Cours d’agriculture (Rozier)/POULARDE, POULE, POULET, POUSSIN, COQ

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 263-288).


POULARDE, POULE, POULET, POUSSIN, COQ. Sous le nom de poule sont connues plusieurs femelles d’oiseaux : il ne sera question ici que de la poule femelle ou coq. Cette famille d’oiseaux est la base fondamentale d’une basse cour ; elle en fait l’agrément, & son produit est considérable, si on sait bien la conduire & si on a fait choix de bonnes espèces ; les unes sont uniquement consacrées à donner des œufs, & les autres à fournir les chapons & les poulardes.


CHAPITRE PREMIER.

Caractère du genre.

M. Brisson, dans son traitë d’Ornithologie, place la famille des gallinacées dans l’ordre second de la classe troisième, qui renferme les oiseaux dont les doigts sont dénués de membranes, les jambes couvertes de plumes jusqu’au talon ; qui ont quatre doigts, tous séparés jusqu’à leur origine ou environ, trois devant, un derrière ; & le bec en cône courbé. Dans cet ordre sont compris le dindon, le coq, la peintade, la gelinotte, la perdrix, le faisan..

Le coq forme le troisième genre & les caractères qui le distinguent, des autres, sont d’avoir, 1°. quatre doigts dénués de membranes, trois devant, un derrière ; tous séparés environ jusqu’à leur origine ; 2°. les jambes couvertes de plumes jusqu’au talon ; 3°. le bec en cône courbé ; 4°. deux membranes charnues, longitudinales, pendantes sous la gorge ; 5°. une crête membraneuse sur le front.

Toutes les espèces qui composent ce genre, ne sont, à bien prendre, que des variétés du coq & de la poule ; puisque toutes les différences qui les distinguent entre elles, se trouvent quelquefois réunies dans le même individu. Cependant on en compte six espèces principales, parce que les marques qui les caractérisent se perpétuent constamment dans leurs petits, pourvu que les pères & les mères n’aient point été mêlés avec d’autres espèces.

La queue, dans ce genre d’oiseau, est d’une forme tout-à-fait singulière, & ce seroit un caractère très-propre à le distinguer de tous les autres s’il se trouvoit dans toutes les espèces ; mais il y en a une qui en est totalement privée. Cette queue, qu’elle porte droite, est composée de quatorze plumes, dont sept sont inclinées d’un côté & sept de l’autre, de façon qu’elles forment ensemble un angle très-aigu. Cette direction des plumes de la queue est particulière aux oiseaux de ce genre & ne convient à aucun autre genre connu. Ils ont les ailes courtes & qui ne passent pas l’origine de la queue. Les mâles ont à chaque pied un ergot qui devient quelques fois très-long & très pointu.


CHAPITRE II.

Caractère des espèces.

i. Le Coq & la Poule. Gallus versicoLor domesticus. Cet oiseau est si connu qu’il est inutile de le décrire. Il y en a de beaucoup plus grands les uns que les autres. On ne connoît point d’oiseau qui varie autant en couleurs ; elles sont très-vives dans les mâles ; ils portent sur le front une crête membraneuse d’un rouge vif, dentelée comme une scie, & deux membranes de même couleur, charnues, pendantes sous la gorge : au-dessous des oreilles il y a une peau nue, d’un très-beau blanc.

Le mâle diffère de la femelle par les deux plumes du milieu de la queue, qui sont très-longues & courbées en arc ; par les plumes du col & du croupion qui sont longues, étroites, & par des ergots qu’il a aux pieds, tandis que la femelle en est entièrement dépourvue. Il y a cependant des poules à ergots ; on doit les exclure des basse-cours.

i. Le Coq & la Poule hupés. Gallus cristatus. Cette variété diffère des précédentes par les plumes du sommet de la tête, plus longues que les autres, & dont l’assemblage forme une hupe. Le volume & les formes de cette hupe varient beaucoup. Les curieux préfèrent les poules blanches à crête noire, & les noires à crête blanche.

3. Le Coq & la Poule à cinq doigts. Gallus pentadactylus. Le caractère de cette variété est d’avoir cinq doigts à chaque pied, savoir : trois devant & deux derrière.

4. Le Coq & la Poule de Padoue. Gallus patavinus. Cette variété a presque le double de grandeur & de grosseur de nos poules ordinaires ; d’ailleurs elle leur ressemble en tout. C’est ce que nous appelons Poule de Caux.

5. Le Coq & la Poule De Turquie. Gallus turcicus. Ils ne diffèrent des nôtres que par la variété & la beauté de leur plumage.

6. Le Coq & la Poule d’Angleterre. Gallus anglicus. Ces oiseaux ne sont pas plus gros que les nôtres ; mais ils sont plus haut montés. Leurs jambes & leurs pieds sont beaucoup plus longs. Voilà la seule différence.

7. Le Coq Nain & la Poule naine. Gallus pedibus brevissimis. Ces oiseaux sont de même grosseur, & leur plumage varie en couleur comme celui de notre espèce commune ; mais ils ont des jambes très-courtes. De cette espèce dérivent deux jolies variétés, savoir : 1°. Le coq patu & la poule patue, qui ont les pieds couverts de plumes jusqu’à l’origine des doigts ; 2°. le coq & la poule de Bantam, dont les pieds sont couverts de plumes jusqu’à l’origine des doigts, mais du côté extérieur seulement. Ceux-ci diffèrent encore en ce que les plumes de leurs jambes sont très-longues & passent de beaucoup les talons. Le mâle est courageux & hardi ; il se bat volontiers contre les autres coqs, fussent-ils même deux fois plus grands que lui… Ces deux variétés en fournissent encore de nouvelles & sur-tout une qui n’est guère plus grosse que la grande espèce de pigeon.

8. Le Coq & la Poule frisés. Gallus pennis sursùm reflexis ; gallus çrispus, Cette espèce plus singulière qu’agréable à la vue, a toutes ses plumes retournées en haut & comme frisées.

9. Le Coq et la Poule nègres ou de Mozambique. Gallus cristâ & paleis nigris. Celle-ci diffère des autres, non-seulement par la couleur de ses plumes qui sont presque toujours noires, mais encore parce que la crête, les membranes charnues qu’elle a sous la gorge, l’épiderme & le périoste, sont tellement noirs, que lorsqu’elle est cuite il semble qu’on l’ait fait bouillir dans de l’encre.

10. Le Coq et La Poule sans croupion ou de Perse. Gallus uropygio, carens, persicus. Cette espèce ressemble aux autres par sa grandeur, sa grosseur & la variété de ses couleurs ; mais elle n’a point du tout de croupion, & conséquemment point de queue.

11.. Le Coq et la Poule du Japon. Gallus pennis pilorum emulis. Cette espèce est à peu près de même grandeur & grosseur que nos coqs & poules ordinaires. Ils sont couverts par tout le corps de plumes blanches, mais très-singulières ; car leurs barbes ne sont point jointes ensemble comme dans les plumes ordinaires, mais elles sont séparées & imitent assez bien des poils. Leurs pieds sont couverts de plumes jusqu’à l’origine des doigts, du côté extérieur seulement, & le doigt extérieur de ceux de devant est de même couvert de plumes jusqu’à l’ongle[1]. Telles sont les espèces décrites par M. Brisson, & auxquelles on peut rapporter les infinies variétés que l’on rencontre par-tout.


CHAPITRE III.

Des qualités que doivent avoir les coq* & les poules.

Du Coq. On exige qu’il soit d’une taille forte, d’un plumage rembruni ; qu’il ait la patte ferme, grosse, garnie d’ongles, & chacune d’un fort ergot ; que la cuisse soit forte, longue, grosse, bien garnie de plumes ; la poitrine large, le cou élevé & très fourni de plumes ; le bec court & gros ; l’oreille blanche & grande ; les barbes d’une couleur d’un rouge vif, & bien pendantes ; les plumes du col & de la tête étendues jusque sur les épaules ; la crête large, étendue, épatée & d’un beau rouge ; l’aile forte ; la queue grande & repliée en faucille.

On voit quelquefois des coqs, parmi ceux de l’espèce ordinaire, qui au lieu d’une crête simple & élevée l’ont divisée en deux & même en plusieurs pièces ; de manière que leur assemblage ressemble à des caroncules ou à de simples excroissances. Dans plusieurs cantons on rejette les coqs de cette espèce, parce qu’on les regarde comme moins vigoureux que ceux qui ont la crête simple. C’est une erreur, si le coq a d’ailleurs toutes les autres qualités requises. J’en ai la preuve certaine. Tous les coqs de la variété de Padoue, n°. 4, ont la crête bifurquée & aplatie.

Un coq suffit au service de 12 à 15 poules ; un plus grand nombre l’énerve. À trois mois il commence à cocher les poules & c’est trop tôt ; à quatre ans sa vigueur diminue, & la bonne ménagère ne le garde pas dans sa basse-cour. Les ergots annoncent son âge par leur longueur & leur dureté. On le connoît encore par les espèces d’écailles plus ou moins fortes de la pate.

Le rossignol & le coq sont les deux seuls oiseaux connus jusqu’à ce jour qui chantent pendant la nuit ; car on ne peut pas appeler un chant les sons que produisent les chouettes, les hibous, &c. Un bon coq annonce par son chant les heures de la nuit & il est plus sûr qu’aucune horloge. Il sort de grand matin du poulailler, & aussitôt après il examine si toutes les poules sont sorties ; sont-elles pendant le jour trop éparses & loin de sa vue, soit par jalousie, soit par attachement, il les rappelle & les rassemble ; sur le soir son chant annonce l’heure de la retraite, & jamais sultan au milieu de son sérail n’est obéi avec plus de ponctualité & d’attachement.

Le nombre des coqs doit être proportionné à celui des poules, & il vaut mieux en avoir un ou deux surnuméraires si la basse-cour est nombreuse, afin de réparer les peines qui peuvent avoir lieu ou par maladies ou par accidens.

Le peuple est persuadé que les coqs font des œufs, parce qu’on en trouve quelquefois de très-petits & sans jaune. Cette première erreur en a enfanté une autre ; un premier écart conduit au merveilleux ; de ces œufs mis à couvert dans du fumier ou autrement, naît ou un serpent, ou un basilic, ou tel autre animal aussi singulier. Il suffit, pour se convaincre de ces erreurs, de savoir que le premier œuf des jeunes poules est toujours très-petit, que dans le cas présent, le jaune s’est épanché en traversant l’ovis-ductus ; enfin qu’on trouve de semblables œufs pondus par des poules, quoique dans l’endroit, & loin de là, il n’y ait point de coq. Mais c’est trop s’arrêter à combattre un prétendu fait qui est contre toutes les loix de la nature, & pour qu’il fût reçu, il faudroit que le coq fût hermaphrodite, ce que personne n’a encore osé avancer. Voici à l’appui des erreurs un tour de main des charlatans, qui sert beaucoup à les accréditer, & de base à toute espèce de conte de leur part ;… si à un travers de doigt, près des os du crâne, on coupe la crête d’un coq, il se forme un vide dans le milieu des deux membranes extérieures, & si dans ce vide on place un jeune ergot de la grosseur d’une lentille, aussitôt après qu’on l’a coupé au pied d’un poulet, cet ergot maintenu par quelques points d’aiguille, s’adapte entre les deux membranes & s’y greffe tellement, qu’il y croît & s’alonge comme il l’auroit fait au pied du coq, & souvent beaucoup plus. C’est ainsi que l’on parvient à faire des coqs cornus.

2. De la Poule. Une bonne poule doit être de taille moyenne, avoir la tête grosse & haute ; la crête très rouge & pendante sur le côté ; l’œil vif & le cou gros ; la poitrine large ; le corps gros & quarré ; les jambes jaunâtres ; le plumage noir, ou tanné, ou roux, ou pommelé de noir & de blanc. On pense que les grises & les blanches sur-tout pondent moins que les autres. Cette assertion n’est pas bien démontrée ; & j’ose dire que, si toutes les circonstances sont égales, j’aime autant les unes que les autres.

On connoît les jeunes poules à la crête, aux pattes qui sont lisses & douces au toucher ; elles deviennent presque écailleuses en vieillissant ;… le caractère le plus distinctif se prend de l’arrangement des plumes près de l’anus ; dans les jeunes, cette partie se termine en pointe, & à mesure qu’elles pondent & qu’elles vieillissent, la masse des plumes s’écarte & présente une forme presque quarrée.

Les poules ont des ergots, mais très-petits. Si au contraire, & par une bizarrerie de la nature, les ergots s’allongent, on doit chasser de la basse-cour la poule qui en est pourvue. Elle devient farouche, querelleuse & trouble l’ordre de la société. Il en est ainsi des poules qui chantent à la manière des coqs. On diroit que dans ces deux cas la nature s’est trompée dans le sexe, & a donné à ces dernières plusieurs des qualités du coq.

Les poules pondent des œufs sans l’accouplement du mâle ; mais ces œufs qui n’ont point été fécondés ne sauroient éclore.

Quelques auteurs ont avancé que de tels œufs ne sont pas aussi sains à manger que ceux qui ont été fécondés. Cela peut être, mais j’en ai mangé de semblables, que j’ai trouvé aussi bons & qui ne m’ont pas plus incommodé que les autres ; comme rien n’existe en vain dans la nature, il est à croire qu’il est plus prudent de ne manger que les œufs des poules qui ont été cochées.

Il n’est pas rare de trouver des œufs singuliers ; par exemple, un petit œuf renfermé dans un grand, tout aussi bien conforme que lui, & quelquefois l’œuf intérieur sans jaune ; quelquefois un œuf a deux jaunes ou est sans jaune ; un œuf dont la coque est chargée d’une quantité de petits corps blancs de même nature que la coque, & qui affectent plusieurs formes régulières ou irrégulières, enfin qui représentent tout ce qu’une imagination surprise croit y appercevoir.


CHAPITRE IV.

De leur conduite & de leur éducation.

1. Nourriture. La poule est un animal qui s’accommode de tout & même de la chair de ses semblables, lorsqu’elle est cuite ; elle aime toute espèce de grains, si on excepte cependant les vesces sauvages qui croissent parmi les bleds & dont les pigeons sont si friands ; elle recherche avec avidité les laitues & plusieurs autres plantes potagères ; les vers, les insectes & jusqu’aux petites couleuvres sont pour elle un repas délicieux.

Une bonne ménagère, avant de monter sa basse-cour, examine quelle est la quantité & la qualité des provisions dont elle est assurée pour le courant de l’année, & d’après cela elle règle la quantité de sa volaille. Que l’on ne le trompe pas ; un petit nombre de poules bien soignées & bien nourries, rend beaucoup plus que si le nombre est double & les provisions rares. La poule aime beaucoup les alimens cuits & donnés encore chauds ; ce goût décidé multiplie les moyens de la nourrir, & double sa ponte. Après le canard & le pigeon, la poule est un des oiseaux qui digère le plus vite ; heureusement elle n’est pas difficile sur le choix des alimens.

Le premier soin de la ménagère est de faire cuire la veille, & dans les lavures de la vaisselle, les herbages, comme mauvaises feuilles de choux, de raves, de bettes, enfin de toutes les plantes potagères que la saison fournit, mêlées avec du son. Il ne faut pas que ces herbes soient trop cuites. Avant le lever du soleil elle les remet sur le feu jusqu’à ce qu’elles soient pénétrées par la chaleur, elle égoutte le tout & le porte dans une auge ou plusieurs auges établies dans le poulailler & peu élevées de terre. Après qu’elles ont mangé, ce qu’on pourroit nommer leur soupe, on leur donne une certaine quantité de grains qui sont la plupart des criblures de blé, de seigle, d’avoine ou de sarrasin, vulgairement nommé bled noir, du mais, ou bled de Turquie ou gros millet concassé.

Cette manière de donner le premier repas suppose que le poulailler est tenu très-proprement, & qu’aussitôt après la sortie des poules, il est balayé avec soin. On ne sauroit trop recommander la plus exacte propreté, & le propriétaire jaloux de conserver sa volaille, ne sauroit y veiller avec trop de soin ; ainsi que sur la propreté de l’eau qu’on leur donne à boire. (Consultez l’article Poulailler) Si au contraire la ménagère est négligente, si elle aime peu la propreté, il vaut beaucoup mieux faire prendre le repas en dehors, parce que les ordures s’accumuleroient dans le poulailler ; de là, la mauvaise odeur, la fermentation des ordures, leur corruption, enfin le germe le plus décidé des maladies qui attaquent la volaille : abondance d’eau pure, salubrité & quantité suffisante d’alimens, enfin propreté, telle est la base de la prospérité de la volaille.

Je préfère ce repas donné dans l’intérieur, parce que rien ne se perd & les poules mangent jusqu’aux derniers restes. Si on le donne dans la cour, les dindes, les canards, s’y jettent avidement, causent de la confusion, & les canards, sur-tout, absorbent plus de la moitié de la mangeaille. Il vaut beaucoup mieux, & il est plus profitable, de préparer & donner séparément le repas à chaque espèce de volaille. S’il est en grains, tous les pigeons d’alentour fondent dessus » & se glissant entre les poules, ils sont les mieux nourris, parce qu’ils bequettent deux fois quand la poule en bequette une. En séparant les portions, on sait ce que l’on donne, comment & à qui l’on donne, & aucun individu ne souffre. Dans quelques endroits, la ménagère se contente d’appeler la volaille sur les sept ou huit heures du matin, & en hiver sur les neuf heures, pour lui donner son repas. Cette méthode est plus commode pour elle, mais moins profitable aux poules, qui, depuis le moment de leur sortie du poulailler jusqu’à cette heure, perdent leur temps, & ne mettent point autant d’activité à chercher leur nourriture dans le voisinage ; mais une raison plus prépondérante est que le repas donné long-temps après la sortie, dérange la ponte de chaque jour. Ceux qui ont prescrit cette méthode, n’ont pas fait attention que la majeure partie des poules est occupée à pondre depuis sept jusqu’à neuf heures du matin.

Ce repas matinal est de première nécessité pour les poules, même pendant la récolte & la battue des grains. Alors on diminue seulement la quantité des alimens. La poule est un animal si fort d’habitude, que le moindre dérangement la contrarie, & qu’elle sortira très-tard du poulailler & perdra un temps précieux à attendre la nourriture qu’on avoit coutume de lui donner. C’est lorsque toutes les poules en sont sorties, que la ménagère commence à rétablir la propreté, & donner le plus grand courant d’air, afin de purifier celui de l’intérieur & chasser toute l’humidité, car la poule la craint beaucoup. La ménagère balaie exactement, nettoie les bâtons des juchoirs, tourne ou change la paille des nids, lave les auges, les abreuvoirs, y porte de l’eau fraîche, &c. ; c’est par ces petits soins non interrompus, que les poules s’attachent à leur demeure & ne cherchent pas à aller pondre dans tous les coins & les recoins de la ménagerie ; ces pontes cachées sont une preuve non équivoque de leur dégoût pour leur habitation, d’où souvent il résulte une très-forte perte d’œufs pour le propriétaire, La ménagère doit seule entrer dans le poulailler ; la vue d’une personne étrangère dérange & effraie la volaille. Lorsque l’habitude est une fois contractée, la ménagère peut au besoin y entrer plusieurs fois par jour, & la poule même, lors de sa ponte, ne se dérangera pas de son nid.

Pendant toute la journée, la poule va chercher sa nourriture en insectes & en grains. C’est à elle à y pourvoir, & l’on ne s’en met pas en peine, car rien n’échappe à sa vue. La légèreté de la mouche ne sauroit la soustraire à la promptitude & à la sûreté de son coup de bec, d’où l’on doit conclure la nécessité d’éloigner les poules des ruches qu’elles auroient bientôt dépeuplées.

Un peu avant le coucher du soleil, la ménagère appelle ses poules & elles se hâtent d’accourir à sa voix, elle leur donne alors dans le poulailler le second repas préparé comme celui du matin, ferme la trape par laquelle elles sont entrées, & se retire.

On ne sauroit croire combien la nourriture chaude contribue à la conservation & à la bonne santé des volailles, & combien elle augmente la ponte. J’aimerois beaucoup que les grains qu’on leur donne après, fussent cuits avec les herbes ; ils leur profiteroient beaucoup plus. Si on change de temps à autre les espèces de grains destinés à leur nourriture, ce changement leur est très-avantageux ; les pommes de terre, lorsque leur récolte est abondante dans le pays, sont un mets excellent pour elles, sur-tout pendant l’hiver où les insectes & les grains sont peu communs ; le maïs a la même propriété ; le sarrasin leste plus leur estomac qu’il ne les nourrit ; l’avoine les échauffe trop ; les piquans des deux bouts du grain d’orge les fatigue, il convient de la leur donner cuite ; alors elle profite beaucoup. J’aimerois beaucoup mieux que l’on fit moudre l’orge, l’avoine, le sarrasin, le maïs, enfin tous les grains susceptibles de la panification ; que de leurs farines on en constituât une masse dont la ménagère feroit du pain de la même manière qu’on le pratique avec le froment & le seigle, & que de ce pain on en préparât une soupe que l’on donneroit chaude. L’expérience prouve qu’il y a une grande économie de grains, qu’en moindre quantité cette soupe nourrit plus & donne une nourriture bien meilleure. Comme c’est un point de fait, il est aisé de le vérifier. Si on l’adopte, toute la basse-cour y gagnera beaucoup.

Rien n’est perdu avec les poules, mauvais fruits quelconques coupés en morceaux, à demi pourris ou pourris, herbages hachés menus & cuits, en observant cependant que si on donne pendant plusieurs jours de suite des choux cuits & seuls ils relâchent trop ; il en est ainsi des feuilles des cardes-poirées, des bettes-raves, des laitues ; mais si on y réunit des feuilles de céleri, ou tant soit peu de sel, cette nourriture devient aussi saine que les autres. Enfin, dans toutes les balayures & les débris des cuisines, les poules trouvent de quoi manger. On les voit sans cesse gratter dans les fumiers, parce que leur chaleur & les substances animales qu’ils recèlent y attirent beaucoup de vers, & ces vers sont un mets délicat pour les poules. Celui du hanneton, (consultez ce mot) vulgairement nommé turc ou ver-blanc, est leur mets par excellence. On a tort de donner aux poules les vers à soie qui sont morts ou malades. St cette nourriture est abondante elle leur est funeste ; la nymphe de ce ver, lorsque par la filature on l’a tirée de sa coque, n’est pas mauvaise, mais elle le devient si on la leur donne avec abondance.

Dès que le temps des récoltes des grains commence, on ne doit plus leur en donner au repas du matin & du soir ; elles trouvent assez dans la journée. L’avoine & le chenevis demandent à être conservés pour le temps de la sortie de la mue, & sur-tout lorsqu’elles approchent de l’époque des couvées… J’ai dit, dans l’article poulailler, qu’on plante tout autour des cerisiers & des mûriers, non-seulement afin de mettre la volaille à l’ombre pendant les grandes chaleurs de l’été, mais encore parce que ces fruits leur sont très-salutaires. Ainsi ces arbres doivent leur être sacrifiés, & par conséquent on ne doit pas ramasser la feuille des mûriers, si on veut leur procurer de l’ombre & une mûre bien nourrie, & qui ne soit pas aigre.

Les papiers publics ont à différentes fois annoncé comme une découverte nouvelle, la manière de préparer une verminière ; il auroit été plus juste de rendre hommage à celui, qui, le premier, l’a décrite. Écoutons Olivier de Serres, le vrai patriarche des écrivains françois, sur l’agricolture, & que j’aime toujours à citer.

« Du plaisir que la poulailler prend à manger de la vermine de terre, est sortie l’invention de la verminière, profitable en ce ménage ; d’autant qu’avec beaucoup d’épargne, elle aide à entretenir grande abondance de volaille, dont elle est grassement nourrie avec un peu de grain qu’on lui donne d’ordinaire ; ainsi procède-t-on à cet artifice. Une fosse est faite de la figure & de la grandeur qu’on veut, non toutefois moindre en chacune face, étant quarrée de 10 à 12 pieds, & à l’équipolent d’autre figure, profonde de trois à quatre, en lieu un peu pendant pour en faire vider l’eau du fond, de peur d’y croupir ; au défaut duquel lieu, par estre l’endroit en parfaite planure, sans s’arrêter à le creuser, on en élèvera le bas avec de la terre pour la faire vider, & l’enclora-t-on de murailles bien maçonnées de la hauteur de trois à quatre pieds, comme si c’étoit une petite cour. Dans cette enceinte, creusée ou élevée, on mettra au fond un lit de paille de seigle, hachée menue, de la hauteur de quatre doigts ou demi-pied, sur icelui un lit de fumier de cheval, pur & récent, qu’on couvrira de terre légère déliée, sur laquelle on répandra du sang de bœuf ou de chèvre, du marc de raisin, de l’avoine, du son de froment, le tout mêlé ensemble ; ce fait, on retournera à la paille de seigle, & conséquemment aux autres matières ; à savoir, au fumier, à la terre qu’on disposera en litées l’une après l’autre par ordre susdit, chacune de quatre doigts d’épais ou demi-pied, en y ajoutant des autres drogueries comme dessus, & d’abondant fourrant au milieu de cette composition, des tripailles de mouton, de brebis, & d’autres bêtes, telles qu’on pourra rencontrer. Finalement, le tout sera couvert avec de forts buissons qu’on chargera avec de grosses pierres, pour en garder que les vents ne découvrent l’artifice, ni les poules aussi, commettans tel empêchement elles feroient y grattant & bequetant. La pluie donnera dessus pour faire pourrir cette composition, but d’icelle.

» Dans ce mélange, en peu de temps, s’engendrera un nombre infini de millions de vers, lesquels faudra ménager avec ordre, autrement, les laissant à discrétion, les poules les auroient tôt dévorés ».

» En bâtissant la verminière, on y laisse une porte au milieu en l’une de ses faces regardant l’orient ou le midi, laquelle on ferme avec une pierre sèche jusqu’au plus haut ; par cette porte on entame la verminière, ôtant de ses plus hautes pierres ce qui est requis pour l’ouverture, afin de distribuer aux poules la mangeaille qui en est tirée au jour la journée, selon la faculté de la verminière, & la mesure du nombre de la poulaille ; de quoi elle se plaît avec beaucoup d’affection après avoir, mangé le grain que pour l’ordinaire on lui distribue, premièrement le matin au sortir du poulailler. Un homme avec trois ou quatre coups de bêche, tire tous les matins la provision pour tout le jour, sur quoi la poulaille employe le temps, ne cessant d’y béqueter & gratter tant qu’un seul ver y paroît ; serrant cependant à part ce qui reste de la précédente journée, qui, ayant été curieusement recherché, vide de vermine, ne peut plus servir qu’au fumier[2] Toujours par un seul endroit on videra la verminière, sans y faire nouvelle ouverture, moyennant lequel ordre, fournira longuement de vers à la poulaillerie, laquelle en outre aura la liberté d’entrer dans la verminière, par la porte, qu’à telle cause on tient continuellement ouverte ; mais ce ne sera que plusieurs jours après qu’on aura commencé à fouiller dans la verminière, dans icelle s’y étant fait un vide, pour y laisser entrer la poulailler ; à mesure du fouiller, la porte s’abaisse, d’icelle ôtant les pierres de jour à autre, lesquelles on repose à côté pour réitérer le service étant venu jusqu’au fond, ce qu’on fait petit à petit, comme il est dit. Les buissons de la couverture ne seront touchés qu’à mesure que la composition en soit ôtée ; demeurant le reste toujours couvert jusqu’à la fin, de peur du dégât que la poulailler y feroit, fouillant par le dessus, ainsi qu’il a été représenté. Est à noter aussi que la verminière doit être assise en lieu chaud, à l’abri des vents à ce que sans importunité la poulailler y séjourne volontiers.

» Et à ce que telle provision de vermine ne détaille, sera bon de faire deux ou trois verminières pour servir alternativement les unes après les autres, n’en tenant jamais à la fois qu’une ouverte, pour icelle vidée derechef remplie ; par ainsi, la viande,[3] se renouvelant, fournira continuellement moyen de vivre à la poulailler ; mais par être de ménage plus requis en hiver qu’en été ; c’est aussi durant les froidures qu’on s’en sert le plus pour l’âpreté de la saison, qui ne souffre à la terre de produire alors d’elle-même tant de bestioles, herbes, fleurs, fruits, qu’en temps chaud & tempéré, dont poulailler fait son profit ».

J’ai essayé ces verminières, elles m’ont très-bien réussi ; cependant il est bon d’observer que si la volaille les a à discrétion, elle s’engraisse à vue d’œil, & pond beaucoup moins ; le trop dans tous les cas est toujours nuisible. Olivier de Serres les regarde comme très-utiles pendant l’hiver, & il a raison ; mais lorsqu’il gèle bien serré, les vers s’enfouissent profondément, & les poules n’en trouvent plus. D’ailleurs, quand ils y resteroient, ils y seroient engourdis par le froid, & la terre endurcie par la gelée, ne sauroit être divisée par les poules. Il convient donc, vers l’époque du froid, d’entourer la verminière avec du fumier, afin de la préserver des effets de la gelée, d’en retirer chaque jour la quantité dont on a besoin, & de reboucher l’ouverture avec du fumier ; mais comme les poules iroient gratter ce fumier & celui du pourtour, le tout doit être recouvert par des fagots d’épines, & assez serrés pour qu’elles ne puissent les pénétrer.

2. Des couvées. La réussite & les produits d’une basse-cour sont dans la main de la ménagère, c’est-à-dire que la basse-cour rendra beaucoup si la ménagère est active & intelligente, & très-peu si elle est négligente ou sans intérêt. Il est constant que le produit est médiocre lorsque la basse-cour est réservée au propriétaire ; & qu’il est assuré dans les mains du fermier ou du maître valet lorsqu’elle est pour leur compte.

Sans cette précaution, des nichées entières périront. Tantôt les chiens, les chats, les oiseaux de proie, auront dérobé les petits & leurs mères ; on dira que les poules ne pondent plus ou qu’elles pondent peu, &c. Qu’on ne se laisse pas tromper par ces raisonnemens, rien n’est perdu, sinon pour les propriétaires qu’on cherche, par tous les moyens possibles, à dégoûter de la propriété de la basse-cour. Je dirai à tout propriétaire vivant sur ses terres : si vous n’avez pas une personne à votre main, & sur laquelle vous puissiez compter comme sur vous-même, & qui soit en outre active & intelligente, affermez votre basse-cour, & dans le bail à ferme spécifiez qu’on vous donnera tant d’œufs par semaine, tant de poules, tant de poulets, &c., à telle époque. Sans cette précaution, vous les recevrez tous à la fois, c’est-à-dire dans le temps où les poules pondent beaucoup ; mais il faudra vous en passer lorsque les œufs commenceront à devenir un peu rares & à se vendre un peu plus cher au marché. Il en sera de même de la volaille qu’on aura retenue.

La ponte des œufs ne dure pas autant au nord qu’au midi de la France. Ici, elle recommence de meilleure heure, c’est-à-dire en janvier, & continue jusqu’en septembre ; là, elle ne se renouvelle qu’en mars, & subsiste jusqu’aux premières froidures. Sans la vicissitude des saisons, les poules pondroient pendant toute l’année, excepté durant l’époque de leur mue.

On peut donc se procurer une plus grande quantité d’œufs pendant l’hiver, si on établit le poulailler près ou derrière un four, & si à la nourriture ordinaire on ajoute du chenevis ou de l’avoine. Cette assertion est prouvée par le fait ; il suffit de jeter un coup d’œil sur une ou deux poules, soignées dans les villes ou dans les villages par les pauvres femmes ; il est très-rare qu’elles ne pondent chaque jour. J’ai vu une femme qui chaque soir avant que la poule fût se hucher, & pendant l’hiver, lui chauffoit fortement le derrière, & chaque jour elle donnoit un œuf. Il ne faut pas craindre que ce procédé épuise une poule ; on produit par art ce que la nature feroit si les circonstances étoient égales.

L’état dans lequel le trouve la poule dont on attend les œufs pour les faire couver, n’est pas indifférent. Si elle fuit les approches du coq, elle n’est pas allez échauffée ; si elle l’est trop, elle s’accroupit devant lui pour être cochée sans qu’il la sollicite. Dans ces deux cas, plusieurs œufs de la couvée manqueront. Dans le premier, il convient de l’exciter par la graine de chenevis ou par l’avoine qu’on ne lui épargne pas ; dans le second on supprime toute espèce de grains, & on tient la poule à la nourriture des herbes cuites & rafraîchissantes, & on lui prodigue la laitue fraîche & telle qu’on vient de la cueillir. La bonne ménagère ne manque pas à ces petites attentions, & elle étudie la manière d’être de ses poules. Il est confiant que celles qui ont couché pendant tout l’hiver dans un lieu chaud, qui ont été bien nourries au grain, sont les premières à couver ; & les couvées hâtives ont un grand avantage sur les couvées tardives, sur-tout lorsqu’on les destine à donner des chapons ou des poulardes.

Le but des couvées est de multiplier l’espèce ; mais, comme dans une basse-cour bien montée, on remplace chaque année les poules hors d’âge par de nouvelles, la ménagère doit donc observer : 1°. quel est à peu près le nombre nécessaire au repeuplement des poules ; 2°. celui qu’il convient de conserver en chapons & en poulardes ; 3°. enfin, celui des poulets que l’on se propose de vendre ou de garder pour la consommation du ménage. Tous ces objets doivent être subordonnés à la quantité de grains & autres secours qu’on peut se procurer. Beaucoup de volailles mal nourries rendent moins qu’un petit nombre auquel on donne la nourriture qui lui convient, & rien au-delà.

C’est d’après cet examen qu’il convient de le régler sur la quantité & sur la qualité des œufs. Si on veut avoir beaucoup de poulets & beaucoup de chapons, on choisira les œufs pointus ; plus le côté supérieur est rond, & plus on est assuré qu’il en sortira une poule.

Une seconde observation à ne pas négliger, est de ne point mêler dans une même couvée des œufs des poules communes avec ceux des poules de Padoue, ou de telle autre variété de celles-ci qui sont à gros corsage & montées haut sur leurs jambes. Ces grosses poules pondent beaucoup moins que les autres, & leur incubation (consultez ce mot) est plus longue. Il résulteroit de ce mélange que tous les œufs des poules communes seroient éclos, & les autres ne le seroient que plusieurs jours après. D’ailleurs l’éducation des couvées des grosses poules diffère en quelques points de celle des poules ordinaires.

Les poules qui se disposent à couver, pondent chaque jour, & même quelquefois deux œufs dans un jour : le moment où elles cessent de pondre, pronostique celui du couvage ; un second caractère l’indique encore ; on le reconnoît facilement, dit Olivier de Serres, au glousser qui est un continuel & nouveau chant, différent de leur musique ordinaire. Toutes les poules gloussantes & désireuses de couver, ne sont pas propres à couver ; les plus jeunes de deux ans n’y valent rien, ni les grièches, ni les escarabillades & farouches, qu’on appelle aussi enragées, ni celles qui ont des ergots comme des coqs, ains seulement franches & paisibles, d’ailleurs bien complexionnées & fortes de nature[4].

On doit sacrifier quelques œufs quand la poule veut couver, & la laisser dans le nid pendant un jour ou deux, afin qu’elle ait le temps de s’échauffer. On la prend alors, & on la porte dans une pièce consacrée à l’incubation, & garnie d’autant de nids qu’il doit y avoir de poules couveuses. Si on l’a déjà placée dans cette chambre, ce qui vaut beaucoup mieux, on supprime ces œufs, & on lui donne alors le nombre qu’on veut faire couver. Ce nombre varie suivant la saison, à moins qu’elle ne soit régulièrement échauffée. Plus les couvées sont précoces, & moins on doit mettre d’œufs à couver. Lorsque la saison est avancée, on met sous la poule autant d’œufs qu’elle en peut couvrir avec ses plumes & avec ses ailes, parce que la chaleur de la saison favorise celle de l’incubation. Ce lieu exige d’être naturellement chaud ou derrière un four, à l’abri de toute secousse, de tout bruit imprévu, des grands courans d’air, enfin peu ou point éclairé. Toute couveuse craint d’être troublée dans son opération. On place la couveuse dans le nid qu’on lui destine & qu’on a eu soin de garnir du nombre d’œufs nécessaires. Il convient de choisir les plus frais, & du jour s’il se peut ; ils éclosent plus vite que ceux qui sont pondus depuis plusieurs jours ou quelques semaines. La grosseur des œufs & celle de la couveuse décident du nombre qu’on doit lui donner ; de 12 à 15 aux petites poules, & de 15 à 18 aux plus fortes, si elles couvent leurs propres œufs… Pour s’assurer si chaque œuf est bon, on le regarde en le plaçant entre l’œil & une lumière, & on rejette ceux qui ont déjà éprouvé beaucoup d’évaporation. Quelques auteurs, après Olivier de Serres, conseillent de mettre tous les œufs dans l’eau ;… les mauvais surnagent & les bons se précipitent ; d’ailleurs, ajoutent-ils, cette eau leur donne a tous la même température, le même degré de chaleur, & ils éclosent tous en même temps.

La poule couve avec tant de constance & tant d’activité, que souvent elle se laisseroit mourir d’inanition sur ses œufs, si la ménagère n’avoit soin de l’en ôter pour la faire boire & manger, au moins une fois par jour. La poule sait qu’en quittant ses œufs, ils perdent un peu de la chaleur qu’elle a communiquée, ce qui prolonge le temps de l’incubation. Quelques ménagères préfèrent de placer tout près du nid, de l’eau & du grain, afin que la poule puisse manger sans se déplacer. Cet expédient est utile, si chaque jour elle a soin de renouveler l’eau. Toujours est-il vrai que tant que dure l’incubation, la couveuse mange très-peu.

Si on désire connoître la marche de la nature dans la transformation du blanc & du jaune de l’œuf dans la substance du poulet, il faut lire l’article Œuf ; quels sont les soins que la poule prend de sa couvée, consulter l’article Incubation ; enfin, comment il est possible, avec le secours de l’art, d’imiter le travail de la poule sur ses œufs, étudier l’article Mamal.

Olivier de Serres, parlant des erreurs populaires reçues de son temps, & transmises de générations en générations, s’explique ainsi : « Observer le nombre impair des œufs qu’on met couver ; de les fourrer tout à la fois au nid avec un plat de bois, sans être lors licite de les toucher à la main, ni compter un à un ; de mêler parmi la paille du nid des buchettes de bois de laurier, des aulx, des clous de fer, & autres drogueries, pour préserver des tonnerres les œufs dans lesquels ils tuent les poulets jà demi-formés, comme l’on dit, sont des traditions des antiques payens (Columelle, liv. 8, chap. 5.) desquelles aucunes superstitieuses femmes tiennent encore aujourd’hui quelques reliques : à quoi nullement ne faut arrêter pour la ridicule curiosité, ains à ce qui peut avancer l’œuvre par raisonnable jugement ».

Certainement en 1590, époque à laquelle Olivier de Serres composoit son Théâtre d’Agriculture, on n’avoit aucune notion distincte des effets de l’électricité ; aussi ce grand homme ne pouvoit concevoir l’analogie qu’il y avoit entre ce phénomène & l’incubation ; & il n’auroit pas tort s’il avoit prononcé d’après l’expérience & non d’après le raisonnement. Je demande à ceux qui nient les effets de l’action électrique sur les œufs que la poule couve, s’ils décident par le témoignage des autres, ou par conviction intime appuyée sur des faits ? On se hâte de juger & de regarder comme des contes de bonnes-femmes, ce qui paroît extraordinaire. Avant de me décider pour ou contre, j’ai voulu vérifier le fait. Dans la même chambre où j’avois fait placer les nids & les couveuses, j’attachai, sous plusieurs, de petites chaînes de fer qui communiquoient avec le plancher. Plusieurs nids, & en nombre presqu’égal, restèrent isolés suivant la coutume la plus générale ; enfin je rendis, autant qu’il dépendoit de moi, toutes les circonstances égales. On sait que l’année où parurent les brouillards secs, non-seulement les couvées des poules mais encore celles des canards, des pigeons, &c. avortèrent en grande partie, & que les tonnerres & les orages furent très-fréquents. C’est précisément ce phénomène qui m’engagea l’année d’après, à examiner si l’électricité produisoit les effets qu’on lui attribuoit. En conséquences je disposai l’appareil dont je viens de parler. Il y eut également cette année-là plusieurs orages précédés & suivis de tonnerres, par conséquent beaucoup d’électricité dans l’atmosphère, mais pas autant qu’en 1783… Dans plusieurs nids isolés beaucoup d’œufs restèrent sans éclore, & les petits déjà bien conformés y furent trouvés morts, tandis que dans tous les nids qui communiquoient par la chaîne au réservoir général, toutes les couvées vinrent à bien. Si l’électricité atmosphérique influe sur le lait & le fait tourner ; (consultez l’article Beurre) si les pourvoyeurs de marée ont reconnu qu’une verge de fer qui traverse le panier, & qui communique à la terre par une chaîne, conserve leurs poissons & les empêchent de pourrir, pourquoi se refusera-t-on à croire que la trop forte électricité nuit aux poussins dans l’œuf, tandis qu’une simple commotion, qu’une simple étincelle qu’on tire d’eux par le moyen de nos machines électriques, les frappe de mort. Il est bien démontré que dans l’œuf (consultez ce mot) le poussin respire, tandis que dans le ventre de sa mère l’enfant ne respire pas, & que ses poumons ne se développent que lorsque le contact de l’air extérieur les a mis en action. C’est donc à travers les pores visibles & nombreux de la coquille qui renferme le poussin, qu’il pompe un air très-fin ; mais si l’électricité s’y joint, rien ne répugne à admettre la possibilité de ses mauvais effets sur cette frêle machine souvent à peine bien conformée. Quoi qu’il en soit, quand même l’addition de la ferraille sous les nids des couveuses tiendroit à une erreur, cette erreur ne tireroit a aucune conséquence, quand même encore le résultat des expériences que je certifie, seroit l’effet du hasard.

On devroit bien plutôt se recrier contre une pratique abusive & sérieusement prescrite par certains auteurs. Elle consiste a marquer chaque œuf d’un seul côte afin de les tourner deux ou trois fois pendant la couvée. Ce soin n’appartient point à la ménagère, mais à la poule seulement ; non-seulement elle les tourne autant que le besoin le demande, & même elle leur fait alternativement changer de place, afin que la chaleur soit également distribuée. On sent parfaitement que sans cette attention de la poule, les œufs du centre seroient perpétuellement plus échauffés que ceux de la circonférence ; d’où il résulte encore qu’on a grand tort de donner un trop grand nombre d’œufs à couver par la même poule. Dans une basse-cour un peu considérable, on ne s’apperçoit pas si on a deux ou trois couveuses de plus, & cette addition de couveuses fait que tous les œufs d’une nichée viennent à terme à la même époque.

Lorsqu’on a une quantité suffisante de couveuses, il est inutile d’en multiplier le nombre, parce que c’est une perte réelle pour le produit des œufs. Lorsqu’on s’aperçoit que les poules étouffent, on leur retranche toute espèce de grains, & toute nourriture échauffante. Si elles continuent, on les baigne à plusieurs reprises ; on leur donne beaucoup de laitue, enfin on ajoute un peu de nitre à leur eau. J’ai vu une ménagère qui ne cherchoit pas tant façon ; elle portoit sa poule dans un lieu frais, la plaçoit sous une Benne, (conslutez ce mot.) lui donnoit à boire, rien à manger, & la laissoit dans cette prison pendant l’espace de 24, 36 ou 48 heures ; elle perdoit après cela toute envie de couver.

III. De l’éducation des Poulets. Comme elle est partout la même, je vais copier ce qui est dit dans l’ouvrage intitulé, le Gentil-homme cultivateur, qui a copié cet article du Dictionnaire économique de Chomel, lequel l’a puisé dans la Maison rustique, qui l’avoit tiré du Théâtre d’Agriculture d’Oliviers de Serres. « En visitant souvent son poulailler, la gouvernante se trouve à même de secourir les poussins qui veulent éclore, qui quelquefois trop foibles pour pouvoir rompre la coque de l’œuf, languissent & même y périsseent ; dans ces cas, c’est à elle à lever peu à peu dès qu’elle entend le poussin piauler, quelques éclats de la coque, prenant bien garde de ne pas déchirer avec ses ongles le poussin, qui, pour peu qu’il fût blesse, périroit tout de suite : il faut donc vers le 19e ou le 20e jour, qu’elle fasse une visite exacte dans tous les nids pour donner les secours qu’on vient d’indiquer, aux poussins qui ne peuvent pas se faire par eux-mêmes une issue assez grande pour sortir de la coque. »[5]

« Quelquefois ces petits animaux ayant été privés de la chaleur continuelle de la poule, ou par le dérangement des œufs, sont si foibles qu’ils ne peuvent point franchir la coque ; il faut alors faire tiédir du vin avec une partie égale d’eau, on y ajoute un peu de sucre, & la gouvernante trempe son doigt dans le vase où est cette liqueur & en mouille un peu le bec du poussin, qui en piaulant en avale un peu & prend de nouvelles forces. Si la gouvernante a eu l’attention vers le onzième ou douzième jour de mirer ses œufs pour voir s’ils ont pris, elle peut remarquer ceux qui paroissent avoir moins de vigueur que les autres, pour, lorsque la fin de l’incubation approche, donner aux poussins que ces œufs contiennent, les secours dont on vient de parler.

» La ménagère doit, à mesure que les poussins naissent, les laisser sous la mère au moins un jour entier & même davantage en attendant que les autres viennent ; il n’est pas besoin de leur donner de la nourriture. Lorsqu’au 21e jour il y a des œufs qui ne sont point ouverts ou éclatés en quelques parties, & où l’on n’entend point le piaulement des poussins, il faut les jeter.

» Le temps de l’incubation fini, on sort les poussins du nid, on les loge avec la mère dans un grand panier, pour un ou deux jours seulement. Ce panier doit être garni d’étoupes, pour qu’ils n’aient pas froid ; ensuite on les accoutume peu à peu à l’air. On les parfume avec du romarin ou de la lavande, pour les garantir de bien des maladies auxquelles ces petits animaux sont sujets dès l’instant de leur naissance ;[6] mais dès qu’au bout de sept ou huit jours, on veut les accoutumer au grand air, il faut les mettre sous une cage à petites clairières, afin qu’ils puissent, lorsqu’ils veulent courir, entrer, sortir à leur fantaisie, sans cependant que la mère sorte ; par ce moyen ils ne s’écartent pas trop de la cage, craignant de trop s’éloigner de la poule. Cependant on ne les mettra sous le hangar que quand le jour est bien chaud & qu’il fait un beau soleil ; le duvet de ces animaux n’étant point capable de les garantir de la moindre froidure.

» Il faut dans ce commencement être exact à leur renouveler la nourriture, & à leur en donner en petite quantité chaque fois ; le millet crud est celle qui leur convient le plus après l’orge, & le froment qu’il faut faire bouillir ; les miettes de pain trempées dans du vin leur donnent du courage & de la force : si on voit qu’ils ne mangent point de bon appétit, on peut avoir recours aux miettes de pain trempées dans du lait ou dans le caillé. Il est des ménagères qui leur donnent quelquefois des jaunes d’œufs durcis, qu’elles émiettent très-fin. Cette méthode est excellente lorsqu’on s’aperçoit que la fiente de ces animaux est trop liquide, mais dans tout autre cas elle est nuisible, parce que cette nourriture les constipe au point qu’ils meurent subitement. Les porreaux bien hachés menus, dit Olivier de Serres, leur servent de médecin, pourvu qu’on ait l’attention de leur en donner de temps en temps, & en petite quantité. Il faut sur-tout faire en sorte qu’ils ne manquent jamais de nourriture à mesure qu’ils avancent en âge. Pendant le temps qu’ils sont encore sous la tutelle de la gouvernante, le millet est la principale, en supposant toutefois que l’on est dans un pays où l’on cultive beaucoup de ce grain. On doit bien s’imaginer que nous ne prescrivons point ce régime dans les pays septentrionaux, où la dépense qu’occasionneroit l’usage de ce grain, excéderoit de plus des deux tiers le produit des animaux ; il faut donc dans de tels pays substituer au millet le bled-sarrasin ; & afin qu’un tel régime ne leur porte point de préjudice, il faut de temps en temps leur donner de l’orge bouillie, ou des criblures de froment qui, doivent être aussi bouillies, ou enfin des miettes de pain, telles qu’elles tombent de la table. »[7]

» Comme l’air contribue beaucoup à la croissance de ces animaux, pourvu qu’il soit tempéré, l’on ne doit pas être surpris si nous exigeons qu’on les mette le plutôt qu’il est possible sous le hangar pour qu’ils se familiarisent avec ses impressions, faisant en sorte toutefois que le soleil donne dans l’endroit où on les place ; il est vrai que dans le commencement il ne faut pas les y laisser trop long-temps, parce qu’il pourroit altérer leur tempérament qui dans leur grande jeunesse est extrêmement foible & délicat ; il faut par-tout où on les place, que le manger & le boire ne leur manquent point, parce qu’ils béquettent continuellement.

» Lorsqu’ils ont atteint un certain âge, comme, par exemple, 5 ou 6 semaines, on les abandonne aux soins & à la tendre vigilance de leur mère, qui toujours attentive sur tout ce qui environne sa famille, prend soin de les faire manger en les appelant sans cesse dès qu’elle apperçoit quelque chose de propre à aiguiser leur appétit & les couvrant de ses ailes au premier danger qui les menace.

» Lorsque les poulets ont atteint l’âge que nous venons d’indiquer, on peut, pour éviter la multiplicité des poules, confier plusieurs couvées à une seule qui est en état d’en conduire au moins trois douzaines ; par ce moyen on économise, puisque dès qu’on a ôté une bonne poule à ses poussins, elle se remet à pondre, ce qui devient très avantageux.[8].

» On peut encore, d’après Olivier de Serres & d’après Liger, pour épargner des poules, se servir de chapons que l’on instruit à conduire les poulets. On choisit des chapons bien constitués & de gros corsage, qui soient jeunes & éveillés ; on leur plume le ventre que l’on frotte avec des orties, ensuite on les enivre avec de la soupe au vin ; on les tient à ce régime trois à quatre jours pendant lesquels on les enferme dans un tonneau bien couvert d’une pièce de bois percée de plusieurs trous. On les tire de cette prison pour les transporter dans une cage où on leur donne d’abord deux ou trois poulets qui sont déjà assez grands, lesquels en mangeant ensemble se familiarisent avec les chapons qui de leur côté les caressent & les couvrent de leurs ailes ; & comme ces petits soulagent en quelque façon la partie plumée des chapons, ils les reçoivent avec plaisir. En effet, ces animaux devant, pour ainsi dire, ou croyant devoir leur entière guérison aux poulets, portent envers eux la reconnoissance si loin qu’ils ne les abandonnent plus. De sorte que dès que la ménagère s’apperçoit de cette reconnoissance, elle peut leur donner dans la suite, en augmentant chaque jour le nombre, autant de poulets à conduire qu’ils peuvent en couvrir. Cette méthode absurde[9] & dont on vient de voir les prétendues raisons qui le sont encore plus, ne doit point prendre faveur. Nous avons vu des chapons conduire, il est vrai, une bande de poulets ; il est certain qu’ils les couvrent quand ils se présentent & qu’ils les conduisent à la campagne ; mais il s’en faut de beaucoup qu’ils aient cette vigilance active que les poules ont. D’ailleurs si on veut faire usage des chapons, il n’est besoin que de choisir les mieux emplumés, & de leur donner pendant trois ou quatre jours du pain à la main en présence de deux ou trois poulets qui béquettent avec eux. Après quoi, on leur donne seulement une fois du pain trempé dans du vin bien fort jusqu’à ce qu’ils soient ivres. On les met ensuite dans une cage où on leur donne deux ou trois poulets avec lesquels ils vivent & mangent de bonne intelligence. On en augmente ensuite peu à peu le nombre jusqu’à ce qu’ils aient celui qu’on leur destine ».

Si on veut élever avec succès des poulets à compter du moment qu’ils sont éclos, on ne doit jamais perdre de vue ces maximes ; 1°. lieu chaud & exempt de toute espèce d’humidité ; 2°. propreté la plus scrupuleuse ; 3°. nourriture appropriée, abondante & sans cesse renouvelée ; il en est ainsi de l’eau. 4°. mettre les poussins au soleil autant que les circonstances le permettront, & s’il est trop actif, couvrir le haut de la cage avec un linge, une planche, &c. qui les mettra à l’ombre sans les priver de la chaleur.


CHAPITRE V.

Des Chapons.

On donne le nom de Chapon, dit M. Buc’hoz, dans son ouvrage intitulé Traité des oiseaux de basse cour, à un jeune coq auquel on a arraché les deux testicules pour qu’il ne s’épuise point par les plaisirs, qu’il acquiert plus d’embonpoint, & que sa chair en devienne plus délicate. Le coq perd sa voix par cette opération ; mais s’il n’est châtré qu’à demi, il lui reste une voix grêle, & on l’appelle cocâtre ;… pour chaponner les jeunes coqs, on attend qu’ils aient trois mois. On leur fait une incision proche les parties génitales ; on enfonce le doigt par cette ouverture & on emporte adroitement les testicules. On coud la plaie, on la frotte avec de l’huile, & on jette ensuite des cendres pardessus ; après quoi on les tient renfermés pendant 3 à 4 jours, ensuite on les lâche. On coupe ordinairement la crête aux chapons. Une observation à faire, c’est que les poulets de l’arrière-saison ne valent rien pour faire des chapons ; pour qu’ils deviennent beaux, il faut que les jeunes coqs soient en état d’être chaponnés avant la St. Jean. Après l’opération cet oiseau est triste & mélancolique pendant plusieurs jours. La gangrène survient quelquefois au jeune chapon lorsqu’on l’a châtré dans un temps trop chaud, ce qui le fait périr ; il meurt aussi quelquefois quand on l’a mal châtré. Il résulte de l’opération bien faite, que le chapon prend désormais plus de chair, que la chair devient plus succulente & plus délicate, qu’elle donne aux chimistes des produits différens de ceux qu’elle eût donnés avant cette opération. En effet, on lit dans les Mémoires de l’Académie, année 1730, « que l’extrait tiré de la chair du chapon dégraissé, est un peu moins du quatrième du poids total ; au lieu qu’il en fait un dixième dans le poulet & un peu plus du septième dans le coq. De plus, l’extrait de la chair du coq est très-sec, au lieu que celui du chapon est difficile à sécher. Le chapon n’est presque plus sujet à la mue, sa voix devient enrouée & il ne la fait entendre que rarement. Traité durement par les coqs, avec dédain par les poules, il est non-seulement exclus de la société de ses semblables, mais encore séparé de son espèce. Manger, dormir, s’engraisser ; voilà désormais ses principales fondctons… On donne aux chapons pour les engraisser de l’orge ou du froment, ou du son bouilli ; ou bien on leur donne une pâte faite avec la farine de mais ; le sarrasin les engraisse très-bien, ainsi que toutes les volailles. Quand on veut les engraisser vite, on les met sous une mue ; on leur fait de la lisière neuve tous les jours, & on les empâte de boulettes avec du gruau & du lait.[10] Un chapon engraisse suivant cette méthode, est un aliment d’un très-bon suc, il nourrit, restaure & se digère facilement. Un chapon, pour qu’il soit bon, doit avoir une grosse veine à côté de l’estomac, la crête polie, le ventre & le croupion gros. La graisse de chapon est fort émolliente ; on l’emploie à l’extérieur en médecine. »


CHAPITRE VI.

Des Poulardes.

On donne le nom de poularde, continue toujours M. Buc’hoz, « à une poule à laquelle on a ôté l’ovaire pour la rendre grasse & tendre, & stérile en même temps. Cette opération se pratique à peu près de la même manière que celle qui est employée pour ôter au coq ses rognons :… il y a plusieurs manières de les engraisser. 1°. On les enferme dans une chambre où le grain ne leur manque point, ni l’eau ; les meilleurs grains sont l’orge, le froment avec un peu de son bouilli, qu’on leur donne de temps en temps ; 2°. cette méthode exige plus de soins, mais elle est beaucoup plus profitable. On met les poulardes, & même les poules, dans une épinette, qui est une loge faite exprès, où la volaille est fort à l’étroit & chacune séparée des autres. On leur plume la tête & les entre-cuisses, parce que l’on prétend que ces plumes attirent à elles trop de substance, & conséquemment que tout le corps en profite moins. On place ces épinettes dans un endroit chaud & obscur, & on leur crève même encore les yeux.[11] On aura de la farine de millet, d’orge, ou d’avoine qu’on leur fera avaler par morceaux deux ou trois fois par jour : dans le commencement on ne leur en donnera que peu, & de jour en jour on leur en fera prendre de plus en plus, jusqu’à ce que ces oiseaux y soient entièrement accoutumés ; après quoi on les obligera d’en avaler autant qu’ils en peuvent prendre… Lorsqu’on voudra les remplir de cette pâte, on ne manquera pas de leur manier d’abord le jabot, afin que si on le trouve entièrement vide, on ne craigne pas de leur donner à manger ; au lieu que si on s’appercevoit que la digestion ne sot pas encore faite, on attendroit que la nature eût fait ses fonctions, sans quoi ce seroit perdre son temps. La trop grande abondance de nourriture prise coup sur coup, cause des indigestions. Toutes les fois qu’on lui fait prendre cette nourriture aux animaux, il faut en tremper les morceaux pour que cela leur serve de mangeaille & de boisson, car on ne leur donne point à boire. Si on trempe ces morceaux dans du lait, la volaille en est plus blanche & plus délicate. La société d’Agriculture d’Alençon, dit, que pour bien engraisser la volaille, il faut mêler tous les jours dans ce qu’on lui donne à manger, le poids d’un liard de graine de jusquiame (consultez ce mot)… Dans le pays du Mans on met les poules dans une mue ; on leur donne à manger, trois fois le jour, d’une pâte composée de deux parties de farine d’orge & d’une partie de sarrasin, ou de l’orge & du sarrasin moulus ensemble ; la farine sassée & le gros son ôté, on en fait des morceaux un peu plus longs que ronds, de grandeur convenable, & on en donne sept ou huit chaque fois. Dans quinze jours au plus, elles se trouvent chargées de graisse….. Dans quelques endroits, on prend des orties, feuilles & graines, & que l’on fait sécher à propos ; on les met en poudre & on les passe par un tamis ; quand on veut s’en servir, on les pétrit avec du son & avec de la farine de froment ; on les delaye avec des lavures de vaisselle ou avec de l’eau chaude, & on en donne à la volaille une fois par jour….. Dans plusieurs provinces on mêle la farine de mais avec du lait ou du miel. La chair des poules engraissées dans une mue, n’est pas si bonne que quand les poules engraissent lorsqu’elles l’ont en liberté ».


CHAPITRE VIII.

Des Maladies de la volaille.

Nous nous servirons encore de l’ouvrage déjà cité, de M. Buc’hoz, dans lequel l’auteur a fait un résumé de tout ce qui avoit été dit par Olivier de Serre, Liger, Chamel, par M. Hall, &c.

La pépie. « La jeune volaille est très-sujette à cette maladie ; la disette ou la malpropreté de l’eau en est souvent la cause. Quand les poules manquent d’eau, le bout de la langue se durcit & forme cette espèce d’écaille, qu’on appelle pépie, & qui n’est qu’une pellicule racornie qui les empêche de manger. On ne sauroit croire, par exemple, combien l’eau de fumier est préjudiciable à ces animaux s’ils n’y ont recours qu’à défaut d’autre ; on leur donnera, pour obvier, sous un hangar, une eau qu’on aura soin de renouveler tous les jours & deux fois pendant les grandes chaleurs. Il est très-important d’observer à temps les poules attaquées de cette maladie, parce que le remède en est pour lors facile ;… on prend la poule malade, on en assujettit le corps avec ses jambes & on appuie le pouce gauche à un angle du bec & l’index à l’autre ; on lui ouvre par ce moyen le bec, ensuite on gratte légèrement la pellicule avec l’ongle ou avec une aiguille ; on l’arrache & on la sépare de la langue que l’on mouille, après l’opération, d’une goutte de vinaigre ou d’un peu de salive ; M. Dupuis d’Emportes préfère une goutte de lait bien butireux ; on en oint l’extrémité de la langue, qui, comme on se l’imagine, est très-sensible, & on ne donnera à boire à l’animal au moins d’un quart d’heure ».

Maladie du croupion. « C’est une petite tumeur enflammée qui survient & se place à l’extrémité du croupion. Toutes les volailles qui en sont affectées ont le plumage hérissé & languissant ; ce symptôme est le plus caractéristique de cette maladie ; il n’y a aucune équivoque à craindre. Quant à la cause elle est très-ailée à indiquer ; ce ne peut être autre chose qu’un sang épaissi qui communique ce défaut à la lymphe ; aussi l’animal est-il toujours échaufé dans ce cas, & la maladie précédée de constipation… Voici actuellement la méthode qu’on peut employer pour la guérir. On cherche d’abord cette enflure, on l’ouvre avec un couteau bien tranchant, on serre latéralement la plaie avec les doigts, & l’on fait sortir toute la matière ; ensuite on la lave avec du vinaigre bien chaud, & l’on peut être assuré de la guérison. Il y a des femmes qui se contentent d’ouvrir avec une aiguille ; cette méthode est très-pernicieuse, parce que la matière ne trouvant point, relativement à sa quantité & à son épaisseur, une issue assez libre, séjourne, cave en dedans & très-souvent carie l’os, ce qui entraîne le dépérissement de l’animal. [l faut encore observer que la coction de la matière soit faite, ce que l’on reconnoît à un peu de flexibilité dans la tumeur ; autrement l’opération devient très-douloureuse & la cure très-longue. M. Dupuis d’Emportes prétend que l’eau-de-vie tempérée par poids égal d’eau tiède, doit avoir la préférence sur le vinaigre, d’autant que celui-ci par son âcreté crispe trop les lèvres de la plaie… On fera bien de tenir pendant quelques jours les animaux auxquels on fait cette opération, à un régime rafraîchissant, c’est-à dire, de leur donner de la verdure, telle que de la laitue, des cardes poirées, du son d’orge & du seigle bouilli dans une suffisante quantité d’eau ; en suivant cette méthode, on est sûr de ne point perdre de volaille ».

Cours de ventre. « Cette maladie est occasionnée par une trop grande quantité de nourriture humide. Quand les poules en sont attaquées, on fera bien de leur donner pendant quelques jours des cosses de pois, après les avoir fait tremper auparavant dans de l’eau bouillante ; & quand on ne parvient pas à suspendre le flux par ce régime, on fait bien d’y ajouter un peu de racine de tormentille réduite en poudre ; cependant le remède qui produit le plus prompt effet, est la raclure de corne de cerf impalpable ; on en met infuser une pincée dans du bon vin rouge & on en donne sept ou huit gouttes le matin & autant le soir ; mais pour faire usage de ce remède, il ne faut pas que le cours de ventre soit occasionné par une indigestion ; il deviendroit pour lors funeste à l’animal ; aussi ne doit-on l’administrer ni le premier ni le second jour, parce que les indigestions peuvent durer autant ; mais seulement le quatrième & le cinquième, parce qu’alors on peut être sûr que l’animal est attaqué du cours de ventre.»

La Constipation. « On peut l’attribuer à une trop grande quantité de nourriture sèche & échauffante. Les criblures de blé, l’avoine, le chenevis continués trop long-temps à la volaille, la rendent sujette à cette maladie. On la guérit en lui donnant pendant long-temps du pain trempé dans du bouillon de tripes ; mais il arrive quelquefois que le mal ne cède point à ce remède ; il faut pour lors avoir recours à l’écume du pot, que l’on ôte avec l’écumoire ; on y ajoute un peu de farine de seigle avec la laitue hachée bien menu ; on fait bouillir le tout ensemble & on le donne pour le régime ; mais si le mal s’opiniâtre & se refuse encore à ce remède, on aura recours à un peu de manne qu’on délaye dans la composition précédente & à laquelle, pour cet effet, on donne un peu plus de liquidité. On y met tremper du pain, la volaille en mange, & l’expérience prouve qu’il ne se trouve aucune constipation qui ne se dissipe par ce régime ».

Ophtalmie ou inflammation des yeux. « On en distingue deux sortes, l’une qui provient d’une grande chaleur intérieure, & qui reconnoît souvent pour cause le trop grand usage de chenevis & d’autres graines aussi échauffantes, & l’autre est appelée fluxion catarrheuse, qui est occasionnée par une nourriture trop humide, ou par la qualité de l’air qui dans certain temps est si humide & si chargé de brouillards, que les hommes en sont même incommodés. M. Hall dit avoir employé avec succès dans le premier cas, par égale quantité, les herbes appelées, éclaire, lierre-terrestre & anchuse, dont on exprime le suc. Lorsqu’on en a retiré une demi-bouteille, on y ajoute quatre cuillerées de vin blanc, & on en frotte soir & matin les yeux de l’animal ;… dans le second cas, il faut avoir recours à l’eau-de-vie, mêlée avec une égale quantité d’eau ; en frotter matin & & soir les yeux de l’animal ; avoir attention de lui donner pour nourriture des graines échauffantes, telles que celles de spergule & des criblures de froment, & tous les matins du son de froment bouilli dans les lavures de vaisselle ; & quand ce régime ne suffit pas, on a recours au remède suivant. Prenez un peu de manne & une pincée de rhubarbe, pétrissez bien le tout ensemble avec une suffisante quantité de farine de seigle, sur laquelle vous laissez tomber neuf à dix gouttes de sirop de fleur de pêcher ; donnez à ce mélange la forme & la consistance de pilulles de la grosseur d’un pois ; faites-en avaler deux le matin & deux le soir. On aura soin de frotter deux fois par jour les yeux avec le premier collyre indiqué, & l’animal se trouve guéri radicalement. »

Vermine. « Cet animal est attaqué d’une vermine particulière, qui le tourmente beaucoup lorsqu’on n’a pas l’attention de le tenir proprement. Quant à celle qui inquiète la volaille & altère considérablement sa santé, elle n’est occasionnée que par les ordures qu’on laisse vieillir dans le poulailler. Lorsque la volaille en sera attaquée, on fera bouillir un quart de livre d’hellébore blanc dans quatre pintes d’eau, jusqu’à réduction d’une pinte & demie ; on passera cette liqueur à travers un linge, & on ajoutera une demi-once de poivre & autant de tabac grillé. On lavera avec ce mélange l’animal, qui après deux ou trois bains de cette espèce n’aura plus de vermine.[12] »

Ulcères. « On remarque souvent sur le corps de la volaille de petites tumeurs ulcéreuses qui la font languir ; lorsqu’on la voit abattue & son plumage hérissé, c’est le symptôme caractéristique de cette maladie,[13] Elle n’est occasionnée le plus souvent que par une eau de mauvaise qualité ou par une mauvaise nourriture ; il faut avoir recours pour la guérison au remède suivant. Faites fondre ensemble une égale quantité de résine, de beurre, de goudron, faites-en un onguent dont vous frottez la partie affectée, après cependant l’avoir délayé avec du lait chaud coupé d’une égale quantité d’eau : deux ou trois pansemens sont pour l’ordinaire suivis de la guérison.[14] »

Le Catarrhe « est une fluxion ou une espèce de distillation d’humeurs qui attaque les poules lorsqu’elles ont été pendant long-temps exposées au froid ou au gros soleil. Il est aisé de reconnoître quand elles sont attaquées de ce mal ; elles reniflent souvent, ont un râlement qui leur cause quelquefois des mouvemens convulsifs ; elles s’efforcent de repousser la matière âcre qui leur tombe dans le gosier, & en effet, elles expectorent quelquefois, mais jamais suffisamment pour se guérir. Cette humeur acquiert, de transparente qu’elle étoit, la consistance & la couleur qui constituent le pus ;… les poules sont dégoûtées & ne mangent qu’avec répugnance. Pour faciliter l’écoulement du pus, on leur traverse les naseaux avec une petite plume ; & lorsque la fluxion se jette, comme il arrive quelquefois, sur les yeux ou à côté du bec, s’il s’y forme une tumeur, il faut l’ouvrir & faire sortir la matière, bien déterger la plaie avec du vin chaud & y mettre ensuite un peu de sel broyé très-fin.

L’Etisie ou Phtisie. « Cette maladie est pour l’ordinaire précédée de l’hydropisie. La cause est ou dans le gésier, ce qui approche beaucoup de l’hydropisie de poitrine des hommes, ou elle est dans les intestins, ou enfin dans les vaisseaux cutanés. Dans le premier cas, cette maladie est très curable : il suffit de leur donner pour toute nourriture de l’orge bouillie mêlée avec la poirée, & pour boisson du suc de cette même plante avec un quart d’eau commune. Dans le second cas, on employe le même remède ; mais pour le troisième, l’animal est sans ressource, parce que toutes les parties vitales se trouvent insensiblement en défaillance.

La Goutte. « On dit que les poules sont attaquées de cette maladie lorsque leurs jambes sont roides, quelquefois enflées, & lorsqu’elles ne peuvent se tenir sur les perches dans le poulailler. La cause de cette maladie est l’humidité. Éloignez la cause & le mal cessera. Pour le guérir, frottez les jambes avec de la graisse de poule, ou à son défaut avec du beurre frais,[15] »

La Mue « est un état maladif commun à tous les oiseaux. Les poulets en sont spécialement affectés lorsqu’ils sont encore petits ; ils sont pour lors tristes & mornes ; leurs plumes se hérissent, ils secouent souvent de côté & d’autre celles de leur ventre pour les faire tomber & les tirent avec leur bec en se grattant la peau ; ils mangent peu, quelques uns en meurent, principalement les poulets tardifs qui ne muent que dans le temps des vents froids d’octobre, tandis que ceux qui muent dès la fin du mois de juillet, s’en tirent bien, parce que la chaleur contribue à la chute de leurs plumes & à en reproduire de nouvelles. Ceux-ci ne perdent pas même toutes leurs plumes, & celles qui ne tombent pas dans la première année, tombent dans la suivante. Pour les garantir des périls de la mue, il faut les faire jucher de bonne heure & ne les point laisser sortir trop matin à cause du froid, les nourrir de millet ou de chenevis, faire fondre un peu de sucre dans l’eau qu’ils boivent ; arroser leurs plumes avec du vin ou de l’eau tiède prise dans la bouche & qu’on souffle sur eux ».[16]

La jeune volaille a deux maladies que l’on peut comparer à la dentition des enfans. La première est lorsque les plumes de la queue commencent à pousser, & la seconde, lorsque la crête commence à paroître. Dans l’une & l’autre circonstance ; la volaille demande à éviter toute humidité, à être tenue chaudement & à être bien nourrie ; ainsi, on ne laissera pas la mère avec ses poussins coucher sur la terre, ou sur les carreaux humides ; il vaut mieux leur donner une certaine quantité de filasse sur laquelle ils reposeront. La bonne éducation de la volaille prescrit chaleur, manger, & repos. On voit en effet que dès que les petits ont pris leur nourriture, ils courent sous l’aile de la poule, ils y dorment, & la chaleur qu’elle leur communique, hâte la digestion.


  1. J’ai vu en 1777, dans la ménagerie du prince Charles à Bruxelles, un lapin dont la loge touchoit à celle d’une poule ; lorsqu’on soulevoit la trape qui les séparoit, le lapin se hâtoit d’entrer dans la loge de la poule, la caressoit & la cochoit de la même manière que l’auroit fait un coq. Dans une autre loge voisine étoit une poule du Japon que l’on disoit être provenue de cet accouplement monstrueux. Ceux qui ne connoissoient pas les poules du Japon, surpris de la blancheur & de la disposition des barbes de ses plumes, admiroient le phénomène & le croyoient. C’est ainsi que les erreurs & les préjugés se propagent ; & les trois quarts des habitans de Bruxelles jureroient aujourd’hui que le fait est avéré. Il n’y a de vrai que, l’accouplement réel & très-réel du lapin & de la poule qui se prêtoit à ses caresses.
  2. Note de l’Éditeur. Ce fumier est excellent pour la culture des fleurs, parce qu’il est réduit en terreau. On doit encore le conserver soigneusement pour la culture du chanvre, du lin & autres plantes précieuses.
  3. Le mot Viande est encore admis dans l’idiôme Languedocien pour désigner toute, espèce de nourriture que l’on donne aux bœufs, mules, chevaux, brebis, poules ; & en parlant du foin, de la luzerne, &c. on dit : voila de la bonne Viande.
  4. J’ignore quelle espèce de poules élevoit Olivier de Serres, mais je sais par expérience que des poules de deux ans couvent très-bien. Cependant il a raison jusqu’à un certain point ; des couveuses de la troisième & de la quatrième année valent beaucoup mieux, & on peut encore ajouter qu’elles ont plus de soins de leurs poussins.
  5. Note de l’Éditeur, Pour que le poussin ait la force de casser la coquille avec la pointe de son bec, il faudroit que dans cette même coque il eût assez d’espace afin qu’en retirant la tête en arrière, & portant la pointe du bec contre elle, il pût frapper des coups redoublés & assez forts. Or, il est bien démontré que le poussin n’y trouve pas l’espace. Il est également démontré que la poule ne lui aide, en aucune manière à rompre sa coque, puisque les poussins que l’on fait éclore artificiellement, & qui n’ont pas de mère, la brisent tout aussi-bien que ceux qui sont couvés par une poule ; mais la main de l’Être qui a donné la vie à l’homme & aux plus petits animaux, a manifesté sa sagesse infinie dans la formation, depuis le ciron jusqu’à l’éléphant. Je crois déjà avoir dit quelque part dans cet Ouvrage, que le poussin dans sa coque a au bout du bec, & dans sa partie supérieure, une petite corne avec laquelle il scie sa coque, & que pour y parvenir, le moindre mouvement possible de la tête suffit ; en tirant un peu du bas en haut & de haut en bas, il l’use, la lime, plutôt qu’il ne la rompt. En effet, on ne voit sur cette coque qu’une simple fêlure, & l’endroit qui a servi à la sortie du poussin prouve bien que là il y a une cassure, mais que la première ouverture a été commencée par une simple fêlure. Cette petite corne ou trompe, comme on voudra l’appeler, tombe deux ou trois jours après, la sortie du poussin, & le bec reste net.
  6. Olivier de Serres dit, là, les parfumera avec des herbes de benne senteur, comme romarin, pouillot, & semblables : prévenant, par tel remède, plusieurs maladies, es quelles ces bestioles sont sujettes dès leur origine, même à la pépie. Cette assertion d’Olivier a induit en erreur tous ses copistes. Ces parfums sont inutiles & ne peuvent en aucune manière prévenir la pépie, maladie qui tient au racornissement du bout de la langue, & dont la cause prochaine est le manque d’eau,
  7. Comme je suis parfaitement convaincu que la manière la plus économique & la plus avantageuse de donner le grain aux animaux est après qu’il a subi la panification, j’ai comparé les progrès de deux couvées de poussins : la première a été nourrie avec des grains simplement cuits à l’eau, la seconde avec ces mêmes grains réduits en farine, qui avoient éprouvé la fermentation panaire & sa cuisson, c’est-à-dire qui avoient été réduits en pain après en avoir séparé le gros son. L’expérience m’a prouvé que la seconde famille a moins consommé de grains, & que les poussins ont beaucoup plus, & plus promptement prospéré que ceux de la première. La panification développe bien mieux a substance nutritive & la rend moins lourde à l’estomac. Les grains simplement cuits à l’eau ressemblent à la bouillie de farine dont on a la mauvaise coutume d’encoller l’estomac des enfans. Une troisième famille a été nourrie avec ce même pain détrempé dans du bouillon & mélangé avec un peu de viande bouillie & hachée très-menu ; ces derniers poussins ont été les plus vigoureux de tous. Il faut préparer à la fois peu de cette nourriture, parce qu’elle s’aigrit facilement pendant les chaleurs, & j’ai observé que dans cet état elle leur causoit une espèce de dévoiement. Comme je n’ai répété ces expériences comparatives qu’une seule fois, je ne puis conclure à la rigueur ; cependant j’ose dire qu’il est plus que probable que la panification est pour les poussins une nourriture préférable à toute autre,
  8. Cette économie n’est pas d’assez grande conséquence pour une forte basse-cour ; il vaut mieux ne point mélanger les familles, à moins que par un accident la mère ne périsse.
  9. Elle n’est point absurde, car elle est vraie, mais elle est inutile, à moins que des circonstances particulières n’y forcent ; je l’ai copié afin de s’en servir, si le besoin urgent l’exige.
  10. Note de l’Éditeur. Aujourd’hui que la culture des pommes de terre est généralement établie en France, on peut s’en servir à la place du mais encore plus cher & moins commun, dans beaucoup de cantons. La pomme de terre cuite les engraisse très-promptement, si après l’avoir fait cuire & piler, on la détrempe avec un peu de lait. Dans une ménagerie bien montée, on ne doit chaponner que les grandes espèces de coqs & conserver les petites, ou espèces communes pour pondre, attendu que les poules des grandes espèces pondent beaucoup moins ; il en est ainsi pour les poulardes ; on est sûr alors d’avoir de belles pièces & que l’on vend avec un bénéfice réel.
  11. Note de l’Éditeur. Ces opérations enfantées par la plus horrible barbarie & la plus détestable sensualité, ne contribuent en rien à l’embonpoint de la volaille ; n’est-ce pas assez de la destiner à une mon prématurée.
  12. Note de l’Éditeur. Je préfère à tous ces ingrédiens une dissolution de savon dans l’eau. La portion huileuse du savon bouche l’ouverture de la trachée-artère de l’insecte & il meurt suffoqué. D’ailleurs, comme le savon est très-soluble dans l’eau, on peut un ou deux jours après bien laver l’animal avec de l’eau simple & tiède, car la poule craint beaucoup la fraîcheur de l’eau, & sa peau restera propre & nette. Il est essentiel d’avoir dans une basse-cour un lieu rempli de sable fin pour que les poules puissent s’y vautrer au besoin. Cet expédient vaut beaucoup mieux que les fumigations sulphureuses à faire dans les poulaillers, & conseillées par plusieurs auteurs. La propreté, eh quoi encore ! la propreté garantit la volaille de toute espèce de vermine.
  13. Le symptôme tiré des plumes hérissées ne caractérise aucune maladie particulière, mais seulement l’état de souffrance de l’animal. Il en est ainsi du poil sur le bœuf, le cheval, &c. Aussitôt que ce premier symptôme se manifeste la ménagère doit s’étudier à en connoître la cause & à y porter le remède.
  14. Si les ulcères dépendent des causes indiquées, il est clair qu’ils ne sont que symptomatiques, & dès-lors en détruisant la cause, ils guériront peu à peu d’eux-mêmes, en les bassinant avec du vin tiède ; si au contraire ils ont pour principe un vice intérieur, & s’ils sont multipliés, il vaut tout autant tordre le col à l’animal, & l’enterrer, afin de préserver de la contagion le reste de la basse-cour.
  15. C’est un palliatif & non un remède. Supprimez toute la cause d’humidité, comme le fumier accumulé dans le poulailler ; transportez la demeure des poules ailleurs, si leur habitation est naturellement trop humide ; tenez les poules malades pendant quelques jours dans un endroit chaud, par exemple derrière un four ; enveloppez-les dans des linges chauds, &. bientôt le mal cessera.
  16. Note de l’Éditeur. Ce vin ou cette eau tiède se refroidissent & s’opposent au bien que l’on veut produire. Soustraction de toute humidité & augmentation de chaleur dans le poulailler, voilà le remède. Si le temps est pluvieux & froid, il est très prudent de ne pas laisser sortir la jeune volaille ; s’il fait beau, on doit laisser agir la nature, qui en sçait plus que nous.