Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport au gros-bec

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 98-107).

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AU GROS-BEC

I.Le gros-bec de Coromandel.

L’oiseau des Indes orientales[NdÉ 1], représenté dans les planches enluminées, sous le nom de gros-bec de Coromandel, no 101, fig. 1, et auquel nous conservons cette dénomination, parce qu’il nous paraît être de la même espèce que le gros-bec d’Europe, ayant la même forme, la même grosseur, le même bec, la même longueur de queue, et n’en différant que par les couleurs, qui même sont, en général, distribuées dans le même ordre ; en sorte que cette différence de couleur peut être attribuée à l’influence du climat, et comme elle est la seule qu’il y ait entre cet oiseau de Coromandel et le gros-bec d’Europe, on peut, avec une grande vraisemblance, ne le regarder que comme une seule et même espèce, dans laquelle se trouve cette belle variété dont aucun naturaliste n’a fait mention.

II.Le gros-bec bleu.

L’oiseau d’Amérique[NdÉ 2] représenté dans les planches enluminées, no 154, sous la dénomination de gros-bec bleu d’Amérique[1], et auquel nous ne donnerons pas un nom particulier, parce que nous ne sommes pas sûrs que ce soit une espèce particulière et différente de celle d’Europe ; car cet oiseau d’Amérique est de la même grosseur et de la même taille que notre gros-bec ; il n’en diffère que par la couleur du bec, qu’il a plus rouge, et du plumage qu’il a plus bleu ; et s’il n’avait pas la queue plus longue, on ne pourrait pas douter qu’il ne fût une simple variété produite par la différence du climat. Aucun naturaliste n’a fait mention de cette variété ou espèce nouvelle, qu’il ne faut pas confondre avec l’oiseau de la Caroline, auquel Catesby a donné le même nom de gros-bec bleu.

III.Le dur-bec[2].

L’oiseau du Canada, représenté dans les planches enluminées, no 135, fig. 1, sous la dénomination de gros-bec de Canada[NdÉ 3] et auquel nous avons donné le nom de dur-bec, parce qu’il paraît avoir le bec plus dur, plus court et plus fort à proportion que les autres gros-becs : il lui fallait nécessairement un nom particulier, parce que l’espèce est certainement différente, non seulement de celle du gros-bec d’Europe, mais encore de toutes celles des gros-becs d’Amérique ou des autres climats. C’est un bel oiseau rouge de la grosseur de notre gros-bec, avec une plus longue queue, et qu’il sera toujours aisé de distinguer de tous les autres oiseaux par la seule inspection de sa figure coloriée. La femelle a seulement un peu de rougeâtre sur la tête et le croupion, et une légère teinte couleur de rose sur la partie inférieure du corps. Salerne dit[3] qu’au Canada on appelle cet oiseau bouvreuil. Ce nom n’a pas été mal appliqué, car il a peut-être plus d’affinité avec les bouvreuils qu’avec les gros-becs ; les habitants de cette partie de l’Amérique pourraient nous en instruire par une observation bien simple, c’est de remarquer si cet oiseau siffle comme le bouvreuil presque continuellement, ou s’il est presque muet comme le gros-bec.

IV.Le cardinal huppé[4].

L’oiseau des climats tempérés de l’Amérique, représenté dans les planches enluminées, no 37, sous la dénomination de gros-bec de Virginie, appelé aussi cardinal huppé[NdÉ 4], et auquel nous conserverons ce dernier nom, parce qu’il exprime en même temps deux caractères, savoir : la couleur et la huppe. Cette espèce approche assez de la précédente, c’est-à-dire de celle du dur-bec ; il est de la même grosseur et en grande partie de la même couleur ; il a le bec aussi fort, la queue de la même longueur, et il est à peu près du même climat. On pourrait donc, s’il n’avait pas une huppe, le regarder comme une variété dans cette belle espèce. Le mâle a les couleurs beaucoup plus vives que la femelle, dont le plumage n’est pas rouge, mais seulement d’un brun rougeâtre ; son bec est aussi d’un rouge bien plus pâle, mais tous deux ont la huppe. Ils peuvent la remuer à volonté et la remuent très souvent. Je placerais volontiers cet oiseau avec les bouvreuils ou avec les pinsons plutôt qu’avec les gros-becs, parce qu’il chante très bien, au lieu que les gros-becs ne chantent pas[5]. M. Salerne dit que le ramage du cardinal huppé est délicieux, que son chant ressemble à celui du rossignol, qu’on lui apprend aussi à siffler comme aux serins de Canarie, et il ajoute que cet oiseau, qu’il a observé vivant, est hardi, fort et vigoureux, qu’on le nourrissait de graines et surtout de millet, et qu’il s’apprivoise aisément.

Les quatre oiseaux étrangers que nous venons d’indiquer sont tous de la même grosseur à peu près que le gros-bec d’Europe ; mais il y a plusieurs autres espèces moyennes et plus petites que nous allons donner par ordre de grandeur et de climat, et qui, quoique toutes différentes entre elles, ne peuvent être mieux comparées qu’avec les gros-becs, et sont plutôt du genre de ces oiseaux que d’aucun autre genre auquel on voudrait les rapporter. On leur a même donné les noms de moyens gros-becs, petits gros-becs, parce qu’en effet leur bec est proportionnellement de la même forme et de la même grandeur que celui des gros-becs d’Europe.

V.Le rose-gorge.

La première de ces espèces[NdÉ 5], de moyenne grandeur, est celle qui est représentée dans les planches enluminées, no 153, fig. 2, sous la dénomination de gros-bec de la Louisiane, auquel nous donnons le nom de rose-gorge, parce qu’il est très remarquable par ce caractère, ayant la gorge d’un beau rouge-rose, et parce qu’il diffère assez de toutes les autres espèces du même genre pour qu’il doive être distingué par un nom particulier. M. Brisson a indiqué le premier cet oiseau et en a donné une assez bonne figure[6] ; mais il ne dit rien de ses habitudes naturelles : nos habitants de la Louisiane pourraient nous en instruire.

VI.Le grivelin.

La seconde espèce de ces moyens gros-becs est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 309, fig. 1, sous la dénomination de gros-bec du Brésil[NdÉ 6], auquel nous avons donné le nom de grivelin, parce qu’il a tout le dessous du corps tacheté comme le sont les grives : c’est un oiseau très joli et qui, ne ressemblant à aucun autre, mérite un nom particulier. Il paraît avoir beaucoup de rapport avec l’oiseau indiqué par Marcgrave[7] et qui s’appelle au Brésil guira-tirica. Cependant, comme la courte description qu’en donne cet auteur ne convient pas parfaitement à notre grivelin, nous ne pouvons pas prononcer sur l’identité de ces deux espèces.

Au reste, ces espèces de moyenne grandeur et les plus petites encore desquelles nous allons faire mention approchent beaucoup plus du moineau que du gros-bec, tant par la grandeur que par la forme du corps ; mais nous avons cru devoir les laisser avec les gros-becs, parce que leur bec est comme celui de ces oiseaux, beaucoup plus large à la base que n’est celui des moineaux.

VII.Le rouge-noir.

La troisième espèce de ces gros-becs de moyenne grandeur est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 309, fig. 2, sous le nom de gros-bec de Cayenne, et auquel nous donnons le nom de rouge-noir[NdÉ 7], parce qu’il a tout le corps rouge et la poitrine et le ventre noirs. Cet oiseau, qui nous est venu de Cayenne, n’a été indiqué par aucun naturaliste ; mais comme nous ne l’avons pas eu vivant, nous ne pouvons rien dire de ses habitudes naturelles. Nos habitants de la Guyane pourront nous en instruire.

VIII.Le flavert.

La quatrième espèce de ces moyens gros-becs étrangers est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 152, fig. 2, sous la dénomination de gros-bec de Cayenne, auquel nous avons donné le nom de flavert[NdÉ 8], parce qu’il est jaune et vert ; il diffère donc du précédent presque autant qu’il est possible par les couleurs ; cependant, comme il est de la même grosseur, de la même forme, tant de corps que de bec, et qu’il est aussi du même climat, on doit le regarder comme étant d’une espèce très voisine du rouge-noir, si même ce n’est pas une simple variété d’âge ou de sexe dans cette même espèce. M. Brisson a le premier indiqué cet oiseau[8].

IX.La queue en éventail.

La cinquième espèce de ces gros-becs étrangers, de moyenne grosseur, est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 380, sous cette dénomination de queue en éventail de Virginie[NdÉ 9] ; il nous est venu de cette partie de l’Amérique et n’a été indiqué par aucun auteur avant nous. La figure supérieure dans notre planche, no 380, représente probablement le mâle, et la figure inférieure représente la femelle, parce qu’elle a les couleurs moins fortes. Nous avons vu ces deux oiseaux vivants ; mais n’ayant pu les conserver, nous ne sommes pas sûrs que ce soient en effet le mâle et la femelle, et ce pourrait être une variété de l’âge. Au reste, ces oiseaux sont si remarquables par la forme de leur queue épanouie horizontalement que ce caractère seul suffit pour ne les pas confondre avec les autres du même genre.

X.Le padda ou l’oiseau de riz.

La sixième espèce de ces moyens gros-becs étrangers est l’oiseau de la Chine, décrit et dessiné par M. Edwards[9], et qu’il nous indique sous ce nom de padda ou oiseau de riz[NdÉ 10], parce que l’on appelle en chinois padda le riz qui est encore en gousse et que c’est de ces gousses de riz dont il se nourrit. Cet auteur a donné la figure de deux de ces oiseaux, et il suppose avec toute apparence de raison que celle de sa planche 41 représente le mâle, et celle de la planche 42 la femelle. Nous avons eu un mâle de cette espèce, qui est représenté dans nos planches enluminées, no 152, fig. 1. C’est un très bel oiseau, car, indépendamment de l’agrément des couleurs, son plumage est si parfaitement arrangé qu’une plume ne passe pas l’autre et qu’elles paraissent duvetées, ou plutôt couvertes partout d’une espèce de fleur comme on voit sur les prunes, ce qui leur donne un reflet très agréable. M. Edwards ajoute peu de chose à la description de cet oiseau, quoiqu’il l’ait vu vivant. Il dit seulement qu’il détruit beaucoup les plantations de riz ; que les voyageurs qui font le commerce des Indes orientales, l’appellent moineau de Java ou moineau indien ; que cela paraîtrait indiquer qu’il se trouve aussi bien dans les Indes qu’à la Chine, mais qu’il croit plutôt que dans le commerce qui se fait par les Européens entre la Chine et Java on a apporté souvent ces beaux oiseaux, et que c’est de là qu’on les a nommés moineaux de Java, moineaux indiens ; et enfin que ce qui prouve qu’ils sont naturels aux pays de la Chine, c’est qu’on en trouve la figure sur les papiers peints et sur les étoffes chinoises[10].

Les espèces dont nous allons parler sont encore plus petites que les précédentes, et par conséquent diffèrent si fort de notre gros-bec par la grosseur qu’on aurait tort de les rapporter à ce genre, si la forme du bec, la figure du corps et même l’ordre et la position des couleurs n’indiquaient pas que ces oiseaux, sans être précisément des gros-becs, appartiennent néanmoins plus à ce genre qu’à un autre.

XI.Le toucnam-courvi.

Le premier de ces petites espèces de gros-becs étrangers est le toucnam-courvi des Philippines, dont M. Brisson a donné la description[11] avec la figure du mâle, sous le nom de gros-bec des Philippines[NdÉ 11], et dont nous avons fait représenter le mâle dans nos planches enluminées, no 135, fig. 2, sous cette même dénomination, mais auquel nous conservons ici le nom qu’il porte dans son pays, parce qu’il est d’une espèce différente de toutes les autres. La femelle est de la même grosseur que le mâle, mais les couleurs ne sont pas les mêmes ; elle a la tête brune, ainsi que le dessus du cou, tandis que le mâle l’a jaune, etc. M. Brisson donne aussi la description et la figure du nid de ces oiseaux[12].

XII.L’orchef.

Le second de ces petits gros-becs étrangers est l’oiseau des Indes orientales, représenté dans les planches enluminées, no 393, fig. 2, sous la dénomination de gros-bec des Indes[NdÉ 12], et auquel nous donnons ici le nom d’orchef, parce qu’il a le dessus de la tête d’un beau jaune, et qu’étant d’une espèce différente de toutes les autres, il lui faut un nom particulier. Cette espèce est nouvelle et n’a été présentée par aucun auteur avant nous.

XIII.Le gros-bec nonette.

La troisième de ces petites espèces est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 393, fig. 3, sous la dénomination de gros-bec, appelé la nonette[NdÉ 13], et auquel nous avons donné ce nom, parce qu’il a une sorte de béguin noir sur la tête. C’est encore une espèce nouvelle, mais sur laquelle nous ne pouvons rien dire de plus, n’ayant pas même connaissance des pays où on la trouve. Cet oiseau nous a été vendu par un marchand oiseleur qui n’a pu nous en informer.

XIV.Le grisalbin.

La quatrième espèce de ces petits gros-becs étrangers, aussi nouvelle et aussi peu connue que les deux précédentes, est l’oiseau représenté dans les planches enluminées, no 393, fig. 1, sous la dénomination de gros-bec de Virginie[NdÉ 14], auquel nous donnons ici le nom de grisalbin, parce qu’il a le cou blanc, aussi bien qu’une partie de la tête, et tout le reste du corps gris ; et comme l’espèce diffère de toutes les autres, elle doit avoir un nom particulier.

XV.Le quadricolor.

Le cinquième de ces petits gros-becs étrangers est l’oiseau donné par Albin[13] sous le nom de moineau de la Chine[NdÉ 15], et ensuite par M. Brisson[14], sous celui de gros-bec de Java, représenté dans nos planches enluminées, no 101, fig. 2, sous cette même dénomination, gros-bec de Java, et auquel nous donnons ici le nom de quadricolor, qui suffira pour le distinguer de tous les autres, et qui lui convient très bien, parce que c’est un bel oiseau, peint de quatre couleurs vives également éclatantes : ayant la tête et le cou bleus, le dos, les ailes et le bout de la queue verts ; une large bande rouge en forme de sangle sous le ventre et sur le milieu de la queue ; et, enfin, le reste de la poitrine et du ventre d’un brun clair ou couleur de noisette. Nous ne savons rien de ses habitudes naturelles.

XVI.Le jacobin et le domino.

La sixième espèce de ces petits gros-becs étrangers est l’oiseau connu des curieux sous le nom de jacobin[NdÉ 16], et auquel nous conserverons ce nom distinctif et assez bien appliqué ; nous l’avons fait représenter dans nos planches enluminées, no 139, fig. 3, sous la dénomination de gros-bec de Java, dit jacobin, et nous croyons que celui de la même pl. enluminée, fig. 1, qu’on nous a donné sous le nom de gros-bec des Moluques, est de la même espèce, et probablement la femelle du premier. Nous avons vu ces oiseaux vivants, et on les nourrit comme les serins. M. Edwards en a donné la description et la figure sous le nom de gowry, pl. 40 ; et par la signification de ce mot, il présume que l’oiseau est des Indes et non pas de la Chine[15]. Nous eussions adopté ce nom gowry, qu’il porte dans son pays natal, si celui de jacobin n’eût pas déjà prévalu par l’usage. On voit dans notre même planche enluminée no 139, fig. 2, et dans la planche no 153, fig. 1, la représentation de deux autres oiseaux que les curieux appellent dominos[NdÉ 17] et qu’ils distinguent des jacobins ; ils en diffèrent en effet en ce qu’ils sont plus petits, mais on doit les considérer comme variétés dans la même espèce. Les mâles sont probablement ceux qui ont le ventre tacheté, et les femelles l’ont d’un gris blanc uniforme. On peut voir la description de ces oiseaux dans l’ouvrage de M. Brisson, depuis la page 239 jusqu’à la page 244 ; mais il n’y a pas un mot de leurs habitudes naturelles.

XVII.Le baglafecht.

C’est un oiseau d’Abyssinie[NdÉ 18] qui a beaucoup de rapport avec le toucnam-courvi ; seulement il en diffère par quelques nuances ou par quelque distribution de couleurs. La tache noire qui est des deux côtés de la tête s’élève dans le baglafecht jusque au-dessus des yeux : la marbrure jaune et brune de la partie supérieure du corps est moins marquée, et les grandes couvertures des ailes, ainsi que les pennes de ces mêmes ailes et celles de la queue, sont d’un brun verdâtre bordées de jaune. Cet oiseau a l’iris jaunâtre, et ses ailes, dans leur état de repos, vont à peu près au milieu de la queue.

Le baglafecht se rapproche encore du toucnam-courvi par les précautions industrieuses qu’il prend pour garantir ses œufs de la pluie et de tout autre danger ; mais il donne à son nid une forme différente, il le roule en spirale à peu près comme un nautile, il le suspend, comme le toucnam-courvi, à l’extrémité d’une petite branche, presque toujours au-dessus d’une eau dormante, et son ouverture est constamment tournée du côté de l’est, c’est-à-dire du côté opposé à la pluie. De cette manière, le nid est non seulement fortifié avec intelligence contre l’humidité, mais il est encore défendu contre les différentes espèces d’animaux qui cherchent les œufs du baglafecht pour s’en nourrir.

XVIII.Le gros-bec d’Abyssinie.

Je rapporte encore aux gros-becs cet oiseau d’Abyssinie[NdÉ 19], qui leur ressemble par le trait caractéristique, je veux dire par la grosseur de son bec, comme aussi par la grosseur totale de son corps. Il a l’iris rouge, le bec noir, ainsi que le dessus et les côtés de la tête, la gorge et la poitrine ; le reste du dessous du corps, les jambes et la partie supérieure du corps d’un jaune clair, mais qui prend une teinte de brun à l’endroit où il s’approche du noir de la partie antérieure, comme si dans ces endroits ces deux couleurs se fondaient en une seule ; les plumes scapulaires sont noirâtres, les couvertures des ailes brunes, bordées de gris, les pennes des ailes et de la queue brunes, bordées de jaune, et les pieds d’un gris rougeâtre.

Ce que l’histoire du gros-bec d’Abyssinie offre de plus singulier, c’est la construction de son nid et l’espèce de prévoyance qu’elle suppose dans cet oiseau, et qui lui est commune avec le toucnam-courvi et le baglafecht. La forme de ce nid est à peu près pyramidale, et l’oiseau a l’attention de le suspendre toujours au-dessus de l’eau, à l’extrémité d’une petite branche : l’ouverture est sur l’une des faces de la pyramide, ordinairement tournée à l’est ; la cavité de cette pyramide est séparée en deux par une cloison, ce qui forme, pour ainsi dire, deux chambres : la première où est l’entrée du nid, est une espèce de vestibule où l’oiseau s’introduit d’abord, ensuite il grimpe le long de la cloison intermédiaire, puis il redescend jusqu’au fond de la seconde chambre, où sont les œufs. Par l’artifice assez compliqué de cette construction, les œufs sont à couvert de la pluie de quelque côté que souffle le vent, et il faut remarquer qu’en Abyssinie la saison des pluies dure six mois ; car c’est une observation générale que les inconvénients exaltent l’industrie, à moins qu’étant excessifs, ils ne la rendent inutile et ne l’étouffent entièrement. Ici il y avait à se garantir non seulement de la pluie, mais des singes, des écureuils, des serpents, etc. L’oiseau semble avoir prévu tous ces dangers, et, par des précautions raisonnées, les avoir écartés de sa géniture. Cette espèce est nouvelle, et nous devons tout ce que nous en avons dit à M. le chevalier Bruce.

XIX.Le guifso balito[16].

Il n’est point d’espèce européenne avec laquelle cet oiseau étranger[NdÉ 20] ait plus de rapport que celle de nos gros-becs : comme eux, il fuit les lieux habités et vit retiré dans les bois solitaires : comme eux, il est assez peu sensible aux plaisirs de l’amour, puisqu’il ne connaît pas le plaisir de chanter ; comme eux enfin il ne se fait guère entendre que par les coups de bec réitérés dont il perce les noyaux pour en tirer l’amande ; mais il diffère des grocs-becs par deux traits assez marqués : premièrement, son bec est dentelé sur les bords ; en second lieu, ses pieds n’ont que trois doigts, deux en avant et un en arrière : disposition remarquable, et qui n’a lieu que dans un petit nombre d’espèces. Ces deux traits de dissemblance m’ont paru assez décisifs pour que je dusse distinguer cet oiseau par un nom particulier, et je lui ai conservé celui sous lequel il est connu dans son pays natal.

La tête, la gorge et le devant du cou sont d’un beau rouge, qui se prolonge en une bande assez étroite sous le corps, jusqu’aux couvertures inférieures de la queue ; il a tout le reste du dessous du corps, la partie supérieure du cou, le dos et la queue noirs, les couvertures supérieures des ailes brunes bordées de blanc, les pennes des ailes brunes bordées de verdâtre, et les pieds d’un rouge très obscur. Les ailes, dans leur situation de repos, ne vont qu’au milieu de la longueur de la queue.

XX.Le gros-bec tacheté du cap de Bonne-Espérance.

L’oiseau[NdÉ 21] que nous avons fait représenter sous ce nom dans nos planches enluminées, no 659, fig. 1, quoique différent de nos gros-becs d’Europe par les couleurs et la distribution des taches, nous paraît néanmoins assez voisin de cette espèce pour qu’on puisse le regarder comme une variété produite par le climat, et par cette raison nous ne lui donnons pas un nom particulier. D’ailleurs, M. Sonnerat nous a assuré très positivement que cet oiseau est le même que celui de l’article premier, représenté dans la planche 101, figure 1 ; et il observe que ce qui fait paraître ces oiseaux différents les uns des autres, c’est qu’ils changent de couleurs tous les ans.

XXI.Le grivelin à cravate.

L’oiseau[NdÉ 22] que nous avons fait représenter dans nos planches enluminées, no 659, fig. 2, sous la dénomination de gros-bec d’Angola, parce qu’il nous est venu de cette province d’Afrique, nous paraît approcher de l’espèce du grivelin ; et comme il a tout le cou et le dessous de la gorge revêtus et environnés d’une espèce de cravate blonde qui même s’étend jusqu’au-dessus du bec, nous avons cru pouvoir lui donner le nom de grivelin à cravate. Nous ne connaissons rien de ses habitudes naturelles.


Notes de Buffon
  1. M. Brisson a décrit cette espèce dans son supplément, t. VI, p. 89.
  2. Le gros-bec de Canada, Brisson, Ornithol., t. III, p. 250, avec une figure du mâle ; pl. 12, fig. 3 ; et supplément, p. 87. La grosse pivoine d’Edwards, pl. 123 le mâle, et 124 la femelle. Le loxia « lineâ alarum duplici albâ, rectricibus totis nigricantibus ». Enucleutor de Linnæus, édit. X. M. Brisson croit que cet oiseau prend ses belles couleurs rouges avec l’âge (t. VI, p. 87), et M. Linnæus dit au contraire qu’il est rouge dans le premier âge et qu’il devient jaune en vieillissant (Syst. nat., p. 171).
  3. Ornithologie, p. 272.
  4. Coccothraustes indica cristata, Aldrov., Avi., t. II, p. 647. — Rouge gros-bec ou rossignol de Virginie, Albin, t. Ier, p. 51, avec la figure du mâle, pl. 57 ; et celle de la femelle, t. III, pl. 61. — Cardinal, Catesby, Histoire naturelle de la Caroline, t. Ier, p. 38, avec une très bonne figure coloriée. — « Enucleator indicus ; Luscinia virginiana ; Coccothraustes cristata », Frisch, tab. 4, avec une bonne figure. — Gros-bec de Virginie, Brisson, t. III, p. 253.
  5. Salerne, Ornithologie, p. 255.
  6. Brisson, Ornithologie, t. III, p. 247, pl. 12, fig. 2.
  7. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 211. C’est le gros-bec du Brésil de Brisson, t. III, p. 246.
  8. Brisson, Ornithol., t. III, p. 229, avec une figure, pl. 11, fig. 3.
  9. Edwards, Hist. of Birds, pl. 41 et 42. C’est le gros-bec cendré de la Chine de Brisson t. III, p. 244.
  10. Edwards, Hist. of Birds, pl. 41 et 42.
  11. Brisson, Ornithol., t. III, p. 232, pl. 12, fig. 1, le mâle.
  12. Ces oiseaux fond leur nid d’une forme tout à fait singulière : il est composé de petites fibres de feuilles entrelacées les unes dans les autres et qui forment une espèce de petit sac dont l’ouverture est placée à un des côtés ; à cette ouverture, est adapté un long canal composé de mêmes fibres des feuilles, tourné vers le bas et dont l’ouverture est en dessous, de sorte que la vraie entrée du nid ne paraît point du tout. Ces nids sont attachés par leur partie supérieure au bout des petites branches des arbres. Brisson, Ornithologie, t. III, p. 234 et 235.
  13. Moineau de la Chine, Albin, t. II, p. 34, avec une figure de mâle, pl. 53.
  14. Le gros-bec de Java. Brisson, Ornithol., t. III, p. 237, avec une figure du mâle, pl. 13, fig. 1. La femelle, dit cet auteur, diffère du mâle en ce qu’elle a les jambes d’un marron clair et que la couleur de sa queue n’est pas aussi vive ni aussi brillante. Idem, p. 238 et 239.
  15. On l’appelle oiseau coury, parce que son prix ordinaire ne passe pas un coury, c’est-à-dire la valeur d’une de ces petites coquilles qui servent comme monnaie dans les Indes : or cette monnaie n’a point cours à la Chine.
  16. Le nom entier de cet oiseau, tel qu’il se trouve sur les figures de M. le chevalier Bruce, est guifso batito dimmo-won jerck.
Notes de l’éditeur
  1. Loxia capensis L. [Note de Wikisource : actuellement Euplectes capensis Linnæus, vulgairement euplecte à croupion jaune ; cette espèce n’appartient à la famille des Fringillidés, mais à celle des Plocéidés ; voyez la note au no XI].
  2. Pitylus grossa Cuv. [Note de Wikisource : actuellement Saltator grossus Linnæus, vulgairement saltator ardoisé ; longtemps considéré comme un Fringillidé, la position taxonomique de cet oiseau reste très incertaine, comme celle de tous les tanagras au sens large, dont ressortissent les saltators (voyez la note à l’article du grand tangara)].
  3. Corythus enucleator Cuv. [Note de Wikisource : actuellement Pinicola enucleator Linnæus, vulgairement durbec des sapins ; à l’intérieur de la famille des Fringillidés, les durbecs sont très éloignés des gros-becs, mais forment au contraire un genre frère de celui des bouvreuils].
  4. Loxia cardinalis L. [Note de Wikisource : actuellement Cardinalis cardinalis Linnæus, vulgairement cardinal rouge ; même remarque que pour le no II].
  5. Loxia ludoviciana L. [Note de Wikisource : actuellement Pheucticus ludovicianus Linnæus, vulgairement cardinal à poitrine jaune ; même remarque que pour le no II].
  6. Coccothraustes erythrocephalus Vieill. [Note de Wikisource : actuellement Amadina erythrocephala Linnæus, vulgairement amadine à tête rouge ; cette espèce n’appartient à la famille des Fringillidés, mais à la famille des Estrildidés, très proche, quoique distincte, de celle des Plocéidés citée au no I].
  7. C’est probablement le Loxia Orix, d’après Flourens. Il serait indigène de l’Afrique et non de Cayenne, comme le dit Buffon. [Note de Wikisource : Il s’agit en effet de l’actuel Euplectes orix Linnæus, vulgairement euplecte ignicolore, de la même famille que le no I.]
  8. Loxia canadensis L. [Note de Wikisource : actuellement Caryothraustes canadensis Linnæus, vulgairement cardinal flavert ; même remarque que pour le no II].
  9. Loxia flabellifera L. [Note de Wikisource : espèce douteuse].
  10. Loxia oryzivora L. [Note de Wikisource : actuellement Lonchura oryzivora Linnæus, vulgairement padda de Java, appartenant à la même famille que le no VI].
  11. Loxia philippina L. [Note de Wikisource : actuellement Ploceus philippinus Linnæus, vulgairement tisserin baya]. — D’après Cuvier, c’est un Tisserin [Note de Wikisource : Les tisserins (dont le cap-more, le carouge olive de la Louisiane, et, ici, les nos XI, XII, XVII et XVIII) appartiennent, comme les euplectes (cf. nos I et VII), à la famille des Plocéidés. Les Estrildidés (cf. ici les nos VI, X et XV) et les Viduidés (cf. les articles sur les veuves) en forment un groupe frère. Avant d’arriver aux Fringillidés, il faut passer par des familles « cousines » : dans l’ordre, Prunellidés (accenteurs), Passeridés (moineaux) et Motacillidés (pipits, sentinelles et bergeronnettes).]
  12. Loxia bengalensis L. (Coccothraustes chrysocephala Vieill.) [Note de Wikisource : actuellement Ploceus benghalensis Linnæus, vulgairement tisserin du Bengale].
  13. Loxia collaria L. [Note de Wikisource : peut-être l’actuel Sporophila collaris Boddaert, vulgairement sporophile à col fauve, mais l’identification est incertaine ; dans ce cas, il s’agirait du même oiseau que le no XXI].
  14. Loxia grisea L. (Coccothraustes grisea Vieill.) [Note de Wikisource : actuellement Sporophila intermedia Cabanis, vulgairement sporophile intermédiaire ; même remarque que pour le no II].
  15. Emberiza quadricolor L. (Loxia quadricolor Cuv.) [Note de Wikisource : actuellement Erythrura prasina Sparrman, vulgairement diamant quadricolor, de la même famille que les nos VI et X].
  16. Loxia malacca L. [Note de Wikisource : actuellement Lonchura malacca Linnæus, vulgairement capucin à dos marron, de la même famille que le précédent].
  17. Loxia molucca L. [Note de Wikisource : actuellement Lonchura molucca Linnæus, vulgairement capucin jacobin ; il s’agit d’une autre espèce du même genre, non d’une sous-espèce].
  18. Loxia abyssinica L. [Note de Wikisource : actuellement Ploceus cucullatus Statius Müller, sous-espèce abyssinicus Gmelin ; l’espèce est déjà décrite à l’article du cap-more].
  19. Ploceus melanocephalus Vieill. L. [Note de Wikisource : actuellement Ploceus melanocephalus Linnæus, vulgairement tisserin à tête noire].
  20. Loxia tridactyla Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Lybius guifsobalito Hermann, vulgairement Barbican guifsobalito ; cet oiseau n’est pas même un passereau, mais un pic, à rapprocher des cabézons et des toucans].
  21. D’après Vieillot, il ne s’agirait pas ici d’une espèce réelle, mais seulement d’un Gros bec de Coromandel, à plumage de mauvaise saison.
  22. C’est probablement une variété du Loxia collaria L. [Note de Wikisource : actuellement Sporophila collaris Boddaert, vulgairement sporophile à col fauve, mais l’identification est incertaine ; même remarque que pour le no II].