont on peint les murailles. C’est un mortier qui se fait des recoupes de pierre de taille, dont on enduit & on colore le plâtre, pour le faire ressembler à de la pierre de taille. On croit souvent que des chaînes, des murailles, des tableaux, des croisées sont faites de pierre, & ce n’est qu’un enduit de plâtre coloré avec du badigeon. Incrustamentum lapideum.

Les Sculpteurs appellent aussi du badigeon, du plâtre délayé dans une jatte, qui leur sert à remplir le creux de leurs figures, à en réparer les défauts, & les faire paroître d’une même couleur. Incrustamentum gypseum.

BADIGEONNER. v. a. Prononcez badijonner. Colorer avec du badigeon. Les Maçons enferment les enduits de mortier par des naissances badigeonnées. Lapideo incrustamento induere. Badigeonner un mur.

Badigeonner, chez les Sculpteurs c’est enduire ou remplir des creux avec du badigeon.

BADIN, INE, adj. Folâtre, enjoué, qui s’amuse à des bagatelles. Nugator, joculator. Les enfans sont naturellement badins. Il n’y a rien de plus agréable qu’un amour badin. Il avoit un tour admirable dans son esprit enjoué & badin. Rab.

☞ On dit substantivement, c’est un badin, un petit badin, un aimable badin.

Ce mot, selon M. Huet, vient de l’hébreux בדים menteurs, qui se dit particulièrement des Astrologues ou du Chaldéen בדין, devins.

Badin, ine, se prend aussi pour sot, ridicule. Ineptus. Il nous vient étourdir de ses contes badins. Mol.

Badin, s’est pris substantivement pour dameret, damoiseau, jeune homme affecté dans sa politesse & ses manières. Il fait beau voir un homme si crotté & si mal peigné que toi, parler des affaires de la Cour, comme feroit le plus fringant dameret, & le plus frisé & empoudré badin de tous ceux qui la fréquentent. Mascur. Aujourd’hui on ne parleroit pas ainsi.

☞ BADINAGE. s. m. Action de celui qui est badin, folâtre, Jocus, nuga.

Badinage, signifie aussi en matière de galanterie, enjouement, manière de dire agréablement les choses, petits riens qui amusent des amans. Ainsi Sarrasin a dit, que Voiture avoit fait, je ne sais comment, les muses à son badinage.

Imitons de Marot l’élégant badinage. Boil.

Ils s’occupent tantôt d’un simple badinage,
Qui des tendres amours est le charmant partage. Font.

Badinage, se prend quelquefois dans une signification plus étendue, & signifie tout ce qui est agréable & délicat dans les manières, dans les ouvrages d’esprit : en ce sens on l’oppose aux sérieux.

 
C’est trop que d’avoir en partage
Et les talens du sérieux,
Et l’agrément du badinage. Div. de Seaux.

Quand de tes vers l’élégant badinage
Sans nul pardon jetta son livre au feu,
Trop tard connut que ce n’étoit un jeu, &c.

On le prend encore dans un sens qui a quelque chose de figuré, pour des mouvemens, des manières agréables qui font plaisir.

Ou chaque Nimphe en sa fontaine
Répand aux environs une douce fraîcheur :
Ou par d’innocens badinages,
Par de tendres gazouillemens,
Toutes font mille amusemens
Au travers de mille boccages. P. Buffier.

Badinage, signifie aussi, manière sotte & ridicule. Ineptia. Je laissai passer tout ce badinage, où l’esprit de l’homme se joue de l’amour de Dieu. Pasc. Et que prétendez-vous avec ce badinage. Mol.

On dit aussi, qu’un valet est fait au badinage de son maître, lorsqu’il sait tous ses petits secrets ; qu’il s’accommode à ses façons de faire, à certaine manière particulière d’agir.

BADINANT. s. m. Quelques-uns appellent ainsi un cheval qu’on mène après un carrosse attelé de six chevaux, afin qu’on le puisse mettre à la place de quelqu’un des autres qui se trouverait hors d’état de servir. On l’appelle aussi le volontaire. Au Parlement de Paris on appelle badinant le Conseiller qui est le neuvième dans sa chambre, & qui n’est des Grands Commissaires que quand l’un des huit plus anciens que lui est absent.

BADINEMENT. adv. D’une manière badine. Jocosè. Cet amoureux tout badinement a découvert sa passion. Pégase s’agenouilloit badinement quand Voiture le montoit. Sar. On ne le dit plus.

☞ BADINER, v. n. Jouer, s’amuser à des jeux d’enfans. Nugari. Les enfans badinent avec tout ce qu’ils trouvent. Cet homme ne fait que badiner.

Badiner, signifie aussi, se jouer agréablement, dire les choses d’un air fin & plaisant. ☞ Mettre une sorte de galanterie & d’agrément dans la conversation, dans la manière d’écrire. Un galant homme sait badiner agréablement. Les gens qui n’ont étudié que le monde savent d’ordinaire l’art de badiner avec esprit, & de railler finement dans les conversations enjouées. Bouh. Pour badiner de bonne grâce, il faut beaucoup de politesse. La Bruy.

Ce n’est pas qu’une Muse un peu fine
Sur un mot en passant ne joue & ne badine. Boil.

Badiner, se dit aussi de plusieurs petits ornemens qu’on attache ; & signifie, avoir un petit mouvement agréable, voltiger. Nutare. Il faut que cela badine un peu. ☞ Cette dentelle, ce ruban badine agréablement.

Badiner, v. a. Terme du style familier. Badiner quelqu’un, disent les Vocabulistes, c’est le railler, s’en moquer. Non, ce n’est pas s’en moquer. La moquerie est offensante, parce qu’elle est le langage & l’expression du mépris : & badiner, non-seulement ne présente point, mais paroît même exclure cette idée. Badiner quelqu’un, c’est le railler d’une manière agréable, capable d’amuser & de faire rire, sans l’offenser. Cavillari, jocari. Nous l’avons bien badiné. Elle a badiné les autres, mais elle a été badinée à son tour.

BADINERIE. s. f. Chose frivole, enjouement, badinage agréable. Jocus, ludus, nugæ. On gagne plutôt une femme avec des badineries, qu’avec des entretiens sérieux. Ce qui n’est qu’une badinerie pour un séculier, est un crime dans un Ecclésiastique. Ménag. La badinerie a des agrémens qui l’emportent sur le sérieux dans la société civile. S. Evr. On dit aussi, qu’un ouvrage ne contient que des badineries, quand il n’y a rien de sérieux, ni de solide. Les génies les plus élevés tombent quelquefois dans la badinerie. Boil. Badinerie a quelque chose de moins bon que badinage, soit pour le sens, soit pour l’élégance.

BADINES. s. f. pl. Pincettes légères qu’on appelle ainsi, parce qu’elles servent à badiner & à s’amuser en arrangeant quelques charbons ou petits tisons.

☞ BADIOU. Rivière de France, en Gascogne. Elle arrose l’Archiprêtré de Thursan, dans le diocèse d’Aire, & se décharge dans la Baux, au-dessous de la ville de Buaves.

☞ BADKEIST. Ville de Perse, petite, mais agréable. Les Géographes du pays lui donnent 85d. 32’ de longitude, & 35d. 20’ de latitude. On la croit la même que Badghis.

☞ BADONWEILLER. Gros bourg du duché de Lorraine, entre la petite ville de Baccara, & celle de Salm.

BADOULAGES, ou BADOLAGES. s. m. pl. Criminationes. On appelle ainsi à Beauvais, des rapports que l’on fait les uns des autres. En Basse-Normandie, on dit un bagoulier ; pour dire, un médisant. Ménage.

BADUHENNE. s. f. Baduhenna. Corn. Tacite, à la fin du IVe Livre de ses Annales, dit qu’un corps de 900 Romains, fut défait dans le pays des Frisons, en un lieu qu’on nommoit le bois de Baduhenne. Cluvier, Germ. Ant. Liv. I, pag. 222, croit que Baduhenne étoit une Déesse des anciens Frisons, & il interprète ce nom principe, parce que Badon en Arabe a cette signification,

BADUKKA. s. m. C’est le nom propre du Capparis arborescens Indica, flore tetræpetalo. Le suc que l’on tire des feuilles, mêlé avec la graisse d’un sanglier, compose un liniment pour la goutte. La décoction des fleurs & des feuilles donne une liqueur purgative, dont la fumée déterge les ulcères de la bouche. Le fruit pris dans du lait rend impuissant. Ray. Hist. Plant.

BÆ.

☞ BAEÇA. Ville d’Espagne, dans l’Andalousie, au royaume de Jaën. C’est la Vitia des anciens. Son Evêché a été transféré à Jaën. Il y a une espèce de petite académie, fondée par Jean d’Avila.

Baeça, est aussi le nom d’une ville assez considérable du Pérou, dans la province de Los-Quixos, à dix-huit lieues de Quito.

BAER. v. n. Vieux mot. Ouvrir la bouche. Il se trouve dans Gilles de Viez-Maisons. Voyez Béer.

☞ BAERIE. s. f. Vieux mot. Air niais.

BAÉTAS. s. m. Les Espagnols & les Portugais appellent ainsi cette espèce d’étoffe de laine non croisée, qui se nomme en France baguette, ou bayette, & qui fait une partie du commerce des François en Espagne & en Portugal.

BÆTIQUE. Grande partie de l’ancienne Espagne. Bætica. Quelques-uns écrivent Bétique, comme on prononce. Les Romains diviserent l’Espagne en Tarraconoise, en Bætique, & en Lusitanique, ou Lusitanie. La Bætique comprenoit les Bastules, les Turdules, & les Turdetans. Elle étoit séparée de la Tarraconoise par les montagnes d’Idubéda & d’Orospéda, qu’on nomme maintenant la Sierra d’Alcaraz. La Guadiane la séparoit de la Lusitanie, & elle avoit au midi l’Océan, la mer Méditerranée, & le détroit de Gibraltar. Les Turdetans, occupant la plus grande partie de la Bætique, lui donnoient quelquefois le nom de Turdetanie, Turdetania. La Bætique étoit divisée en quatre Juridictions, qu’on nommoit Conventus Juridici, & comprenoit l’Andalousie & le royaume de Grenade. Maty. Aben Joseph, roi de Maroc, dépouilla Alphonse, roi de Castille, de la Bætique, en 1195, & les Maures l’ont possédée jusqu’à Ferdinand & Isabelle. Quelques Auteurs font ce nom adjectif, & disent l’Espagne Bétique. Les laines Bétiques étoient célébres dans l’antiquité. Tertullien dit, de Pallio cap. 3, qu’elles étoient naturellement colorées, parce qu’elles étoient noires.

Ce nom vient de Bætis, nom ancien d’un fleuve qui arrose ce pays, & qu’on appelle aujourd’hui Guadalquivir. Quelques-uns dérivent le nom Bætis, de בת, bath, mot punique ou carthaginois, qui signifie pernoctare, comme en chaldéen. Bochart, dans son Chanaan, Liv. I, chap. 34, prétend qu’il vient de ביצי, autre mot punique, qui signifie marécageux, de בץ, boue, limon, bourbe ; qu’il fut ainsi nommé parce qu’il forme trois lacs, le premier à la source, le second proche de Cordoue, & le troisième vers son embouchure ; que c’est encore pour cela que les habitans, au rapport d’Etienne de Byzance, le nommoient Perca, c’est-à-dire, ברכה qui signifie étang. Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile, & sous un ciel doux, qui est toujours serein. Le pays a pris le nom du fleuve, qui se jette dans le grand Océan, assez près des colonnes d’Hercule. Fenel. Telem.

BÆTYLE. s. m. Terme de Mythologie. Batylus. Selon Priscien, c’est le nom que les Grecs donnoient à la pierre que les Latins nomment Abadis, & que Saturne dévora au lieu de Jupiter. Hésychius & l’Etymologiste Grec sont de même sentiment. L’Etymologiste, en un autre endroit qui est corrompu, & qu’il faut corriger par Phavorinus, dit que Bætyle étoit une pierre qui s’étoit formée proche du Liban, montagne de la ville d’Ilion, Ἰλίου, ou plutôt, comme les savans ont corrigé, Ἡλίου, c’est-à dire, de la ville du Soleil. Sanchoniaton, dans Eusèbe, Præp. L. I, dit que le Dieu Uranus inventa les bætyles, fabricant, dit-il, des pierres animées. Philon de Bibles dit la même chose. Photius rapporte, pag. 1062 & 1063, que Damascius, Auteur païen, fort superstitieux, qui vivoit sous Justinien, racontoit qu’il avoit vu la pierre bætyle qui se mouvoit en l’air ; & que le Philosophe Isidore disoit que c’étoit un Démon qui lui donnoit ce mouvement. Le même Damascius disoit qu’il y avoit des bætyles consacrés à plusieurs Dieux différens, à Saturne, à Jupiter, au Soleil, &c. Lampridius parle de pierres semblables, qui étoient dans le Temple de Diane, à Laodicée, in Anton. hel. cap. 7. Voilà à peu près tout ce que l’antiquité nous enseigne des bætyles. Sur cela quelques-uns jugent que ce n’étoient que les pierres informes, dont les Idolâtres représentoient leurs Dieux avant l’invention de l’art de la Sculpture. Bochart, Chanaan, Liv. II, chap. 2, croit que les Phéniciens imitèrent ce que Jacob avoit fait, lorsqu’après la vision de l’échelle mystérieuse, il éleva une pierre au même lieu ; qu’il nomma béthel, versant de l’huile dessus ; & que c’est de-là que vint cette coutume, & le nom bætyle, qui fut donné à ces pierres. Il croit, conformément à cette conjecture, que Sanchoniaton n’avoit point dit que ces pierres étoient animées, mais qu’elles étoient ointes ; que le texte de cet Auteur s’étoit ensuite altéré, ou qu’on avoit mal lu, & que de נשפים, Naschphim, on avoit fait נפשים, Napschim. Les Juifs ont une tradition qui confirme ceci, & qui dit que cette pierre de Jacob fut d’abord agréable à Dieu ; mais qu’ensuite il l’eut en horreur, parce que les Chananéens transporterent cet usage dans leur idolâtrie. Voyez Scaliger sur Eusèbe, p. 198. Saumaise sur Lampridius cité, Bochart à l’endroit cité ; le Chevalier Marsham, Can. Chron. Sect. IV. Voss. De idol. Lib. VI, c. 39, & ci-dessus le mot Abadir.

BAF.

☞ BAFFA. Quelques-uns écrivent BAFFO, & d’autres BAFFE, avec une terminaison françoise. Bourg de l’Île de Chypre, au bord de la mer. C’est, selon quelques-uns, le lieu où fut l’ancienne Paphos.

BAFFETAS. s. m. Toile toute de fil de coton blanc, très-grosse, qui vient des Indes orientales. Les meilleures sont celles de Surate.

Baffetas, est aussi une étoffe des mêmes Indes, qu’on nomme autrement Shaub.

BAFFRAI. s. m. Vieux terme de fortification. Château, tour. Castellum, turris. S. Louis fit faire deux baffrais, qu’on appelle Chas-chateils. Car il y avoit deux chateils devant le chas, & deux maisons derrière, pour recevoir les coups que les Sarazins jetoient à engins. Joinville. C’est de-là que vient beffroi, qui se dit aujourd’hui. Voyez ce mot.

BAFOUER. v. a. Traiter indignement & avec mépris. Contumelis vexare, illudere. Une des plus grandes souffrances de Notre Seigneur, c’est d’avoir été bafoué & indignement traité par les Juifs. Il vient de l’italien Beffare, moquer. Men.

BAFOUÉ, ÉE part. Irrisus, contumeliâ affectus.

BÂFRE. s. f. ☞ Terme populaire, qui signifie repas copieux, abondant, epulum, epulæ ; & l’action de manger avec excès : epulatio, helluatio. Dans la première acception, on dit qu’il y a bâfre en tel endroit, chez un tel. Dans la seconde, on dit aimer la bâfre, plonger à la bâfre.

BÂFRER. v. n. Terme populaire, qui signifie manger goulûment, manger avec avidité, avec excès. Gulosè & voraciter convivari, epulari indecoré, helluari. Ces deux Procureurs bâfrent tous les jours ensemble. A voir bâfrer cet homme, il donne de l’appétit.

BÂFREUR. s. m. Gourmand, grand mangeur. Helluo. Entre les différens Gilles des Tabarins & autres Pantomimes, il y en a un qui s’appelle Gilles le bâfreur.

BAG.

BAGACE. s. f. On nomme ainsi dans les Sucreries des Îles Antilles les cannes de sucre, lorsqu’elles ont passé par le moulin pour les briser & en tirer le sucre. Les bagaces servent à faire cuire le sucre dans les chaudières, & à faire des flambeaux pour éclairer la nuit. Pour faire ces flambeaux, on fait sécher les bagaces au soleil, puis on en prend trois ou quatre, suivant la grosseur qu’on veut donner au flambeau, qu’on lie d’espace en espace avec des aiguillettes de Mahot, de mibi, ou autre espèce de lianne. Il faut enter plusieurs bagaces les unes sur les autres, afin de faire un flambeau de sept ou huit pieds de hauteur, parce que la matière qui est très-combustible va fort vite. Le P. Labat, Voyage de l’Amérique.

BAGAGE. s. m. Hardes, meubles, ustensiles, équipage de guerre, ou de voyage. Impedimenta, farcina.

Bagage, se dit aussi en nom collectif de tout l’équipage d’une armée, même de l’artillerie. On a défait les ennemis, pillé & enlevé tout le bagage. Les valets gardent le bagage. Jean le Breton, Seigneur de Villandry, s’entretenant un jour avec Claude de Lorraine, premier Duc de Guise, d’une bataille du roi François I, contre l’Empereur Charles V, jura qu’il s’y étoit trouvé, & même en un lieu où le Duc n’auroit jamais osé paroître. Celui-ci témoignant être choqué de ce discours, le Breton l’apaisa aussi-tôt, en disant : J’étois avec le bagage.

☞ On appelle gros bagage, celui qui ne sauroit être voituré que par charrois ; & menu bagage, celui qui peut être porté sur des bêtes de somme.

On dit figurément & proverbialement, qu’il faut plier, trousser bagage ; pour dire, qu’il faut s’enfuir, qu’il faut déménager, qu’il faut mourir. Et on dit d’un homme mort, qu’il a plié bagage. On dit d’un homme fort stupide, que c’est un vrai cheval de bagage. On dit aussi qu’on a du bagage logé chez soi, quand on y a logé des filous, ou gens de mauvaise vie, qui à tous momens sont contraints de déménager, d’emporter leur bagage, leurs meubles.

Il vient du mot de bagues, quand il signifie hardes. Ils s’en sont allés bagues fauves, c’est-à-dire, ils ont emporté leur bagage. Et l’un & l’autre, c’est-à-dire, bague & bagage, selon Etienne Guichard, peuvent être pris de l’hébreu בגד beghed, qui signifie habit, harde. D’autres disent qu’il vient de baga, mot de la basse latinité, qui signifie coffre, parce qu’on met le bagage dans des coffres.

☞ BAGAMEDRI. Voyez Bagemder, qui est le vrai nom de ce Royaume.

BAGANS. s. m. C’est un mot gascon, qui signifie Pâtres, ou paysans, qui gardent le bétail dans les Landes de Bordeaux, avec une charette sur laquelle ils portent ce qui leur est nécessaire pour vivre, ne se retirant dans leurs maisons que rarement. Peut-être de vagantesMénage.

BAGARRE. s. f. Querelle tumultueuse, émotion populaire qui amasse beaucoup de monde. Pugna, tumultus. Il s’est sauvé heureusement de la bagarre. Ce mot est fait par contraction de battre, & de gare, & n’est en usage que parmi le peuple.

BAGASSE. s. f. Lupa, prostibulum. Vieux mot, qui étoit un terme injurieux dont se servoient les petites gens en se querellant. Ainsi Regnier a dit, Bagasse, ouvriras-tu, en parlant d’une servante. C’est une vieille Bagasse.

Ce mot vient de ce qu’en vieux François on disoit bague ; pour dire, une femme prostituée ; mot dérivé de l’Allemand bag, qui signifie la même chose. Ce mot peut aussi venir de l’Italien, Bagascia, qui selon M. Ménage vient de vagus & vaga, plutôt que de l’Allemand balg, ou bag.

☞ BAGATELLE. s. f. Chose de peu de prix, & peu nécessaire. Il signifie figurément, & c’est son plus grand usage, chose frivole & de peu d’importance, & qui ne mérite pas d’être considérée. Nugæ, frivola. C’est un homme qui s’amuse à des bagatelles. Il a donné cette maison pour une bagatelle. Ce livre n’est rempli que de bagatelles ; pour dire, il n’y a rien de solide. Les bagatelles de Balzac étoient des bagatelles magnifiques & harmonieuses, c’est-à-dire, des paroles vides de sens, qui n’amusent que les oreilles, & qui ne disent rien à l’esprit & au cœur. Vous voilà bien embarrassé pour une bagatelle. Mol. A moi cent mille vers sont une bagatelle. Scar. Ce mot est un diminutif de bague.

On dit absolument, bagatelle, pour faire entendre qu’on ne croit pas, ou qu’on ne craint pas ce qu’un autre dit. Vous croyez réussir en cette entreprise : bagatelle. Vous me menacez d’un procès : bagatelle.

Je suis de Dieu des vers, je suis bel esprit né,
Je sais jouer du Luth, arrêtez : bagatelle.
Le Luth ne pouvoit rien sur son cœur obstiné. Font

Etienne Guichard le dérive de bagad, בגד, qui en hébreu signifie prévariquer, mentir, tromper ; en changeant le ד d en t.

BAGAUDE. s. m. Rebelle, révolté. Rebellis, perduellis, bagauda. C’est ainsi qu’il faut écrire & prononcer, & non point Bacaude ; cependant en quelques lieux, comme en Espagne, il semble qu’on ait dit Bacaude, parce qu’Idacius, dans sa Chronique, parlant des Bagaudes de la Tarragonoise, dit toujours Bacaudæ ; Eutropius aussi, & Orosius Vacaudæ ; mais Prosper d’Aquitiane, dans sa Chronique, Salvien, de Provid. Liv. V. Eutrop. liv. IX, Eumenius, dans son Panégyrique, &c. écrivent Bagaudæ. Chorier dit, dans son Histoire du Dauphiné, que Bagaude signifie en son propre sens habitans des forêts. Il tire cette étymologie de la langue des anciens Allobroges, dans laquell Gau, dit-il, signifie une forêt. Il falloit ajouter avec Hauteserre, qui est du même sentiment, que le B est une préposition qui signifie dans, comme en hébreu, d’où les premières langues étoient toutes descendues. D’autres tirent ce mot du latin. César, disent-ils, avoit laissé à deux lieues de Paris, en un endroit qu’on nomme aujourd’hui S. Maur, sur les bords de la Marne, & à l’entrée d’une presqu’île que fait cette rivière, il avoit mis, dis-je, en cet endroit une Légion Romaine en garnison, pour contenir le pays dans le devoir. On prétend que cette Légion étoit celle qu’on nommoit Legio Alaudarum, & dont les soldats s’appeloient Alaudæ, c’est-à-dire, Alouettes, pour la raison que nous avons dite au mot Alouette. Ces troupes, dit-on, ayant pris alliance dans les Gaules, se multiplièrent jusqu’au point de faire une espèce de nation particulière ; & leur nom qui avoit commencé par une simple désignation de leurs armes, devint un nom de faction. Ils furent si puissans dans la suite, qu’ils se rendirent les maîtres de cette Province des environs de Paris, où leur fort étoit bâti, & lui donnèrent leur nom. Deux de leurs Chefs, Amand, dont on a trouvé quelques médailles avec le titre d’Auguste, & Julien, se firent déclarer Empereurs sur la fin du IIIe siècle. Maximien marcha contr’eux, les défit, & fut pour cela, dit S. Jérôme dans sa Chronique, associé à l’empire. D’Alaudæ, qui fut d’abord leur nom, on fit par corruption Bagaudæ ; & la porte de Paris, qui étoit du côté de leur fort, & par laquelle on y alloit, fut nommée Porta Bagaudarum, la porte des Bagaudes ; d’où ensuite, comme on le voit dans les anciens titres, l’on fit Porta Bauda, d’où est venu le nom de Porte-Baudets, qu’elle a retenu jusqu’à ce jour. Voilà ce que l’on dit sur l’origine des Bagaudes, & sur l’étymologie de leur nom. Voyez le premier tome du Traité de la Police, p. 74. Le P. Pezron & d’autres, pensent qu’il est tiré de Bagat, ou bagad, nom celtique, qui subsiste encore dans le Bas-Breton, & dans la langue du pays de Galles en Angleterre, qui signifie Troupe. Pour moi, je crois que Bagaudæ n’est point un nom propre, beaucoup moins encore qu’il vienne d’Alaudæ ; mais que c’est un nom appellatif, qui vient du celtique בגד, bagad, qui, comme en hébreu, signifioit, prévariquer, être perfide, se révolter. Car c’est là le sens de ce mot ; & c’est pour cela que des Rabbins, des Grammairiens & des Interprètes croient que vêtement, habillement, s’est appelé en hébreu בגד, beghed, c’est-à-dire, prévarication, révolte, parce que c’est à cause & à l’occasion de la désobéissance, & de la révolte d’Adam, que les habits prirent commencement, comme il est rapporté dans la Genèse II, 25, & III, 21. Bagauda vient donc de Bagad, se révolter, & ç’en est, non par le participe actif בוגד, boghed, comme Bochard l’a cru dans son Chanaan, Liv. I, ch. 42, mais le paoul, ou participe passif, בגוד, bagouda, qui signifie perfide, rebelle. Le féminin בגודה, bagouda, est dans Jérémie III, 7, en ce même sens. C’est de là, non pas d’Alauda, qu’on nomma Bagaudæ ceux qui se révolterent. Car 1°. il n’est pas sûr que les bagaudes fussent les soldats de la légion des alaudes. Salvien dit même que ce furent des esclaves ; d’autres, des paysans. 2°. Quand il seroit sûr que ce seroit cette légion qu’on eût ainsi appelée, il ne s’en suivroit pas que ce seroit de son nom alauda, & je ne vois pas d’où viendroit le b & le g, dans bagauda, qui sont les deux principales radicales. 3°. Bagauda signifie révolte, comme il paroît par Salvien & par Prosper. 4°. Ce n’est pas seulement la légion des alaudes, qui étoit en garnison proche de Paris qui fut ainsi nommée ; on donna aussi ce nom à des paysans, & à des esclaves, qui se révolterent dans l’Armorique, & qui en 435, souleverent presque toutes les Provinces d’en deça la Loire. Peu de temps après, c’est-à-dire, en 452, ou 453, on appela aussi bagaudes en Espagne des révoltés, qui se souleverent près de Tarragone : desorte que bagaude se dit, comme nous disons aujourd’hui mécontens d’Angleterre, &c. Telle est la première signification du mot bagaude, parce que les bagaudes pilloient. Salvien & Prosper disent que ce qui fit révolter les bagaudes, ce fut l’avarice & les rapines des Magistrats, ou Officiers. M. de Tillemont parle des bagaudes, Hist. des Emp. Tom. IV, p. 10 & s, 99, & pag. 599, où il montre qu’ils n’étoient point Chrétiens, & que ce ne fut point une révolte de Chrétiens contre les Romains, comme des Sacriléges, ainsi que le dit l’Auteur de la vie de S. Babolin qui n’est que du VIIe siècle. Maximien, selon la vie de S. Maurice dans surius, demandoit deux sermens à ses troupes, l’un de combattre les bagaudes, l’autre de persécuter les Chrétiens avec les bagaudes. Tillem. voyez Salvien Liv. V, de vero Jud. & Provid. Eutrope, Orose sur Dioclétien, Du Chesne Hist Franc. Script. T. I, p. 89, 90, 189, 191, 199, 659, 661, 662.

Il paroît par ce que nous venons de dire, que ceux qui écrivent bachauda, comme Cambden, p. 14, ou bacaudæ, & bacaudes, au même endroit, Sigonius de Imp. Occ. Chorier, le P. Lobineau & Godeau en parlant de ceux d’Espagne, & ceux qui le dérivent de beiclriad, qui en Anglois signifie des porchers, des paysans, se sont trompés, aussi-bien que M. Godeau, quand il dit, Hist. de l’Egl. Liv. III, p. 308, que bagaudes signifie voleurs. Il n’est pas vrai non plus que ce soit Ælien & Amand, les premiers chefs de cette faction, qui aient tiré ce nom de la plus vile populace pour se l’appliquer, comme le dit Chorier. Il semble bien plutôt qu’on le leur donna, & que ce ne fut point eux qui le prirent. enfin le P. Jourdan se trompe aussi quand il dit, Liv. II, p. 93, que les bagaudes prirent ce nom qui marquoit la bassesse de leur condition, ou peut-être le tribut qu’on les forçoit de payer. Quelques-uns les ont appelés aussi baogandes, bacarides & bagarides. Voyez De S. Julien, Antiquités de Bourg. pag. 653. Sarus, Goth de nation, mais attaché au service d’Honorius, fit la guerre à Constantin, d’abord avec assez de succès ; mais il fut bientôt contraint de repasser les Alpes : ce qu’il ne put faire qu’en capitulant avec les bagaudes, espèce de milice du plat-pays, révoltés dès le temps de Dioclétien. M. l’Abbé Du Bos.

Bagaude, s. f. s’est dit aussi pour révolte. Prosper dit dans sa Chronique, Eudoxius… in bagauda id temporis mota delatus, ad Cunnis confugit. Quelques-uns disent que ce nom se donna aussi au lieu qu’ils occupoient, & à tout le pays des environs de Paris, dont ils se rendirent les maîtres. Quelques autres croient que la Bagaude, ou Bagaudie, n’étoit point un lieu fixe, mais que c’étoit l’endroit où les bagaudes étoient en plus grand nombre, où étoit leur principal corps, ou assemblée, leur armée, ou leur camp principal.

BAGDAD, ou BAGDAT, BAGHDAT, ou BAGDET. Ville de l’Asie, située sur le Tigre, qu’on croit être la même que l’ancienne Séleucie. Bagdadum. Elle a environ trois milles de circuit. A trois lieues de Bagdad, entre le Tigre & l’Euphrate, on voit les débris d’une ancienne tour que les Arabes disent avoir été bâtie par un Prince Arabe, qui y allumoit un fanal, pour rassembler ses sujets en temps de guerre. Bagdad est sous la domination du Grand-Seigneur depuis l’an 1638, qu’Amurat l’enleva au roi de Perse. Dict. de Peint. & d’Arch. Du Loi nous a donné la traduction du siége & de la prise de Bagdad, sous le titre de conquête de Babylone, par Sultan Mourat, p. 225 de son Voyage du Levant, & suiv. Sultan Mourat prit Bagdat en 40 jours. Id. p. 245. Cette ville, que quelques-uns prennent sans raison pour l’ancienne Babylone, est à 66d, 1’, 18″ de longitude, & 34d, 30’, 0″ de latitude. Selon Harris & selon Strect, dans son Astronomie, seulement à 62d, 48’, 8″.

☞ BAGE. Petite ville de France, dans la principauté de Dombes, à deux petites lieues de Mâcon.

☞ BAGHAR. Ville d’Asie, dans la grande Tartarie, au pays de Karakitai.

☞ BAGHARGAR, (le) Pays fort étendu de la grande Tartarie. On l’appelle autrement le royaume de Tangu. Voyez ce mot.

BAGHE. Sarcina. Terme de Coutumes. Dans la Coutume de Hainaut, & dans celle de Mons, baghe signifie le bagage qu’on donne à un ladre avant que de le mettre hors d’une ville : ce bagage consiste en un chapeau, un manteau, une cliquette, & une besace. De Lauriere. Baghe, suivant la manière d’écrire de ces pays-là, est la même chose que bague en françois. Voyez Bagage, ou Bague.

☞ BAGIAH, & BAGIAJAH. Ville de l’Afrique. Nous l’appelons aujourd’hui BUGIE. Voyez ce mot.

☞ BAGNACAR. Ville d’Asie, dans l’Indoustan, capitale du royaume de Golconde. On l’appelle aussi Golconde.

☞ BAGNAKIAH. Peuples d’Asie, entre le pays des Korasiens & celui des Grecs, confinant vers le septentrion avec les Russes ou Moscovites. Ce sont les Tartares que nous appelons aujourd’hui Nogaïens ou Nogaiski, vers les embouchures du Volga.

☞ BAGNAREIA. Ville d’Italie, dans l’Etat de l’Eglise, & dans le patrimoine de S. Pierre, avec un évêché relevant immédiatement du Saint Siége, entre Monte-Fiascone & Orvierre. C’est la patrie de S. bonaventure.

BAGNE. s. m. Ce mot signifie le lieu où l’on renferme les esclaves. Ce n’est pas un mot turc dans cette signification. Les Turcs ne le connoissent pas dans leur langue. Il vient de l’italien bagno, qui a cette signification avec celle de bain. Ainsi l’on dit, le bagno de Ligourno, en parlant du lieu où les esclaves sont renfermés. On appelle les lieux où l’on renferme les esclaves en Turquie, bagnes, du mot italien bagno, parce qu’il y a des bains dans la prison où l’on enferme à Constantinople les esclaves du Grand-Seigneur ; ensuite on a donné ce nom à tous les lieux de la même ville où l’on renferme des esclaves. On dit, les bagnes du Grand-Seigneur, pour dire, la prison des esclaves du Grand-Seigneur. De Constantinople l’on a porté ce nom dans tous les autres endroits où les Mahométans sont établis. L’on dit, les bagnes d’Alger ; les bagnes de Tunis ; les bagnes de Tripoli. Dans le bagne de Tripoli est une petite Chapelle où quelquefois il y a des Prêtres captifs qui disent la Messe. P. Dan. Ces bagnes sont d’assez grandes maisons, où il y a plusieurs petites chambres fort basses & sombres, toutes voûtées. En chacune sont renfermés 15 ou 16 esclaves couchés sur la dure, si ce n’est qu’ils aient le moyen d’acheter quelques nattes de palmier. Celui qui a la charge de ces bagnes s’appelle le gardien Bachi, qui a quantité d’Officiers & de valets commis à la garde de ces pauvres gens. S’ils s’échappent, c’est lui qui en doit répondre. Pour empêcher que cela n’arrive, il tient pendant la nuit plusieurs sentinelles en ces bagnes P. Dan. Hist. de Barbarie. A Salé, les lieux où l’on met les captifs ne s’appellent point bagnes, mais Matamoures. Id.

☞ BAGNE. s. m. Terme de Verreries. C’est ainsi qu’on nomme dans quelques Verreries en bouteille le poinçon dans lequel on passe au tamis la terre à pot au sortit du moulin, & la terre grasse bien moulue & bien épluchée, pour faire de l’une & de l’autre la matière des pots. Encyc.

BAGNÈRES. Petite ville de France au comté de Bigorre, en Gascogne. Aquensis vicus, ou aquæ Bigerronum. Elle a été ainsi nommée de ses eaux minérales. Elle est sur l’Adour.

☞ Les deux bains des pauvres, ceux de la goutte, de S. Roch, de la Reine & de l’âne sont au pied de la montagne la plus proche de Bagnères. Le bain du salut est à un quart de lieue de la ville. Celui de la forge, le grand & le petit bain sont dans Bagnères même. Entre les eaux de tous ces bains, on n’a trouvé de différence que dans le degré de chaleur. Ces bains sont très-salutaires & très-fréquentés dans les deux saisons.

☞ BAGNÈRES. Aquæ convenarum. Bourg de France, dans le haut Comminge, dans la vallée de Luchon, au pied des Pyrénées, assez près des sources de la Garonne. Il y a aussi des bains d’eaux minérales.

☞ BAGNEUX. Village de l’Île de France, dans la banlieue de Paris, au midi.

☞ Il y a encore en Bourgogne, dans le pays de la Montagne, paroisse du diocèse d’Autun, un bourg nommé Bagneux-les-Juifs.

☞ BAGNIAS ou VALANIA. Balanea. Petite ville de Turquie, dans la Sourie, sur la côte de la mer, environ à soixante-quatorze mille pas de Tripoli.

BAGNOLE. s. m. & f. Nom d’hérétiques. Bagnolus. On trouve aussi BAJOLE. Bajolus. On les nommoit encore Cazoques, Gazoci, & Concordes. C’étoit une espèce de Manichéens. Voyez Bagnolois.

☞ BAGNOLET. Village de l’Île de France, dans l’élection & dans la banlieue de Paris.

BANOLET. s. m. ou BAGNOLETTE. s. f. Sorte de coiffe, à l’usage des Dames.

Mettez, Belles, vos bagnolets ;
Voici le temps qu’on court aux fraises.
Couvrez vos gorges de colets :
Mettez, Belles vos bagnolets.
On vous fricasse des poulets :
Amours, sans brisser, sont fadaises.
Mettez, Belles vos bagnolets.
Voici le temps qu’on court aux fraises.

Les bagnolettes d’hiver sont de velours, de peluches, de chenilles, & de satin sans envers. On met aux bagnolettes une dentelle de soie noire tout autour. Les bagnolettes d’été sont ordinairement de gaze blanche mouchetée, avec une dentelle de fil ou blonde de soie : quelques-unes sont de Marly, ou entièrement de point, Merc. Mai 1726. L usage s’est déclaré pour bagnolette : il n’y a guère que les gens de Province qui disent bagnolet.

BAGNOLOIS, OISE. s. m. & f. Qui est de Bagnol en Languedoc. Balueoli ortus, è Balneolis.

Bagnolois ou Bajolois, Oise. s. m. & f. Bagnolus, ou bajolus, a. Nom de secte. Les bagnolois sont des hérétiques du VIIIe siècle. C’étoient de vrais Manichéens ; mais ils déguisoient leurs erreurs, aussi-bien que celles des Albanois qu’ils tenoient aussi. Ils rejetoient l’ancien Testament & une partie du nouveau. Ils prétendoient que le monde étoit éternel, & nioient que Dieu créât les âmes quand il les met dans les corps. S. Antonin, Summa Hist. P. IV, Tit. XI, cap. 7. Prateole, & Raynerus contra Valdenses, cap. 6, parlent des bagnolois. Le dernier dit qu’ils furent ainsi appelés de la ville de Bagnols en Languedoc. Les Vaudois ont aussi été appelés bagnolois.

BAGNOLS. Petite ville de France dans le Bas-Languedoc, à deux lieues du Pont du Saint Esprit. Balneolum. Cette ville a 21° 59′ 5″ de longitude, & 44° 40′ 0″ de latitude. Acad. de Montp.

☞ BAGNONE, ou BANONE. Bourg de Toscane, en Italie, sur une rivière de même nom, à deux lieues de la ville de Pontremoli. Bagnona, ou Bondalia.

BAGOÉ. s. f. L’une des Sibylles qui demeuroit chez les Toscans : la première d’entre les femmes qui ait rendu des oracles : elle prédisoit l’avenir par le tonnerre.

BAGUE. s. f. Anneau où il y a une pierre enchâssée & que l’on porte au doigt. Annulus. Il se dit sur tout de celui qu’on donne en la cérémonie du mariage. Scaurus, gendre de Sylla, fut le premier des Romains qui porta des bagues aux doigts.

Ce mot vient de bacca, que les Latins ont dit d’une perle ronde.Ménage, après plusieurs autres. Du Cange le dérive de baga, qu’il dit avoir signifié un coffre dans la basse latinité, d’où il prétend qu’est venu aussi le mot de bagage ; ou bien après l’Elementarium Doctrinæ Rudimentum de Papias, de bauga, ou bauca, qui signinoit des brasselets, que les hommes portoient autrefois, d’où il prétend qu’est venu aussi le mot de bagatelle. Icquez remarque que boug, dans la langue des Francs, baug dans celle des Goths, bagua dans celle des Cimbres, beag & beg dans celle des Saxons, signifient bijou, brasselet, pierrerie ; & il dit que c’est de ces mots, qui sont tous fort approchans, que bague est dérivé. Il ajoute que bigan & bugan veut dire fléchir, courber, & que ce verbe saxon est la racine de tous les mots que nous avons rapportés ici. Etienne Guichard croit qu’il peut être emprunté de l’hébreu בגד, beghed, habit ; car bague signifie meuble, vêtement, comme il paroît par cette phrase, se retirer bagues sauves. Cependant bague en ce sens ne vient point de בגד, beghed, mais de braccæ, braies, habit très-commun chez nos anciens Gaulois. Le même Etienne Guichard dit que bague dans le sens d’anneau vient de l’hébreu שכעה, qui signifie la même chose, en retranchant le ש. Cela ne paroît guère mieux fondé.

Bague d’oreille, est un petit cercle d’or, enrichi de pierreries, que les femmes portent aux oreilles, qu’elles percent à dessein. Monile pensile. On dit aujourd’hui boucles d’oreilles.

Course de bague, Equestris palestra, equestris discursionis genus, equestris decursio, est un exercice de manége que font les jeunes gens, pour montrer leur adresse, lorsqu’avec une lance, courant à toute bride, ils emportent une bague suspendue au milieu de la carrière à une potence.

Bagues et joyaux. En droit. Gemmæ, monilia, vasa, &c. ☞ Sont les ornemens qui servent à la parure des femmes, comme colliers, pierreries & autres choses semblables. Dans tous les contrats de mariage on stipule que les femmes emporteront leurs bagues & joyaux, ou une certaine somme en argent qui leur en tiendra lieu.

☞ Ces ornemens sont meubles, & considérés comme tels, de quelque valeur qu’ils soient : par la raison que ce n’est pas le prix des choses qui les rend meubles ou immeubles, mais leur nature & leur qualité. Ainsi comme la nature d’une chose ne peut être changée par sa rareté, ni par sa valeur, une chose qui est meuble par sa nature, ne peut devenir immeuble, quoiqu’elle soit d’un prix considérable & d’une rareté extraordinaire. Cependant par l’Ordonnance de 1667, les bagues & joyaux de la valeur de trois cens livres & plus ne peuvent être vendues qu’après trois expositions à trois jours de marché différens ; si ce n’est que le saisissant & le saisi n’en conviennent par écrit. Charles IX disoit que sa vie n’étoit pas de si grande conséquence, qu’elle dût être gardée dans un coffre, comme les bagues de la couronne. Brant.

Bagues, signifie aussi tous les meubles qu’on a les plus précieux, soit en argent, pierreries, ou autres choses en petit volume. Supellex pretiosior. Ainsi on dit dans les compositions qu’on fait aux gens de guerre qui se rendent, qu’ils sortiront vie & bagues sauves ; pour dire, avec tout ce qu’ils pourront emporter. Cette manière de parler vient de ce qu’autrefois en France, on disoit bague pour bagage. Et bague en ce sens semble moins signifier des meubles précieux, comme bijoux & pierreries, que des habits, du latin braccæ, partie de l’habillement de nos anciens Gaulois.

On dit proverbialement qu’un homme s’en est allé bagues sauves ; pour dire, qu’il est sorti d’une affaire, d’un procès, du jeu, d’un péril, sans qu’il lui en ait rien coûté. Salvus, incolumis. Salvis vasis, latere tecto evasit.

On dit figurément d’une maison de campagne, ou d’une autre chose de prix qu’on n’a que pour le plaisir, pour l’ornement, & qu’on peut vendre aisément, que c’est une bague au doigt.

Bague, terme de Marine. Nom qu’on donne à une petite corde mise en rond, dont on se sert pour faire la bordure d’un œil de pie, ou œillet de voile.

Bague, chez les Facteurs d’orgues. C’est un anneau soudé sur le corps du tuyau, au travers duquel passe la rosette qui sert à accorder les jeux d’anches.

BAGUENAUDE. s. f. Vieux mot françois. C’étoit une ancienne sorte de Poësie toute masculine, dont la rime étoit mauvaise & peu estimée ; & souvent sans rimes & en galimathias. Pasquier en fait mention au Liv. VII. On en a fait le mot de baguenauder.

Baguenaude, est aussi le fruit d’un petit arbre qu’on appelle baguenaudier. ☞ Ce fruit est enveloppé dans une capsule membraneuse enflée comme une vessie que les enfans font claquer en la pressant entre les mains. Halicacabus, solanum, vesicaria.

BAGUENAUDER. v. n. Faire le badaud, s’amuser à des bagatelles, à des choses vaines & frivoles. Nugari. C’est à nous à rêver & à baguenauder, & aux jeunes gens à chercher de la réputation. Mont. Parmi tant d’admirables actions de Scipion l’aïeul, il n’est rien qui lui donne plus de grâce que de le voir nonchalamment & puérilement baguenaudant, amasser & choisir des coquilles avec Lœlius son ami intime. Id.

Ce mot qui est vieux & familier, vient de ce que les enfans s’amusent avec des baguenaudes, prenant plaisir au bruit qu’elles font en les crevant entre leurs mains ; ou selon Pasquier, de faire des baguenaudes.

BAGUENAUDIER & BAGENAUDIER. s. m. Colutea vesicaria. Arbrisseau branchu, revêtu de deux écorces, l’une cendrée & quelquefois lavée de pourpre, l’autre verte. Ses feuilles sont rangées comme par paires sur une côte terminée par une seule feuille. Elles sont petites, un peu ovales, charnues, molles, lisses & vertes en dessus, plus pâles, & un peu velues en dessous, amères au goût. Ses fleurs sont jaunes, légumineuses ; auxquelles succédent des fruits ou vessies vertes, quelquefois roussâtres, transparentes, qui renferment de petites semences brunes & taillées en rein. Cet arbrisseau vient en Languedoc, & dans plusieurs endroits du royaume : on en trouve aussi dans les jardins. Ses feuilles & ses semences purgent plus violemment que le Séné.

Chomel, dans le Dictionnaire Écon. décrit encore un autre baguenaudier, qu’il appelle l’arbre du raisin. Il est petit, & a la feuille comme le sureau : son bois est fort frêle, les feuilles blanches, & rangées en grappes, de même que le fruit, qui vient dans de petites gousses roussâtres, assez semblables aux poids chiches, quoique plus gros. Il a au dedans un noyau tirant sur le vert, qui est doux à manger, & qu’on appelle Pistache sauvage ; mais il excite à vomir. Il naît dans les forêts. Il fleurit au mois de Mai, & ses noisettes sont mûres en Septembre, & ont les mêmes propriétés que les pistaches.

Baguenaudier. s. m. Celui qui baguenaude. Nugator. Ce mot est vieux en ce sens & du style familier. Voilà un franc baguenaudier.

☞ On appelle encore baguenaudier une espèce de jeu d’enfans.

BAGUER. v. a. Terme de Tailleur d’habits, qui signifie, arranger les plis d’un habit, d’une robe, d’un vêtement, & les arrêter avec une aiguillée de fil ou de soie. Il faut baguer avant que de coudre.

Baguer. Terme de Palais. C’est donner à sa future, ou à sa fiancée, des bagues & joyaux. Sponsæ annulum offerre. Si le fiancé, après avoir bagué sa fiancée, vient à décéder avant les épousailles, elle est tenue de rendre les bagues & joyaux aux héritiers du défunt, ou au marchand qui les a vendus, & qui n’en a pas été payé. Il y a des Arrêts rapportés par Chenu, Centurie 2e. Quæst. 46, un, entr’autres, qui fut rendu le 14 Mars 1619. Jean-Jacques Ragueau, Orfèvre, ayant vendu pour la somme de 487 livres dix-huit sols de bagues à Me André Le-Mort, Avocat à Bourges, pour baguer Catherine Barat sa promise, & ledit Le-Mort étant décédé avant la solennisation du mariage, la Cour ordonna que les bagues & joyaux reçus par Catherine Barat seroient rendus à l’Orfèvre. Ce mot n’est pas reçu.

BAGUETTE. Bâton fort menu, plus ou moins long, & de différens bois, suivant son usage. Virga, bacillus

Baguette de fusil, ou autre arme à feu, est une longue verge de bois, ou d’autre matière qui sert à les charger en prenant la poudre & la bourre, & qui se remet dans le fut.

Baguette, se dit aussi des bâtons qui servent à battre le tambour.

Baguette, se dit aussi des bâtons de Fauconniers propres à fourer dans les buissons, & faire partir les perdrix, ou pour tenir les chiens en crainte. Celles des Autoursiers s’appellent chasseoires.

Baguette, en termes d’Architecture, se dit des petites moulures, sur lesquelles on taille certains ornemens, dont on se sert en Architecture & en Menuiserie, qui représentent une baguette. On l’appelle aussi Astragale & Chapelet.

Baguette, en termes de Hongrieurs. Les Hongrieurs nomment ainsi un certain morceau de bois long & rond, qui va toujours en diminuant de grosseur depuis le milieu jusqu’aux extrémités, ainsi qu’une fusée, dont ils se servent pour unir leurs cuirs avec le pied.

Baguette, est aussi chez les Corroyeurs, le morceau de bois sur lequel ils étendent leurs cuirs, pour les sécher chaque fois qu’ils les ont foulés à l’eau.

Baguette, qu’on nomme plus ordinairement bayette. Étoffe de laine non croisée, qui se fabrique dans plusieurs Provinces de France, & qui est propre pour le commerce d’Espagne & de Portugal.

Baguette. Terme d’Artificier. C’est une petite pièce de bois qu’on attache à la fusée volante, & qui doit être de poids égal à la fusée, pour lui servir de contrepoids ; autrement elle ne monteroit pas en l’air. Il y en a de deux sortes, les unes qu’on devroit appeler des fouloirs, sont courtes, eu égard à leur grosseur ; les unes massives, les autres percées suivant leur axe, sont destinées à charger les cartouches des fusées de toutes espèces de matières combustibles ; les autres sortes de baguettes sont longues & minces, pour servir à diriger la course des fusées volantes, en les tenant en situation verticale, la gorge d’où sort le feu tournée en bas.

Baguettes à mêche. Terme de Cirier. Les Ciriers qui travaillent à la fabrique des bougies de table, appellent de la sorte de grosses baguettes d’environ trois quarts de pouce de diamètre, sur lesquelles ils enfilent leurs mêches, à mesure qu’ils les ont coupées de longueur.

Baguettes, s. f. pl. Virgæ. Passer par les baguettes est une punition dont on châtie les soldats qui ont fait des fautes qui ne méritent pas le dernier supplice. On met la Compagnie en deux haies ; le patient tient un faisceau de baguettes, & il en présente une à chaque soldat : après quoi il passe entre les deux haies, les épaules nues, & va d’un bout à l’autre, pendant que chaque soldat lui en applique un coup sur les épaules, & il fait ainsi autant de tours qu’il lui est ordonné. Cette peine est honteuse & flétrissante, comme le fouet par les carrefours ; c’est pourquoi lorsqu’un soldat a passé par les baguettes, il devroit être indigne de servir davantage : mais on le réhabilite en faisant passer le drapeau par-dessus sa tête, au son des tambours, après quoi on fait défenses de lui reprocher la chose, sous peine du même supplice. La peine de passer par les baguettes n’est point flétrissante en Allemagne. On la donne pour la moindre faute, & elle n’est pas plus déshonorante que la prison en France pour les soldats.

Baguette. En termes de Fleuriste on appelle baguettes, les tulipes qui viennent de Flandre ; à cause de la force & de la hauteur de leur tige.

Baguette, en Peinture, est ce que les Peintres appellent appui-main, c’est-à-dire, un petit bâton qu’ils appuient sur leur toile, pour soutenir la main qui travaille avec le pinceau.

Baguette divinatoire. Branche de coudrier fourchue, par laquelle on prétend découvrir les mines, & les sources d’eau cachées sous la superficie de la terre. Celui qui porte la baguette marche lentement sur les lieux où il soupçonne qu’il y a des mines ou des eaux & alors les corpuscules qui s’exhalent du métal, ou de l’eau que l’on cherche, imprègnent la baguette, & la font incliner. Avant le XVe siècle on ne trouve rien sur la baguette divinatoire dans les Auteurs. Depuis qu’on s’en fut avisé, on lui chercha de beaux noms. On l’appela Caducée, la verge divine, la verge d’Aaron. Les uns contestent le fait, & nient que cela soit possible. Les autres se rendent aux diverses expériences qu’on allègue, & en cherchent des raisons naturelles. Ils disent que les particules qui s’élèvent des sources d’eau, ou des métaux imprègnent la verge de coudrier, & la déterminent à se baisser pour la rendre parallèle aux lignes verticales qu’elles décrivent en s’élevant. Ces particules d’eau sont poussées au dehors par la chaleur souterraine, & par les fermentations qui se font dans les entrailles de la terre. Or la baguette divinatoire étant d’un bois poreux, donne aisément passage à ces corpuscules qui sont extrêmement subtils & déliés. Ces vapeurs poussées par celles qui les suivent, & pressées par l’air qui pèse dessus, sont forcées d’entrer dans les petits intervalles de la baguette, & par cet effort elles la contraignent à s’incliner perpendiculairement, afin de se rendre parallèles avec les colonnes que forment ces vapeurs en s’élevant.

☞ On a même attribué à la baguette la propriété de découvrir les trésors cachés, & qui plus est les voleurs & les meurtriers. L’histoire du fameux fourbe Jacques Aymar, qui guidé par la baguette divinatoire, poursuivit en 1692 un meurtrier pendant plus de 45 lieues sur terre, & plus de 30 lieues sur mer, est connue de tout le monde.

Baguette sacrée. C’étoit autrefois une coutume parmi les François, quand ils étoient en guerre, d’envoyer vers leurs ennemis des Ambassadeurs avec de certaines baguettes, qu’ils appeloient sacrées, parce qu’elles étoient les marques de leur commission, & les mettoient en sûreté par le droit des gens contre toutes sortes d’insultes, ou de mauvais traitemens. P. Jourdan. C’étoit comme le Caducée chez les Romains & les Grecs. Tit. Liv. Liv. VIII, C. 20. Rhodig. Lect. Antiq. L. XXI, C.

On dit proverbialement, commander à baguette, commander impérieusement, par une figure tirée de la verge ou baguette que portent les Sergens & Huissiers qui commandent de la part du Roi & de la