À travers l’Afrique/Chapitre33

Traduction par Henriette Loreau.
Librairie Hachette (p. 480-489).

CHAPITRE XXXIII


Repos et abondance. — Scorbut. — Catombéla. — De plus en plus malade. — Bons soins. — Convalescence. — Arrivée de ma caravane. — Un homme manque à l’appel. — Mauvaise conduite de Bombay. — Un Américain. — Benguéla. — Discipline peu sévère. — Loyauté peu scrupuleuse. — Jardins. — La maxilla. — Arrivée à Loanda. — Au consulat anglais. — Un ami. — Courtoisie du gouverneur. — Forteresse et prison. — Rapatriement de la caravane. — Difficultés. — Achat d’un navire. — La Frances Cameron. — Excursion à Quinesemmbo. — Ambriz. — Véritable frontière de l’Angola. — Difficulté d’avoir des cartes. — Départ de la caravane. — Départ pour l’Angleterre. — Traversée. — Arrivée à Liverpool.


Tandis que M. Cauchoix veillait à ce que mes gens fussent logés, et leur faisait donner des vivres à discrétion, j’étais conduit à une bonne chambre où je recevais des habits neufs : fort heureusement, car les miens ne tenaient plus ; ma chemise, une vieille chemise de flanelle, était si usée, qu’en l’ôtant je passai à travers.

Je pris un bain et fis ma toilette ; j’éprouvais une joie infinie à me sentir rendu à la civilisation.

Puis je reçus la visite du docteur Aguia, juge à Benguéla ; de M. Leroux, agent de mon hôte à Catombéla ; de M. Seruia, le négociant qui avait répondu à notre message ; et d’autres personnes encore.

Déjà M. Cauchoix avait pris les mesures nécessaires pour envoyer au secours de mes gens en détresse. Il s’était entendu avec le chêfé, ainsi qu’on appelle le gouverneur portugais d’un établissement de peu d’importance, avait parlé au chef indigène ; et dans la soirée, vingt hommes portant des litières, des provisions, et munis d’assez d’étoffe pour acheter un bœuf, allaient au-devant de mes exténués.

Ma bouche était de plus en plus malade ; M. Cauchoix vit immédiatement que j’avais le scorbut ; mais il assura qu’avec un bon régime je ne tarderais pas à guérir. Quant à mes compagnons, excepté Djoumah, il n’y en avait pas un qui ne fût ivre. Ils étaient excusables, assurément, d’avoir fait un excès ; mais je ne m’attendais pas à les trouver ainsi.

Dans l’après-midi, j’allai voir la ville. Elle se composait d’une douzaine de maisons appartenant à des négociants de Benguéla ; d’un fort carré, armé de vieux canons, ayant des pierres pour affûts ; d’une place qui était celle du marché ; et de petites constructions telles que des cabarets. La seule maison de pierre était celle de mon hôte ; lors d’un soulèvement des indigènes, qui avait eu lieu à une époque récente, tous les Européens s’y étaient réfugiés. Les autres bâtiments, blanchis à la chaux, étaient construits en adobes, c’est-à-dire en briques séchées au soleil.


Hôtel de la douane à Benguéla.

Bien que, pendant la visite que nous avions faite au chêfé, M. Cauchoix m’eût appliqué de l’acide carbonique, il me fut impossible de dîner. À partir de ce moment, le scorbut fit des progrès rapides ; j’avais la langue tellement enflée qu’elle se projetait au delà de mes dents, et le sang me coulait de la bouche.

Vers deux heures du matin, me voyant fort mal, M. Cauchoix me fit porter en toute hâte à Benguéla. Quand nous arrivâmes, je ne pouvais plus ni parler, ni avaler, et tout mon corps était couvert de taches de différentes nuances de pourpre, de vert, de bleu, de noir, sur un fond d’un blanc cadavéreux.

Le docteur Calasso médecin de l’hôpital, vint immédiatement. Il me fit poser des cataplasmes sur la gorge ; on m’injecta dans la bouche, toutes les dix minutes, une certaine solution, et de temps en temps on me retira de la bouche, avec des pinces, les caillots de sang qui menaçaient de m’étouffer.

Pendant deux jours et deux nuits, le docteur et mon hôte me veillèrent, ne me laissant pas seul une seconde. Au bout de quarante-huit heures, grâce au talent et à la sollicitude avec lesquels j’étais soigné, je pus avaler un peu de lait ; le mal était vaincu. S’il m’avait pris un jour plus tôt, rien n’aurait pu me sauver.

Je n’ai pas besoin de dire, après cela, avec quel chagrin j’ai appris que M. Cauchoix était mort, en revenant en Europe. Nous avions parlé de ce voyage ; il devait venir me voir en Angleterre, et je me réjouissais de pouvoir témoigner ma reconnaissance à ce Français généreux, qui m’avait secouru avec tant de bonté dans mes jours de détresse.

La convalescence marcha rapidement. Le quatrième jour, il me fut possible d’aller en maxilla faire une visite au major Brito, qui était venu me voir à chaque instant, avait logé mes compagnons et donné des ordres pour qu’on leur fournit des vivres.

Le lendemain, 11 novembre, arrivèrent ceux de mes gens qu’on avait été chercher ; je ne les retrouvais pas au complet : Ferhâne était mort.

Bombay célébra son retour à la civilisation par une orgie exceptionnelle qui lui fit injurier tout le monde, jusqu’à M. Cauchoix, au moment même où celui-ci prenait soin d’eux tous, faisait porter les malades à l’hôpital et veillait à ce que les autres fussent convenablement logés.

Parmi les employés de la maison, se trouvait un Américain fort original, qui m’amusait beaucoup et m’aidait à passer les heures toujours un peu longues d’une convalescence. Il avait été marin et avait servi à bord d’un navire anglais ; mais, ayant jugé à propos de rosser le capitaine et le contre maître, il avait été débarqué à Benguéla et mis en prison. Savoir si j’étais parti « à mes crochets » ou bien aux frais d’une compagnie excitait vivement sa curiosité. Il aurait voulu, disait-il, être du voyage, à cela près qu’il n’aimait pas la marche. Autrefois, étant patron d’une barque américaine, il avait fait le commerce de serpents recueillis en Afrique. Ce genre d’affaires lui avait tellement plu, qu’il me demanda si je pouvais lui indiquer un endroit où il y eût des serpents de grande taille ; il se mettrait immédiatement à leur recherche.

J’allai de mieux en mieux et pus voir le pays. Benguéla est, comme importance, la seconde des villes portugaises de la côte occidentale ; elle fait avec l’intérieur un trafic considérable en cire et en ivoire, et quelques-uns de ses marchands ont des pêcheries sur la côte.

Les rues sont larges, les maisons blanches, les portes et les fenêtres peintes de couleurs vives, ce qui donne à la ville un air de propreté. Au centre est un jardin public disposé avec goût, jardin bien entretenu, où la musique militaire joue tous les dimanches soirs. En fait d’édifices, il y a l’hôtel de la Douane, un très bon hôpital, la maison du gouverneur, le tribunal et une église qui n’est ouverte que pour les baptêmes et pour les enterrements ; puis un fort, grand parallélogramme qui, vu de la mer, a une tournure assez imposante, mais qui n’est défendu que par de vieux canons criblés de trous, huchés sur des affûts dont le bois est pourri, ou sur des tas de pierres qui leur permettent de montrer leurs gueules au-dessus des parapets.

La garnison compte à peu près trente hommes de race blanche — convicts pour la plupart — et deux compagnies de noirs. Selon toute apparence, la discipline n’est pas rigoureuse ; j’ai vu la sentinelle placée à la porte du gouverneur s’asseoir au milieu de la rue en fumant sa pipe, et ôter ses bottes. Je ne croyais certainement pas trouver chez ces soldats une fidélité inébranlable au drapeau qu’ils servent, mais j’étais loin de m’attendre à la proposition que me fit un officier non commissionné, officier à peau blanche, de se mettre sous mes ordres, lui et ses camarades, dans le cas où je voudrais prendre la ville, et de me céder le fort à condition que je leur donnerais de la viande trois fois par semaine au lieu d’une, que leur accordait leur gouvernement.

Tous les condamnés ne font pas partie de la troupe ; il y en a d’occupés aux travaux publics ; pour le moment, ceux-ci étaient employés à faire une chaussée dans une partie de la plaine qui s’étend de Benguéla à Catombéla, et qui est inondée pendant la saison pluvieuse.

Je reçus des habitants le plus chaleureux accueil ; le docteur Aguia, M. Ben Chimol, le docteur Calasso, m’ouvrirent leurs maisons ; ce fut à qui aurait pour moi le plus de bontés.

Il y a dans la ville de nombreux jardins, où l’on cultive avec succès les fruits et les légumes d’Europe. Le sol, terrain sableux, ne demande qu’à être arrosé pour être fertile, et partout l’eau se rencontre à moins de six pieds de profondeur. Malgré la proximité de la mer, elle n’est que légèrement saumâtre.

Quelques résidents ont des chevaux et Benguéla se vante de posséder une voiture ; mais le moyen habituel de locomotion — pas un Européen ne sort à pied pendant le jour — est la maxilla, c’est-à-dire une litière suspendue à une longue perche, à laquelle sont attachés des rideaux, et qui est portée par deux hommes. Les porteurs marchent d’un pas particulier qui évite les secousses ; c’est, en somme, un mode de transport très confortable.

Le vapeur, qui fait le service des dépêches, revint de Mossamédès, l’établissement le plus méridional de la province ; il se rendait à Loanda. C’était le Bengo de Hull, mais sous pavillon portugais, et n’ayant, dans tout l’équipage d’autre Anglais que le mécanicien en chef. Le gouverneur m’y donna le passage pour moi et pour mes hommes.

Je regrette d’avoir à dire que, depuis leur arrivée, ceux-ci avaient une assez mauvaise conduite, ce qui venait du bon marché des spiritueux. Il avait fallu les désarmer, afin d’empêcher leurs querelles d’ivrognes de dégénérer en collisions sanglantes. L’un d’eux avait tout d’abord donné à un de ses camarades plusieurs coups de sabre sur la tête, action pour laquelle je l’avais fait emprisonner dans le fort, où il était resté au pain et à l’eau pendant tout notre séjour.

Toute la ville assista à notre départ ; et la nuit étant close, un feu d’artifice fut tiré à cette occasion.

Le 21 novembre, quinze jours après mon arrivée à la côte, nous étions dans le port de Loanda. Je me demandais comment je gagnerais la plage, ne voyant que des bateaux particuliers s’approcher du navire, lorsque j’entendis un gentleman, qui venait de monter à bord, s’exprimer en anglais. Je me présentai à lui ; il m’offrit immédiatement son canot et sa maxilla. C’était à M. Warberg que je devais ces bons offices.

La porte du consulat anglais, à laquelle j’allai frapper, me fut ouverte par un petit mulâtre qui s’enfuit en me voyant, me laissant dehors, assez étonné de la réception. Mais bientôt s’ouvrit une seconde porte, et le consul apparut en personne. Il me regarda d’un air assez rude, comme se demandant quel pouvait être l’individu pâle et défait qui était devant lui.

« Je viens vous rendre compte de ma personne, lui dis-je ; j’arrive de Zanzibar. »

Ce nom le fit me regarder en face.

« À pied, » ajoutai-je.

Il recula d’un pas ; et laissant retomber ses deux mains sur mes épaules :

« Cameron ! mon Dieu ! » s’écria-t-il.

Le ton dont ces mots furent prononcés me firent sentir qu’en David Hopkins j’avais un véritable ami.

Il m’apporta des lettres qui m’attendaient là depuis dix mois, et me dit que, le matin même, il les regardait avec Carnegie, son suppléant, et exprimait la pensée que je ne viendrais jamais les prendre.

L’instant d’après j’étais établi au consulat, et je me rendais avec M. Hopkins chez le gouverneur général, l’amiral Andradé, qui me faisait un chaleureux accueil : jamais sa bonté, sa courtoisie, ne sortiront de ma mémoire. Je lui demandai si mes hommes pouvaient être logés dans quelque bâtiment public ; et par son ordre le lieutenant Mello, son aide de camp, officier de marine qui avait servi à bord d’un vaisseau de la reine d’Angleterre, voulut bien se charger de mes compagnons. Je lui en fus très reconnaissant, car j’étais encore d’une extrême faiblesse, et la moindre démarche était pour moi une grande fatigue.

Mes gens débarquèrent dans la soirée. Lorsqu’ils virent où on les conduisait, — des logements leur avaient été préparés au fort, — ils refusèrent d’aller plus loin, demandant pourquoi on les mettait en prison, quand ils m’avaient suivi d’une mer à l’autre ; car, dans l’esprit des Zanzibarites, prison et forteresse sont une même chose ; dans leur langage, les deux mots sont synonymes. Mais on leur assura qu’ils seraient libres ; et sur l’affirmation qu’on laisserait les portes ouvertes, ils acceptèrent leur gîte.

Restait maintenant à les rapatrier. Le Spiteful arriva quelques jours après ; je donnai à son commandant le capitaine, Medlycolt, une lettre pour le commodore sir W. N. W. Hewett, qu’il allait rejoindre, et que je priais de vouloir bien m’aider à faire rentrer mes compagnons à Zanzibar. Mais comme il n’était nullement certain que le commodore pût détacher un des vaisseaux de l’escadre pour me venir en aide, je cherchai un autre moyen.

MM. Pasteur et Papé, chefs de la Compagnie hollandaise de l’Afrique occidentale, et consuls de Hollande, offrirent de me prêter un vapeur qui conduirait mes gens à Sainte-Hélène, d’où ils rentreraient facilement chez eux, l’île se trouvant en communication avec le Cap et Zanzibar. Ces messieurs ne m’imposaient d’autres charges que de payer les vivres, le charbon et les droits de port ; le navire et l’équipage étaient mis gratuitement à ma disposition.

Cependant, si généreuse que fût cette offre, il me fallut la décliner. En calculant toute la dépense, je vis qu’il serait moins cher d’acheter et d’équiper un bâtiment qui ferait la traversée complète. Sur ce, je me mis en quête d’une embarcation qui pût me suffire.

On me proposa d’abord un schooner au prix de dix-sept cents livres (quarante-deux mille cinq cents francs) ; mais il fallait le radouber, l’approvisionner : c’était trop d’argent.

Peu de temps après, le San Joào d’Ulloa navire du même tonnage, fut à vendre, et le consul et moi, nous l’achetâmes pour mille livres, auxquelles s’ajoutèrent les frais d’équipement.

N’entrevoyant pas la possibilité de trouver quelqu’un qui pût lui faire doubler le Cap, j’avais résolu de conduire moi-même le San Joâo, qui maintenant s’appelait la Frances Cameron, du nom de ma mère. Je fus déchargé de cette tâche par le capitaine Alexanderson, membre de la Société de géographie de Londres, et bien connu par son exploration du bas Couenza. Il m’offrit de prendre le commandement ; c’était un marin consommé ; je n’hésitai pas à lui confier mes hommes, sachant que ceux-ci ne pouvaient pas être en meilleures mains.

Quelques difficultés s’élevaient parfois entre mon escorte et la police ; et il était amusant de voir, en pareil cas, mes hommes rapporter au consulat le bonnet ou l’épée de l’agent dont ils croyaient avoir à se plaindre. Ils pensaient, avec raison, que le propriétaire de l’objet viendrait le réclamer, ce qui le ferait connaître et leur permettrait d’exposer leurs griefs. Grâce à la bonté du gouverneur et du lieutenant Mello, rien de sérieux ne résulta de ces disputes.

L’équipement du schooner demandait quelque temps ; je profitai de ce délai pour faire un tour à Kinesemmbo avec M. Tait, négociant de Loanda, qui avait là un établissement. J’étais curieux d’avoir un aperçu de la vie des traitants en pays sauvage.

La traversée, faite dans un bateau employé d’ordinaire au transport des marchandises, fut d’autant plus désagréable que la cale n’était pas aussi propre qu’elle aurait pu l’être. Néanmoins nous arrivâmes.

Kinesemmbo est composé d’une douzaine de factoreries appartenant à différentes maisons de commerce. Situé au nord de la limite des possessions portugaises, ce comptoir n’est soumis à aucune formalité et ne paye aucun droit.

J’aurais voulu voir la roche fameuse, dite Colonne de Kinesemmbo, sur laquelle Vasco de Gama et d’autres découvreurs portugais ont, à ce que l’on dit, gravé des inscriptions. Mais il fallait que le chef m’y autorisât ; or, son fétiche ne lui permettant pas de regarder la mer, ce personnage ne pouvait pas se rendre à la côte ; je fus obligé d’aller le trouver ; et, cette démarche faite, le moment était venu de partir pour Ambriz, où arrivait le steamer qui devait nous reconduire à Loanda.

Ambriz est à une douzaine de milles au sud de Kinesemmbo, de l’autre côté d’une petite rivière que les indigènes ne permettent pas aux Portugais de franchir, mais que les Européens d’autre nation peuvent traverser librement.

Cette rivière, située par 7o 48′ de latitude australe, peut être considérée comme la véritable frontière nord de la province d’Angola. Toutefois le gouvernement anglais ne reconnaît la domination portugaise qu’au-dessus du huitième parallèle.

Ambriz a une petite garnison, une douane et quelques autres bâtiments publics.

De retour à Loanda, je trouvai mes affaires en bon train ; mais il fallait des cartes pour la direction du navire, et je ne savais où les prendre ; Mello m’avait donné toutes celles qui étaient dans les archives du gouvernement : il n’y en avait pas une seule du Mozambique.

Sur ces entrefaites arriva le Linda, un beau schooner appartenant à M. Lee, de l’Académie royale, qui retournait en Angleterre. M. Lee était allé à Zanzibar l’année précédente ; il nous donna obligeamment les cartes qui lui avaient servi dans ce voyage et qui étaient les plus nouvelles.

Le 8 février, la Frances Cameron pouvait partir ; elle mit à la voile, et quitta Loanda avec quatre hommes d’équipage, en surplus de mes Zanzibarites.

Je dois tous mes remerciements à MM. Carnegie, Newton et George Essex, non moins qu’à notre consul, pour leur bonne hospitalité et pour la très grande obligeance avec laquelle ils m’ont aidé à équiper et à pourvoir le Cameron.

Le lendemain parut le Sirius, envoyé à Loanda par le commodore, avec ordre de me prêter assistance et, au besoin, de conduire mes gens au Cap, d’où ils seraient emmenés par la malle. Mes gens étaient partis ; je n’avais rien à demander pour eux, excepté qu’on voulût bien remorquer leur schooner, si on venait à le rencontrer.

Peu de temps après, je montais à bord du Congo, commandé par le capitaine King, et se rendant à Liverpool. Le voyage fut long et fastidieux, en raison du nombre des points de relâche : près de soixante-dix.

Dans chaque endroit, nous fûmes chaleureusement accueillis. À Loango, le docteur Loesche Pechel, de l’expédition allemande, persista à venir me voir, bien que l’entreprise fût dangereuse : il chavira six fois dans le ressac avant d’y parvenir.

Au Gabon, les autorités françaises furent on ne peut plus aimables. L’amiral Ribour, commandant l’escadre de l’Atlantique du Sud, en ce moment à cette station, m’envoya prendre pour déjeuner avec lui à son bord ; et ce fut, parmi ses officiers, à qui me ferait les offres les plus gracieuses et me témoignerait le plus de bienveillance.

À Lagos, où nous passâmes trois jours, je devins l’hôte du capitaine Cameron Lee. À Cape Coast, je trouvai le capitaine Stracham, qui était là en qualité de gouverneur, et qui, entendant parler de moi, ne croyait pas que je pusse être le Cameron qu’il avait connu petit midshipman à bord du Victor-Emmanuel.

Pendant que nous étions à Sierra Leone, arriva l’Encounter ; ce fut pour moi un vrai bonheur de retrouver le capitaine Bradshaw, mon ancien capitaine du Star, à l’époque de la guerre d’Abyssinie.

Je rencontrai à Madère l’escadre de la Manche, les amiraux Beauchamp, Seymour et Phillimore, un autre de mes anciens capitaines, le commandant Fellowes, de nombreuses connaissances et de nombreux amis.

Enfin, le 2 avril, nous entrâmes dans la Mersey ; et ce fut avec le cœur plein de gratitude envers Dieu qui m’avait protégé à travers tant de périls, que je reconnus ma mère parmi ceux qui étaient venus saluer mon retour. Mon absence avait duré trois ans et quatre mois.