Cady mariée/Texte entier

La Renaissance du livre (p. --296).
Cady Mariée
DU MÊME AUTEUR




La Petite Cady … 1 vol

Le Divorce de Caddy… 1 vol Page:Pert - Cady mariee.djvu/9
Il a été tiré de cet ouvrage 10 Exemplaires
sur Hollande.

AFFECTUEUX HOMMAGE

À ALBERT LE PAGE
CAMILLE PERT

CADY MARIÉE


I

Quand la femme de chambre apportant le chocolat frappa à la porte, Cady dormait encore, ou feignait de dormir, couchée à plat ventre au milieu du grand lit, la figure cachée dans l’oreiller.

Son mari, Victor Renaudin, se leva et passa vivement une robe de chambre pour aller prendre Je plateau des mains de Joséphine, au seuil de la pièce.

Il avait, poussée à l’extrême, la pudeur de l’intimité, et il n’avait jamais pu admettre l’insouciance de Cady à cet égard, n1 souffrir qu’une domestique pénétrât dans la chambre conjugale à l’heure du réveil et du lever.

Le plateau déposé sur une table, il pass : dans le cabinet réservé à son usage, y fit une toilette sommaire et revint ouvrir les persiennes des trois fenêtres.

La chambre, vaste et haute de plafond, Itait située à cet angle lumineux et pittoresque du quai qui fait face à la colonnade du palais du Louvre.

Ce matin de mars, le soleil, très vif dans la buée étincelante qui montait de la Seine, traversait en toute liberté les grands arbres défeuillés de la berge, et vint brusquement illuminer l’appartement.

Cady se tourna, d’un souple mouvement de reins, et grogna :

— Dieu, que c’est embêtant !… J’ai encore sommeil, moi !…

Renaudin s’excusa avec contrition :

— Je te demande pardon, ma chérie, mais tu sais qu’il faut que je sois au Palais de très bonne heure ce matin, pour cette affaire…

Elle l’interrompit impatiemment.

— Oui, oui, bon !… Tu déjeunes dehors, c’est toujours cela de gagné !…

Il revint vers elle et, s’asseyant sur le bord du lit, il enlaça tendrement le corps mince de la jeune femme.

— Pourquoi me dis-tu de vilaines choses ? fit-il d’un ton peiné.

Elle s’échappa de ses bras avec une exclamation :

— Comment, le courrier est là et tu ne le dis pas, sale bête !…

En chemise, elle sortit du lit, courut prendre sur le plateau le paquet de lettres et de journaux et revint en trois bonds se reglisser sous les couvertures.

Pendant un court instant, cela avait été, sous la lueur dorée emplissant la chambre, la vision d’une précieuse statuette vivante, audacieusement révélée par la batiste transparente ouvrée de dentelle.

De taille moyenne, très svelte, les seins petits admirablement modelés, les jambes nerveuses, d’un galbe parfait, la jeune femme paraissait compter beaucoup moins que ses vingt-quatre ans accomplis. La tête était délicieuse, avec ses grands yeux gris mélancoliques, sensuels, mutins, semblant tour à tour ou parfois simultanément refléter toutes les flammes de l’enfer et toutes les nuées azurées du paradis. L’ovale du visage, très allongé dans son adolescence, s’était aujourd’hui délicatement arrondi, donnant un air de jeunesse extrême à cette physionomie qui, auparavant, au sortir de l’enfance, semblait déjà mûre. Elle avait gardé une chevelure ni brune ni blonde, qui s’éclairait. d’or au moindre rayon de lumière.

Renaudin ne pouvait détacher d’elle ses regards enivrés, où éclatait l’amour dominateur, exclusif, qui le possédait. Déjà âgé de quarante-trois ans, de physique insignifiant, il avait le front un peu dégarni et sa barbe brune était semée de fils blancs. Entre les mains capricieuses, souvent dédaigneuses, parfois tendres de la jeune femme, le magistrat estimé, l’homme énergique et probe, l’habile et consciencieux juge d’instruction du parquet de la Seine n’était plus qu’un pantin sans volonté.

— Dis, Cady, pourquoi es-tu si méchante ce matin ? demanda-t-il suppliant, en s’emparant sournoisement d’une main étroite et menue qu’il couvrit de gros baisers.

Elle lui sourit, l’esprit ailleurs.

— Que tu m’ennuies !… Ne me lèche pas la main, on dirait l’épagneul du cousin Paul de Montaux… Tiens, vois, il y a un mot de maman… Elle a si peur que je fasse semblant d’oublier son diner qu’elle me rappelle que c’est pour ce soir… Tu seras revenu de ton assassinat, je suppose ?

— Sûrement… Dis-moi, Cady, cela ne te fâche pas que je ne déjeune pas avec toi ?… Ça me désole, tu sais bien, mais je ne peux pas faire autrement, nous devons être à Vincennes à onze heures précises…

Elle lui coupa la parole

— Bon Dieu, qu’est-ce que tu veux que cela ne fiche !… Je déjeunerai très bien toute seule… Ou plutôt non, tiens, j’irai chez Jacques.

Renaudin approuva, content.

— C’est cela, l’ami Laumière sera enchanté. Cady éteignit une courte flamme ironique sous ses paupières promptement abaissées. Je ne sais pas du tout s’il sera enchanté, dit-elle avec nonchalance, mais je suis certaine que moi j’aurai du plaisir à bavarder avec lui… il y a très longtemps que je ne l’ai vu.

Victor sourit, objectant. :

— Voyons, il a dîné ici avant-hier.

Elle haussa les épaules, méprisante.

— Comme cela, ça ne compte pas… Il y avait du monde… et puis toi qui nous espionnais tout le temps.

Et, narquoise, fouillant le regard de son mar de ses yeux hardis :

— T’imagines-tu que devant toinous sommes, Jacques et moi, comme quand nous nous trouvons seuls ?…

La sérénité du visage de Renaudin ne se troubla pas. Il observa avec bonté :

— Je crois que tu veux me rendre jaloux de Laumière…

Elle le nargua, une lueur rose aux joues, s’énervant au jeu méchant qu’elle risquait, agacée par l’entêtement de son mari à refuser d’y entrer.

— Pourquoi pas ?… Y aurait sujet, tu sais ?… Mais c’est comme pour Paul de Montaux… Tu nous pincerais en flagrant délit que tu dirais : « Y a rien de fait ! »

Cette fois, une ombre de contrariété passa sur la physionomie du mari confiant.

— Tu es exaspérante, ce matin, ma chère petite !…

Elle répéta, moqueuse :

— Oh ! « chère petite ! » Appelle-moi donc Hélène, pendant que tu y es !…

Il dit, un peu sentencieusement :

— Je le devrais, c’est ton nom… J’ai tort de continuer à te donner un surnom qui aurait dû disparaître avec la fillette mal élevée que tu étais jadis et que je voudrais bien ne jamais revoir en toi, si légèrement, si fugitivement que ce soit !…

Elle siffla ironiquement.

— Phutt ! quelle blague !… Ça t’embêterait rudement si je n’était plus Cady…

Il protesta avec vivacité.

— Cela non, je te le jure !…

Elle rejeta d’un geste le drap qui la couvrait et se montra quasi nue, la poitrine appuyée sur ses genoux relevés, qu’elle entoura de ses deux bras, gaminement.

— Allons donc !… Ce que tu aimes en moi, veux-tu que je te le dise ?…

Il se détourna et commença de s’habiller, un peu tremblant par suite de l’effort qu’il s’imposait pour ne pas envelopper ce jeune corps tentant de ses bras et le dévorer de caresses.

— Cady, tu vas dire des bêtises, gronda-t-il.

— Ce que tu aimes en moi, c’est l’inceste…

Il tressaillit, péniblement cinglé.

— Tu es folle !… Tu emploies des mots révoltants à tort et à travers !…

Elle poursuivit, imperturbable !

— Pas du tout… Je me comprends très bien, et toi aussi tu me comprends, malgré que tu fasses la bête hypocrite… Évidemment, c’est pas de l’inceste pour de vrai inceste, mais c’est de l’inceste imaginatif… parce que tu m’as vue toute petite, et que tu étais comme un papa pour moi… une espèce de papa à la manque, une manière d’être vertueux vicieusement.

Il s’habillait avec des gestes fébriles et maladroits.

— Cady, ne parle pas ainsi !… Tu ne sais pas combien cela m’est désagréable !…

Elle riposta :

— Pardi, parce que c’est vrai.

Il renonça à discuter et s’enfuit dans son cabinet de toilette.

Alors, passant à un autre sujet, Cady cria :

— Tu sais qui il y a au dîner de maman ?…

Il répondit : « Non ! » d’une voix étouffée.

— Un tas de gens chics, fit-elle railleusement, c’est pour cela qu’on a besoin de moi pour les allumer un peu… Le président du conseil, le général Blot, Mazure, l’auteur dramatique, et puis d’autres… et puis ma cousine Alice avec son mari, le très illustre avocat Me Albert Crépeaux, le ménage le plus collet-monté et le plus laid de tout Paris… Heureusement qu’ils amènent le secrétaire d’Albert, ce délicieux garçon de Félix Argatte… Il va me faire une cour effrénée et je l’accueillerai très bien, je t’en préviens, pour pas que ça t’épate… Et puis, ma cousine Marie-Annette, et le plus bel officier de cavalerie démissionnaire de France, son cher époux, Paul Granier de Montaux — Granier tout court pour ceux de son patelin qui n’en ignorent de ses origines. — Ça, c’est mon flirt d’avant-hier, je l’enverrai coucher… seul, cette fois, il me crispe, à présent… Et puis, cette horrible vieille proxénète de mère Durand de l’Ile…

— Cady !…

— Oh ! ne dis pas que je la décore de ce qu’elle ne mérite pas !… Tu n’es pas dans mon oreille pour avoir entendu toutes les propositions qu’elle m’a faites… à peine voilées, je te dis… Si je l’avais écoutée, le Sénat et la vieille garde du Palais-Bourbon n’auraient plus de secrets pour moi… car elle ne marche qu’en faveur de la décrépitude parlementaire.

— Pourquoi n’as-tu pas averti de cela Mme Darquet ?…

— Maman ?… Ça ne serait pas à faire… Pour sûr qu’elle le sait très bien, et ce qu’elle m’enverrait dinguer, en prétendant que je mens !… La mère Durand, elle ne peut s’en passer, c’est son rabatteur… Oh ! naturellement, pas pour des affaires de rigolade, il y a beau temps qu’elle est sérieuse, maman !… mais pour lui emplir son salon d’individus de la politique… Depuis que papa est mort, elle ne peut se consoler de n’être plus ministre, et il faut conserver à tout prix l’illusion de rester la « femme la plus influente de Paris ».

Renaudin rentrait dans la chambre, ajustant son col et sa cravate.

— Elle l’est, en effet… Pour Paris comme pour l’étranger, c’est toujours la veuve du grand président du conseil.

— Si tu veux… moi, je m’en fous.

— Cady !

— Sers-moi du chocolat, il est assez froid comme cela.

— Lève-toi, tu vas encore en répandre sur les draps.

— Ça m’est égal. Je ne veux pas m’habiller à présent… Y a que ça de bon d’être nue dans une chambre chaude quand il fait du soleil…

Et, sans transition, elle reprit :

— Au diner, il y aura aussi les Voisin… La belle Fernande, qui se chamaillera avec son auteur, la mère Durand, et son mari, cet affreux petit Hubert Voisin, qui m’offrira encore dix mille deux francs vingt-cinq centimes pour me « connaître », comme on dit chastement dans la sainte Bible.

S’efforçant de rester calme et insensible Renaudin demanda :

— Qu’est-ce que ce compte ridicule ?

— Mais c’est exact !… C’est un jour qu’il me promenait dans son auto… Je lui ai demandé deux francs vingt-cinq pour acheter une dorine. En me les donnant, il m’a montré dix billets de mille qu’il avait dans son portefeuille, et il a dit qu’il les ajouterait bien si je voulais… Enfin, oui, ça se comprend, quoi…

Dominant de son mieux sa profonde contrariété, Renaudin jeta, frémissant :

— Comment se fait-il que tu sois allée en auto avec Voisin ? Quand cela ?

— Oh je ne sais plus… Il y a quinze jours, un mois… plus… non, moins… Maman m’avait chargée d’une commission pressée pour Fernande, alors tu parles si j’avais envie de me trotter jusqu’à la rue Pergolèse !… Je suis tout bonnement entrée au Paris-Soir, j’ai demandé « M. le directeur ». Juste, Voisin sortait, il m’a cueillie et déposée au Louvre, où j’avais affaire, précisément pour cette boîte de poudre que je n’avais pas d’argent pour acheter.

— Tu pouvais attendre au lendemain. C’était absurde d’emprunter cette somme à Voisin !…

— Je ne la lui ai pas empruntée !… Penses-tu que je lui ai rendu ses quarante sous ?… Quant à attendre, sûr que non… ma boite était vide rasibus… j’étais malheureuse comme tout…

— Je t’en prie, Cady, ne recommence pas une chose pareille… Voisin est pis que mal élevé… C’est un sale individu. Ne sois pas familière avec lui, tu vois qu’il en abuse tout de suite.

Cady hocha la tête philosophiquement.

— Oh ! pas plus que tout le monde, va !…

— Tu veux dire ?

— Eh bien, qu’on ne peut pas être seule avec un homme sans qu’il vous offre ou non de l’argent selon son genre de beauté, mais l’intention profonde — si j’ose m’exprimer ainsi — est toujours la même…

Le front de Renaudin se plissa ; son visage exprima une vive souffrance. Il repoussa sa tasse à moitié vide, s’assit sur le lit ; et, prenant Cady dans ses bras, il l’étreignit avec une tendresse que son chagrin faisait chaste, vraiment paternelle.

— Ma petite, oh ! ma petite ! fit-il d’une voix altérée.

Elle se renversa étonnée et froide.

— Et puis, quoi ?

De grosses larmes jaillissaient sous les paupières baissées de l’homme et coulaient sur ses joues, se perdant vite dans la barbe.

— Rien.

Elle dit doucement :

— Rien ?… et tu pleures… Pourquoi ?

Il eut un sanglot bref, aussitôt réprimé.

— Rien, et tout… Tu le sais bien… Mais ce n’est pas de ta faute… Je n’aurais pas dû t’aimer, ni t’épouser.

Elle se serra contre lui, coquette.

— Tu le penses ?…

Il frémit sensuellement de tout son être à ce contact toujours neuf, toujours irritant pour sa passion.

— Oui ! cria-t-il désespérément. Oui ! parce que tu étais trop jeune… et puis, surtout, que tu étais une pauvre petite fille mal élevée, mal dirigée, dévoyée comme à plaisir par des parents égoïstes et inconscients… Et que, telle que tu étais, je devais te savoir incapable de devenir une épouse… Ou alors, il aurait fallu que tu aimasses ton mari… un mari de ton âge… Que tu l’aimasses d’amour, profondément, follement !… Oui, cela seul pouvait agir sur toi, te métamorphoser, chasser de toi toutes les scories qui y étaient amassées… Au lieu que moi !…

Elle l’écoutait sans émotion, en souriant affectueusement. Elle répéta, gentiment moqueuse :

— En vérité, tu regrettes que je sois ta femme ? Moi, je croyais que tu m’aimais… Voyez comme on se trompe !…

Il gémit douloureusement.

— Cady, ne t’amuse pas à me faire mal !… Je t’adore !… Mais tu ne saurais imaginer quelle souffrance aiguë c’est pour moi… quel remords atroce je ressens lorsque je me demande parfois si, comme tu le disais tout à l’heure, il n’y a pas du vice dans mon amour… Si je n’ai pas fermé les yeux lâchement et commis un crime en unissant ta jeunesse, ta gaminerie, ta tête folle à mon âge mûr !…

Elle rit :

— Oh ! un crime, c’est beaucoup dire !… Et puis, qu’est-ce que ça te fait ?… Il est légitime… la loi le bénit !… D’ailleurs, tu ne m’aimes pas que comme cela…

Il reprit avec ardeur ;

— Tu as raison !… Oh ! oui, ma chérie, je ne t’aime pas uniquement comme tu me le reproches… Tu es ma vie, mon tout… Je n’ai pas de passé qui ne soit toi, pas d’avenir où tu n’absorbes toute la place… Tu emplis tout mon cœur, tout mon esprit, toute mon imagination…

Il s’arrêta pendant un instant, haletant, et recommença à voix plus basse, plus lente, pénétrée d’émotion.

— Je t’aime à ce point que si, pour ton bonheur, il fallait me sacrifier, m’effacer, me retirer de ta vie… oui, je crois que je pourrais le faire… Peut-être pas maintenant… pas tout de suite… mais lorsque quelques années de plus auront fait de moi tout à fait un vieil homme… Je t’aime bien, je t’aime sainement, puisque tout ce que j’adore, tout ce qui me fascine en toi de trouble, d’inconnu, d’énigmatique, je voudrais quand même l’extirper de toi, pour que tu sois plus parfaite… aussi pour que tu sois plus sûrement heureuse… Tiens, il faut que je te le dise aujourd’hui, où j’ai le courage de te parler à cœur ouvert… J’ai peur pour toi… Je ne suis pas un guide assez sévère… Je ne sais pas me faire obéir, et tu as insuffisamment confiance en moi… Tu abuses de ma faiblesse, tu vas vers de mauvais chemins, je le sens, et je redoute l’avenir, la voie où tu nous engages… Si je devais être seul à souffrir, je ne dirais rien, mais, ma pauvre petite, toi aussi, tu seras atteinte !… Ma Cady, dans la vie, il faut non seulement qu’une femme soit honnête et chaste ; il lui faut être prudente…

De ses doigts légers, gentiment, Cady caressait les paupières toujours baissées, encore humides de son mari.

— Là, là, calme-toi !… Que diable te prend-il, ce matin, d’être si sensible ?… C’est ton assassinat qui te porte sur les nerfs ?…

Il l’abandonna en soupirant.

— Ah ! tu as raison, c’est absurde… Je m’oublie, je m’attarde… et je suis ridicule !…

Il disparut pendant quelques instants dans le cabinet de toilette et revint complètement habillé, redevenu l’homme mesuré, au masque tranquille qu’il était d’ordinaire. Seuls, ses yeux gardaient une angoisse au profond extrême du regard.

Il se pencha sur la jeune femme, songeuse et souriante, sans la toucher, la respirant avec une passion contenue.

— Tu m’as dit tout à l’heure, Cady, que J’avais tort de ne pas être jaloux… Non, je ne suis pas jaloux… et sais-tu pourquoi ?

— Ma foi non. Je te donne toute raison de l’être, pourtant !…

— Vois-tu, Cady, c’est que je crois en toi de toute mon âme, de tout mon être… que j’ai besoin de cette foi absolue, que je n’existerais pas sans elle… Je sais que tu es coquette, audacieuse étourdie… Ton éducation n’est pas arrivée à poser sur toi le vernis de réserve, de pudeur, la plupart du temps menteur chez les jeune filles et les femmes. Mais, je te crois au fond honnête, loyale, plus sensible et tendre que tu ne veux le paraître, et incapable de vilenie réelle… Si tu me trompais, Cady, tout s’effondrerait autour de moi, car je devrais reconnaître que tout ce que je crois, tout ce dont je suis persuadé, toute ma religion de toi, tout ce que mes yeux aperçoivent, tout ce que mon cœur sent serait faux, erroné, illusoire !…

Elle l’interrompit.

— Chut ! chut ! ne fais pas de grandes phrases pompeuses… je te comprends très bien… Et c’est parce que toi seul… Oh ! mon Dieu, oui, toi seul au monde !… tu révères ta petite folle, tu l’estimes envers et contre tout, que je t’aime bien, que je te suis reconnaissante de ta chaude, de ta solide tendresse… et que je voudrais ne jamais te causer de peine, si c’est possible.

Il l’embrassa avec émotion.

— C’est possible et ce serait facile, Cady !…

Elle secoua la tête, un souci fugitif en sa physionomie mobile.

— Oh ! facile, non !… C’est très compliqué, au contraire.

Il s’arracha d’auprès d’elle.

— Allons, il me faut partir… On va m’at

Et secouant les derniers vestiges de son trouble, il reprit, en mettant ses gants :

— Alors, tu déjeunes chez Laumière ?

Elle le regarda fixement, hésita imperceptiblement, puis répondit avec assurance :

— Oui.

Et elle ajouta en riant :

— Si, décidément, tu n’en es pas jaloux :

Renaudin fit un geste.

— Oh ! Laumière, ce serait si abominable, si incompréhensible ! Un homme de mon âge, un vieux camarade, qui t’a vue toute petite, que tu n’as pour ainsi dire pas connu tout jeune !…

— Eh bien, mais, comme toi !

Il sourit un peu tristement.

— Moi ?… Je suis un mari, pas un amant.

Elle le retint comme il se dirigeait vers la porte, insistant :

— Et Paul de Montaux ? Pourquoi n’en es-tu pas jaloux ? Il est jeune, lui.

Renaudin eut une brusque indignation.

— Montaux ! Cet imbécile, ce crétin ! Il faudrait que tu fusses la dernière des dernières pour te toquer d’un animal de ce calibre ! Sans compter que c’est le mari de ta cousine, de ta meilleure amie !

Il sortit en faisant claquer la porte.

Cady se rejeta dans le lit, en marmottant des paroles inintelligibles. Puis, allongeant le bras, elle sonna. À la femme de chambre qui parut elle commanda, tout en se débarrassant de sa chemise :

— Mon tub.

Joséphine sourit largement.

— Monsieur est donc parti, qu’on se met comme ça à l’aise ?

— Pardi ! fit Cady d’un ton bref.

Mais, comme la domestique commençait une niaise histoire qui sournoisement ridiculisait « monsieur », la jeune femme lui imposa silence impérieusement.

— En voilà assez, n’est-ce pas ? Si vous croyez que vous me faites rire !

Une heure plus tard, Cady Renaudin sortait, correctement vêtue d’un tailleur sombre, coiffée d’un grand chapeau de velours noir, une immense étole de fourrure et un non moins immense manchon mettant sur elle l’indispensable note saugrenue de la mode actuelle.

La domestique rejoignit l’office en bougonnant :

— Après tout, cette petite garce-là, elle ne ferait pas son mari cocu, et elle serait au bout du compte chipée pour lui que ça ne m’étonnerait pas !

— On a vu plus rare, observa paisiblement la cuisinière, que ses gras profits dans la maison, qu’elle dirigeait seule, laissaient indulgente pour la patronne.

II

Lorsque Cady entra en coup de vent dans l’atelier du peintre, avenue Henri-Martin, Jacques Laumière, debout devant une glace, occupé à s’étudier minutieusement, tressauta et se retourna vivement.

Mince et élégant de tournure, il portait un vêtement d’intérieur de couleur chamois et une chemise de soie de Chine de même teinte. I] n’était pas chauve, bien que ses cheveux blonds — si résolument blonds que l’art les retouchait peut-être — eussent une tendance indéniable à s’éclaircir. Le visage, si joli, si délicat autrefois, offrait à présent un indescriptible chaos de juvénilité persistante et de décrépitude déclarée. Les yeux expressifs, la bouche aux lèvres fraîches, aux dents impeccables — au moins en apparence — avaient vingt ans. La moustache restait suffisamment soyeuse. Mais le front amaigri, à l’épiderme comme collé au crâne saillant, les innombrables plis des paupières alourdies, la fatigue de toute la figure, la couperose, les rides victorieuses des soins exaspérés, des pâtes, des poudres, des lotions dont Jacques s’enduisait, mettaient cinquante ans à cette tête, au-dessus d’un corps resté si souple, si beau, si blanc, si satiné que l’homme enrageais de ne pouvoir aller nu, répudiant son visage méchamment labouré par les années.

Il ouvrit les bras ; la jeune femme s’y nicha ; leurs lèvres se prirent, d’un geste habituel, presque machinal.

Puis, tandis qu’elle enlevait son chapeau, se débarrassait de ses fourrures, il l’enveloppa d’un long regard scrutateur.

— Toi ?…

Elle répondit, préoccupée, le regard absent !

— Oui, moi.

Il secoua la tête, avec un doute.

Pourtant, sans ajouter un mot, elle soulevait une portière, pénétrait dans la chambre aux acajous anglais, meublée de cuir de ton clair, presque rosé, achevait de 8e déshabiller, prenait dans une armoire son vêtement de soie, et s’étendait dans le lit…

Maintenant, accoudé sur l’oreiller, Jacques, soulevant son corps d’éphèbe à la tête de vieillard, la contemplait attentivement, accoutumé à lire jusqu’au tréfonds de ce cerveau qui n’avait rien de secret pour lui — pas même ce que des amants ne devraient jamais se révéler.

Mais ces deux êtres compliqués, produits d’extrême civilisation, étaient-ils vraiment des amants ?… Plutôt des complices…

— Rien de neuf ? dit-il, moitié interrogativement moitié affirmatif.

Cady secoua la tête, un air de profond ennui alanguissant toute sa personne.

— Naturellement, rien de neuf ?… Je m’embête, tu sais !…

Il ne releva pas ce que cette constatation, en cet instant, pouvait avoir de mortifiant pour lui. Elle demanda :

— Tu dînes, ce soir, chez ma mère ?

Il fit une grimace d’indécision.

— Elle m’a invité, j’ai accepté, mais…

Il s’interrompit, scrutant les yeux de Cady.

— Tu as pleuré, ce matin ?…

— Non… C’est lui qui a pleuré.

— Qui, lui ?

— Victor.

Le peintre hocha la tête avec surprise, prononçant lentement :

— Quand ton mari pleure, ça te fait cet effet-là ?… Je ne l’aurais pas cru.

— Mais tu sais bien que je l’aime beaucoup.

— C’est lui, qui t’aime.

— Eh bien, cela fait néanmoins quelque chose d’être aimée si profondément, si incommensurablement. Il m’assomme souvent, mais je crois que je ne pourrais pas me passer de lui.

Jacques se redressa, s’assit, prit une cigarette qu’il alluma.

— À quel point de vue, s’il te plaît ?

Elle répondit avec élan :

— Oh ! sûr, pas à celui passionnel !… Mais il est l’appui inébranlable, réconfortant… Je ne sais pas comment te dire… Je ne suis pas, peut-être, très tendre moi-même, et pourtant j’ai besoin d’une tendresse absolue, assurée à mes côtés… Et ce n’est certes pas toi qui me la donnerais.

Il sourit et s’inclina.

— Dame ! on fait ce qu’on peut.

— Évidemment… Si tu étais moins égoïste, nous ne nous comprendrions pas si bien… Nous avons la psychologie des chats, nous… Victor a celle du bon chien… Le pauvre garçon ne voit goutte en moi… et c’est là ce qu’il y a de bon…

Jacques l’interrompit un peu sèchement.

— Tu viens ici pour me faire le panégyrique de ton mari ?

Elle éclata de rire tout à coup, à un rappel.

— Tu ne sais pas ce qu’il m’a dit à propos de toi et de Montaux ?… Qu’il n’était pas jaloux de vous deux parce que tu étais un trop vieil ami, et l’autre un crétin trop avéré !…

Une lueur ironique flamba dans l’œil de Laumière.

— Comme si, avec toi, c’étaient des raisons !… Pauvre vieux juge candide !…

La gaieté de Cady était déjà tombée. Elle noua ses bras derrière sa tête et les tordit, en grondant comme une petite lionne énervée.

— Oh ! mais, je m’ennuie, aujourd’hui !… Comme je m’ennuie !… Écoute, Jacques, je crois que si Félix Argatte se donne la peine de m’emballer ce soir, demain, il sera mon amant… Peut-être qu’il se montrera un peu moins assommant que vous tous

Laumière fit une moue de dédain.

— Argatte ?… Le jeune avocat nègre ?… ce mâle sain et vigoureux, tombeur de femmes ?… Ce que vos tempéraments corderont mal, ma pauvre Cady !…

Elle protesta avec agacement.

— Nègre ?… Je voudrais bien savoir pourquoi tu le qualifies de nègre ?…

— Il ne l’est pas ?… ou au moins mulâtre ?

— Quelle bêtise !… Il n’est même pas brun de visage, et je parierais qu’il a le corps aussi blanc que le tien !…

— Que veux-tu, moi, je lui ai vu des yeux luisants et des cheveux presque crépus.

Elle haussa les épaules dédaigneusement.

— Ça, c’est de la jalousie d’homme, tout simplement.

Il secoua la cendre de sa cigarette, d’un geste méthodique.

— Mon enfant, je n’ai pas besoin de te révéler mon désespoir de me voir irrémédiablement vieillir…

— Probable !… Nous deux, on n’a rien à s’apprendre.

— Eh bien, je te jure que tel que je suis, tel que, hélas ! je serai demain, je ne voudrais pas changer de peau avec Félix Argatte, malgré ses vingt-sept ou vingt-huit ans frais et solides.

— Pardi, comme c’est malin !… Quel diable de ménage ton esprit ferait-il dans ce corps-là ?… Ce qui n’empêche que, tel qu’il est, complet au moral et au physique, c’est un garçon épatant !…

Jacques conclut tranquillement.

— Mais, ma fille, s’il t’excite à ce point, offre-le-toi… Ce n’est pas moi qui te le défendrai… Je ne suis ni ton mari, ni, à proprement parler, ton amant.

Cady eut un petit rire sardonique.

— Tiens donc, je te crois !… Ça serait une espèce de chaîne, et tu n’en peux supporter aucune.

— C’est vrai… Et, pourtant, toi, Cady, tu me tiens diablement.

— Tu ne me sacrifierais néanmoins pas une de tes manies.

— Naturellement… Je n’ai pas la prétention de t’aimer pour toi, mais pour moi. Et c’est exactement de cette façon que tu m’aimes. Du jour où cela ne te plairait plus de venir chez moi, tu me plaquerais froidement, sans ombre de pitié… et tu aurais raison, parce que, certes, moi, je ferais de même si cela m’était possible… Par malheur, il arrivera fatalement qu’un jour je ne te serai plus nécessaire, au lieu que Cady me sera toujours indispensable pour mon parfait équilibre, et que sa disparition de ma vie me sera particulièrement désagréable, même pénible, à quelque moment que cela arrive.

Elle se levait.

— Tu m’offres à déjeuner ?

— Je l’ose, parce que je sais que tu n’es pas gourmande… Un vrai menu de régime : œufs mollets, légumes verts, fruits, et c’est tout.

À table, Laumière annonça :

— Au fait, si tu restes encore une heure, tu verras un revenant.

— Qui ?

— Maurice Deber. Il m’a prévenu de sa visite. Tu te souviens ?… Celui qui est revenu du Tonkin, il y a quatre ans, pour t’épouser, juste au moment où tu te mariais… Il en est reparti du coup pour je ne sais quel Madagascar ou Sénégal…

Cady balançait la tête.

— Oui, oui, je sais… Maurice Deber, un type qui m’agaçait spécialement quand j’étais gosse… Mais qu’est-ce que tu racontes, qu’il revenait pour moi ?… Je n’ai jamais su cela… et je ne l’ai pas revu depuis… Oh ! je ne saurais pas dire de puis combien d’années… Quoique je me rappelle fort bien sa sale tête de colonial.

— Je ne l’ai revu qu’il y a quatre ans ; j’ai reçu ses confidences, il a pleuré dans mon gilet. Il t’apportait des diamants qu’il t’avait promis en partant, il paraît… Là-bas, les années avaient passé et il bâtissait toujours son gentil roman, te suivant de loin… et, à l’heure dite, prenant son petit bateau pour venir t’épouser… Pendant ce temps-là, ton père, ministre à perpétuité, excédé d’honneurs, rend sa belle âme à Dieu… Tu perds brusquement patience entre ton exécrable pintade de petite sœur et ta mère exaspérée par la chute du trône, et voilà que, à la surprise de tous, tu acceptes la proposition de Victor Renaudin, pas jeune, pas beau, de fortune quelconque, de situation simplement avouable… C’était assez idiot, entre nous, et ce n’est pas pour déchirer ton brave magistrat, mais tu aurais vraiment pu trouver mieux.

— Jacques… Pourquoi ne m’as-tu pas demandée en mariage ?

— Moi ? Tu n’y penses pas !… Il aurait probablement fallu que tu vinsses habiter chez moi… et cela, non, je n’aurais pas pu le supporter.

— Quel type !

— Laisse-moi achever l’histoire Deber.

— Eh, je m’en fiche !… D’ailleurs, elle est finie.

— Il ne tient qu’à toi qu’elle recommence… Tiens, voilà précisément l’amant qu’il te faudrait… Je te jure bien qu’il t’occuperait, et que tu n’aurais pas le loisir de t’ennuyer avec lui !… Jaloux, passionné, sentimental, bourré d’un tas de préjugés, d’idées arriérées… très sensuel avec cela, et le monsieur qui a toujours le besoin de vous prouver la moralité de n’importe lequel de ses actes…

— Quelle horreur !… Et puis, il avait de la barbe, et je ne puis admettre un homme qui a de la barbe…

— Et ton mari ?

— Oh ! bien, Victor, c’est justement mon mari, ça n’a plus la même importance.

— Tu ferais raser Deber.

— Non ! un homme qui n’a pas l’habitude d’être imberbe et qui n’a plus sa barbe, c’est comme un myope qui a perdu son lorgnon… Ah ! et puis, laisse-moi tranquille avec ton Deber !… C’est encore un vieux… J’en ai assez !…

Jacques blémit, péniblement touché, affectant de sourire.

— Mâtin tu as bien dit cela !

Elle dédaigna de se rétracter.

— Et puis après ?… C’est vrai.

— Absolument vrai.

Passant dans l’atelier, Cady ouvrit un meuble à secret et se mit à feuilleter des albums où son image, sa tête, son corps étaient mille fois reproduits avec une fidélité amoureuse et pleine de talent.

Elle remarqua avec regret :

— C’est tout de même bien dommage de n’avoir pas terminé ces études et rendu cela public… C’est le meilleur de ton œuvre, Jacques.

— Évidemment, mais cela n’était pas possible.

Elle railla :

— Ce n’est certes pas par jalousie que tu t’es abstenu de me dévoiler au monde ?

— Non, mais si je l’avais fait j’aurais passé pour un goujat, et j’aurais eu ton mari sur les bras.

Elle s’écria :

— Tu sais qu’il n’a jamais eu l’ombre d’un soupçon à propos de la baigneuse à contre-jour que tu as exposée au dernier Salon ?…

— J’en étais certain d’avance, sans quoi je n’aurais pas risqué le coup.

— Moi, j’avoue que j’avais le trac.

— Je savais qu’il était incapable de comparer un corps vivant à une peinture… et, pourtant, si je te connais bien, tu ne dois pas te priver de te promener devant lui en « Tanagra dévêtue » comme tu disais étant gosse.

— Que veux-tu, il ne sait voir que mon âme, le pauvre type… et encore, il a la veine qu’il ne l’aperçoit pas du tout comme elle est.

Laumière l’examinait dans les yeux.

— Ton âme… ton âme… Moi, qui crois bigrement la connaître, j’en arriverai peut-être un jour à n’y plus rien démêler… Elle m’a l’air de curieusement évoluer en ce moment !…

Elle bâilla.

— Eh bien, ça ne serait pas trop tôt, car je m’assomme moi-même autant que vous m’horripilez… et c’est pas petit !…

III

En suivant d’un pas de flâne, malgré le froid assez vif, l’avenue Victor-Hugo, vers la place de l’Étoile, Cady aperçut devant elle Maurice Deber, venant en sens inverse. Elle le reconnut aussitôt, et comme si elle l’eût rencontré la veille, elle lui adressa un gentil sourire, un demi-salut, et passa.

« Il n’a guère changé, pensa-t-elle. Il a toujours sa vilaine tête pointue et fiévreuse, avec des yeux de brigand calabrais. »

Ensuite, indifférente, elle l’oublia. Son esprit retomba au morne néant dans lequel elle s’enlisait depuis quelque temps.

Mais une ombre la dépassa vivement ; un chapeau s’agita devant elle ; un grand corps se courba ; une voix altérée murmura :

— Je ne me trompe pas ?… Pardon, vous êtes bien…

Pendant un instant, elle songea à feindre l’incompréhension et à filer, le laissant confondu. Puis, son caprice fit volte-face ; elle répondit en riant, dévisageant curieusement le colonial :

— Pardi, oui, je suis Cady !… C’est tout de même épatant que vous m’ayez reconnue… Il y a dix… non, douze bonnes années que vous ne m’avez vue !…

Le chapeau à la main, les traits bouleversés par l’émotion, il balbutia :

— Oh ! non, je vous ai revue, depuis…

Elle étouffa une envie de rire, se rappelant :

— Ah oui, à ma noce, derrière un pilier de l’église, comme un héros de Georges Ohnet !

Elle fit un geste pour s’éloigner ; il l’imita, éperdu de la voir le quitter.

— Vous permettez que je vous accompagne ?

— Jacques vous attend, vous savez ?… Vous n’allez pas le faire poser…

Il parut stupéfait.

— Ah ! vous savez ?

Elle fronça le sourcil. « Quel ahuri ! » Et elle dit haut, avec impatience :

— Naturellement, je sais !… Je sors de chez Laumière, j’ai déjeuné avec lui.

Deber respira avec effort.

— Ah !… Alors, M. Renaudin… votre mari… est sans doute resté chez notre ami ?…

Elle rit, le dévisageant effrontément.

— Victor ?… du tout !… Il est je ne sais où, à la poursuite d’un crime… J’étais seule chez Laumière… et nous avons bavardé de vous, d’autrefois… Il m’a donné sur vous des tuyaux que j’ignorais complètement.

Elle avait repris sa marche, d’un pas cadencé, ni lent, ni pressé, tenant son lourd manchon contre elle, au bout de ses bras allongés. Deber la suivait, l’air absorbé. Du coin de l’œil, elle observait sa mine tendue, perplexe, songeuse, complétant ses premières investigations sur la personne du colonial.

Il n’a pas trop perdu de cheveux, et, à tout prendre, malgré son air ravagé, il a l’apparence plus jeune que ses contemporains. »

Et brusquement, elle interrompit la rêverie de son compagnon.

— Si c’est cela tout ce que vous trouvez à me dire, vous ferez aussi bien de ne pas plaquer Jacques… Vous trouverez peut-être plus de confidences à lui faire qu’à moi !… Vraiment, je ne vous inspire guère !…

Deber releva la tête ; ses regards s’attachèrent longuement sur la jeune femme. Il sourit. Une expression de tendresse indicible adoucit ses traits heurtés, donna un éclat incomparable à ses yeux sombres. À part elle, surprise, Cady songea « Mais il peut être presque beau, ce sauvage, en des moments de crise ! »

Et, suivant une pensée excentrique, elle jeta, sans s’occuper de l’effet qu’elle produirait :

— Dites-moi, vous n’avez jamais assassiné ou torturé personne aux colonies ?

Le sourire de Maurice Deber s’accentua. Ses traits laissèrent voir le ravissement contre lequel il ne pouvait plus lutter. Il s’abandonna au charme invincible qui, pour lui, émanait de Cady.

Comme vous êtes restée la même ! murmura-t-il.

— Cela vous déplait, je pense, car jadis vous me trouviez rudement mal élevée !

Il dit avec vivacité.

— Vous vous souvenez ?… Oh ! dites que vous vous souvenez un peu ?… Mais vous étiez si enfant à cette époque !

Elle secoua la tête.

— Détrompez-vous, cher monsieur… J’avais alors une psychologie beaucoup plus aiguë que celle que je possède aujourd’hui… C’est à présent que je suis jeune. Quand j’avais douze ans, j’étais une vieillarde… Maintenant, au contraire, je descends la pente vers une heureuse et naïve enfance…

Il poursuivait, sans l’écouter :

— Ce sont vos traits d’autrefois, votre voix, vos façons… Naturellement, tout cela modifié… mais si complètement dans la même note que voici que votre silhouette de jadis, que je gardais si nette dans ma mémoire, s’est fondue dans votre personne d’aujourd’hui…

— Alors, tout à l’heure, en me croisant, vous m’avez reconnue immédiatement ?

— Oui, c’est-à-dire non… Pour mieux dire, je ne sais plus, mon esprit est dans un désordre !… Je m’attendais si peu à vous rencontrer ici !… Je pensais à vous, mais je vous imaginais bien loin… Alors, cela a été une brusque vision, comme une apparition de rêve… J’ai été frappé… Au premier instant, je me suis dit : « C’est elle ! » et, en réalité, je n’y croyais pas du tout… C’est à la réflexion que je me suis rendu compte qu’après tout, il n’y avait nulle impossibilité à ce que ce fût réellement vous-même.

— Et vous avez rebroussé chemin pour m’interpeller fort incorrectement.

— Excusez-moi. Je n’ai songé à rien. J’avais la tête perdue.

— Je l’ai bien vu. Donc, c’est vrai ?

Il la détaillait, ne la quittait pas des yeux. semblant ne pouvoir se rassasier d’elle.

— Qu’est-ce qui est vrai ? dit-il distraitement.

— Votre grande passion pour moi, votre déception lors de mon mariage.

Il tressaillit, contrarié.

— Oh ! Laumière a bavardė !

— C’est tout naturel… Croyez-vous qu’un ami garde jamais uniquement pour soi le secret qu’on lui a confié ? Ça n’a du reste aucune importance.

Il détourna les yeux, la voix brève :

— C’est que, précisément, pour moi cela à une importance infinie.

Elle rit doucement et dit, avec une intonation sournoisement caressante :

— Eh bien, dans ce cas… tant mieux pour vous qu’il ait parlé.

Il la regarda, incertain, et se tut. Ils étaient arrivés à la place de l’Arc-de-Triomphe. Cady s’amusait décidément. Elle entraina du geste son compagnon dans l’avenue d’Iéna.

— Marchons encore un peu… C’est drôle de barboter dans le vieux passé.

Mais il s’inquiétait pour elle :

— Vous ne craignez pas que l’on nous rencontre ? Ma présence à vos côtés pourrait surprendre…

Elle secoua les épaules avec irritation.

— Oh ! assez !… Pour une fois que quelque chose et que quelqu’un m’intéresse, je peux bien m’en payer la fantaisie !… Et puis, quoi, Victor n’est pas jaloux…

Deber cédait à l’enivrement de cette conversation inespérée.

— C’est donc vrai que Laumière vous a dit ?… Et cela ne vous a pas fâchée ?…

Elle fit une moue interrogative.

— Qu’est-ce qui pouvait me fâcher là dedans ?

Il dit avec une hésitation :

— Renaudin, dites-moi, vous l’aimez ?… vous…

Elle l’interrompit, péremptoire.

— S’il vous plaît, parlez-moi de vous seulement !… Expliquez-moi comment vous, si correct, si formaliste, vous avez pu garder si longtemps bon souvenir de la méchante gamine que j’étais ?…

Il avoua :

— Ce n’était pas un bon souvenir, loin de là !… mais un souvenir tenace, certes !… Une obsession… Le jour, la nuit, je vous voyais.

Elle rit, très amusée :

— Dites tout de suite que j’étais votre cauchemar !

Il la considéra, très sérieux :

— Presque.

— Merci !

— J’avais beau me répéter que l’enfant que vous étiez ne devait faire qu’une femme exécrable…

— Re-merci !…

— Qu’au fond, tout en vous me heurtait, me choquait ; que votre cœur, votre esprit, vos goûts de femme faite seraient forcément en opposition complète avec les miens… Je ne pouvais me libérer de la pensée persistante, grandissant tous les jours en moi, que ma destinée était précisément de vous aimer pour vous retirer du milieu où vous étiez, pour vous éduquer, vous modeler à nouveau…

Cady hochait la tête, le regard au loin, un sourire imperceptiblement ironique aux lèvres.

— Oui, oui, je vois cela… C’est pas très neuf… Un tas d’hommes nourrissent ce rêve… C’est étonnant ce qu’il y en a qui ont l’esprit pion…

— Je suis fataliste, presque superstitieux… Nombre de prédictions me concernant se sont accordées pour affirmer que je deviendrais le mari d’une femme dont les traits de caractère principaux coïncidaient avec les vôtres d’une manière frappante.

Cady se tordait.

— Ah ! si la somnambule l’a dit !… Pourtant, elle s’est fichue dedans ; vous n’êtes pas devenu mon mari, que je sache !…

Oubliant toute correction, Deber saisit le bras de la jeune femme presque violemment.

— Notre vie n’est pas achevée !… Qui sait ce que l’avenir nous réserve !…

Elle recula.

— Oh ! oh ! nous ne sommes pas dans les forêts vierges !… En paroles, tout ce que vous voudrez… Modérez vos gestes, s’il vous plaît !

Il rentrait en lui-même, confus.

— Pardon ! fit-il avec humilité. J’ai honte de moi…

Elle reprit, voulant obtenir sa confession complète :

— Sérieusement, vous avez songé à m’épouser ?

— On ne peut plus sérieusement. Des amis restés à Paris, qui m’écrivaient, me parlaient de vous, de votre famille. Je savais qu’aucun mariage n’était projeté pour vous, et j’avais décidé que je reviendrais vous demander le jour où vous auriez vingt ans… En somme, j’étais un parti sortable… J’ai de la fortune et j’avais raison de croire que mon âge n’était pas un obstacle insurmontable, puisque votre mari compte un an de plus que moi…

— Très joli de calculer ; seulement, voilà comment on réussit… Exactement deux mois avant d’avoir atteint mes vingt ans, je me fiançais à mon mari…

Il ajouta avec amertume :

— De sorte qu’au débarqué, à Marseille, je recevais la nouvelle… Votre mariage était fixé à quinze jours de là.

— Ça vous a donné un coup !…

— Ne raillez pas… j’ai souffert.

— Baste ! blessure d’amour-propre… colère d’avoir bâti inutilement un tas de projets qui s’écroulaient.

Il détourna la tête :

— Si vous voulez… Mais, quelle que soit la cause d’un écroulement dans une vie, c’est toujours un bouleversement irréparable.

Cady réfléchissait.

— Pourquoi ne m’avez-vous rien dit alors ?… En somme, je n’étais pas encore mariée.

Il se récria :

— Moi ? courir volontairement au devant d’une mortification, d’une insulte ?… Étaler devant vous ma déconvenue, mon chagrin !… et cela, tandis que vous auriez ri de moi !…

Elle jeta promptement, avec une netteté pleine de sous-entendus :

— Et si je n’avais pas ri ?…

Il demeura muet, déconcerté. Un silence régna. Ils arpentaient le rond-point du Trocadéro, tout à fait indifférents du lieu où ils se trouvaient. L’éclat du soleil s’était terni, des nuées sombres commençaient à envahir le ciel, préparant la nuit.

Enfin, Deber reprit avec émotion, dépit et sourde rancune :

— Comme vous voudriez me voir marcher !… Reprendre un espoir, m’élancer dans le chemin que vous m’indiquez perfidement !… vous donner le spectacle réjouissant de ma sottise, de ma faiblesse… pour vous moquer de moi, ensuite, tout votre saoul, dans les bras de… votre mari, sans doute !…

Elle releva vivement l’hésitation voulue et impertinente qui avait souligné la fin de sa phrase.

— Non, mais dites tout de suite que j’ai des amants !…

Il s’enflamma.

— Eh ! pourquoi faites-vous ce que vous pouvez pour que je le croie !… Comment osez-vous m’avouer… mieux, même, faire parade de ce tête-à-tête inouï avec Laumière ?…

Cady riait de tout son cœur.

— C’est impayable !… Ma parole, vous me faites une scène de jalousie !

Il s’arrêta, bouleversé.

— Oh ! Cady, ne vous jouez pas de moi… Je suis un sauvage, un homme qui n’a plus le pied parisien ; prenez garde à moi !…

Elle le nargua.

— Allons, je suppose qu’en pleine rue vous ne me larderez pas de coups de couteau ? Évidemment, je ne me risquerais pas en votre compagnie au coin d’un bois !

Il courba la tête, sombre, sans rien ajouter. Elle fit un geste conciliant.

— Tenez, cette solitude propice aux démonstrations dramatiques ne vous vaut rien. Il faut que je vous ramène en des lieux plus civilisés.

En même temps, elle appelait un auto-fiacre, qui les guettait de loin. Elle y grimpa, fit signe à Maurice de la suivre et jeta au chauffeur :

— Au Bellevue-Palace !

Il l’accompagnait, morne, absorbé, comme hypnotisé, insensible à ce qui l’entourait, l’esprit bien loin des gestes qu’il accomplissait.

Ils s’installèrent à une petite table dans le vaste hall où l’on prenait le thé ; bondé de femmes élégantes aux toilettes et aux chapeaux extravagants, dévorées des yeux par d’autres femmes plus effacées, petites bourgeoises ou couturières, qui venaient surprendre en ce lieu les modes nouvelles.

La musique quelconque des tziganes sertissait plutôt qu’elle ne dominait le bruit insaisissable et bourdonnant d’une foule qui cause, même en chuchotant. Tout était blanc, d’une richesse très moderne. Le plafond un peu écrasé, le genre de la décoration, la foule cosmopolite, faisaient songer à un luxueux salon de grand paquebot.

À présent, Maurice Deber, très calme, assagi, questionnait Cady d’une voix douce, écoutant religieusement ses réponses, s’efforçant de reconstituer ces douze années de son absence, pendant lesquelles l’enfant troublante de jadis était devenue la femme d’aujourd’hui.

— Alors, après le drame mystérieux dans lequel votre première gouvernante a été assassinée, vous avez eu auprès de vous une personne nouvelle[1] ?

Cady fit un geste et une grimace de dégoût.

— Oh ! une femme de mérite, sans contredit !… À vous donner à jamais l’horreur de la vertu et des monstres de pédantisme qu’elle produit !… Elle a manqué me rendre folle…

— En tous cas, vous avez été gravement malade, je l’ai appris.

— Une scarlatine suivie d’interminables bronchites. Bénies soient-elles, puisqu’elles m’ont enfin délivrée de la Femme-accomplie !… Un certain automne, je n’en menais pas large… Le docteur Trajan a parlé énergiquement et on m’a envoyée au vert, tout bonnement dans une ferme de Provence, chez de braves gens qui étaient les père et mère nourriciers de je ne sais plus qui de notre entourage.

— Et là, vous avez continué a faire tourner la tête de tous ceux qui vous approchaient ?

— Ah ! Dieu non, j’étais trop aplatie. J’avais le crâne vide, les membres en coton… Je m’asseyais en pleins champs, je fermais les yeux, je m’anéantissais dans la bonne chaleur qui me donnait le vertige… Je n’ai eu qu’une aventure… Un jour, en voulant cueillir un fruit, je suis tombée au pied de l’arbre… Oh ! pas de bien haut, mais, néanmoins, je me suis évanouie… et réveillée dans les bras d’un grand garçon brun qui sentait le bouc et l’olive trop mûre, qui me serrait très fort et me mangeait des yeux…

— Délicieux !

— Cela avait son charme dans le cadre de là-bas. Certainement ici, ce ne serait plus ça…

— Et la suite ?…

— Il n’y en a pas eu… Mon berger a voulu absolument me rapporter jusqu’à la ferme, toujours en me tenant serrée contre sa poitrine… J’étais très bien… Je devais le revoir au détour du sentier grimpant à la montagne où il conduisait ses chèvres… Puis, le lendemain, j’avais la fièvre, et plus tard je ne me suis plus souciée de lui.

Maurice soupira.

— Ah ! si toutes vos aventures n’avaient eu que ce dénouement-là !…

Elle répliqua tranquillement :

— Soyez bien persuadé que je ne vous conterai que celles qui sont analogues… Versez le thé, voulez-vous ?… Cette théière a un bec qui ne m’inspire aucune confiance, et je préfère que ce soit vous qui fassiez du gâchis…

Il obéit, sans abandonner son questionnaire.

— Et ensuite ?

— Chez moi, on avait soupé des institutrices. Dans le fond, la Femme-parfaite crispait mes parents autant que moi. On décréta que j’étais assez grande pour qu’on me sorte… En réalité on trouvait que j’étais bonne pour accompagner ma sœur Jeanne… J’ai suivi des cours où j’étais la répétitrice de ma sœur, j’ai avalé des concerts, des conférences, des ventes de charité, des matinées, des soirées, des garden-parties, des inaugurations, des séances de Sorbonne, de cliniques… Que voulez-vous que je vous dise de plus ?… J’ai été, des années durant, la fille du ministre dans toute sa plate horreur…

— Et les flirts… absents ?

— Non, naturellement… à foison, par tas, par charretées ; mais tout cela si banal, si insignifiant, si pareil, si écœurant ! Passons sur cette période néfaste !… Vous avez su comment mon père est mort ?

Deber baissa la voix, discrètement.

— Oui… la version officielle et la triste réalité… J’y fais allusion parce que je sais que vous n’aviez aucune illusion sur la conduite privée de M. Cyprien Darquet… Ses excès devaient fatalement avoir une fâcheuse issue.

Cady refusa du geste les pâtisseries que lui présentait un garçon en habit noir.

— Passons, passons… Oui, mon affection pour papa avait reçu bien des chocs. Néanmoins lui seul rendait ma vie supportable à la maison. Lui parti, cela devint intolérable. J’ai eu — cela va vous étonner ? des crises de désespoir inouï à cette époque… J’ai pleuré pis que dix petits veaux. C’est un de ces jours d’attendrissement que Victor s’est présenté… Auparavant, ni lui ni moi n’avions songé qu’une union fût possible entre nous ; et, subitement, il nous a paru à tous deux que c’était la solution unique et géniale… Après cette découverte, ça n’a pas traîné.

— Votre mère n’a pas fait d’objections ?

— Elle ?… Elle était bien trop enchantée de se débarrasser de moi !… D’autant plus qu’à ma majorité j’aurais pu lui faire certaines réclamations qu’elle était persuadée d’éluder facilement lorsqu’elle aurait affaire au désintéressement et à l’esprit de conciliation de Victor.

— Vous voulez parler de la succession Le Moël ?

— Justement… Comme tout le monde, vous n’ignorez pas que cette vieille fripouille de sénateur était le véritable auteur des jours de mon père ?… À sa mort, qui précéda celle de papa de seulement dix jours, il lui légua toute sa fortune très cossue vous savez…

— Quatre millions, on m’a dit.

— À peu de chose près. Il avait naturellement l’idée que cela reviendrait directement à ses petites-filles, car il détestait maman… Seulement, père avait fait à son insu une donation à ma mère… Si bien qu’elle a raflé non seulement ce qui revenait de la fortune personnelle de papa — peu de chose — mais encore le gros sac du père Le Moël… Notez que par elle-même elle est très riche et qu’elle m’a donné en tout et pour tout cent mille francs de dot… la mouise !…

— Ce n’est pas d’une mère tendre, mais elle était dans son droit.

— Possible… Cependant, si j’avais voulu ma part, je n’avais qu’à prononcer certains mots pour faire baisser pavillon à ma chère mère.

— C’est Renaudin qui vous en a empêchée ?

— Oui… et puis au fond je me fiche de tout cela… Je n’ai pas de grands besoins de luxe, je suis trop paresseuse pour cela… Quand j’ai envie de quelque chose, du reste, je le demande, on me le donne toujours.

Deber jeta avec vivacité :

— Votre mari, je suppose…

Elle le nargua :

— Lui ou « mes amants » !

Il fit un geste d’incrédulité.

— Si c’était vrai, vous ne vous en vanteriez pas.

— Vous croyez cela ?… Parions que si je vous demandais de l’argent vous m’en donneriez et que je le prendrais… et qu’en somme, vous n’en penseriez pas plus mal de moi…

En riant, il fit mine de tirer son portefeuille.

— Combien voulez-vous ?

Elle répondit gravement :

— Deux cents francs, ça me suffit pour l’instant.

— Ma foi, vous tombez bien, j’ai là justement trois billets…

Elle tendit la main avec aplomb.

— J’ai dit deux, mais trois c’est mieux.

Il lui glissa en riant les trois billets adroitement chiffonnés.

— Voilà.

Elle les mit dans son manchon.

— Vous croyez que je plaisante ?… Pas du tout, je les garderai.

Il demeura interdit. Un long silence tomba entre eux. Les musiciens jouaient une valse lente. Cady grignotait un cake, buvait son thé, l’air innocent. Enfin Maurice releva ses yeux troublés et dit, la voix basse, étouffée :

— Eh bien, malgré tout ce que vous inventez pour me persuader que vous êtes une cynique, une éhontée, je crois en vous… Je vous aime… Oui, je vous aime de toute mon âme !… Vous pouvez garder cet argent, Cady, tout ce que j’ai vous appartient… Je vous remercie même de cette preuve que vous me donnez que vous acceptez un lien entre nous… justement très fort parce qu’il est infime, bas, inavouable.

Elle lui lança un coup d’œil narquois, murmurant :

— Quand je l’avais dit !

Il s’était levé.

— Adieu.

— Vous partez ?

— Oui, j’ai affaire… ou plutôt, non, je ne veux pas vous mentir… rien ne m’appelle… rien ne pourrait m’arracher de vous… mais j’ai le désir d’être seul, de ne plus vous voir, ni vous entendre… Vous m’affolez. Cette rencontre, tout ce que vous m’avez dit…

Elle conclut gaminement :

— Vous n’y êtes plus !… Je comprends cela jusqu’à un certain point, quand on arrive de Tananarive !… Eh bien, allez… mais, quand vous reverrai-je ?

— Bientôt… je vous écrirai.

— Pas de ça !… Victor ouvre toutes mes lettres !… Tenez, venez plutôt demain chez ma cousine Marie-Annette… Mme Granier de Montaux… 6, rue Boccador… C’est son jour, i’y serai à cinq heures.

— Mais, je ne la connais pas.

— Vous étiez autrefois en relations avec ma tante ?

— En effet.

— Cela suffit amplement… Marie-Annette est une bonne fille, elle sera enchantée de faire votre connaissance… D’ailleurs, je la préviendrai que votre visite est pour moi… Ensuite vous viendrez dîner un de ces jours à la maison, Victor vous invitera.

Deber serra avec une sorte d’angoisse la main qu’elle lui tendait.

— Cady… tout ceci m’est pénible.

Elle lui jeta un regard candide.

— Quelles mauvaises pensées avez-vous, mon ami ?… je ne vous comprends pas…

Une subite colère fonça le teint olivâtre du colonial. Il réprima un geste violent, salua, baissa la tête et s’esquiva aussi rapidement que l’encombrement du hall le lui permit.


IV

Peu après le départ de Maurice Deber, Cady quitta elle aussi le Bellevue-Palace.

Elle était redevenue morne, sa distraction d’un instant envolée. L’air vif des Champs-Élysées envahis par la nuit la fit frissonner, ramener son étole devant son visage et son manchon sur sa poitrine.

Pourtant, la buée lumineuse emplissant la grande voie, le quasi-solitude des larges trottoirs la tentèrent. Elle décida de rentrer à pied.

Dans sa pensée lasse, comme endolorie, passaient les silhouettes de Victor, de Jacques, de Deber, et aussi celle, plus lointaine, du beau Paul de Montaux… Combien ils l’excédaient !… Combien elle se sentait étrangère à ces hommes, indifférente à leurs peines, leurs désirs, leurs jalousies, leur égoïsme !… Dans quel isolement, dans quel vide elle était condamnée à vivre !…

Elle hâtait le pas dans l’avenue descendante, dérobant son visage à la curiosité des hommes qui, assez rares, remontaient vers leurs logis. Elle était bercée, attirée par le ronflement des autos qui parcouraient la chaussée à toute allure dans l’éblouissement de leurs phares qui entrecroisaient brusquement leurs rayons, se séparaient et disparaissaient.

— Si je traversais inopinément, pensait-elle, ce serait vite fait… en bouillie, Cady !

Et l’idée du subit anéantissement lui était d’une infinie douceur.

Pourtant elle continuait sa marche, arrivait à la place de la Concorde, s’engageait sous les arcades de Rivoli, où, à cette heure, les thés mettaient un certain mouvement élégant.

Elle ralentit le pas, fatiguée par sa longue course, et tourna machinalement la tête vers les devantures d’un magasin abondamment illuminé.

À sa droite, la silhouette soudain saisie d’un jeune homme qui la dépassait en la regardant, exposant, lui aussi, durant un instant, son visage à la vive lumière, mit en elle un sourd et singulier émoi.

Elle poursuivit sa route sans pouvoir exactement démêler ce qui s’agitait en elle. Dix pas plus loin, dans la pénombre, l’homme l’attendait adossé à l’un des piliers des arcades

Elle s’arrêta suffoquée, le reconnaissant !… Ou plutôt ayant l’intuition de qui il était, plus encore à cause du regard et du sourire qu’il lui jetait que par tout ce que ses traits faisaient remonter dans sa mémoire.

Ses lèvres prononcèrent presque muettement un nom éteint en elle depuis des années.

— Georges !…

Et raidie, tremblante, sans réfléchir à ce qu’elle faisait, elle s’éloigna, le perdit de vue. Ainsi que dans un rêve, il s’était soudain évanoui dans l’ombre, et, sans doute, il ne lui apparaîtrait plus jamais.

Pourtant, elle ne tarda pas à entendre derrière elle un pas rapide et léger ; elle devina qu’on la rejoignait ; elle sentit qu’on la frôlait. Son nom, prononcé tout bas, intelligible pour elle seule, la cloua net, ravie au sol.

— Cady ?…

Ses mains crispées l’une dans l’autre à l’intérieur de son manchon, lentement, elle se tourna, et dévisagea le jeune homme avec avidité, découvrant en lui mille détails de la figure, de la physionomie qui, subitement, lui redevenaient familiers après avoir sombré si longtemps dans son souvenir.

— Georges ! répéta-t-elle doucement, la tête un peu penchée sur son épaule, le regard vague, s’abandonnant à la joie inattendue qui l’emplissait et la bouleversait délicieusement.

Et affluaient en elle, l’inondaient, les multiples rappels des heures d’enfance, puériles, perverses, inoubliables, qu’elle avait passées en cachette avec le petit garçon d’alors, fils d’une demi-mondaine habitant l’appartement voisin de celui de ses parents.

Georges !… Le gamin aux boucles blondes, au teint de lait, aux grands yeux candides, au naïf langage pourri d’argot, aux sens déjà éveillés, à l’esprit irrémédiablement souillé par tout ce qu’il entendait, voyait, sentait, frôlait dans la chambre et le cabinet de toilette de sa mère, au contact de la soubrette-effrontée, des amies sans pudeur… Georges ! son frère, son enfant, son petit amant si cher !… L’unique, véritable et profond amour de son adolescence précoce… Georges !… qui avait fui de son horizon pendant une nuit d’angoisse, tout auréolée de sang et d’horreur…

Elle se rappelait, frémissante, le baiser d’adieu qu’ils avaient échangé dans sa chambre, à deux pas d’un cadavre… Elle entendait la petite voix émue et résolue du garçonnet lui promettant de revenir, de la retrouver plus tard, quand ils seraient grands…

Et tout cela avait pu s’effacer de sa mémoire, disparaître durant des années ?… Non ! cela ne s’était point effacé, cela n’avait point disparu, l’empreinte était indélébile, puisqu’elle renaissait aujourd’hui, plus fraîche, plus éclatante que jamais !…

Il souriait, s’enivrant aussi à la contempler.

Il était de taille moyenne, svelte et potelé comme dans son enfance. Sa moustache blonde naissante était si légère, si pâle, qu’elle n’ajoutait rien à l’ancienne physionomie de l’enfant devenu homme… très jeune homme… Cady se rappela qu’il devait avoir seulement vingt ans.

Elle retrouvait en ces clairs yeux d’azur aux longs cils noirs-l’expression de chaude tendresse, et aussi d’inquiétude, de lâcheté qui lui était si familière autrefois. Il était vêtu élégamment, et néanmoins quelque chose d’indiciblement équivoque émanait de lui.

Instinctivement, elle souhaita pour eux deux l’ombre, la solitude ; et, comme jadis, brève, impérieuse, elle le tutoya :

— Viens !

À pas précipités, ils traversèrent la chaussée, franchirent la grille des Tuileries, et se hâtèrent de gagner la nuit des quinconces, à peine striée par la lueur de rares réverbères. Des ombres louches circulaient qu’ils ne virent point ; leurs mains se prirent ; leurs doigts s’entrelacèrent ; ils avancèrent, cherchant toujours plus de solitude et plus de nuit.

Enfin, ils s’arrêtèrent, et Georges parla, d’une voix basse et caressante ; tandis que Cady l’écoutait, goûtant une inexprimable ivresse à l’entendre.

Lui aussi la tutoyait, bien qu’avec une hésitation, une timidité.

— Depuis longtemps je remettais pour t’aborder… Oh ! ce n’est pas que d’aujourd’hui que je te suis !… Je sais ton nom, où tu demeures, mais je ne me laissais pas voir… Et puis ce soir, cela a été plus fort que moi… Et tu m’as reconnu !

Un vertige saisit Cady. Elle se serra contre lui, appuya sa tête sur l’épaule du jeune homme et tendit ses lèvres éperdument.

— Georges, mon Georges !…

Un baiser ardent les unit, lèvres contre lèvres. Elle avait jeté son manchon à terre ; de ses deux bras, elle entourait le cou de son ami qui l’étreignait sur sa poitrine…

Des minutes indicibles d’envolement, d’oubli, de folie s’écoulèrent… Page:Pert - Cady mariee.djvu/72 Page:Pert - Cady mariee.djvu/73 Page:Pert - Cady mariee.djvu/74 Page:Pert - Cady mariee.djvu/75 Page:Pert - Cady mariee.djvu/76 Page:Pert - Cady mariee.djvu/77 Page:Pert - Cady mariee.djvu/78 Page:Pert - Cady mariee.djvu/79 Page:Pert - Cady mariee.djvu/80 Page:Pert - Cady mariee.djvu/81 Page:Pert - Cady mariee.djvu/82 Page:Pert - Cady mariee.djvu/83 Page:Pert - Cady mariee.djvu/84 Page:Pert - Cady mariee.djvu/85 Page:Pert - Cady mariee.djvu/86 Page:Pert - Cady mariee.djvu/87 Page:Pert - Cady mariee.djvu/88 Page:Pert - Cady mariee.djvu/89 Page:Pert - Cady mariee.djvu/90 Page:Pert - Cady mariee.djvu/91 Page:Pert - Cady mariee.djvu/92 Page:Pert - Cady mariee.djvu/93 Page:Pert - Cady mariee.djvu/94 Page:Pert - Cady mariee.djvu/95 Page:Pert - Cady mariee.djvu/96 Page:Pert - Cady mariee.djvu/97 Page:Pert - Cady mariee.djvu/98 Page:Pert - Cady mariee.djvu/99 Page:Pert - Cady mariee.djvu/100 Page:Pert - 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On arrivait. La voiture gravissait la pente et s’arrêtait devant l’immense perron ; tandis que douze nègres, en costume oriental, se précipitaient pour ouvrir les portières. Par les embrasures de la rotonde vitrée du restaurant, on voyait l’ensemble des petites tables nappées de blanc, des fleurs, des plantes vertes, les vestes rouges des tziganes. Et, précisément, ceux-ci se mirent à jouer, au moment où, d’un geste pareil, Cady et Georges sautaient à terre et posaient le pied tout deux les premiers sur l’escalier du somptueux Printemps-Palace.

XXV

Le soir de l’inauguration du Printemps-Palace, l’affluence était énorme. Les invités de Paris ne formaient qu’un infime noyau au milieu de la multitude dense qui était accourue de tous les points de la région pour cette fête annoncée avec tapage, et autour de laquelle on avait réussi à créer de la curiosité.

Après le banquet, il y avait simultanément bal dans la grande galerie ‘des fêtes du palace, représentation dans la salle de théâtre, concert symphonique dans le parc illuminé, tziganes dans le hall du casino, séance de petits chevaux ; et, sur la mer, sorte de merveilleux cinématographe, c’étaient sans discontinuer, des passages de barques décorées et illuminées, alternant avec des feux d’artifice.

Toutes les salles étaient combles, le parc, les terrasses débordaient, et dès minuit, on soupait Page:Pert - Cady mariee.djvu/318 Page:Pert - Cady mariee.djvu/319 Page:Pert - Cady mariee.djvu/320 Page:Pert - Cady mariee.djvu/321 Page:Pert - Cady mariee.djvu/322 Page:Pert - Cady mariee.djvu/323 Page:Pert - Cady mariee.djvu/324 Page:Pert - Cady mariee.djvu/325 Page:Pert - Cady mariee.djvu/326 Page:Pert - Cady mariee.djvu/327 Page:Pert - Cady mariee.djvu/328 Page:Pert - Cady mariee.djvu/329 Page:Pert - Cady mariee.djvu/330

Il la sentit tressaillir sous sa main. Il serra plus étroitement les doigts qu’elle paraissait tentée de lui reprendre, instinctivement. Elle restait muette.

Il recommença, pressant, presque impératif :

— Dites ?… mais, dites donc ?… Ce n’est pas possible que vous l’aimiez ?…

Justement, ils passaient devant Georges. Il avait pris une chaise inoccupée, et assis de côté, le coude sur le dossier, le buste souple, il penchait la tête, montrant avec une coquetterie peut-être inconsciente la grâce de son cou blanc, presque féminin, où, sur la nuque, veloutait le blond pâle de sa chevelure. Ses cils, très longs, très noirs, étaient abaissés sur son regard.

Comme la jeune femme était redevenue fugitivement la Cady d’autrefois, lui aussi rappelait l’enfant aux boucles blondes qui, dans l’appartement solitaire de la courtisane sa mère, déjà pervers, attirait câlinement la fillette dans le grand lit…

Cady se redressa, une lueur ardente en ses yeux, et, serrant fortement, presque méchamment la main d’Argatte, elle dit, âpre et sèche :

— Si, je l’aime !… et puis, voilà !…

FIN
Le Divorce de Cady
DU MÊME AUTEUR

La Petite Cady 1 vol.

Cady Mariée 1 vol. Page:Pert - Cady mariee.djvu/335 Page:Pert - Cady mariee.djvu/336

AVANT-PROPOS

Les lecteurs n’imagineront jamais combien les lettres que certains d’entre eux écrivent aux auteurs, au sujet d’un roman qui les passionne ou les révolte, sont précieuses pour ceux-ci.

Il en est de toutes sortes, de ces lettres. Nulles ne sont négligeables pour l’écrivain profondément épris de son art. On chérit jusqu’aux plus imbéciles propos de dénigrement ou d’approbation ; on sourit avec un amusement sympathique à la petite vanité de ceux qui écrivent à l’auteur qui a la vogue fugitive, comme s’il rejaillissait sur eux quelque gloire d’être en correspondance avec cette vedette passagère dans le cinéma bousculé de la vie actuelle.

Et, à côté de pages saugrenues, ou parfois même incompréhensibles, au français obscur, embrouillé comme un bredouillement de Page:Pert - Cady mariee.djvu/338 Page:Pert - Cady mariee.djvu/339 Page:Pert - Cady mariee.djvu/340 Page:Pert - Cady mariee.djvu/341 Page:Pert - Cady mariee.djvu/342 Page:Pert - Cady mariee.djvu/343 Page:Pert - Cady mariee.djvu/344 flotte, vient des autres, et qui le pénètre à l’insu de tous, et parfois même de lui-même au moment où le phénomène se produit.

Le romancier, il me semble, pourrait en quelque sorte être comparé à l’appareil de télégraphie sans fil qui rassemble les ondes accourant de toutes parts, invisibles, inentendues de tous, et que pourtant il perçoit, coordonne et reconstruit… pensée, image fidèles de l’inconnu qui dans le lointain formidable existe, qu’il reflète sans l’avoir jamais réellement vu ni entendu.

On ne saurait donc avec justice me féliciter ni me reprocher d’avoir happé les âmes étrangères qui m’ont environnée dans la vie, impalpables, inaperçues presque de moi-même qui les ai recueillies, quelles qu’elles soient, avec une curiosité pareille et une égale sympathie.

CAMILLE PERT.

LE DIVORCE DE CADY


I

Juin était si morose, cette année-là, malgré les promesses du printemps, que sous ses pluies, ses souffles aigres, on se serait cru plutôt au début d’un hiver maussade.

C’était la troisième fois que Cady se rendait à l’appartement du passage Porsin sans rencontrer Georges, sans trouver un mot d’explication, un souvenir, la moindre trace de sa venue.

Elle n’avait pas d’inquiétude précise, mais elle éprouvait un sourd malaise, un pénible et irritant sentiment d’attente d’on ne sait quoi de funeste…

Elle sortit sur le palier, renonçant à l’espoir de voir son ami aujourd’hui encore. Les yeux baissés, sans regarder autour d’elle, elle ferma soigneusement la porte à double tour, ainsi qu’elle ne manquait ja- Page:Pert - Cady mariee.djvu/348 Page:Pert - Cady mariee.djvu/349 Page:Pert - Cady mariee.djvu/350 Page:Pert - Cady mariee.djvu/351 Page:Pert - Cady mariee.djvu/352 Page:Pert - Cady mariee.djvu/353 Page:Pert - Cady mariee.djvu/354 Page:Pert - Cady mariee.djvu/355 Page:Pert - Cady mariee.djvu/356 Page:Pert - Cady mariee.djvu/357 Page:Pert - Cady mariee.djvu/358 Page:Pert - Cady mariee.djvu/359 Page:Pert - Cady mariee.djvu/360 honteux de sa jaquette froissée, de son plastron de chemise remontant hors du gilet, de son col cassé…

Cady, toute menue et mignonne, adroitement roulée en sa jupe intacte, n’avait pas un cheveu dérangé. Elle demeura étendue, tranquille, bien rassurée. Elle connaissait assez la mentalité masculine pour être persuadée que l’attaque de Deber ne se renouvellerait plus.

En silence, hâtivement, il répara son désordre, et, revenant à pas lents, il se laissa tomber à genoux, les coudes sur cette couche qu’il n’avait pas su faire sienne, sanglotant convulsivement.

— Oh ! je voudrais être mort ! proféra-t-il d’un ton de si âpre désespoir que l’œil de Cady se fixa, curieux, sur sa silhouette prostrée et vaincue.

— Vraiment, l’homme était intéressant. Aucun Parisien ne lui avait encore donné un tel spectacle de violence et de sincérité.

Elle se souleva, ramena ses jambes sous elle, à la turque, et posa le doigt sur l’épaule de Deber, disant amicalement :

— Calmez-vous. Vous avez été brute, stuPage:Pert - Cady mariee.djvu/362 Page:Pert - Cady mariee.djvu/363 Page:Pert - Cady mariee.djvu/364 Page:Pert - Cady mariee.djvu/365 Page:Pert - Cady mariee.djvu/366 Page:Pert - Cady mariee.djvu/367 Page:Pert - Cady mariee.djvu/368 Page:Pert - Cady mariee.djvu/369 Page:Pert - Cady mariee.djvu/370 Page:Pert - Cady mariee.djvu/371 Page:Pert - Cady mariee.djvu/372 Page:Pert - Cady mariee.djvu/373 Page:Pert - Cady mariee.djvu/374 Page:Pert - Cady mariee.djvu/375 Page:Pert - Cady mariee.djvu/376 Page:Pert - Cady mariee.djvu/377 Page:Pert - Cady mariee.djvu/378 Page:Pert - Cady mariee.djvu/379 Page:Pert - Cady mariee.djvu/380 Page:Pert - Cady mariee.djvu/381 Page:Pert - Cady mariee.djvu/382 Page:Pert - Cady mariee.djvu/383 Page:Pert - Cady mariee.djvu/384 Page:Pert - Cady mariee.djvu/385 Page:Pert - Cady mariee.djvu/386 Page:Pert - Cady mariee.djvu/387 Page:Pert - Cady mariee.djvu/388 Page:Pert - Cady mariee.djvu/389 Page:Pert - Cady mariee.djvu/390 Page:Pert - Cady mariee.djvu/391 Page:Pert - Cady mariee.djvu/392 Page:Pert - Cady mariee.djvu/393 prendrai pas mon tub maintenant, j’ai trop froid…

Puis, ses lèvres ne balbutièrent plus que des mots sans suite, mal articulés…

Peu après, la voiture d’ambulance arrivait. On descendit la malade. Sur le seuil, Argatte demanda à Renaudin :

— Vous me permettrez de venir prendre de ses nouvelles ?

Le juge saisit sa main, la serra énergique- ment et prononça d’une voix ferme et grave :

— Non !… Comprenez-moi bien… Je crois à vos affirmations… Je ne vous garde aucune rancune… Je n’ai aucune suspicion contre vous… Mais, après ce qui s’est passé… pour approfondir le monde inconnu que je redoute, il faut que je sois seul avec elle… Ma porte sera rigoureusement fermée pour tout le monde…

Argatte s’inclina.

— Alors, adieu, monsieur.

Le juge sauta dans la voiture ; la portière se referma. Tout disparut dans la nuit.

Argatte soupira, pensif.

— Pauvre petite !… Après tout, elle avait peut-être raison… et le geste banal de l’agent a-t-il été cruellement intempestif !…

II

Deux jours plus tard, la fièvre de Cady avait disparu. Toute crainte de complication était écartée. Il ne lui restait qu'une extrême faiblesse, contre laquelle elle n'essayait point de lutter.

La garde - une autre que celle qui l'avait amenée - déclarait à Renaudin ne rien com prendre à sa malade, qui ne parlait pas ne se plaignait point, ne demandait rien acceptait ou refusait par signes ce qu'on lui offrait, ne dormait guère, et demeurait des heures entières sans bouger, les yeux fixes si absorbée qu'elle semblait ne rien entendr de ce qui se passait autour d'elle.

- Cependant, la température est normale. le pouls un peu faible, mais sans rien d'inquiétant. En vérité, elle n'offre aucun symptôme de maladie. Et, comme je ne lui rends Page:Pert - Cady mariee.djvu/396 Page:Pert - Cady mariee.djvu/397 Page:Pert - Cady mariee.djvu/398 Page:Pert - Cady mariee.djvu/399 Page:Pert - Cady mariee.djvu/400 Page:Pert - Cady mariee.djvu/401 Page:Pert - Cady mariee.djvu/402 Page:Pert - Cady mariee.djvu/403 Page:Pert - Cady mariee.djvu/404 Page:Pert - Cady mariee.djvu/405 Page:Pert - Cady mariee.djvu/406 Page:Pert - Cady mariee.djvu/407 Page:Pert - Cady mariee.djvu/408 Page:Pert - Cady mariee.djvu/409 Page:Pert - Cady mariee.djvu/410 Page:Pert - Cady mariee.djvu/411 Page:Pert - Cady mariee.djvu/412 Page:Pert - Cady mariee.djvu/413 Page:Pert - Cady mariee.djvu/414 Page:Pert - Cady mariee.djvu/415 Page:Pert - Cady mariee.djvu/416 Page:Pert - Cady mariee.djvu/417 Page:Pert - Cady mariee.djvu/418 Page:Pert - Cady mariee.djvu/419 Page:Pert - Cady mariee.djvu/420 Page:Pert - Cady mariee.djvu/421 Page:Pert - Cady mariee.djvu/422 Page:Pert - Cady mariee.djvu/423 Page:Pert - Cady mariee.djvu/424 Page:Pert - Cady mariee.djvu/425 Page:Pert - Cady mariee.djvu/426 Page:Pert - Cady mariee.djvu/427 Page:Pert - Cady mariee.djvu/428 même et de sa volonté — de grosses larmes se formaient au bord de ses cils, se gonflaient et coulaient sur son visage…

Il fit quelques pas. Elle tourna la tête, semblant revenir avec difficulté d’un monde inconnu.

Il l’interrogea, la voix brisée.

— Pourquoi pleures-tu, Cady ?

Elle répondit, douce et têtue :

— Pour rien,

Alors, vaincu, courbant le front, il se retira silencieusement. 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XIII

Lorsqu’ils se levèrent de table, la nuit était venue, le repas s’était éternisé, grâce à la gaieté franche, presque exubérante de Maurice et de Cady. Mlle Denise, d’abord émue, bouleversée, avait fini par se mettre à peu près à l’unisson de ses convives.

Pourtant, elle n’arrivait point à comprendre leur aisance, et elle s’étonnait de l’entrain inusité, de la bonhomie radieuse de son frère autant que de l’air jeune fille et insouciant de Cady.

Comment, entre ces personnages, pouvait-il y avoir le drame dont elle connaissait les faits essentiels, si graves, et autour duquel elle devinait tant d’autres abîmes ?…

Le voyageur était entré dans la villa une heure après l’arrivée du train, correct, Page:Pert - Cady mariee.djvu/622 Page:Pert - Cady mariee.djvu/623 Page:Pert - Cady mariee.djvu/624 Page:Pert - Cady mariee.djvu/625 Page:Pert - Cady mariee.djvu/626 Page:Pert - Cady mariee.djvu/627 Page:Pert - Cady mariee.djvu/628 Page:Pert - Cady mariee.djvu/629 Page:Pert - Cady mariee.djvu/630 Page:Pert - Cady mariee.djvu/631 Page:Pert - Cady mariee.djvu/632 Page:Pert - Cady mariee.djvu/633 sur la nuit calme et pure, fouille dans son petit sac. Elle en retira la lettre de Félix Argatte ; et une autre que l’avocat lui envoyait avec différents papiers… Une lettre qui était restée un jour sur le bureau du jeune homme, tandis que l’on emportait Cady délirante…

Et, ce soir, relisant pour la centième fois les caractères tracés par la main chérie de Georges, elle s’arrêtait à ce passage, y posait ses lèvres frémissantes.

« Ma Cady, je suis parti droit devant moi et je ne sais pas ni ce que je ferai, ni ce que je deviendrai. J’ai pensé à mourir, mais je n’ai pas pu, parce que nous sommes trop jeunes pour qu’un jour ne revienne pas où nous nous retrouverons. Déjà, nous avons été séparés, et tu vois, il y a eu du soleil pour nous.

« Garde ton diamant comme je garde le mien, et ne me chasse jamais de ta pensée. »

Une horloge, très loin, sonna minuit. Cady tressaillit, replia la lettre, la cache, et vint fermer la croisée.

Dans les ténèbres du ciel, il lui sembla que la grande ombre un peu voûtée de Maurice Deber se dessinait, la guettant…

Alors, dressée, méprisante, rancunière, elle jeta, d’un ton indicible :

— Imbécile !

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

  1. Voir l’épisode précédent : La Petite Cady.