La Renaissance du livre (p. 1-48).

I

Juin était si morose, cette année-là, malgré les promesses du printemps, que sous ses pluies, ses souffles aigres, on se serait cru plutôt au début d’un hiver maussade.

C’était la troisième fois que Cady se rendait à l’appartement du passage Porsin sans rencontrer Georges, sans trouver un mot d’explication, un souvenir, la moindre trace de sa venue.

Elle n’avait pas d’inquiétude précise, mais elle éprouvait un sourd malaise, un pénible et irritant sentiment d’attente d’on ne sait quoi de funeste…

Elle sortit sur le palier, renonçant à l’espoir de voir son ami aujourd’hui encore. Les yeux baissés, sans regarder autour d’elle, elle ferma soigneusement la porte à double tour, ainsi qu’elle ne manquait jaPage:Pert - Cady mariee.djvu/348 Page:Pert - Cady mariee.djvu/349 Page:Pert - Cady mariee.djvu/350 Page:Pert - Cady mariee.djvu/351 Page:Pert - Cady mariee.djvu/352 Page:Pert - Cady mariee.djvu/353 Page:Pert - Cady mariee.djvu/354 Page:Pert - Cady mariee.djvu/355 Page:Pert - Cady mariee.djvu/356 Page:Pert - Cady mariee.djvu/357 Page:Pert - Cady mariee.djvu/358 Page:Pert - Cady mariee.djvu/359 Page:Pert - Cady mariee.djvu/360 honteux de sa jaquette froissée, de son plastron de chemise remontant hors du gilet, de son col cassé…

Cady, toute menue et mignonne, adroitement roulée en sa jupe intacte, n’avait pas un cheveu dérangé. Elle demeura étendue, tranquille, bien rassurée. Elle connaissait assez la mentalité masculine pour être persuadée que l’attaque de Deber ne se renouvellerait plus.

En silence, hâtivement, il répara son désordre, et, revenant à pas lents, il se laissa tomber à genoux, les coudes sur cette couche qu’il n’avait pas su faire sienne, sanglotant convulsivement.

— Oh ! je voudrais être mort ! proféra-t-il d’un ton de si âpre désespoir que l’œil de Cady se fixa, curieux, sur sa silhouette prostrée et vaincue.

— Vraiment, l’homme était intéressant. Aucun Parisien ne lui avait encore donné un tel spectacle de violence et de sincérité.

Elle se souleva, ramena ses jambes sous elle, à la turque, et posa le doigt sur l’épaule de Deber, disant amicalement :

— Calmez-vous. Vous avez été brute, stuPage:Pert - Cady mariee.djvu/362 Page:Pert - Cady mariee.djvu/363 Page:Pert - Cady mariee.djvu/364 Page:Pert - Cady mariee.djvu/365 Page:Pert - Cady mariee.djvu/366 Page:Pert - Cady mariee.djvu/367 Page:Pert - Cady mariee.djvu/368 Page:Pert - Cady mariee.djvu/369 Page:Pert - Cady mariee.djvu/370 Page:Pert - Cady mariee.djvu/371 Page:Pert - Cady mariee.djvu/372 Page:Pert - Cady mariee.djvu/373 Page:Pert - Cady mariee.djvu/374 Page:Pert - Cady mariee.djvu/375 Page:Pert - Cady mariee.djvu/376 Page:Pert - Cady mariee.djvu/377 Page:Pert - Cady mariee.djvu/378 Page:Pert - Cady mariee.djvu/379 Page:Pert - Cady mariee.djvu/380 Page:Pert - Cady mariee.djvu/381 Page:Pert - Cady mariee.djvu/382 Page:Pert - Cady mariee.djvu/383 Page:Pert - Cady mariee.djvu/384 Page:Pert - Cady mariee.djvu/385 Page:Pert - Cady mariee.djvu/386 Page:Pert - Cady mariee.djvu/387 Page:Pert - Cady mariee.djvu/388 Page:Pert - Cady mariee.djvu/389 Page:Pert - Cady mariee.djvu/390 Page:Pert - Cady mariee.djvu/391 Page:Pert - Cady mariee.djvu/392 Page:Pert - Cady mariee.djvu/393 prendrai pas mon tub maintenant, j’ai trop froid…

Puis, ses lèvres ne balbutièrent plus que des mots sans suite, mal articulés…

Peu après, la voiture d’ambulance arrivait. On descendit la malade. Sur le seuil, Argatte demanda à Renaudin :

— Vous me permettrez de venir prendre de ses nouvelles ?

Le juge saisit sa main, la serra énergique- ment et prononça d’une voix ferme et grave :

— Non !… Comprenez-moi bien… Je crois à vos affirmations… Je ne vous garde aucune rancune… Je n’ai aucune suspicion contre vous… Mais, après ce qui s’est passé… pour approfondir le monde inconnu que je redoute, il faut que je sois seul avec elle… Ma porte sera rigoureusement fermée pour tout le monde…

Argatte s’inclina.

— Alors, adieu, monsieur.

Le juge sauta dans la voiture ; la portière se referma. Tout disparut dans la nuit.

Argatte soupira, pensif.

— Pauvre petite !… Après tout, elle avait peut-être raison… et le geste banal de l’agent a-t-il été cruellement intempestif !…