Cours d’agriculture (Rozier)/POULAILLER

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 260-263).


POULAILLER. Lieu où se retirent les poules. La poule craint le froid, la trop grande chaleur, l’humidité & les mauvaises odeurs ; d’après cela on prévoit quelles doivent être les qualités d’un poulailler.

Un côté demande à être tourné au soleil levant &. l’autre au midi, ou du moins le mur de face exige de participer de l’un & de l’autre. Il est encore avantageux de pratiquer une ouverture du côté du mur, qui fermera exactement dans le besoin ; & qui servira à établir un courant d’air & rafraîchira celui de l’intérieur pendant l’été, surtout dans les provinces méridionales. Elle est moins nécessaire dans celles du nord ; mais comme on peut la boucher à volonté, elle ne sera pas inutile. La seconde ouverture ou fenêtre sera placée du côté du midi, garnie de son châssis ou vitrage & de son contrevent comme la première. Pendant l’hiver le contrevent de cette seconde fenêtre reste seul ouvert & le châssis fermé ; enfin on en pratique une troisième ouverte de 9 à 10 pouces de hauteur sur 8 de largeur, par où les poules doivent entrer & sortir du poulailler, & celle-ci se ferme au moyen d’une trappe ou petite porte à coulisse. Les deux fenêtres servent, l’une à entretenir la chaleur & l’autre à la modérer, enfin à purifier l’air lorsque les circonstances le permettent, ou lorsque le besoin l’exige. Ces deux fenêtres doivent être grillées à mailles fort serrées, afin d’empêcher l’entrée de tout animal étranger. La fenêtre du midi peut encore servir pour le placement de la porte vitrée garnie de son contrevent ou double porte ; sinon on en ménagera une dans l’endroit le plus commode pour le service.

Les murs du poulailler demandent à être recrépis, & tous les trous, fentes, crevasses, &c. bouchés avec soin ; par ce moyen les rats & les souris ne pourront pas s’y introduire. La poule aime à jouir d’un sommeil paisible, & ces animaux les troublent & les épouvantent pendant leurs courses nocturnes ; si le sol n’est pas exactement pavé, & encore infiniment mieux carrelé, il devient le repaire de mille insectes & entretient une humidité préjudiciable, qui augmente la corruption de l’air. Il en est des poulaillers de toutes nos provinces, comme des étables, des bergeries, des écuries ; c’est-à-dire, que partout on y fait peu d’attention, & qu’ils sont autant de foyers de corruption & de putréfaction. Après cela on est tout étonné lorsqu’une maladie fait perdre habituellement des volailles, & même quelquefois leur totalité : je suis au contraire bien plus étonné que les maladies ne soient pas plus fréquentes. Si le poulailler est humide, la poule est affectée de douleurs rhumatismales ; s’il est trop froid, elle pond rarement ; s’il est trop chaud & humide en même temps, elle devient la victime des maladies putrides. D’après cela, il faut conclure que le poulailler doit être tenu dans la plus grande propreté ; qu’au moins deux fois par semaine on doit enlever toute la paille & tout le fumier, laver, s’il le faut, les murs, le pavé & les traverses du huchoir, principalement pendant l’été. Ces attentions ne sont pas aussi minutieuses qu’elles le paroîtront à bien des gens ; mais comment les exiger d’un paysan qui est l’être le moins prévoyant &£ le moins propre que l’on connoisse ?

L’ouverture d’entrée pour les poules, sera placée à la hauteur de 4 à 5 pieds, garnie à l’extérieur d’une petite échelle, & répondant dans l’intérieur, au niveau du huchoir. Les huchoirs placés trop bas laissent les poules respirer l’air le plus mal sain, attendu que cet air étant d’une pesanteur spécifique plus forte que l’air atmosphérique, occupe la région la plus basse, & sa qualité pernicieuse est encore augmentée par des émanations de fumier qu’on laisse croupir dans le poulailler.

On appelle huchoir les barres transversales sur lesquelles les poules vont se reposer, passer la nuit & dormir. Cet oiseau, ainsi que tous les autres, dort sur une patte & l’autre est repliée sous son corps. Dans cette position, il reste en équilibre ; mais il le gardera mal si la traverse est ronde & lisse, parce que la poule ne plie pas ses ongles & ne peut embrasser les traverses rondes. La distance d’une traverse à l’autre doit être de 10 à 12 pouces ; quant à la longueur elle est égale au diamètre du poulailler, & l’étendue du poulailler proportionnée au nombre de volailles qu’on se propose d’élever.

Les nids sont ordinairement placés à niveau du huchoir, & dans le bas ce sont le plus souvent des paniers sans couvercle, attachés & fixés assez solidement contre les murs. La forme varie un peu suivant les provinces ; mais quelle que soit leur construction, la poule doit y être à son aise. Dans quelques endroits, ce sont des cases d’un pied en tour sens, formées par des planches & garnies sur le devant d’un rebord de trois pouces de hauteur. On mettra peu de paille ou de foin dans les paniers, ou dans les cases. Ailleurs les nids sont pratiqués dans l’épaisseur du mur. Les paniers sont à préférer aux cases, parce qu’une fois que celles-ci sont garnies d’insectes appelés pouillons, on ne peut plus les en débarrasser, au lieu que des paniers qu’on lave à l’eau bouillante, ne contiennent plus ni œufs, ni insectes ; objet très-important.

Je n’approuve en aucune manière les nids ou cases placés dans la partie inférieure, & lorsque le choix est égal, rarement voit-on la poule préférer ces derniers ; elle choisit de préférence ceux qui sont dans le lieu le plus obscur du poulailler, c’est-à dire, les nids placés à contre jour. On sent fort bien que le nombre des nids doit être proportionné à celui des poules, cependant en une quantité moindre, parce que les poules ne pondent pas toutes à la fois, & que plusieurs pondent dans le même nid.

J’oubliois de dire que le huchoir étant élevé de 5 à 6 pieds, les poules ne peuvent y monter de dessus le pavé du poulailler pendant le temps de leur mue, il faut donc pratiquer dans l’intérieur une petite échelle qui leur servira à monter & à descendre ; sans cette précaution elles passent la nuit sans pouvoir dormir à leur aise, & la veille nuit beaucoup à l’animal.

Une précaution essentielle est d’avoir dans le poulailler un abreuvoir semblable à celui des volières, ou dont on se sert pour les pigeons ; avec cette différence cependant que les trous par où la poule passe la tête & le col doivent être perpendiculaires & non renversés en arrière suivant la coutume. La position verticale empêchera que les ordures ne tombent dans l’abreuvoir. L’eau doit chaque jour être changée en hiver & deux fois par jour en été ; enfin l’abreuvoir lavé à extérieur & au dedans & frotté au moins une fois par semaine. Ce soin de propreté est de rigueur. La poule boit souvent & boit beaucoup : toute eau croupie lui est contraire. Ce seroit encore mieux s’il étoit possible de faire passer un petit filet d’eau vive dans le poulailler, & assez profond pour que la poule en buvant ne fit pas rejaillir l’eau sur le pavé.

La seconde attention & de rigueur, sur-tout dans les provinces méridionales, est de planter des arbres, des haies à côté du poulailler, afin de garantir la volaille des fortes chaleurs de l’été. Si on ne peut commodément se procurer l’un & l’autre, il faut établir un huchoir extérieur & sous un hangar. La forte chaleur amaigrit singulièrement ces oiseaux & leur occasionne plusieurs maladies. Les arbres à planter sont les mûriers & le cerisier ; leurs fruits nourrissent beaucoup la volaille & lui sont très-salutaires.

Ceux qui prennent véritablement soin de leur basse-cour portent la prévoyance jusqu’à placer près du poulailler, & dans un coin, une petite fosse remplie de sable fin, dans laquelle les poules vont se vautrer. Ce sable dont elles se couvrent tout le corps, chasse les pouillons, ou du moins leur empêche de les piquer ou de les mordre avec autant de force. Elles ont principalement besoin de ce sable lorsqu’elles ont terminé l’incubation.