Le Divorce de Cady/Avant-propos

La Renaissance du livre (p. 7-16).
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AVANT-PROPOS

Les lecteurs n’imagineront jamais combien les lettres que certains d’entre eux écrivent aux auteurs, au sujet d’un roman qui les passionne ou les révolte, sont précieuses pour ceux-ci.

Il en est de toutes sortes, de ces lettres. Nulles ne sont négligeables pour l’écrivain profondément épris de son art. On chérit jusqu’aux plus imbéciles propos de dénigrement ou d’approbation ; on sourit avec un amusement sympathique à la petite vanité de ceux qui écrivent à l’auteur qui a la vogue fugitive, comme s’il rejaillissait sur eux quelque gloire d’être en correspondance avec cette vedette passagère dans le cinéma bousculé de la vie actuelle.

Et, à côté de pages saugrenues, ou parfois même incompréhensibles, au français obscur, embrouillé comme un bredouillement de Page:Pert - Cady mariee.djvu/338 Page:Pert - Cady mariee.djvu/339 Page:Pert - Cady mariee.djvu/340 Page:Pert - Cady mariee.djvu/341 Page:Pert - Cady mariee.djvu/342 Page:Pert - Cady mariee.djvu/343 Page:Pert - Cady mariee.djvu/344 flotte, vient des autres, et qui le pénètre à l’insu de tous, et parfois même de lui-même au moment où le phénomène se produit.

Le romancier, il me semble, pourrait en quelque sorte être comparé à l’appareil de télégraphie sans fil qui rassemble les ondes accourant de toutes parts, invisibles, inentendues de tous, et que pourtant il perçoit, coordonne et reconstruit… pensée, image fidèles de l’inconnu qui dans le lointain formidable existe, qu’il reflète sans l’avoir jamais réellement vu ni entendu.

On ne saurait donc avec justice me féliciter ni me reprocher d’avoir happé les âmes étrangères qui m’ont environnée dans la vie, impalpables, inaperçues presque de moi-même qui les ai recueillies, quelles qu’elles soient, avec une curiosité pareille et une égale sympathie.

CAMILLE PERT.